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peut souffrir les insolens et les fâcheux : il veut que sa douceur serve de loi à toute sa famille. Sous un père si bon que Dieu, quelle douceur pouvons-nous prétendre, si nous sommes durs et inexorables? Vous voyez donc déjà, chrétiens, la liaison qu'il y a entre la miséricorde reçue et la miséricorde exercée : mais entrons plus profondément dans cette matière, et expliquons notre seconde partie.

SECOND POINT,

Je crois que vous voyez aisément que de tous les divins attributs celui que nous devons reconnoître dans un plus grand épanchement de nos cœurs,

c'est sans doute la miséricorde. C'est celui dont nous dépendons le plus : nous ne subsistons que par grâce: il faut la reconnoître en la publiant ; la publier en l'imitant: Estote misericordes, sicut et Pater vester misericors est (1): « Soyez miséricordieux comme » votre Père est miséricordieux ». Nous ayant faits à son image, il n'aime rien plus en nous que l'effort que nous faisons de nous conformer à ses divines perfections. Saint Paul aux Colossiens, après leur avoir montré la miséricorde divine dans la grâce de leur élection, conclut en ces termes : Induite vos ergo sicut electi Dei, sancti et dilecti (2) : « Re>> vêtez-vous donc, comme étant élus de Dieu, >> saints et bien-aimés, d'entrailles de miséricorde: » electi, élus, par miséricorde et par grâce: dilecti, bien-aimés, par pure bonté : sancti, saints, par la rémission gratuite de tous vos péchés : Induite vos

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ergo viscera misericordiæ : « revêtez-vous donc » d'entrailles de miséricorde ».

Pouvez-vous mieux confesser la miséricorde que vous recevez, qu'en la faisant aux autres en simplicité de cœur? Si vous êtes durs et superbes sur les misérables, il semble que vous ayez oublié votre misère propre. Si vous la faites aux autres dans un sentiment de tendresse, vous ressouvenant des grâces; c'est alors que vous honorez ces bienfaits : c'est là le sacrifice que demande sa miséricorde : Talibus hostiis promeretur (1): « c'est par de semblables hos» ties qu'on se rend Dieu favorable ». Il y a un sacrifice de destruction, c'est le sacrifice de la justice divine, en témoignage qu'elle détruit les pécheurs. Mais le propre de la miséricorde, c'est de conserver : il lui faut sacrifice conserver les pauvres pour et les misérables: voilà l'oblation qui lui plaît. Vous prétendez au royaume céleste; Dieu vous en a donné la connoissance; il vous y appelle par son évangile, il vous y conduit par sa grâce: Quid retribuam Domino (2)? « que rendrai-je au Seigneur »> ? Quelle victime lui offrirez-vous? voyez tous ces pauvres malades: offrez-lui ces victimes vivantes et raisonnables, conservées et soulagées par vos charités et par vos aumônes. Ils sont dans la fournaise de la pauvreté et de la maladie; que ne descendez-vous avec la rosée de vos aumônes? O sacrifice agréable! Viscera sanctorum requieverunt per te, frater (3): « Les cœurs >> des saints ont reçu beaucoup de soulagement de » votre bonté, mon cher frère ». A qui cela convient-il mieux, sinon aux pauvres malades? Je ne (1) Hebr. XIII. 16. (2) Ps. cxv. 3. (3) Philem. 7.

néglige pas pour cela les autres; mais je prête ma voix à ceux-ci, parce qu'ils n'en ont point. Voyez quelle est leur nécessité. Nous naissons pauvres ; Dieu a commandé à la terre de nous fournir notre nourriture: ceux qui n'ont point ce fonds, imposent un tribut à leurs mains; ils exigent d'elles ce qui est nécessaire au reste du corps: voilà le second degré de misère. Quand ce fonds leur manque par l'infirmité, mais encore y a-t-il quelque recours; la nature leur a donné une voix, des plaintes, des gémissemens; dernier refuge des pauvres affligés pour attirer le secours des autres. Ceux dont je parle n'ont pas ces moyens : ils sont contraints d'être renfermés leurs plaintes ne sont entendues que de leur pauvre famille éplorée, et de quelques-uns de leurs voisins, peut-être encore plus misérables qu'eux. Mais dans l'extrême misère, quand on a l'usage de son esprit libre, la nécessité fait trouver des inventions: le leur est accablé par la maladie, par les inquiétudes, et souvent par le désespoir. Dans une telle nécessité, puis-je leur refuser ma voix ?

