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cet univers n'a servi que de préparation, que Dieu a regardé dans toutes ses actions, qui étoit le but de tous ses désirs, enfin après l'exécution duquel il se veut reposer toute l'éternité? Il y aura assez de quoi contenter cette nature infinie. Lui qui a trouvé que la création du monde n'étoit pas une entreprise digne de lui, se contentera après avoir consommé le nombre de ses élus. Toute l'éternité il ne fera que leur dire Voilà ce que j'ai fait; voyez, n'ai-je pas bien réussi dans mes desseins? pouvois- je me proposer une fin plus excellente?

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Et qui peut douter que ce dessein ne soit tout extraordinaire, puisque Dieu y agit avec passion? Il s'est contenté de dire un mot pour créer le ciel et la terre. Nous ne voyons pas là une émotion véhémente. Mais pour ce qui regarde la gloire de ses élus, vous diriez qu'il s'y applique de toutes ses forces au moins y a-t-il employé le plus grand de tous les miracles, l'incarnation de son Fils. « Ne » s'est-il pas lié et comme collé d'affection avec son >>> peuple » Conglutinatus est Dominus patribus nostris (1). Tantôt il se compare à une aigle qui excite ses petits à voler, tantôt à une poule qui ramasse ses petits poussins sous ses ailes. Il condescend à toutes leurs foiblesses; son amour le porte à l'excès, et lui fait faire des actions qui paroissent extravagantes. Ecoutez comme il crie au milieu du temple : Si quis sitit, veniat ad me et bibat (2) : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ». Il n'en faut pas douter; il y a ici une inclination véhémente. Jamais Dieu n'a rien voulu avec tant de (1) Deut. x. 15, — (2) Joan. vii. 37.

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le cours de ce temps misérable, et qu'il faudra alors qu'elle se débonde. Vivez, heureux favoris du Dieu des armées : il a tout fait pour vous: il vous a préservés parmi tous les périls de ce monde: il vous a gardés, quasi pupillam oculi sui (1), « comme la » prunelle de son œil ». Il ne s'est pas contenté de vous faire du bien par miséricorde : il a voulu vous être redevable, afin de vous donner plus abondamment. Il a voulu vous donner le contentement de mériter votre bonheur, et a mieux aimé partager avec vous la gloire de votre salut et de son dessein dernier, que de diminuer la satisfaction de votre ame. Vous êtes les successeurs de son héritage : c'est vous que regardent les promesses qu'il a faites à Abraham et à Isaac; mais c'est vous que regarde l'héritage promis à Jésus-Christ.

Il faut donc savoir que tous les biens que Dieu promet aux prédestinés, c'est conjointement avec Jésus-Christ : il ne faut point séparer leurs intérêts. Dieu promet à Abraham de bénir toutes les nations: In semine tuo (2), « dans ton fils » : où l'apôtre saint Paul remarque: Non in seminibus, sed tanquam in uno (3) : « L'Ecriture ne dit pas à ceux de sa race, >> mais à sa race, c'est-à-dire à l'un de sa race ». Cette bénédiction, c'est ce qui fait cette nouvelle vie que Dieu nous donne. Donc cette vie nouvelle réside dans Jésus-Christ comme dans le chef, et de là elle se répand sur les membres mais ce n'est que la même vie : Vivo ego, jam non ego; vivit verò in me. Christus (4): « je vis, ou plutôt ce n'est plus moi qui

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>> vis; mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi». L'héritage ne nous regarde qu'à cause que nous sommes les enfans de Dieu. Nous ne sommes les enfans de Dieu, que parce que nous sommes un avec son fils naturel ; d'autant que nous ne pouvions participer à la qualité d'enfant de Dieu, que par dépendance de celui à qui elle appartient par préciput. C'est pourquoi << Dieu a envoyé dans vos cœurs l'esprit de son » Fils qui crie, Mon père, mon père » : Misit Deus in corda nostra spiritum Filii sui clamantem, Abba, Pater (1). Cet esprit est un ; unus et idem spiritus (2). Donc, et notre qualité de fils, et la prétention à l'héritage, et la nouvelle vie que nous avons par la régénération spirituelle, nous ne l'avons que par société avec Jésus-Christ: tanquam in uno (5): « comme » dans un seul ». C'est pourquoi Dieu lui a donné l'abondance Complacuit in ipso habitare omnem plenitudinem (4) : « Il a plu au Père que toute plé>> nitude résidât en lui »; afin que nous fussions abondans par ses richesses. De plenitudine ejus nos omnes accepimus (5) : « Nous avons tous reçu de sa >> plénitude>>.

