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données à l'acquéreur sur la légale et légitime possession... de ces manuscrits qui ne proviennent nullement, comme on pourrait le supposer, des enlèvements qui ont pu être faits aux Tuileries, en 1848... » En même temps, le sieur Valette adressa au duc d'Aumale ce prospectus : « Monsieur le Duc, disait-il, permettez-moi de vous présenter l'imprimé ci-joint dont l'objet peut, je pense, exciter votre intérêt. » Sur ce, saisie-revendication des trois volumes par les héritiers du Roi, et intervention (quant au troisième volume seulement) de M. Stanislas de Girardin qui revendiquait ce volume comme se composant d'écrits presque exclusivement de la main de son auteur. 22 janvier 1857, jugement qui déboute les princes d'Orléans de leur demande et les condamne aux dépens. Appel : Me Scribe se présenta pour les appelants et Me Senart pour le sieur Valette, qu'il représenta comme un modeste employé du ministère de l'intérieur n'ayant jamais encouru le moindre reproche, mais possédé de la passion des autographes. Les manuscrits litigieux, disait l'honorable avocat, n'étaient à leur origine que des lambeaux sans suite, que M. Valette parvint à réunir et dont il fit un ensemble qu'il proposa alors au duc d'Aumale. La perte de son procès serait une ruine pour l'intimé révoqué de ses fonctions au ministère à la première nouvelle de cette instance; réintégré depuis, il avait reçu une promesse d'indemnité en cas de confirmation du jugement. Mais que ferait-il en cas d'infirmation? C'est pourtant ce qui arriva. « Considérant, disait la Cour (conformément d'ailleurs aux conclusions de M. O. de Vallée, avocat-général), que des faits et documents du procès il résulte que les manuscrits réclamés par les appelants étaient l'œuvre et la propriété du roi Louis-Philippe; qu'ils étaient dans son cabinet, au château de Neuilly, et qu'ils en ont été enlevés dans le pillage du 24 fé vrier 1848. » Quant au moyen tiré de l'article 2279 du code Napoléon qui dispose, qu'en fait de meubles la possession vaut titre, l'arrêt infirmatif déclarait cet article inapplicable au sieur Valette, parce qu'il ne fournissait pas la preuve de sa bonne foi (condition essentielle posée par l'article), puisqu'il était incontestable qu'en même temps que l'écriture et le sujet des manuscrits lui révélaient l'auteur, il savait par quelles violences le Roi Louis

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Philippe avait été dépouillé de sa propriété...» En conséquence, dispositif portant que les deux volumes par eux saisis seront remis aux héritiers d'Orléans; toutefois que lesdits héritiers payeront à Valette la somme de cinq cents francs; le jugement ressortissant effet quant au troisième volume (audience du 10 mai). Au nombre des affaires qui sortent de la ligne habituelle des causes civiles ou criminelles, on doit citer l'accusation capitale qui appela (11 mars) devant le conseil de guerre de Lyon un officier, le lieutenant de Mercy, du 18° de ligne, chez lequel, dans la soirée du 1er janvier, on avait trouvé frappé mortellement, presque affaissé sur lui-même et roulé sous le lit, le sous-lieutenant Rosiez, du même régiment. Que s'était-il passé entre ces deux militaires? Remontant aux précédents de ces deux officiers, l'acte d'accusation constata qu'il avait existé entre eux une ancienne et longue inimitié, provoquante et hautaine chez de Mercy. Les choses en étaient venues à ce point que le jour de la catastrophe l'accusé avait adressé à celui qui devait être sa victime, une sorte de défi déguisé sous la forme de pari, qu'il ne se présenterait pas dans sa chambre de neuf à dix heures. quoi, dit alors un des officiers présents? -Parce que, répond de Mercy, quiconque s'introduira dans mon domicile est sûr de son affaire; et d'ailleurs j'ai un couteau de chasse dont je saurai me servir.» Rosiez se laissa en effet pousser en quelque sorte par de Mercy dans cette chambre fatale, après des incidents avantcoureurs prémédités (l'acte d'accusation l'énonçait formellement) par de Mercy. Il était sept heures et demie. On ôta les tuniques, on dégalna les sabres, comme on l'apprit par le docteur Bonnet, que de Mercy, en manches de chemise, tête nue, bretelles pendantes était allé chercher, et par quelques mots articulés par la victime. Le docteur trouva Rosiez étendu à terre, la face contre le parquet, la tête et le haut du corps engagés sous le lit et son sabre sous le ventre. « Docteur, dit ce malheureux placé sur le dos par l'homme de l'art, je suis mort, sauvezmoi! » Puis à un de ses collègues venu pour l'assister tandis qu'il avait enfermé chez lui de Mercy : « Au secours!... au secours!... à l'assassin! s'écrie le moribond. Lâche!... infâme! dit-il encore en parlant de de Mercy, et il exhale le dernier sou

pir. Aux yeux de l'acte d'accusation, qui releva d'ailleurs soigneusement tous les détails de nature à éclairer les juges, il n'y avait pas eu duel, mais homicide volontaire et prémédité commis par le lieutenant de Mercy sur le sous-lieutenant Rosiez. Le 12 mars, après l'audition des témoins de laquelle il résultait que des querelles presque futiles furent en grande partie cause de ce tragique dénoûment, le Conseil de guerre condamna M. de Mercy à la peine de mort. Toutefois, la clémence de l'Empereur commua cette peine.

