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Jaijal-Singh à Karée. On désarmait tout le nord-ouest. La révolte se concentrait dans le district de Rohilcund, situé de telle manière que les insurgés pouvaient de ce point attaquer simultanément les postes les plus importants avoisinant le pays. Des mesures énergiques étaient prises par les autorités anglaises pour réorganiser l'Oude, et c'est à cette réorganisation que se rapportait la proclamation désormais mémorable de lord Canning. Mais si les troupes anglaises remportaient d'incontestables et décisifs avantages, il est trop vrai que, par intervalles, elles subissaient de sanglants échecs. Il est certain, par exemple, qu'à Azimghur il y eut une défaite dans l'attaque qu'elles firent d'un corps d'armée commandé par Koer Sing. Dans le courant d'avril (15), le général Walpole dirigea sans succès une attaque contre le fort Rowas. Cet échec peut compter parmi les plus considérables: perte d'hommes, parmi lesquels un brave officier, le général Adrien Hope, et effet moral des plus fâcheux. Quand le commandant de l'expédition eut donné à ses troupes l'ordre de battre en retraite, les rebelles les poursuivirent à grands cris, et néanmoins, le lendemain ils évacuèrent le fort. Dans le nord-ouest sir Lugard forçait le passage du pont de l'ennemi à Azimghur. Toutes ces opérations s'accomplissaient par un vent brûlant et une chaleur de 102 degrés Fahrenheit. Le 7 mai, les troupes du Gouvernement occupaient Bareilly. Le 23 du même mois, prise de Calpée, par sir Hugh Rose, après deux attaques infructueuses de la part des insurgés. Ilopéra sa jonction avec le colonel Maxwell, qui occupait une position sur la rive gauche de la Jumna, ce qui permit de bombarder la ville et le fort. Le 26, sir Colin Campbell après avoir dégagé le brigadier Jones, entouré par l'ennemi à Shahjehanpour, occupait Jellahabad, sur la route de Futteghur. Presque en même temps des troubles sérieux éclataient à Gudduck, dans le Dharwar (Présidence de Bombay). Les rebelles étaient dirigés par Bleme Rao et Lessaye. Ils s'emparèrent par trahison du port de Fœval. L'agent politique Manson, suivi de quelques cavaliers, s'étant porté rapidement sur le district de Newgound, dont le chef était soupçonné de complicité dans l'affaire, il fut attaqué par 800 hommes et tué. Le 1er juin, prise d'assaut du fort de

Lopal par le colonel Hugh; au nombre des tués se trouvaient précisément Breme Rao et Lessaye. Le même jour, le colonel Malcolm châtiait les rebelles de Newgound, et prenait cette ville d'assaut. Dans le district de Cawnpore, la colonne du colonel Smith reprenait Chundarec aux Bowndelah, après démolition des murs de cette forteresse. Telle était la situation au printemps, et les résultats, quoiqu e chèrement achetés et même balancés sur quelques points, étaient satisfaisants. La capitale de l'Oude était enlevée à l'ennemi; les stations militaires maintenaient les communications avec Cawnpore et la grande route, et avant les chaleurs, devant lesquelles les indigènes se retirent, les colonnes anglaises traversaient cet ancien royaume en tous sens, et toujours victorieusement. Il ne restait plus qu'à réduire ceux qui avaient repoussé l'autorité du Gouvernement. Une scule campagne avait suffi au valeureux général Colin Campbell pour tranquilliser le Doab, écraser le contingent de Gwalior, prendre Lucknow, et avec elle son énorme garnison, ses armées, son artillerie; enfin pour lancer les colonnes mobiles sur tout le royaume et empêcher les insurgés de s'emparer du Rohilcund. Et, résultat moral vraiment considérable, à la suite de cette héroïque campagne, le vainqueur de Luck now avait pu reconstituer le gouvernement civil de la Compagnie là où il existait jadis. Puis, en même temps que sir Colin Campbell, ses lieutenants avaient rétabli le prestige des armes anglaises dans l'Inde centrale. Toutefois, avec ce sens pratique qui de tout temps a caractérisé le Gouvernement anglais, on commençait à comprendre que l'insurrection, tendant de plus en plus à rendre les armes, il fallait songer à mitiger par des actes de clémence bien entendus les représailles et les vengeances de la guerre. C'est-à-dire qu'il convenait de distinguer les moins coupables parmi les insurgés de ceux qui l'étaient le plus. A cette époque de la lutte, les corps organisés des cipayes avaient disparu. Depuis le commencement de l'insurrection, 30,000 environ avaient succombé. Ils n'avaient d'ailleurs jamais été aussi formidables (à Cawnpore excepté) que la cavalerie et les troupes régulières. Les ennemis les plus redoutables encore, c'étaient les bandes armées de fusils à mèche et la cavalerie irrégulière. Tel était, suivant les sources

