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chistes, les fédéralistes; il conseille tout ce qui sera demandé à lå Convention par les Jacobins, et son initiative est presqne toujours ac cueillie. Pendant la dernière quinzaine du mois, il fut revêtu, en même temps, de la présidence de la Convention et de celle des Jacobins.

Pendant le mois d'août, Robespierre n'accusa que le tribunal révolutionnaire. Presque chaque jour, il se plaignait aux Jacobins de l'inconcevable lenteur que l'on apportait au jugement de Custine. Le procès, en effet, dura près d'un mois, et tout fut mis en usage pour sauver ce général. Les messieurs et les jolies femmes (style du temps) multiplièrent les sollicitations et les intrigues; les jurés furent obsédés; la salle du tribunal assiégée par des hommes qui sifflaient les opinions contraires à Custine, comme ils en auraient usé dans le parterre d'un théâtre. Les membres de ce tribunal inspiraient eux-mêmes quelques doutes aux patriotes, depuis que le président Montané avait été dénoncé par Fouquier-Thinville à la Convention (séance du 30 juillet), pour avoir altéré les minutes des jugemens de Charlotte Corday et des assassins de Léonard-Bourdon. - Nous ne recueillerons, dans notre récit, que les circonstances extérieures du procès de Custine, car nous en transcrirons ailleurs le bulletin complet.

Le blocus de Cambray, au nord; au midi, Lyon acceptant un siége, et le soutenant avec énergie; à l'ouest, la guerre contre les Vendéens éternisée par les fautes des généraux républicains et par les crimes de quelques bandes indisciplinables, tels sont les événemens militaires qui stimulent la révolution à la circonférence. Nous pourrions ajouter aux calamités de ce mois la trahison des Toulonnais, car ce fut vers la fin d'août que Toulon se livra aux Anglais; mais cette nouvelle n'arriva à Paris qu'en septembre.

Entrons maintenant dans les faits. Le 1er août, la commune de Paris reçut deux lettres adressées à un membre du conseil général, par Bruslé et Lachevardière, ses commissaires en Vendée. L'une, datée du 28 juillet, disait : « Tu peux penser, mon ami, quel est le désordre de l'armée, quand elle est commandée

par des généraux et officiers qui n'aiment pas la révolution; ils autorisent l'indiscipline. Je ne puis te rapporter tous les viols, vols et assassinats que les hommes de cinq cents livres (1) commettent dans l'armée. Je t'en citerai quelques traits qui te feront frémir.-Ils ont violé, dans les bras de sa mère, la fille du maire de Saumur, âgée de dix-neuf ans; deux domestiques de la même maison ont subi le même sort. Ces femmes sont mortes de désespoir dans le camp de Chinon. Ces mêmes soldats ont crié : Vive le roi; on y a envoyé des juges et une guillotine. Les partisans du tyran ont subi la peine de leur crime.

» Quelque coupables que soient nos soldats, je rejette toute l'horreur de cette conduite sur nos généraux. Nos malheureux canonniers conduisaient, dans les rangs, une mine ambulante dont l'explosion terrible en a renversé plus de soixante. - Le lendemain quatre mille brigands ont mis en fuite plus de quinze mille républicains. On déguise la vérité au peuple, bien loin de la lui représenter toute nue: elle réveillerait son énergie. J'espère que la journée du 10 août sera la dernière des aristocrates. - Adieu. ›

Il s'agit, dans cette lettre, du combat du Pont-de-Cé où les républicains avaient été vaincus par Bonchamp. L'alarme était dans Angers, et déjà on parlait d'évacuer cette ville, lorsque le représentant Phelippeaux, prenant la tête des troupes, poussa une reconnaissance jusqu'au Pont-de-Cé, dont il fit rétablir une arche détruite la veille par Bonchamp. Cette démarche hardie, ranima le courage des soldats; ils passèrent la Loire à la nage, conduits par l'adjudant-général Talot, poursuivirent les Vendéens jusqu'à Erigné, et les dispersèrent dans le village de Murs.

