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et de Milan; mais le Vatican ne paraissait pas disposé à donner les mains à ce changement. De là, maintes aigreurs dont les radicaux tirèrent parti.

Au mois d'août, se réunissait à Langenthal une société qui, sous le nom d'Helvetia, se proposait, entre autres choses, d'affermir le peuple dans la conscience nationale, d'étendre à l'intérieur sa participation aux affaires de la Confédération, de l'instruire, et, au dehors, de développer la nationalité helvétique. On indiquait, comme moyens d'action, tout ce qui, en effet, peut toujours être considéré comme ayant ce caractère : les articles de journaux, les brochures, la fraternisation avec d'autres sociétés tendant au même but, etc.

Puis des détails d'organisation en vue d'assurer l'efficacité de cette propagande de la Société sections locales relevant d'un comité central, et sociétés cantonales se composant de plusieurs sections locales. Au comité central la surveillance des événements extérieurs et intérieurs de nature à intéresser la situation politique du pays, l'observation de la marche de la Sociétémère et des sections locales et cantonales; enfin, le soin d'aviser, suivant l'honneur et le salut du pays, en cas d'urgence et d'impossibilité de convocation immédiate de l'assemblée gé nérale.

Pendant ce déploiement de deux drapeaux parfaitement distincts, plusieurs cantons, Neuchâtel, Appenzell et Bâle-Ville, avaient opéré ou opéraient encore la révision de leurs constitutions. Et d'abord, quant à Neuchâtel, irrités par les derniers événements, les royalistes se laissèrent faire et acceptèrent en définitive l'alliance nécessairement momentanée des indépendants; il en sortit une constitution marquée, à certains endroits, de l'esprit conservateur.

L'empreinte de l'antique Helvétie était encore plus profonde dans le pacte fondamental révisé, du canton d'Appenzel. Pouvoir suprême, la Landsgemeinde (communauté du pays); à elle la nomination du pouvoir exécutif, et au grand Conseil nommé par les électeurs, le vote de l'impôt, l'examen des sujets à soumettre à la Landsgemeinde, ainsi que la surveillance des affaires administratives, politiques et religieuses. Il y avait ensuite un

tribunal des mariages et un tribunal des mœurs. La religion évangélique était celle de l'Etat. Recommandation aux fidèles de s'acquitter exactement de leurs devoirs dominicaux et autres; par exemple, de s'approcher de la sainte table. Au clergé le soin de moraliser le peuple, et aux parents le soin de faire fréquenter les écoles à leurs enfants. Assurément, on ne pouvait qu'approuver des dispositions pour la plupart si sagement con

çues.

Les choses avaient un aspect bien moins patriarcal à Genève; là, il faut bien le dire, sous prétexte de radicalisme, on manifestait parfois assez de despotisme. Les radicaux y permettaient à leurs adversaires de tout dire, à la condition de penser comme eux. Et comme la presse conservatrice ne trouvait pas toujours parfait ce qui se disait ou faisait dans le camp opposé, on s'y fâchait alors; témoin ce qui s'y passa dans la soirée du 19 août. Le club radical, dit des Fruitiers, tenant à l'impression qui lui était refusée par une feuille, d'un article non sígné, il ne trouva pas de moyen plus persuasif que d'aller briser les presses. L'autorité, représentée par le directeur de la police, ayant laissé faire, cette radicale démonstration ne pouvait pas manquer d'atteindre son but. Si grande et si unanime quand son indépendance extérieure est menacée, la Suisse est encore en proie, à l'intérieur, à de dangereuses agitations.

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CHAPITRE X.

ITALIE.