Les tribunaux eurent à juger cette année un délit qui, dans certains cas, ne semble guère justiciable que du ridicule, mais qui venait de donner lieu à une loi spéciale, l'usurpation des titres honorifiques. Il ne sera question ici de cette affaire qu'à raison des détails et incidents qui peignent les mœurs, et sont comme un commentaire de la loi nouvelle.

Précédemment (17 juillet), le tribunal civil de la Seine avait été saisi de la demande d'un sieur Gauthier, courtier en vins et commissionnaire en titres de noblesse, contre un sieur Vesin qui s'intitulait comte de Romanini, son mandant, mais qui joignait au commerce héraldique celui de marchand de pâtes alimentaires. Pour exécuter son mandat, Gauthier fit insérer un jour dans deux journaux, le Siècle et la Patrie, une réclame ainsi conçue :

« On offre à une personne riche les moyens de paraître avec éclat et dignité dans la haute société. S'adresser, etc. >>

Ces moyens c'étaient les titres que le comte de Romanini vendait en même temps que ses pâtes. Moult gens, comme on eût dit au temps où il y avait une noblesse que ne régissait pas le Code Napoléon, se laissèrent affriander par cette brillante annonce, d'aucuns firent leur demande en un style et une orthographe qui, à quelques égards, étaient de race. En voici un échantillon. « Si, comme vous dites, il y a un titre à vendre ou un brevet de décoration, voyez si cela est bien claire et informé-vous du prix... et de qu'elle pays, car je pense que s'est étranger. » Le mandataire eut gain de cause, «< attendu, porte le jugement, que Vesin dit de Romanini a donné à Gauthier mandat de négocier et vendre des titres de noblesse, des

croix et des décorations d'ordres étrangers; attendu que quelque peu honorable qu'il soit pour Gauthier d'avoir accepté ce mandat, pour son exécution il a fait des dépenses qui ne sauraient équitablement être à sa charge... » La seconde affaire avait trait en quelque sorte au corps du délit, l'usurpation de titres, le port illégal de décorations. C'est encore Vesin de Romanini qui est l'acteur principal. M. le président à Vesin : « Vous avez été lié d'intérêt avec Barruel? - Réponse : C'est lui qui m'a fait nommer ministre plénipotentiaire de Greytown et consul à Nicaragua. »Venaient ensuite M. Guiet, qui, ancien notaire, s'était associé à Vesin; puis le sieur Cabany, dont le père, habitant de la rue Sainte-Avoye, avait fait un honorable commerce de papiers. Guiet ne vendait pas moins (c'est son client Lause, un courtier de bourse, qui en témoigne), que l'ordre des Quatre-Empereurs, et ce pour une bagatelle, 2,000 fr. Cabany s'intitulait directeur de la Société impériale des archives de France, et il était prévenu d'avoir eu sa part dans ces négociations. Enfin, trois autres individus figuraient dans le procès; l'un, Hérat, s'était offert, au dire d'un témoin, dé procurer au prince Youssoupoff, pour 20,000 fr., le titre de commandeur de l'ordre du Christ de Portugal. Le tribunal fit justice de ces effrontées spéculations en condamnant les prévenus à des peines diverses.

HISTOIRE ÉTRANGÈRE.

CHAPITRE PREMIER.

BELGIQUE.

Continuation de la session. Attentat du 14 janvier en France: son contrecoup au dehors. Journaux belges condamnés par suite de leur langage en cette occurrence. - Loi relative aux attaques contre les souverains étrangers. Les poursuites auront-elles lieu à la requête de ces souverains, ou seront-elles dirigées d'office par la magistrature du pays où les attaques auront été commises? Graves discussions à ce sujet. Rapport de la section centrale: elle conclut à la poursuite d'office. Vote de la législature dans ce sens. Circulaire du ministre de la justice adressée aux membres du parquet. Politique du ministère; ses tendances actuelles : la fortification d'Anvers; historique de cette question. — Projet actuel : rapport de la section centrale. Discussion au sein de la Chambre des représentants: rejet de l'article I; retrait de la loi. Autres projets en suspens; inaction du cabinet: la milice, pétitions à ce sujet; le mouvement flamand, la presse, le clergé, les douanes. Le libre-échange triomphera-t-il ? Droit nouveau imposé sur les houilles par le ministre des finances.—Session nouvelle: discours royal; son caractère.-Adresse en réponse à ce discours : projet de la section centrale. La droite le trouve blessant pour elle et se retire de la discussion. Réponse du Roi. — Révision du Code pénal: dispositions rigoureuses en matière de presse; répulsions que rencontre le projet. Déclaration de la commission à ce sujet : on révisera, s'il y a lieu, la loi proposée. - Documents financiers et commerciaux.

On a vu (Ann. 1857) que la législature issue des dernières élections s'était ajournée au 19 janvier. Un ministère libéral allait s'appuyer sur une majorité animée du même esprit, et l'on pouvait supposer que tous les actes du nouveau cabinet porteraient le cachet de son origine. Mais bientôt il se trouva aux prises avec bien des difficultés, soit au dedans, soit en de1858 20

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