La vie donc que nous avons, nous est commune avec Jésus-Christ: or la vie de la grâce et celle de la gloire est la même; d'autant qu'il n'y a autre différence entre l'une et l'autre, que celle qui se rencontre entre l'adolescence et la force de l'âge. Là elle est consommée; mais ici elle est en état de se perfectionner mais c'est la même vie. Il n'y a que cette diversité, qu'en celle-là cette vie a ses opéra

(1) Galat. IV. 6. (2) I. Cor. XII, II. (4) Coloss. 1. 19. — (5) Joan. 1. 16.

(3) Galat. 111. 16.

tions plus libres à cause de la juste disposition de tous les organes : ici elles ne sont pas encore parfaites, d'autant que le corps n'a pas encore pris tout son accroissement. C'est ce qu'explique l'apôtre saint Paul: Vita nostra abscondita est cum Christo in Deo (1): « Notre vie est cachée en Dieu avec Jésus» Christ ». Maintenant dans cette vie mortelle la plupart de ses opérations sont cachées; la force de ce cœur nouveau ne paroît pas : Cùm autem Christus apparuerit, vita vestra, tunc et vos apparebitis (2): « Mais lorsque Jésus-Christ, qui est votre vie, viendra à paroître, alors vous paroîtrez aussi ». Ah! ce sera lorsque votre vie paroîtra dans toute son étendue, que les facultés entièrement dénouées feront voir toutes leurs forces, et que Jésus-Christ paroîtra en nous dans toute sa gloire. C'est la raison pour laquelle l'apôtre parlant de la gloire, se sert quasi toujours du mot de révélation: ad futu→ ram gloriam quæ revelabitur in nobis (3): « cette

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gloire qui sera un jour découverte en nous » : d'autant que la gloire n'est autre chose qu'une certaine découverte qui se fait de notre vie cachée en ce monde, mais qui se fera paroître toute entière en l'autre. Et le même apôtre décrivant, et notre adolescence en cette vie, et notre perfection en l'autre, dit que «< nous croissons et que nous nous consom» mons en Jésus Christ » Occurramus ei in virum perfectum, secundùm mensuram plenitudinis Christi (4). Voilà pour l'état de la force de l'âge. Et en attendant; « croissons en toutes choses dans Jé

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(1) Coloss. 111. 3. (3) Ibid. 4. -- (3) Rom. VIII. 13. — (4) Ephes. IV. 13.

>>

» sus-Christ, qui est notre chef et notre tête » : interim crescamus in eo per omnia qui est caput Christus (1). Donc l'apôtre saint Paul met la vie de la gloire en Jésus-Christ, comme celle de la grâce; et cela bien raisonnablement. Car la même chose en laquelle nous croissons, doit être celle en laquelle nous nous consommons. « Or nous croissons en Jé>> sus-Christ »: Crescamus, etc. Donc nous devons nous consommer en Jésus-Christ; «jusqu'à l'état » d'un homme parfait, à la mesure de l'âge et de la plénitude selon laquelle Jésus-Christ doit être » formé en nous » in virum perfectum secundùm mensuram plenitudinis Christi. Et cela est d'autant plus véritable, que si le commencement fait une unité, la consommation en doit faire une bien plus étroite. Donc nous sommes appelés à la gloire conjointement avec Jésus-Christ, et par conséquent nous posséderons le même royaume. Et pour signifier encore plus cette unité, l'Ecriture nous apprend que nous serons dans le même trône : Qui vicerit dabo ei ut sedeat in throno meo (2): « Quiconque sera » victorieux, je le ferai asseoir avec moi sur mon >> trône ».

Or

pour

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concevoir la grandeur de cette récompense, il ne faut que penser ce que le Père éternel doit avoir fait pour son Fils. C'est son Fils unique: Unigenitus qui est in sinu Patris (3): « le Fils unique

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qui est dans le sein du Père ». C'est celui qu'il a oint de cette huile d'allégresse, c'est-à-dire de la divinité: Unxit te Deus, Deus tuus, oleo lætitiæ (4).

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