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ment au moins tacite, et ce principe est admis de tous; mais quand est-ce que ce consentement tacite peut légitimement être supposé ? C'était là le dernier retranchement du système que l'auteur a pris à tâche de renverser. On dit: le Pape se tait, donc il consent; et en même temps on sait que le Pape est forcé de se taire et de laisser violer sa loi pour éviter de plus grands maux. L'auteur répond: tant que le Pape n'a pas la pleine liberté de réclamer, tant qu'il garde le silence par crainte de maux plus grands, on ne peut pas légitimement présumer qu'il consente. Le silence du Pontife romain ne peut alors légitimer en aucune façon la coutume opposée à la loi; précisément parce qu'on n'est pas en droit de présumer le consentement tacite. Pour qu'on puisse regarder en ce cas la coutume comme légitime, il faut, ou que le Pape le déclare expressément, ou que, redevenu libre de réclamer il continue à garder le silence. Les raisons qui établissent cette thèse nous ont paru décisives. On remarquera surtout l'argument tiré des faits, c'est-à-dire de la pratique même du Saint-Siége. Il est certain que les souverains Pontifes, par crainte de plus grands maux, ont quelquefois gardé le silence en présence de ces sortes de coutumes parfaitement connues; et lorsqu'après plus de quarante et même cent ans, on a demandé si ces coutumes étaient et avaient été légitimes, le Saint-Siége a répondu négativement; témoin, entr'autres, la réponse récente à M. Lottin, chanoine du Mans, où après un silence prudemment gardé pendant si longtemps, il est déclaré que le bréviaire et le missel du Mans ont été et sont demeurés illégitimes, au point de ne pouvoir pas satisfaire par ces formules à l'obligation de l'office divin. Témoin une réponse du même genre au cardinal évêque de Novare en 1834.

» Il est des lois qui annullent d'avance les coutumes contraires qui se formeraient dans l'avenir. Ces coutumes une fois formées, prescrivent-elles contre la loi malgré sa clause dérogatoire ? Quant à la question générale, il est permis de soutenir l'affirmative. Quant aux décrets en particulier du concile de Trente qui prononcent ainsi d'avance la nullité des coutumes à naître qui leur seraient contraires, l'auteur répond négativement. Il se fonde sur la pratique des tribunaux de Rome et du Saint-Siége. Cette pratique est telle, qu'en ce qui concerne les coutumes contraires aux décrets de Trente, on ne peut pas légitimement supposer le consentement tacite du Pape. Comment supposer que le Pape consente à ces coutumes, quand les congrégations romaines, organe officiel de sa pensée, déclarent constamment dans ces sortes de cas que ces mêmes cou

tumes sont nulles, et que les décrets du concile persévèrent dans toute leur vigueur?

» La troisième partie, l'exposé du développement historique du droit de l'Eglise le long des siècles, offrait un champ immense.

. L'auteur s'est prescrit des bornes sévères, se souvenant que ses institutions, réduites aux matières les plus indispensables, paraîtront peut-être encore trop volumineuses. Il s'est donc contenté d'un aperçu historique sur les diverses collections de décrétales et de canons qui ont paru successivement depuis les premiers siècles de l'Eglise jusqu'à nous. Nous signalerons en particulier le chapitre X relatif aux fausses décrétales, et le chapitre XI, qui traite du liber diurnus.

La guatrième partie à pour titre, de jure ecclesiæ constitutivo. Les principes constitutifs de l'Eglise scnt : 1° sa forme sociale; c'est une société proprement dite que J.-C. a établie sur terre, une société visible, distincte de toute autre, et tellement obligatoire que tous les hommes sont tenus d'en faire partie; 2° son pouvoir d'enseigner. J.-C. l'a constituée société enseignante, euntes docete : par conséquent il a établi dans son sein une autorité ayant pouvoir d'enseigner, et il a voulu que cette autorité pût obliger à croire à son enseignement, qui non crediderit condemnabitur; il a par conséquent donné à cette autorité la prérogative de l'infaillibilité; 3° pouvoir de gouverner ou de juridiction, déterminé dans la forme monarchique ; 4° pouvoir d'ordre, c'est-à-dire de produire et d'appliquer les effets surhumains des sacrements et de sanctifier ainsi tous les membres de l'Eglise pour les faire arriver au ciel.

