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verte. Il n'y avait, disait ce brave militaire, qu'à autoriser les Communes, et en vertu d'une résolution spéciale, à déclarer que tout député israélite pourrait omettre les derniers mots de la formule du serment. C'était si simple, si aisé, qu'on en fit un bill spécial, et le 1er juillet, adoption, à la grande satisfaction de lord Derby, et en deuxième lecture, de la proposition en forme de loi de lord Lucan. La Chambre des Lords, elle aussi, avait contentement, puisqu'elle n'ouvrait pas aux Israélites les portes du Parlement; libre aux Communes de les admettre ou de les repousser. Ce ne serait plus là qu'une question de majorité. Les Israélites étaient enfin pleinement émancipés. Un épisode qui fit sensation, un procès intenté à un député, M. Glover, par ses créanciers, en vue de se faire désintéresser sur le cens qu'il était supposé payer, révéla et donna lieu de faire supprimer un abus invétéré: la déclaration d'un cens qui n'existait pas et dont, au moyen d'attestations complaisantes, on se prévalait pour entrer à la Chambre élective. Ce procès, qui se termina par un verdict de culpabilité, troubla maints députés. Un membre, M. Locke King, proposa et fit adopter un bill d'abolition du cens. Les tories s'y opposaient puisqu'on devait remanier en un bill complet tout le système; mais l'auteur de la proposition, appuyé d'ailleurs par le Cabinet, tint bon, et les Lords eux-mêmes finirent par se rallier à la suppression de ce qui était une source de scandale. Au surplus, la réforme électorale était à l'ordre du jour, ce qui ne veut pas dire que l'on procédât plus vite en cette matière. Naturellement l'élection de M. Bright comme député de Birmingham fournit une occasion de discourir sur ce sujet ; naturellement encore on attendait beaucoup ce qu'il dirait comme organe de l'association pour la réforme parlementaire qui se réunit cette année. M. Bright fut éloquent comme il convenait, mais que fait l'éloquence quand l'heure n'est pas venue? En vain le député de Birmingham prouvait-il que la Chambre des Lords est une superfétation et les Communes une doublure de la Chambre haute, la question ne faisait pas un pas pour cela.

L'année ferma pour ainsi dire sur une autre et actuellement plus imminente agitation, nous voulons parler de ce qui se pas

sait aux îles Ioniennes. On sait que l'expression des vœux pour la réunion des Sept-Iles à la Grèce ne prenait plus la peine de se dissimuler. Soudain on apprend que M. Gladstone est envoyé aux fles Ioniennes en qualité de haut-commissaire. Pourquoi cette mission? les Ioniens s'exaltèrent et pensèrent qu'il ne s'agissait de rien de moins que de la réalisation des vœux des Rhizopates ou partisans de l'union avec la Grèce. Ce qui contribuait à caresser chez eux cette espérance, c'étaient d'une part les sentiments, le caractère, l'érudition de M. Gladstone, d'autre part une dépêche ancienne de sir Arthur Young, commissaire en exercice, communiquée au Daily News par un employé du ministère des colonies et dans laquelle ce haut fonctionnaire aurait proposé ni plus ni moins que de réunir à la Grèce cinq sur sept iles, et de garder les deux autres, Corfou et Paxo, comme stations militaires. Les siècles ont pu changer les choses et les hommes dans l'Hellade, mais le caractère est resté. M. Gladstone fut reçu avec enthousiasme; il y eut des ovations, la voiture de l'éminent haut-commissaire fut dételée, et le reste. Le gouvernement de Londres se mit en mesure de calmer cette effervescence. Le ministre des colonies déclara au Sénat ionien, par l'organe de sir Young, que rien de ce que le Daily-News avait annoncé n'existait dans la pensée du Cabinet, en d'autres termes, qu'il ne songeait nullement à faire de Corfou et de Paxo des colonies; enfin que M. Gladstone avait pour mission d'étudier les moyens de rendre le protectorat plus aisé à pratiquer et à faire accepter.

Cependant le Parlement avait été prorogé (30 juillet) par commission. Le discours lu à cette occasion résumait les travaux du Parlement; et, quant à l'extérieur, comme habituellement, la Reine exprimait l'espoir que la paix générale serait maintenue. Ce qui donnait lieu de croire que cet espoir se réaliserait, au moins quant à la France, c'est que la souveraine de la GrandeBretagne se rendit à Cherbourg sur l'invitation de son auguste allié, l'Empereur des Français. Suivie d'une escadre et de bâtiments de l'amirauté mis à la disposition des membres du Parlement, la reine Victoria assista avec le prince Albert et plusieurs membres du Cabinet aux fêtes données en cette occasion. De

Cherbourg, la souveraine de la Grande-Bretagne alla visiter en Prusse sa fille mariée au prince royal, puis elle revint en Angleterre. Elle passa l'automne en Écosse.