Le seconde lettre, communiquée au conseil-général, était datée du 29 juillet; elle roulait sur ces deux affaires, et rappelait la déroute de Vihiers et de Coron, où Santerre avait été si com

(1) Les hommes qu'on désiguait ainsi appartenaient aux bataillons parisiens levés par un arrêté de la Commune du 4 mai 1793, que nous avons rapporté à sa dale. (Note des auteurs.)

plètement battu, le 18 juillet. « On vous trompe, mon ami, disait le correspondant ; je ne puis trop le répéter. Je vois le comité de salut public dissimuler les événemens de la Vendée. Après la honteuse déroute de l'armée qui a fui devant quatre mille brigands, elle s'est repliée en grande partie à Chinon. Dans cette position, les quinze mille hommes que l'on a laissés au Pont-de-Cé, et autant à Solemme, pour garder les passages de la Loire, pouvaient en arrêter cent mille, et avoir encore la ressource de couper le pont. Eh bien! avant-hier, les brigands se sont présentés de ce côté; nos quinze mille volontaires n'ont pas osé les attendre, et se sont enfuis à Angers. Le général Declozeau, qui voulait les arrêter, a reçu un coup de bayonnette qui n'a percé que sa botte. Arrivé dans la ville, il les a rassemblés au Champde-Mars et les a invités à marcher au-devant de l'ennemi. Les canonniers seulement se sont mis en marche; les volontaires ont refusé, en disant qu'ils n'étaient pas venus de Paris pour se battre. Les habitans d'Angers, indignés de la làcheté des volontaires, ont chargé les brigands et ont repris le Pont-de-Cé.—La Commune ordonna l'insertion de ces deux lettres, dans ses affiches; nous les avons tirées du Journal de la Montagne, n. LXIII.

Ces lettres firent sensation à Paris. Aux Jacobins, à la séance du 2 août, un officier disait : « Nos succès dans la Vendée ont été courts et nos pertes réitérées. Pas un de vos généraux n'a la confiance absolue du soldat. Ineptes, débauchés, ou traîtres, telles sont leurs qualités dominantes. Les bataillons de Paris ne sont pas à la vérité tous composés de Parisiens, mais des hommes à 500 liv. n'étaient pas fait pour gagner des victoires. Aussi la plupart a fui lâchement et s'est noyée dans la Loire plutôt que de se battre. Il n'est pas de crimes dont ils ne se rendent coupables. Le vol, le viol, le pillage leur sont familiers; et c'est chez des patriotes que ces excès se commettent!

› Une grande erreur est d'employer la tactique contre des hommes qui combattent, le scapulaire et le chapelet à la main, et qui, armés de simples bâtons, se précipitent sur notre artillerie. Ces misérables ne se battent point pour les nobles qu'ils

détestent, mais pour ceux qu'ils appellent leurs bons prêtres. > Tant qu'on fera à ces hommes fanatisés une guerre autre que celle qu'ils nous font eux-mêmes, on se perdra toujours. Il faut suivre leur propre méthode, avoir des tirailleurs au lieu de corps d'armée ; et n'en déplaise aux généraux tacticiens, les localités nous font un devoir de réformer notre nombreux bagage, de nous porter sur plusieurs points à la fois et de leur opposer partout des forces supérieures. Nous ne pouvons plus espérer de les ramener aux principes. Il faut les tuer tous, ou qu'ils nous tuent. (Applaudissemens.) (Journal cité, n. LXIV.)