les plus sûres (la correspondance du Times en particulier), l'état des choses dans cette contrée jusqu'alors appelée l'Inde anglaise. Aux prises, mais moins gravement, avec une autre partie du continent asiatique, la Chine, les armes et la diplomatie britanniques remportaient d'accord et concurremment avec la France (voyez ci-dessus) de signalés avantages. Dans les derniers jours de décembre 1857 (voir Annuaire), les forces combinées et alliées bloquaient Canton, et le 29 décembre une partie de la ville tombait en leur pouvoir. Le bombardement avait immédiatement commencé à l'aube du jour, le 28 décembre, puis continué tout le jour et toute la nuit, et l'assaut avait eu lieu le 29 à six heures du matin.— A deux heures, prise du fort de Gough. Les Chinois faisaient feu de leurs maisons, mais les autorités avaient soin de se dissimuler. Au moment de se montrer, elles se cachaient, le gouverneur Yeh en tête. Obligé enfin de se rendre à la réalité, il a l'air encore de faire grâce « aux barbares, il veut bien, dit-il, « leur accorder une audience. » Le patriotisme est si loin de ces populations au sens émoussé, que le général tartare chargé de commander les troupes est arrêté chez lui dans l'endroit qu'il suffit de ne pas nommer, pour exprimer toute la couardise de ce chef. Un autre, Pih-Kweh, rejette sur Yeh la responsabilité de la prise de la ville. Toutefois ce fut lui qui recueillit l'héritage du gouverneur Yeh. Un décret impérial rendu sur sa dénonciation l'appela à lui succéder. Les motifs de cette décision répandent quelque jour sur les formes et les procédés, sinon la pensée, du Céleste Empire: « Remplissant les fonctions de commissaire impérial pour la direction des affaires des Barbares, Yeh-Ming-Ching aurait dû aviser aux moyens d'arrêter lesdits Barbares. Si leurs demandes étaient tellement déraisonnables et extravagantes qu'elles n'aient pu être accordées, il aurait aussi dù s'entendre avec le commandant, le gouverneur et les autres officiers de la ville, de façon à ce que les moyens pour les cajoler (sic), au moins d'après l'Overland friend of China, et les dominer eussent été adoptés en temps convenables. Or, ledit Yeh n'avait rien fait de tout cela. Il s'était moqué desdits Barbares et s'était adroitement excusé, jusqu'à ce que, excités par la colère, ils fussent

tout à coup entrés dans la ville provinciale. « Il a été aussi obstiné et présomptueux, pervers et négligent, dédaignant les devoirs de sa haute mission. Yeh-Ming-Ching sera done immédiatement dégradé de son emploi. » Toutefois, Peh-Kwei ne dut fonctionner que provisoirement à la place de Yeh, auquel devait succéder définitivement Kwan-Tsunghan. De leur côté, les alliés prirent toutes les mesures nécessaires au maintien de la paix publique à Canton. Une commission mixte, composée du colonel Holloway et du commandant Martineau Deschesnez, seconda l'administration locale. Une police mi-partie européenne et mi-partie indigène veillait à la sécurité publique. Tout en maintenant jusqu'à nouvel ordre (proclamation signée à Canton, 6 février) l'occupation militaire de la ville et des faubourgs, lord Elgin et le baron Gros déclarèrent les opérations stratégiques contre la Chine suspendues pour le moment. Yeh faisait cependant de derniers efforts: il arrêtait la soumission de certains mandarins; transféré à bord de l'Inflexible, il entreprenait de séduire ses compatriotes par l'emploi de messages clandestins à Canton.