L'exposé financier présenté à la Chambre des Communes, le 30 avril, par le chancelier de l'Echiquier, accusait la situation sans ménagement. Il en ressortait que la détresse commerciale qui avait suivi l'élévation du taux de l'escompte au commencement de 1857, et la panique américaine, avaient exercé une grande influence sur les recettes publiques; que le commerce d'exportation avait surtout souffert. A la fin des neuf premiers mois de l'année, le 30 septembre 1857, la valeur des exportations déclarées, comparativement à la même période de l'année correspondante, présentait une différence en moins de 12 1/2 pour cent; au dixième mois (30 octobre), diminution de 1 pour cent. Enfin, au 31 décembre, de 5 1/2 pour cent. En 1853, avant la guerre, valeur déclarée des exportations 99 millions; en 1855, 95 millions et demi; en 1856, 116 millions; en 1857, 122 millions. Quant aux importations, de 143 millions en 1853, la valeur réelle en était de 172 millions en 1856, et de 187 millions en 1857. La Grande-Bretagne avait donc eu plus besoin de l'étranger, que celui-ci du com merce anglais. Cependant le ministre espérait un prochain accroissement de la prospérité du pays : capital abondant, argent à bon marché, moindre élévation des objets de première nécessité que l'année précédente. Voilà sur quoi se fondait l'espoir du Gouvernement. Pour 1858 et 1859, M. Disraeli évaluait les charges (dette capitalisée et non capitalisée) à 28 millions 400,000 liv. st. La charge permanente sur le fonds consolidé était de 1 million 900,000 liv. st. Budget de la guerre 11 millions 750,000 liv. st.; de la marine, 9 millions 860,000 liv. st.; budgets divers : 7 millions de liv. st. Dépense totale pour l'enseignement (qui d'ailleurs était en plein développement), 3 à 4 millions. - Fonds d'amortissement de la guerre, 1 million et demi de liv. st.; bons de l'Echiquier à liquider au commencement de mai, 2 millions de liv. st. Dépense totale pour 1858-1859, 67 millions 110,000 liv. st. (1 milliard 677 millions de fr.). On ferait face à cette dé

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pense par les douanes (23 millions 400,000 liv. st.); par l'accise (18 millions de liv. st.); par le timbre (7 millions 550,000 liv. st.); par l'impôt foncier (3 millions 200,000 liv. st.); par la taxe du revenu (6 millions 100,000 liv. st.); par les postes (3 millions 200,000 liv. st.); enfin, par les recettes diverses (1 million 300,000 liv. st.); déficit actuel 3,990,000 liv. st. (97 millions de francs). M. Disraeli se consolait de cette différence en pensant qu'elle n'était due à aucune diminution des ressources nationales.

CHAPITRE XIV.

ÉTATS-UNIS.

Encore la question du Kansas. Nouvelles phases qu'elle parcourt; attitude du président en cette occurrence. Ses sympathies pour les Free soilers sont plus que douteuses. Dissentiment entre le Sénat et le Congrès sur la même question. - Partage: conférence par le Sénat ; à quoi elle aboutit. Motion English: adoption. - Message de M. Buchanan relatif à cette solution. La session prolongée par suite des débats sur la question du Kansas.- Les finances et l'armée. Comment le président pense combler le déficit amené par la dernière crise: le tarif des douanes; M. Buchanan voudrait des droits spécifiques. La question des banques; difficultés et éloignement de la solution. -- Scandales parlementaires : le secrétaire de la guerre. Les Mormons : nouveaux renforts envoyés contre les Saints. Proclamation de Brigham Young; incendie de deux forts par les Mormons. Souffrances de l'armée présidentielle. Arrivée à Utah de deux envoyés du Président; propositions pacifiques dont ils sont porteurs; promesse d'amnistie. Les Saints se soumettent. - Walker et les Flibustiers; leur audace et leurs vaines tentatives de cette année. Dispositions du gouvernement de Washington à leur égard; conjectures à ce sujet. Amérique centrale : le traité Clayton Bulwer et le traité Dallas-Clarendon. Convention Gore Onseley au sujet du transit par l'isthme de Panama; mécontentement du Gouvernement et de l'opinion. Comment s'exprime là-dessus le Président. Le droit de visite et la répression de la traite; plaintes des Etats-Unis contre les croiseurs anglais, effervescence; menace de guerre motion Douglas; préparatifs et armements. Cependant M. Buchanan négocie; le Cabinet anglais est disposé à tout terminer pacifiquement et l'irritation s'apaise. - Relations avec l'Espagne : les réclamations cubaines. Le Président voit dans l'ile de Cuba le dernier asile de la traite. Ce qu'il en coûte aux Etats-Unis pour surveiller les côtes d'Afrique. - Le Mexique. Triste tableau que trace M. Buchanan de la situation de ce pays; rappel de M. Forsyth, ministre de l'Union; à quelle occasion. - Autres incidents extérieurs l'or de la Nouvelle-Calédonie. Evénements intérieurs : les troubles de la Nouvelle-Orléans; le câble transatlantique. · Message du Président.

L'année précédente avait fermé sur cette grave question du Kansas, qui engageait si profondément la responsabilité morale du président Buchanan, elle se rouvrait avec le même 38

1858

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