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quement Napoléon envoyé de Dieu; qui obligeait spécialement à aimer Napoléon, et déclarait dus à sa personne tous les sacrifices que les lois seules peuvent au besoin prescrire, au nom de la patrie, pour l'avantage ou le salut de la nation. Le divorce fut interdit à la famille impériale, et aussitôt légalisé pour Napoléon, par la majorité du sénat; en même tems que l'officialité de Paris, alors, comme aujourd'hui, sans compétence, sans existence légale, donnait au divorce, permis par le sénat, l'apparence du mariage nul, et déclaré nul pour nul

lité absolue.

81. Tout, d'ailleurs, ne répondait que trop à cette marche tortueuse et irrégulière : les ressorts du gouvernement étaient des armées d'espions, stipendiées, manoeuvrées par des chefs qui devaient s'observer les uns les autres; des délations ténébreuses, des bruits menaçans, des menaces réelles, des outrages, des prisons d'état dont la direction et la surveillance déshonoraient le ministère de la justice; des tortures clandestines en des lieux de détention, des exécutions secrètes, ou des rumeurs touchant ces exécutions, des libéralités corruptrices en monnaie d'or, en billets de banque, en diamans, en domaines de l'état, en traitemens sans fonctions, ou sans proportion avec elles; enfin, des titres honorifiques, des majorats de tout genre, des décorations rentées ou non rentées, de diverses grandeurs et de diverses formes, égale

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ment attribuécs à la faveur et au mérite, au servage et à la frivolité ou à la bassesse.

Ainsi, par degrés, la France et la plus grande partie de l'Europe furent asservies à l'orgueil, aux caprices d'un seul homme, et successivement désolées, ruinées, anéanties par des contributions illégales, des conscriptions sans limites, des guerres injustes et sans fin, des brigandages, des meurtres, des pillages continuels, des victoires sanglantes, de folles conquêtes et des revers effroyables. Ainsi fut renversé avec fracas le nouvel empire; la superbe ville de Paris capitula une première fois devant l'ennemi, et les Bourbons, dans la personne de Louis-Stanislas-Xavier, furent rappelés au trône des Français, pour les gouverner par une consti tution représentative. Ce trône avait péri des contre-coups provoqués par les opiniâtres complots des privilégiés, ses aveugles défenseurs; il a été ramené par l'homme qui semblait devoir en consommer la ruine. Renversé pour l'aristocratie privilégiée, rétabli sans elle, il ne s'appuie plus sur elle.

CHAPITRE VII.

De la constitution du 6 avril 1814.

82. AVANT la capitulation, beaucoup de personnes prévoyaient la chute de l'empereur, qui s'obstinait à rejeter une paix fâcheuse trop nécessaire, qui paraissait irréconciliable avec les puissances coalisées, et qui avait contre lui au-dedans un mécontentement universel. Le 28 mars,

sénateurs en conférence avaient fait demander à l'impératrice régente l'autorisation de s'assembler pour délibérer sur les grands intérêts de l'état; si cette princesse fût restée dans la capitale, ils eussent pu, de concert avec elle, travailler efficacement à conserver le trône à Napoléon II.

A l'exception de trois ou quatre au plus, qui avaient peut-être leur plan de restauration formé, et qui paraissent l'avoir fait exécuter, aucun des sénateurs ne s'occupait du rétablissement des Bourbons, qui ne pouvait que déplaire à l'Autriche, et qui n'était pas le vœu de ses alliés, ou du moins leur vœu connu.

Mais la régente se conforma aux ordres de son époux, qui étaient de se retirer à Orléans. On crut empêcher les assemblées du sénat, en ordonnant

au président et aux autres flexibles officiers de ce corps de quitter Paris.

Il y eut une assemblée de sénateurs, dès le 29 mars, chez le comte Lambrechts; une autre, le lendemain, au palais même du sénat, composée principalement de cette minorité qui avait voulu qui voulait, avant tout, comme l'unique moyen de bonheur national, la liberté par la monarchie constitutionnelle et représentative; ils ne s'occupaient que de cette noble pensée, à laquelle ils entendaient que tout demeurât subordonné.

83. Dans cet état de choses, l'empereur Alexandre, qui occupait la capitale des Français, pressé par M. de Talleyrand, consentit au rétablissement des Bourbons. Il parut, le 31 mars, une proclamation qui excluait Bonaparte, et qui invitait le sénat à préparer une constitution pour la nation française; en même tems, ce corps fut convoqué par M. de Talleyrand, et le 1er avril, trente sénateurs environ nommèrent un gouvernement provisoire qui fut chargé de pourvoir aux besoins administratifs, et de présenter au sénat un projet de constitution'.

84. Il convenait auparavant de prononcer la déchéance de Napoléon; elle le fut, le 3 avril, et cet acte fut signé successivement par tous les séna

1 Alexandre avait dit aux sénateurs : « Donnez à votre pays des insti» tutions fortes et libérales, convenables aux lumières du tems, et dont » la France ne peut se passer.» (Voyez procès-verbal du sénat, avril 1814, et Moniteur du même jour.) Mais depuis.....

teurs, qui vinrent tôt ou tard, par cette signature, se réunir à leurs collègues. Le même jour, 3 avril, les membres présens du corps législatif, convoqués par le gouvernement provisoire, donnèrent leur adhésion, qui fut suivie de celle des administrations et des tribunaux. Les membres du département de Paris se séparèrent de tous les corps qui adhéraient au sénat, et publièrent d'eux-mêmes un acte où ils désignaient pour monarque Louis XVIII, et lui donnaient l'odieux nom de maître; comme si la nation n'était qu'un peuple servile. Plusieurs jours auparavant, le maire de Bordeaux s'était, dans un discours public, déclaré pour Louis XVIII, et, de concert avec une société secrète, avait entraîné cette ville par ce coup d'éclat.

85. Dès le 6 avril, le gouvernement provisoire offrit à l'acceptation des sénateurs un abrégé de constitution qu'il voulait faire adopter d'urgence et dans la séance même où il fut proposé. On eut de la peine à obtenir un examen de quelques heures par une commission qui fit son rapport dans le jour.

Ce projet rétablissait la dynastie des Bourbons: les sénateurs ajoutèrent que le roi serait proclamé quand il aurait prêté, par écrit, le serment constitutionnel. Une idée aussi naturelle, aussi conforme à l'antique liberté des Français, était trop opposée à ce que des flatteurs ont nommé le mystère du pouvoir. C'était pourtant l'unique moyen d'aplanir tous les obstacles, et de prévenir toutes

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