Mais bientôt les affaires de Chine entrèrent dans une phase nouvelle. Les hauts commissaires de France et d'Angleterre résolurent d'adresser directement à la cour de Pékin des notes où leurs réclamations seraient formulées. Ils invitèrent les plénipotentiaires de Russie et des Etats-Unis à s'associer à la démarche qu'ils allaient tenter auprès du Céleste-Empire. Consentement de la part de ces ministres et rédaction collective et de concert de deux Notes destinées à être mises sous les yeux de l'Empereur. Confiés à deux secrétaires des missions anglaise et française se rendant à Shang-Haï, ces documents portaient l'adresse du Gouverneur général des deux Kiangs, pour être remis à la cour de Pékin. Résolu en outre par les quatre plénipotentiaires anglais, français, russe et américain de se rendre eux-mêmes à Shang-Haï poury attendre le résultat de leur démarche collective. Un rapport adressé, le 27 février, au baron Gros par M. de Contades, témoigne de la remise à Sou-Tchou--Fou, entre les mains du Fou-Tai-Tchaou, et dans son prétoire même (26 février), des dépêches des alliés. Le Fou-Tai répondant ensuite au baron

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Gros, lui annonça l'envoi à Pékin, sous enveloppe, et « par une occasion aussi prompte que sûre,» de ces pièces diplomatiques. Mais l'accueil que leur fit la cour de Pékin n'était rien moins que satisfaisant. Réunis le 20 avril à l'embouchure du Peï-Ho, les plénipotentiaires français et anglais y rencontrèrent des fonctionnaires désignés verbalement par l'Empereur pour venir trailer avec les nations qui se trouvaient dans le port. Estimant peu sérieuses ces ouvertures, les représentants des deux puissances adressèrent de nouvelles et plus pressantes Notes à la cour de Pékin afin qu'elle envoyât à Takou des plénipotentiaires chinois. Sur ce, nomination du gouverneur général de Chihle comme commissaire impérial. Ce personnage informa le baron Gros et lord Elgin qu'il « venait savoir ce qu'ils demandaient pour en référer à Pékin. » Nonobstant ce mauvais vouloir presque évident, consentement de la part des deux plénipotentiaires alliés à de nouveaux délais. Le 12 mai, date de l'expiration, réponse évasive venue de Pékin. Sur ce, après entente avec les amiraux, communication (20 mai) à Tan, gouverneur de Chihle, de la résolution des représentants de l'Angleterre et de la France, de pousser vers la capitale pour traiter directement avec le Gouvernement chinois; et demande, en garantie de la sécurité de leurs nationaux, de la remise des forts des deux rives du Pei-Ho, ainsi que de la batterie qui se trouvait au bord de la rivière.

Cette sommation était remise à sept heures du matin, à neuf heures nulle réponse; à dix heures commencement de l'attaque. Les Français se chargèrent de prendre les forts de la rive droite. Inutile de dire qu'ils s'en acquittèrent vaillamment. Les Anglais s'emparèrent avec leur ferme bravoure des forts de la rive gauche. Après une heure quarante minutes de ce vif combat les alliés étaient maîtres des forts de l'embouchure de la rivière. L'explosion d'une mine sous les pas des Français leur causa malheureusement des pertes assez sensibles. Quant aux Chinois, ils défendirent courageusement leurs pièces (voir le Rapport de M. Rigault de Genouilly, 21 mai).

Les forts une fois pris, les amiraux alliés remontèrent le fleuve jusqu'à Tien-Tsin, où se rendirent ensuite, sous la protection de

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