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- Le 2 août, Baco, maire de Nantes, se présenta à la barre de la Convention, à la tête d'une députation des citoyens de cette ville. Il venait annoncer l'acceptation de l'acte constitutionnel par les assemblées primaires de la Loire-Inférieure. Mais il ne se borna pas à cela. D'abord il essaya de justifier le général Beysser et le député Coustard de la participation dont on les accusait aux arrêtés des corps administratifs de Nantes contre le 31 mai (1). Il fit ensuite une critique des opérations des commissaires dans les départemens, et termina en invitant l'assemblée à se dissoudre après l'acceptation de la Constitution par tous les Français. De violens murmures accueillirent cette dernière partie de son discours; néanmoins Danton, alors président, invita la députation aux honneurs de la séance. Thuriot et Chabot s'y opposèrent demander la dissolution de la Convention, c'était, disaient-ils, tenir le langage des Pitt et des Cobourg. Comme Baco protestait de son patriotisme, Fayau lui reprocha d'avoir su que, dans une maison dont les fenêtres n'étaient point ouvertes pendant le siége, il y avait douze cents couverts préparés pour

(1) Ils avaient en effet signé, l'un et l'autre, ces arrêtés. — Beysser, mandé à la barre de la Convention, y comparut le 7 août. Il rendit compte de sa conduite, et témotgna ses regrets d'avoir signé une protestation contraire à ses principes, et qu'on lui avait présentée lorsqu'il était à moitié endormi. Renvoyé devant le comité de sûreté générale, le 19 août, Julien de Toulouse, au nom de ce comité, proposa de rapporter le décret d'accusation rendu contre lui, et de le rétablir dans ses fonctions. Ses conclusions furent adoptées. Il fut guillotiné en 1794. Coustard fut compris dans l'acte d'accusation contre les Girondins, et guillotiné en novembre avec d'Orléans. (Note des auteurs.)

les rebelles. - Tu en as menti! » s'écria Baco. Aussitôt un décret mit fin à cette scène en envoyant la pétition au comité de sûreté générale, et le pétitionnaire à l'Abbaye.

L'assemblée était encore émue de ce scandale, lorsque Collotd'Herbois monta à la tribune pour dénoncer Garat, ministre de l'intérieur, et Champagneux, son premier commis, qu'il accusait d'avoir adressé aux communes une série de questions indiscrètes; il demandait leur arrestation et leur traduction séparément à la barre. Déjà Garat, à qui son discours sur les journées de septembre, et sa conduite au 31 mai, avaient fait accorder une certaine confiance, commençait à la perdre. Dans une querelle qu'il avait eue, vers la fin de juillet, avec Garin, administrateur des subsistances de la Commune, il avait eu assez de crédit sur le comité de sûreté générale pour faire incarcérer un instant son antagoniste; mais cette démarche lui avait nui dans l'esprit des patriotes, aussi bien qu'à Bazire, signataire du mandat d'arrêt lancé contre Garin. Ainsi qu'il nous le raconte lui-même dans ses mémoires, Danton, qui l'avait défendu quelquefois, se crut alors obligé de l'attaquer, et il le signala, en effet, aux Jacobins, comme un ministre dont il fallait suspecter la faiblesse. Collot-d'Herbois était, pour lui, un plus redoutable adversaire. Sa demande fut sur-le-champ convertie en décret, et Garat parut à la barre. Il se justifia en disant qu'il avait communiqué à Grégoire la série de questions dont ont lui faisait un crime, et qui toutes étaient dirigées dans le but d'obtenir des réponses qui lui permissent de rendre à l'assemblée les comptes qu'elle lui demandait souvent sur la situation de la République. Collotd'Herbois persista dans son accusation, mais séparant les personnes des choses », il demanda le décret d'accusation contre Champagneux, dont on avait annoncé l'évasion, et que l'on prît ensuite un parti à l'égard du ministre. Sévestre donna le mot de cette colère : « Doit-on, s'écria-t-il, poursuivre, comme conspirateur, un ministre qui a bien servi la revolution au 31 mai, parce que Collot-d'Herbois n'a pas eu une chaise de poste aussi promptement qu'il l'aurait désiré. Cet éclaircissement et quel

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