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rappeler. L'un d'eux, qui devenait le second paragraphe de l'article 3 du projet, était ainsi conçu: «Les annuités dues par les emprunteurs sont affectées, par le privilége, au remboursement « des obligations du drainage. » Il tendait à assurer à l'Etat, quoi qu'il arrivât, la certitude d'être couvert du payement des obligations, s'il était contraint, aux termes de sa garantie, de les rembourser au porteur. Il aurait ainsi un recours direct et par privilége, sur la rentrée successive des annuités dues par les emprunteurs. Le sacrifice de l'Etat se trouvait ainsi à l'abri de tout risque éventuel et ramené au payement d'une différence d'intérêt et à une commission accordée au Crédit foncier, pour le couvrir de ses frais.

Autre modification obtenue du Conseil d'Etat, à savoir que, le § 2 de l'article 1 de la convention serait modifié comme il suit: « Ces prêts auront lieu dans les conditions déterminées par >> ladite loi. » Motif de cette modification : l'article 5 dela convention stipulait formellement que le capital de 100 millions serait exclusivement consacré aux prêts destinés à favoriser les opérations de drainage. Le Crédit foncier aurait donc à s'assurer, par ses agents, que les prêts ont réellement cet emploi et cette destination.

Quant aux 45 centimes à percevoir par chaque somme de 100 fr., que pourrait émettre le Crédit foncier, et lorsqu'il se contenterait des priviléges sur les récoltes et les revenus et sur la plus-value des terrains drainés, ils constituaient un taux inférieur à celui de 60 centimes que la Société était autorisée à prendre pour ses autres opérations.

La Commission du Corps législatif émettait le vœu que le Crédit foncier ne prêtât aux emprunteurs qu'une portion de la somme nécessaire pour effectuer chacune des opérations de drainage projetées. Toutefois, elle accordait que dans les départements où les bons effets du drainage seraient encore inconnus, il pourrait être indispensable d'avancer la totalité de la dépense, surtout lorsque les frais de cette opération seraient disproportionnés avec la valeur primitive des terrains. Un amendement convenu avec le Conseil d'Etat, et dont on ne pouvait méconnaître la nécessité et l'opportunité, portait, sous forme

d'article 5, que la somme des obligations qui pourraient être émises, serait fixée chaque année par la loi de finances. Voilà pour le principe; et en second lieu, que cette somme, pour 1858 et 1859, ne pourrait dépasser 10 millions. L'article 6 de la convention avec le Crédit foncier de France, dispose (§§ avant-dernier et dernier): 1° Que les fonds provenant, soit de la négociation des obligations, soit du payement des annuités et intérêts dus pour cause de retard, soit enfin des remboursements anticipés, seront déposés en compte courant au Trésor; 2o qu'il ne sera payé pour ce dépôt d'autre intérêt au Crédit foncier, que celui qu'il payera lui-même aux porteurs de ses obligations, depuis le jour du versement au Trésor, des fonds provenant de leur négociation, jusqu'au jour de leur emploi en prêts de drainage: la Commission eût désiré la suppression de cette double disposition. Les motifs sur lesquels elle se fondait sont assez sérieux pour être reproduits. Le Trésor est déjà tenu de recevoir les fonds provenant des départements et des communes, des caisses militaires et de plusieurs autres institutions. L'Etat se condamne à entretenir une dette flottante élevée, en s'imposant sans cesse de nouvelles causes de versements obligatoires. Les fonds provenant, soit de la négociation des obligations, soit du payement des annuités et des intérêts dus pour cause de retard, soit enfin des remboursements anticipés, seront déposés en compte courant au Trésor. Ces rentrées seront affectées aux besoins généraux de la Trésorerie de l'Etat, et provoqueront peutétre, à l'époque de leur retrait, une émission correspondante de bons du Trésor, accroissant d'autant la dette flottante. Et la Commission, dont le lucide rapport de M. de Bryas était l'organe, concluait en jugeant plus rationnel de laisser ces fonds dans les caisses du Crédit foncier, à la charge, par lui, d'en tirer momentanément un intérêt à ajouter à celui qu'il payerait aux porteurs des obligations. Bien qu'elles n'eussent pas persuadé le Conseil d'Etat, ces observations avaient un certain poids; mais la Commission faisait observer qu'elles perdraient de leur importance, si le ministre des finances accélérait la marche régulière de l'amortissement des obligations, en raison des remboursements anticipés effectués par les emprunteurs.

Discussion au sein du Corps législatif. Ainsi préparé, le projet de loi ne laissait guère place à la discussion; aussi bien le débat s'épuisa-t-il en une seule séance (6 mai). Un honorable membre, M. De Pierre, n'augurait pas trop de l'efficacité de la loi, et craignait que le Crédit foncier ne prêtât qu'aux grandes compagnies qui voudraient entreprendre des travaux de canalisation, des percements de routes comportant certains travaux de drainage. Mais comment s'y prendrait-on pour obliger le Crédit foncier à prêter réellement aux cultivateurs qui voudraient drainer leurs terres, mais dont les propriétés ne s'élèveraient pas, quant à la valeur, à 100 ou 150,000 fr. audessous de laquelle on ne prêterait pas dans l'économie du projet.

M. Josseau ne partageait pas le pessimisme du préopinant : après avoir rappelé à quels besoins répondait la loi soumise au vote du Corps législatif, l'orateur répondant à quelques égards à M. de Pierre, faisait remarquer qu'au moyen de l'amendement introduit par la Commission, il serait toujours possible de s'assurer que les fonds prêtés seraient réellement consacrés au drainage la garantie de l'Etat n'étant donnée qu'à cette condition, et les annuités dues par les emprunteurs étant affectées, par privilége, au remboursement des opérations du drainage. En résumé, l'orateur avait la conviction que l'intervention du Crédit foncier aurait pour résultat l'exécution de la loi de 1856, restée jusqu'à présent à l'état de lettre morte.