ETATS SARDEs. La session travaux des Chambres depuis l'ouverture. Vérification des pouvoirs. La Chambre des députés ordonne une enquête au sujet de certaines élections réputées entachées de fraude. Discours de M. de Cavour à cette occasion: quelle sera la politique du Gouvernement. Adresse du sénat au Roi. L'attentat du 14 janvier. Conduite du cabinet en cette occurrence. Acquittement du journal la Ragione. Note du Gouvernement français; présentation d'une loi relative aux conspirations contre les souverains étrangers. La majorité de la Commission conclut au rejet. Attitude des partis. Le ministère triomphe, et le projet de loi, d'ailleurs amendé, est adopté. Remarquable discours de M. de Cavour prononcé pendant les débats de la loi; il passe en revue la politique générale. Rapports avec l'Angleterre à propos de Naples et du Cagliari, depuis l'avénement du ministère Derby. Comment celui-ci s'acquitte des promesses de sir Hudson. Incident curieux.

Situation intérieure. Les élections et le clergé; résultat de l'enquête. Composition actuelle du Cabinet. Pourquoi MM. de Cavour et Lanza cumulent plusieurs portefeuilles. M. Cadorna. —Lois de finances : le budget; les domaines du royaume de Sardaigne.

Actes extra-parlementaires. Les élections annulées et recommencées. - La Savoie. Opposition qu'on y fait au Gouvernement et au Statut. M. de Cavour s'y rend en grand appareil.-Les élections provinciales et communales. Succès du ministère. Licenciement de l'Académie militaire : pourquoi? Prisons cellulaires à Turin et à Gênes. - Les questions extérieures à la fin de l'année; traité avec la Belgique. La Société royale d'agriculture prend part à la souscription pour le percement de l'isthme de Suez.-M. de Cavour et les Principautés danubiennes. Il est pour l'Union. Son voyage à Plombières où se trouvait alors l'Empereur des Français, puis à Bade où il se rencontre avec le prince de Prusse. - Concession de la baie de Villefranche au gouvernement russe pour y construire des magasins et des chantiers. Mauvaise humeur causée au Gouvernement anglais par cette concession.

ETATS PONTIFICAUX. — Négociations entamées pour faire retirer à CivitaVecchia les troupes françaises. Elles sont interrompues par suite de l'attentat du 14 janvier.-Mésintelligence entre les troupes françaises et romaines; le titre de commandant de l'une et l'autre armée que prend M. de Goyon, mécontente le Cardinal Secrétaire d'Etat. Ordre du jour du général français. Caractère de ce document; il est suivi d'un autre plus pacifique. L'intermédiaire conciliant de M. de Gramont contribuc à ramener l'entente entre le Cardinal et M. de Goyon. - Politique du Gouvernement ailleurs : la question de l'aliénation des biens du clergé en Espagne; allusion qu'y fait la reine Isabelle dans son discours d'ou

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verture de la session. Historique de cette question.-La politique pontificale en Pologne, en Suisse; le siége épiscopal de Come. Mésintelligence entre la nonciature et les autorités helvétiques.- Rétablissement de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. A quelles conditions. Politique intérieure: le brigandage; ses ravages. Faiblesse du gouvernement en regard de ce fléau. Instruction publique; efforts de l'administratration pour la stimuler. Singulières conditions imposées aux étudiants. - Congrégation de l'Index; ouvrages qu'elle atteint. - Affaire Mortara; historique. Le jeune Edgar est placé au catéchuménat de Rome. Vains efforts du père pour se faire rendre son enfant. Raisons qui lui sont opposées. Représentations faites au Gouvernement par l'ambassadeur de France.Les Cappadociennes du Ghetto; ordre de les en faire sortir. Statistique des Etats romains. - Chemin de fer de Frascati à Ceprano. — Antiquités; nouvelles et heureuse fouilles pratiquées sur le territoire romain.