» Or, ces principés constitutifs de l'Eglise sont en même temps ses droits fondamentaux desquels tous les autres dérivent. De ce qu'elle a été constituée par J.-C. société proprement dite, avec son gouvernement propre et distinct de tout autre, il s'en suit qu'elle a droit d'être reconnue comme telle par toutes les nations et par tous les gouvernements temporels de la terre; il s'en suit qu'elle a droit de s'incorporer comme membre les hommes de tous les âges. De ce qu'elle a été constituée société enseignante. il s'en suit qu'elle a droit de dicter la règle de la croyance, en telle sorte que tout homme soit tenu de s'y soumettre. De ce qu'elle a été constituée avec un pouvoir de gouvernement ou de jurisdiction, il suit que l'autorité établie dans l'Eglise avec ce pouvoir, à droit de faire des lois disciplinaires pour diriger tous ces membres dans le but qui lui est propre, et d'atteindre par ces lois les hommes de tous les rangs et de tous

les pays, par cela seul qu'ils sont ses membres. Enfin, de ce qu'elle a été constituée avec le pouvoir d'ordre ou de sacrements, il suit qu'elle a droit d'obliger tous les hommes à recourir à elle s'ils veulent puiser à ces fontaines de vie et arriver à l'éternelle béatitude.

» On trouvera dans cette partie du traité les questions relatives à la nature de la juridiction, comment elle est susceptible de restriction, tandis que le pouvoir d'ordre ne l'est pas; comment elle peut ètre déléguée, et les conditions diverses de la jurisdiction ordinaire et de la jurisdiction déléguée..

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Quelque rapide et incomplet que soit l'aperçu que nous venons de tracer, nos lecteurs peuvent entrevoir la gravité des questions traitées dans cet ouvrage. Quant à la forme, l'auteur a compris que rien n'est fort comme la marche didactique en usage dans les écoles. Des exposés simples et clairs, qui amènent les questions à discuter, il passe aux points à établir, les formule en autant de thèses ou de propositions séparées; les arguments qu'il met sous les yeux du lecteur à l'appui de chacune sont distinctement et clairement présentés, et il est facile à chacun de former son jugement sur la justesse de la conclusion. Nulle part on ne rencontre l'emphatique déclamation, ni les inutiles développements oratoires. Ces qualités et l'universalité de la langué latine adoptée par l'auteur, nous paraissent assurer le succès de l'ouvrage. (Correspondance de Rome).

Missions Catholiques.

LETTRES SUR L'ÉTAT DES MISSIONS

ET LES PROGRÈS DE LA RELIGION CATHOLIQUE DANS L'INDE.

CHAPITRE XL.
(Suite'.)

Telle est Naples dont à dix-huit ans de distance * j'écrivais: » Que de grandeurs, que de beautés dans vos œuvres, ô Seigneur ? Que serà donc le ciel, que sera la patrie, si dans cette création destinée à périr, si dans cet exil où chaque pas est baigné de nos larmes, vous, bonté suprême, avez répandu tant de charmes sur les œuvres de vos mains?

1 Voir le commencement au Numéro précédent ci-dessus, p. 285.

2 Je rédigeais les premières notes de mon journal, en 1852. Ce qui suit le

fut en 1850.

1

» Ici surtout, en face de cette mer si riante, en face de ce globe aux contours si gracieux, de ces montagnes, si bien découpées sur le ciel, de ces collines ornées d'une si brillante végétation, ici l'on sent plus vive et plus consolante, la vérité des paroles imitées de nos saints livres :

Les cieux instruisent la terre

A vénérer leur auteur,

Tout ce que le globe enserr

Célèbre un Dieu créateur 1.

