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qui avait été voté dans la dernière session. Ce chiffre, introduit depuis le rétablissement de la paix, permettait une répartition plus équitable sur les sept classes qui fournissent l'effectif militaire disponible, et on parvenait à éviter ces appels imprévus que le précédent rapport qualifiait de contingents de circonstance. La Commission actuelle avait tenu à justifier aux yeux du pays une mesure qui pouvait aggraver ses charges. Des explications fournies, il résultait que la nécessité d'entretenir un effectif de 600,000 hommes au moins, en temps de guerre, étant admise, le contingent annuel et normal devait être fixé à cent mille hommes; un appel d'autant de soldats ne donnant pas au drapeau, par suite de déductions à divers titres, plus de soixantedouze mille hommes. Donc un total de cinq cent mille pour les sept classes, à eux ajoutés, les engagés et rengagés volontaires. Le Gouvernement conservait, du reste, la faculté de n'ap. peler au service actif qu'une partie de la classe; comme cela avait eu lieu en 1857 (quarante-deux mille hommes seulement).

Questions adressées au Gouvernement par la Commission : 1o Avait-on adopté un système de réserve suivant les indications du budget de 1858 et de la loi d'appel; 2° quelle était l'influence du nombre des exonérations sur l'augmentation du contingent, et par suite, quel était l'intérêt de la caisse de la dotation à cette augmentation?

Réponse: Quant à la réserve, nul nouveau système; la question restait à l'étude, et quant à la caisse de la dotation, on avait pensé qu'une augmentation du contingent produirait une augmentation correspondante dans le nombre des exonérations. Erreur. Mais cela fût-il, que la caisse devant, par des rengagements ou des engagements avec primes, combler les vides produits dans les rangs de l'armée par les exonérations, ne bénéficierait que de l'écart entre la prime et le prix de l'exonération, écart au moyen duquel elle devait encore pourvoir aux hautes payes et aux pensions de retraite. Donc peu de profit pour elle à l'accroissement du nombre des exonérés.

En résumé, au sens de la Commission, d'accord ici avec le Gouvernement, le chiffre du contingent devait rester fixé à cent mille hommes, indépendamment de tout système de ré

serve ou d'exonération si l'on ne voulait pas, dès l'ouverture des hostilités, recourir à des moyens extrêmes.

Corps législatif (séance du 20 février). Nulle discussion sur le projet ainsi préparé et approfondi par le Gouvernement et la Commission, et adoption par deux cent vingt-six suffrages sur deux cent vingt-huit.

Le même jour, sanction par la Chambre élective d'un projet de loi ayant pour objet de limiter entre frères, beaux-frères et parents jusqu'au sixième degré, la substitution de numéros (en matière de recrutement), autorisée par les lois des 21 mars 1832 et 26 avril 1855.

En créant la Caisse de la dotation de l'armée et l'exonération, la loi du 26 avril 1855 (V. Ann.) avait voulu surtout mettre un terme au trafic du remplacement et aux désordres qu'il entraînait. De là cette disposition fondamentale :

Le mode de remplacement établi par la loi du 21 mars 1832 est supprimé, si ce n'est entre frères, beaux-frères et parents jusqu'au quatrième degré.

La substitution de numéros autorisée par cette loi est maintenue.

Mais toute loi recèle des abus possibles au moment même où elle tend à en supprimer d'autres. La substitution ainsi maintenue et limitée dégénéra en un remplacement déguisé, et l'on put s'apercevoir que les compagnies dont c'était le trafic étaient revenues sous cette forme aux manœuvres que la loi de 1855 était destinée à proscrire. Il résultait des rapports des autorités civiles et militaires que les substitutions de numéros avaient été effectuées en presque totalité par les agents de remplacement. « On les a vus parcourant les campagnes, assiégeant les portes des salles du Conseil de révision, recrutant les jeunes gens libérés et s'emparant d'eux pour les vendre comme substituants.>> Un pareil état de choses devait porter atteinte, en même temps, aux intérêts de la caisse de la dotation, à ceux des militaires et à ceux des familles. Une loi nouvelle devenait donc urgente. Le Gouvernement pensa que la substitution devait être restreinte dans les mêmes limites et soumise aux mêmes règles que celles qui étaient assignées au remplacement par la loi du

26 avril 1855 (art. 10, § 1or). (Déjà un Avis dans ce sens, et destiné à prémunir les familles contre les menées des agents recruteurs, avait paru dans le Journal officiel.)