DEUX-SICILES. Le procès du Cagliari; incident résultant de la présence de deux Anglais compris dans l'accusation. Aliénation mentale d'un de ces accusés; elle donne lieu à l'ajournement des débats.- Le Roi en profite pour tirer parti du changement de Cabinet en Angleterre et offrir le renvoi des prisonniers anglais. - Le ministère demande pour eux une indemnité. Hésitation du Gouvernement; échange de dépêches à ce sujet. Lord Malmesbury devient pressant, et, quoique tardivement, exige en outre la restitution du Cagliari au gouvernement sarde. Offre de s'en référer à la médiation du roi de Suède. - Le roi des Deux-Siciles s'exécute; offre 3,000 liv. st. et remet à M. Lyons le navire litigieux. Rentrée de ce bâtiment dans le port de Gênes. Condamnation des accusés napolitains; détails à ce sujet. Affaire Pellegrini. Excès des officiers dans la répression des infractions à la discipline. Les tremblements de terre; leurs ravages désastreux. — Commerce et navigation. Industrie; ses progrès.

TOSCANE. Procès politique (le mouvement livournais); arrêt du tribunal préfectoral. Situation gouvernementale à la fin de l'année; mouvement de l'opinion. Sympathies pour le Piémont.-Procès de presse. Documents commerciaux et divers.

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PARME. Convention douanière avec l'Autriche; la Régente n'est pas disposée à la renouveler. Réorganisation du système douanier. — Création d'une banque nationale. Nouveaux renforts envoyés à la garnison de Plaisance par le royaume lombard-vénitien; les logements des militaires. Situation intérieure à la fin de l'année. MODÈNE. Efforts du Prince pour empêcher ses sujets de communiquer avec le dehors; défense de faire élever les enfants à l'étranger.- Continuation de la politique d'éloignement vis-à-vis des puissances extérieures. Voyage du duc à Florence, à Rome et à Naples. Motifs supposés de cette excursion. - Evénements et faits divers.

ÉTATS-SARDES.

Les Chambres étaient réunies depuis le 14 décembre. Après des élections nouvelles, il s'agissait de vérifier les pouvoirs des

candidats élus. Il y fut procédé avec assez d'animation. Il ne s'éleva de discussion de principe qu'à l'occasion des élections dans lesquelles on prétendait que le clergé était intervenu avec son autorité spirituelle. Après des débats qui se prolongèrent avec une certaine vivacité, il fut décidé, suivant l'avis de M. de Cavour, que les élections empreintes de cette influence seraient soumises à une enquête. Le clergé, disait le conseiller de la Couronne, a sans doute le droit, comme tous les autres citoyens, de prendre part aux luttes électorales, mais il ne doit pas employer les armes spirituelles dans l'intérêt d'une candidature. Partant de ce point particulier à la politique générale, M. de Cavour, tout en déclarant qu'il attendrait la constitution définitive de la Chambre pour exposer le système politique que le Gouvernement comptait suivre, croyait néanmoins pouvoir assurer que le Gouvernement ne s'écarterait pas de la voie dans laquelle il était entré. L'impression produite par ces paroles de l'organe du Cabinet fut considérable. Il s'ensuivit, sur la proposition de M. Cadorna, un ordre du jour motivé dans leur

sens.

Le Parlement annonçait ainsi dès les premiers jours que le cabinet aurait son concours. Le Sénat, en particulier, s'était exprimé (29 décembre) avec une dignité qu'il convient de reconnaître: << Chez ce peuple sage et loyal, le concours des pouvoirs de l'État ne fera jamais faute aux dispositions d'un Gouvernement sage et libéral... Ainsi, la condition intérieure du pays s'améliorera de plus en plus : à l'étranger, la dignité de la Couronne, sous laquelle ffeurissent nos institutions libres, sera maintenue intacte. » La Chambre haute faisait ainsi allusion aux rapports tendus entre le Piémont et un État voisin: «En ne nous écartant pas de la raison et de l'équité, ajoutaitelle, nous nous réjouissons de voir suivre les inspirations de la civilisation actuelle, sans interrompre le cours des relations civiles et commerciales entre les deux pays. »

Cette dignité vis-à-vis de l'étranger, à laquelle le Sénat tenait avec raison, allait être mise à l'épreuve par un événement qui devait mettre en émoi le monde entier. Nous voulons parler de l'attentat du 14 janvier. S'il était juste de tenir compte des lé

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