» Comment d'après cela ne pas songer avec douleur à l'aveugle ingratitude de ceux qui s'arrêtent à la contemplation matérielle de tant de beautés, sans concevoir une seule pensée de reconnaissance et d'amour pour l'auteur de si grands biens? Et pourtant qu'ils sont nombreux, hélas! ces aveugles parmi tous ceux qui viennent chaque année, demander à ces rivages les douceurs d'une paix vantée dès les jours de l'antiquité :

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Qu'ils sont nombreux, ces ingrats, dont nous fimes partie, nous aussi, dans les tristes jours d'une jeunesse passée loin de Dieu!

» Quel spectacle s'offre, en effet, trop souvent ici aux yeux affligés de la foi ? Où va cette foule d'étrangers qui s'agite dans les rues populeuses de la ville et parcourt les sites enchanteurs du golfe? Que viennent y chercher ces hommes de plaisir, de commerce ou de science, ces malades conduits par une dernière illusion d'espérance sur une terre qui ne saurait leur rendre une santé détruite?

» Les hommes de science viennent y chercher, au milieu des débris les souvenirs du monde antique, et ils ne pensent jamais à comparer ces mémoires à celles du christianisme où ils trouveraient une claire démonstration des bienfaits apportés au monde par la venue de J.-C. Les hommes du commerce et de l'industrie, entièrement occupés des choses de la terre, s'y appliquent avec une telle ardeur qu'ils oublient, pour des biens passagers, les éternels trésors du ciel. Les hommes de plaisir y abusent audacieusement de la créature contre le créateur. Les malades enfin viennent demander pour leur corps, à ce beau ciel si plein de vie, une santé que souvent ils ne recouvrent plus ; et leur âme, ils la négligent complètement; ils ne prennent nul souci de la réveiller de la langueur de mort où elle

1 J. B. Rousseau.

2 Ovide, Métam., lib. xv, 741.

se trouve; ils la perdent dans les douleurs, comme d'autres la sacrifient dans les plaisirs 1. »>

A cette ville, du reste, demeurait attaché l'un des plus précieux souvenirs de ma vie. A peine débarqué, je m'empressai donc de me rendre, pour célébrer la sainte messe, dans l'église où je recommençai à prier, le jour où Dieu toucha si miséricordieusement mon cœur.

Le 1er août, je débarquais à Marseille; et mes premiers pas sur la terre de France furent pour monter à N. D. de la Garde, où je célébrai nos divins mystères.

...Au moment où j'y arrivai, un pensionnat de jeunes filles venait de s'y rendre. On chanta des cantiques; un prêtre parla des grandeurs de Marie, de ses gloires et de son amour, puis il donna la bénédiction du St Sacrement.

Que de bonheur remplit alors mon âme, ô Marie, ma reine et ma mère !

Le 6, j'arrivais à Paris. D'après ce qui avait été convenu dans l'Inde, je devais m'y rendre pour conférer avec les directeurs du séminaire, sur les affaires que j'avais à traiter. Je leur exposai la manière de voir Mgr de Drusipare sur la division des vicariats. Comme ce projet n'eut pas l'entière adhésion de ces messieurs, je rédigeai un second mémoire, où je me bornais à demander la subdivision du vicariat apostolique de la côte Coromandel, en trois juridictions distinctes. Je devais demander, d'après mes instructions primitives, l'érection de Pondichéry, de Mayssour et de Tanjaour en siéges titulaires. Je me bornai à indiquer les trois provinces de ce nom comme pouvant former de simples vicariats.

» Afin de montrer plus clairement la nécessité de ces mesures pour les missions de l'Inde, j'étais entré dans un examen préliminaire des grandes questions de principe. On ne crut pas utile de les exposer dans la circonstance où je me trouvais. Je me rendis encore à ce conseil, et j'eus lieu de m'en applaudir dans la suite. C'est ainsi, en effet, que sans le prévoir, j'étais conduit à développer mon premier travail dans les Eclaircissements sur le synode de Pondichery.

» Je préparai donc, pour la S. C., un simple projet de subdivision du vicariat, en n'entrant dans aucune considération préliminaire. Ce travail, je le fis au nom de Mgr de Drusipare, qui m'avait donné son blanc-seing, pour le premier mémoire. C'est ainsi que j'arrivai à Rome. !

↑ Alcune memorie d'Italia. In-12. Naples Imp. de l'Azaldo, 1850, p. 33.

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