Etude du projet par la Commission. En principe, on était d'accord là-dessus avec le Conseil d'État. L'abus était flagrant et constaté. Cinquante-trois préfets l'avaient signalé, et les autorités militaires avaient confirmé leurs rapports. Cependant il s'agissait de rendre le moins onéreux possible aux familles l'effet du projet de loi, et d'en adoucir la rigueur salutaire et néces saire. En conséquence, proposition de la rédaction suivante :

L'article 10 de la loi du 26 avril 1855 est modifié ainsi qu'il suit: Le mode de remplacement établi par la loi du 21 mars 1832 est supprimé, si ce n'est entre frères, beaux-frères et parents jusqu'au sixième degré.

La substitution de numéros autorisée par ladite loi ne pourra également avoir lieu qu'entre frères, beaux-frères et parents jusqu'au SIXIÈME degré, concourant au tirage de la même classe, et dans le même canton.

Ainsi, extension du quatrième au sixième degré de parenté de la faculté de remplacement, et adoption de cet amendement par le Conseil d'Etat. C'était une satisfaction donnée à l'intérêt des familles et à la morale publique.

La discussion en séance publique ne devait pas faire modifier, mais uniquement éclairer les termes de la question. Un honorable membre, M. Corne, ne combattit point le projet, il eût seulement voulu un nouveau système d'exonération : le verscment à forfait avant les opérations du tirage d'une somme de 7 à 800 fr., le chiffre actuel lui paraissant, non sans raison, trop élevé.

M. Guyard-Delalain rappela qu'il avait proposé de permettre la substitution entre non parents, dans la même commune, et entre jeunes gens inscrits sur la liste du contingent. Mais ne serait-ce pas fournir une prise nouvelle aux trafiquants de recrutement? C'est ce que l'on pouvait demander à l'honorable orateur.

Le général Allard, commissaire du Gouvernement, saisit cette occasion pour justifier l'institution de la Caisse de la dotation.

Il établit, ce que d'aucuns auraient pu supposer, que la restriction apportée par le projet de loi à la substitution de numéros n'était nullement une mesure fiscale destinée à grossir les recettes de la Caisse de la dotation; que le chiffre des rengagements était supérieur à celui des exonérations; que l'Etat était obligé de modérer les premiers. Enfin, de la situation même de la Caisse de la dotation au 1er janvier de cette année, l'orateur induisait que cette institution devait être acceptée comme un bienfait par les populations et par l'armée.

A la suite de ces explications et de quelques observations secondaires échangées encore entre quelques honorables membres, adoption du projet de loi, à la majorité de 226 suffrages

sur 235.

CHAPITRE III.

Législation ordinaire : Code de justice maritime. Motifs de cette loi; ses divisions. Elle se rapproche sur plusieurs points du Code de l'armée de terre. Observations et amendements de la Commission. Discussion en séances publiques; adoption. - Projet de loi relatif à la modification de l'article 259 du Code pénal, en d'autres termes, à l'usurpation des titres honorifiques. - Amendements de la Commission : elle propose, entre autres, la suppression du mot noblesse inséré dans le projet du Gouvernement. Discussion; intéressants débats MM. Belmontet, Lelut, Taillefer, Legrand, Olivier et autres honorables membres opposés au projet ; — M. Baroche le défend; ses arguments. Adoption de la loi proposée; minorité de vingt-trois votants.- Note du Moniteur sur le même sujet. Projet de loi relatif aux Français possesseurs d'esclaves à l'étranger. Le décret de 1848 et la dénationalisation prononcée contre les propriétaitaires d'esclaves non encore affranchis. La Commission propose l'adoption du projet qui tendait à les relever de la déchéance, mais avec une rédaction plus précise. Courte discussion et adoption. - Projet de loi relatif à la juridiction des Consuls français en Perse et dans le royaume de Siam. Motifs et utilité réelle de ce projet. Observations de la Commission. Adoption.

Le Sénat: ses actes publiés; les lois et les pétitions. - Projet de Code rural. - Sénatus-consulte relatif au serment des candidats à la députation. Sénatus-consulte relatif à la haute cour de justice.

En dehors des matières économiques et financières dont il a été rendu compte dans le chapitre précédent, des questions d'un haut intérêt sollicitaient l'attention de la législature. En première ligne, la codification de la législation maritime. En 1856, l'armée de terre fut dotée d'un code (V. Annuaire). Cette fois l'armée navale eut son tour. L'état actuel de la législation en cette matière témoignait à lui seul de la nécessité de cette codification. En effet, lois incomplètes, nulle unité, modifications souvent dictées par les circonstances, et, partant, anomalies et lacunes, enfin, renvois tantôt aux lois ordinaires, tantôt aux lois militaires, c'est-à-dire confusion et nombreuses occasions de

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