Tout en convenant avec M. Josseau de la solidité du Crédit foncier, M. Millet était assez de l'avis de M. de Pierre, en ce sens qu'il n'admettait pas qu'il pût être fort utile à la propriété agricole ou à la petite propriété. Les 86 millions prêtés jusqu'ici par cette Société avaient été surtout appliqués à de grands travaux dans Paris, à la construction de maisons ou de vastes établissements. L'honorable membre voudrait que la société du Crédit foncier tînt annuellement compte à l'Etat, au moins pour partie, du bénéfice immédiat qu'elle pourrait réaliser à la suite de l'échange de son papier contre de l'argent.

Ce qu'un autre membre, d'ailleurs très-versé en ces matières, M. Javal, reprochait au Crédit fonciersubstitué à l'Etat, et dont le rapporteur, M. de Bryas, venait de démontrer l'action effi

cace, c'est que cette Société représentait un intérêt particulier. Sans doute les demandes des emprunteurs seraient transmises par le Ministre des travaux publics qui inviterait le Crédit foncier à les accueillir. Mais cette invitation n'équivaudrait pas à une obligation. Puis M. Javal rappelait à son tour, que jusqu'alors le Crédit foncier avait éliminé de ses avances la petite propriété. A tout prendre, et cette observation ne manquait pas d'une certaine justesse, mieux eût valu que l'Etat, au lieu de se faire l'organe d'une compagnie, lui laissât son entière liberté. Après avoir, comme M. Josseau, comme le rapporteur de la Commission, M. de Bryas, fait ressortir l'efficacité de la loi, M. Heurtier, commissaire du Gouvernement, répondit à certaines objections de détail, celle par exemple que la remise accordée à la société du Crédit foncier serait trop considérable, qu'en général cette Société était autorisée à percevoir 60 centimes sur 100 fr.; tandis que, dans le cas particulier, le drainage, elle ne recevrait que 45 et même 35 centimes. Mais on ne prêterait pas aux petits propriétaires ? Réponse du commissaire du Gouvernement: « Le choix du ministre chargé d'apprécier et de transmettre les demandes, s'exercerait suivant l'intérêt général, et suivant les besoins des localités; mais il y aurait toujours là une appréciation individuelle, peut-être arbitraire.» Voilà ce que l'on pouvait répliquer à M. Heurtier. S'appuyant de l'exemple de l'Angleterre, M. Javal avait qualifié d'exigence la disposition qui ajoutait à la garantie de la plus-value la possibilité d'une hypothèque sur les biens du débiteur, à quoi le commissaire du Gouvernement répondait que l'exemple étalt mal choisi puisque le bill relatif au drainage frappait d'un pri vilége absolu la propriété de l'emprunteur.

M. Creuset ayant demandé, à propos de l'article 5 du traité avec le Crédit foncier, comment on s'assurerait que les fonds prêtés auraient été exclusivement employés au drainage?

- Par le règlement d'administration publique annoncé dans la loi de 1856, répondit M. Vuillefroy, président de section au Conseil d'Etat.

L'article 5 et dernier du projet de loi amendé portant, que la somme des obligations pour 1858 et 1859 ne pourrait dépasser

10 millions, M. Guillaumin demandait avec raison, si c'était pour chacune des deux années, ou pour les deux années réunies que l'émission s'élèverait au maximum indiqué. Réponse de M. Heurtier: « C'est pour les deux années réunies que l'émission est limitée à 10 millions. » Ce qui eût mieux valu, c'eût été d'insérer le mot réunies dans l'article. Mais les projets marchent d'un tel pas qu'on a peine à les suivre, » et, partant, à les rédiger avec précision. Après ce débat, qui ne pouvait guère aboutir à modifier la loi, mais à l'interpréter, le projet fut adopté par 211 voix sur 236.

Vers la même époque, et toujours par suite de sa sollicitude pour les intérêts agricoles et urbains, le Gouvernement faisait présenter au Corps législatif un projet de loi relatif aux travaux de défense contre les inondations. Les terribles désastres de 1856 étaient encore présents à toutes les mémoires : on avait dû songer à en prévenir le retour. L'Empereur qui avait visité (V. Ann. 1856) les départements atteints par ces fléaux, avait surtout été frappé de la circonstance de leur périodicité (1725, 1735, 1772 pour la Garonne; 1840, 1841, 1856 pour le Rhône; 1840 pour la Saône, 1843 pour la Durance, 1790, 1846 pour la Loire, 1740 pour la Seine). Il avait pensé qu'il était tout naturel que l'Etat prît sa part des dépenses occasionnées par les travaux de défense contre les inondations. De là la lettre impériale adressée par Napoléon III au ministre des travaux publics (19 juillet 1856. V. Ann.). Rien de plus aisé au sens de S. M. que d'élever des ouvrages d'art destinés à préserver momentanément d'inondations pareilles les villes telles que Lyon, Valence, Orléans, Avignon, Tarascon, Blois et Tours. « Mais, disait l'Empereur, quant au système général à adopter pour mettre, dans l'avenir, à l'abri de si terribles fléaux nos riches vallées traversées par de grands fleuves, voilà ce qui manque encore et ce qu'il faut absolument et immédiatement trouver. » Il y avait donc deux grandes catégories de travaux indiquées, et c'est de la première que la Chambre était saisie. Le projet actuel, en dehors duquel étaient formellement réservées les études relatives à l'autre partie de la question, s'appliquait aux bassins des quatre grands fleuves le Rhône, la Loire, la Garonne ei la Seine. Et ses dis

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