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Combien de malades dans Metz! Il semble que j'entends tout autour de moi un cri de misère : ne voulez-vous pas avoir pitié ? leur voix est lasse, parce qu'elle est infirme: moins je les entends, et plus ils me percent le cœur. Mais si leur voix n'est pas assez forte, écoutez Jésus-Christ qui se joint à eux. Ingrat, déloyal, nous dit-il, tu manges et tu te reposes à ton aise ; et tu ne songes pas que je suis souffrant en telle maison, que j'ai la fièvre en cette autre, et que partout je meurs de faim, si tu ne m'assistes. Qu'attendez-vous, cruels, pour subvenir à la pauvreté de

ce misérable? Quoi! attendez-vous que les ennemis de la foi en prennent le soin pour les gagner à eux par une cruelle miséricorde ? Voulez-vous que votre dureté leur serve d'entrée? Ah! qu'un homme se fait bien entendre, quand il vient donner la vie à un désespéré. Foiblesse d'esprit dans la maladie. Vous voulez qu'ils soient secourus; favorisez donc de tout votre pouvoir cette confrérie charitable qui se consacre à leur service. Aidez ces filles charitables, dont toute la gloire est d'être les servantes des pauvres malades; victimes consacrées pour les soulager. Et ne me dites point: Les pauvres sont de mauvaise humeur, on ne peut les contenter. C'est une suite nécessaire de la pauvreté. Sont-ils de plus mauvaise humeur ceux auxquels Jésus-Christ disoit : O generatio perversa, usquequo patiar vos? adhuc huc filium tuum (1). « O race incrédule et dépravée ! jusqu'à » quand vous souffrirai-je ? amenez ici votre fils ». Mais ils ne se contentent pas de ce que nous leur donnons ils veulent de l'argent et non des bouillons, et non des remèdes. Qui le veut? c'est l'avarice. Vous n'êtes pas assemblées pour satisfaire à ce que leur avarice désire, mais à ce qu'exige leur nécessité. Mais il n'y a point de fonds? C'est la charité des fidèles; et c'est à vous, mesdames, à l'exciter. C'est pour cela, mesdames, que vous vous êtes toutes données à Dieu pour faire la quête.

:

que

Si la pauvreté dans le christianisme est honorable, vous devez être honorées de faire pour JésusChrist l'action de pauvres. Quoi ! rougirez-vous de demander l'aumône pour Jésus-Christ? Quand est-ce (1) Luc. 1x. 41.

que vous donnerez, si vous ne pouvez vous résoudre à demander? Vous devriez ouvrir vos bourses, et vous refusez de tendre la main ! Mais on ne me donne rien. O vanité, qui te mêles jusque dans les actions les plus humbles, ne nous laisseras-tu jamais en repos? Jésus se contente d'un liard; Jésus se contente d'un verre d'eau: bien plus, il ne laisse pas de demander aux plus rebelles, aux plus incrédules. Animez-vous donc les unes les autres; mais persévérez. Quelle honte d'avoir commencé! ce seroit une hypocrisie. Rien de plus saint: tout le monde y devroit concourir. N'écoutez pas ceux qui disent: Cet œuvre ne durera pas. Il ne durera pas, si vous êtes lâches: il ne durera pas, si vous manquez de foi, si vous vous défiez de la Providence. Dieu suscitera l'esprit de personnes pieuses pour vous fournir des secours extraordinaires; mais ce sera si vous faites ce que vous pouvez. Quelle consolation! je n'ai qu'un écu à donner; il se partagera entre tous les pauvres, comme la nourriture entre tous les membres. C'est l'avantage de faire les choses en union. Si chaque membre prenoit sa nourriture de lui-même, confusion et désordre : la nature y a pourvu une même bouche. Comme les membres s'assistent les uns les autres, prêtez-leur vos mains, prêtez-leur vos voix. La main prend un bâton pour soutenir le corps au défaut du pied.

Exhortation, en considérant la miséricorde que nous recevons de Jésus-Christ : que lui rendronsnous? il n'a que faire de nous. Empressement de la reconnoissance : Sauveur, je meurs de honte de recevoir vos bienfaits sans rien rendre; donnez-moi

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