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des fédérés, d'autres soldats de l'armée, se répandent dans les rues, criant: Vive Napoléon II ! Les uns menacent la seconde chambre par des vociférations autour de son palais; les autres, faisant cortége à Lucien Bonaparte, s'en vont en tumulte demander pour lui la régence à la porte de la chambre des pairs.

Mais un gouvernement provisoire est déjà nommé par les deux chambres ; et l'ancien dominateur de l'Europe disparaît pour la seconde fois de la scène du monde.

113. Le nouveau gouvernement, les deux chambres, arrêtent des mesures de circonstances, des mesures très-modérées, pour la défense de Paris et du territoire français.

Des ambassadeurs sont envoyés aux armées ennemies pour traiter de la paix, sous la seule réserve des limites fixées en 1814, et d'un gouvernement constitutionnel représentatif.

Deux déclarations sont délibérées par les chambres et publiées : l'une, sur l'indépendance nationale; l'autre, sur les principes constitutionnels, deux beaux monumens de courage et de patriotisme.

Une commission de la seconde chambre a trouvé le tems de préparer un projet de constitution monarchique représentative; déjà il est dans cette chambre presque totalement adopté, mais les armées étrangères sont aux portes de Paris. Les débris de l'armée française et les volontaires qui s'y

joignent, obtiennent de brillans succès: on prévoit néanmoins l'inutilité, les dangers d'une plus longue résistance. Des commissaires du gouvernement et les généraux signent avec l'ennemi une capitulation qui sera méprisée, quant à la sûreté promise aux militaires, et quant à la conservation des monumens d'art. Déjà les étrangers occupent la ville de Paris dans l'appareil le plus menaçant. Les palais des deux chambres sont interdits à leurs membres par une force armée. La chambre des députés constate cette violence. Louis XVIII a promis encore, par une proclamation, d'observer la Charte; il est rentré aux Tuileries: la seconde restauration est commencée.

CHAPITRE X.

Exécution de la Charte depuis la seconde restauration.

114. Cette minorité qui, durant vingt-six années, n'avait, comme on l'observait, rien appris et rien oublié, se montre plus passionnée qu'en 1814. Elle avait alors osé dire que la révolution n'est qu'une rebellion de vingt-cinq ans. Elle n'avait pu mettre en pratique les conséquences d'un tel principe. Cette fois, elle entreprend de punir, de châtier les Français comme des esclaves révoltés. Elle répète : « L'armée n'est qu'une troupe de rebelles décimés à Waterloo. »

Les sociétés secrètes reparaissent en activité à Paris et dans les départemens; elles arment, sous le faux titre de gardes nationales, leurs affidés prolétaires; elles désarment les propriétaires libéraux; elles aspirent hautement au bonheur suprême de l'obéissance passive. On fait crier dans certains lieux, pour un salaire : Vive la noblesse! vivent le roi et ses droits! et même : Vive la féodalité!... à bas le tiers-état et la liberté !

Des troupes armées de chouans et de Vendéens se sont rassemblées et grossies, lorsqu'elles n'étaient plus utiles au roi, précisément après la bataille de Mont-Saint-Jean, et surtout après la capitulation et la rentrée du roi dans Paris. Ces bandes irrégulières et nombreuses, commencent dans l'ouest une réaction non moins dommageable au trésor royal qu'aux habitans des campagnes. Elles entretiennent l'anarchie. D'autres bandes entreprennent, dans le midi, sous prétexte de religion et de royalisme, un long cours de persécutions sanguinaires. Elles recommencent les pillages, les démolitions de maisons, les massacres inventés, exécutés au treizième siècle et depuis, afin d'extirper l'hérésie, commandés jadis au mépris de la religion, par quelques décrets de prélats de ces tems-là, et par des ordonnances royales, malheureusement trop conformes à ces honteux décrets, qu'on a voulu depuis appeler des lois de l'église.

Un généreux député, M. d'Argenson, entreprit d'arrêter ces crimes, en les dénonçant à la

tribune. Des dénégations, des vociférations furieuses couvrirent sa voix, rendirent ses efforts presque inutiles.

115. J'ai vu, en 1815, dans les mains d'un chef principal des armées étrangères, un recueil de lettres, ou si l'on veut, de notes secrètes, à lui adressées par des nobles de Paris, pour solliciter la permanence d'une garnison étrangère de cent cinquante mille hommes. Il ne les montrait qu'en gémissant de la bassesse de leurs auteurs.

116. On obtient la reprise des négociations pour ajouter dix mille Suisses avec solde très-privilégiée, à cette garnison, déjà si onéreuse.

Vingt-neuf pairs sont déclarés, sans jugement, déchus de la pairie, comme présumés démissionnaires, pour s'être assis, pendant l'interrègne dans leurs chaises curules, et pour avoir participé à des mouvemens partagés par l'immense majorité des Français.

En même tems, l'hérédité des pairs est déclarée, la chambre des députés de 1814 est dissoute, une autre est convoquée; mais on corrige pour un moment la Charte; le nombre des députés est élevé à trois cent quatre-vingt-quinze; ils pourront être élus à l'âge de vingt-cinq ans. La révision des quatorze articles constitutionnels blâmés le plus vivement par l'opinion, et réformés dans un instant, par Bonaparte, est promise; mais cette promesse est bientôt retirée.

Sans lois et contre les lois, le ministère établit

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que les députés ne recevront aucune indemnité; dans la suite, il fera changer en loi cette disposition pernicieuse. Il est ordonné aux préfets d'introduire des légionnaires d'honneur dans les colléges électoraux; en outre, de compléter, à leur choix, ces mêmes colléges, qu'il eût fallu souffrir moins complets pour avoir des élections moins illégitimes. De nombreuses adresses au roi l'invitent de nouveau à s'attribuer le pouvoir absolu, et sollicitent des récompenses pour le petit nombre qui a voyagé à Gand; des peines contre ceux qui, dans l'absence du roi, obéissant à l'Evangile, ont reconnu le gouvernement de fait, c'est-à-dire, contre la masse nobiliaire, plébéienne et sacerdotale de la nation.

On apprend que, depuis six mois, a été prononcé le licenciement de l'armée, qui le souffre avec calme et résignation. L'armée licenciée est divisée par ordonnance en quatorze à vingt et un degrés d'inconduite ou d'impureté politiques. L'application de ces catégories s'est faite, par des commissaires, durant toute une année.

117. Les mesures sur les élections ont produit leur effet procuré par les travaux, par les soins des ministres, des préfets, des sociétés secrètes; et l'on voit installer cette chambre si bien nommée des introuvables.

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