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BRÉSIL. Situation florissante de cet empire; ses finances.- La presse à Rio-Janeiro; grève des compositeurs: sur quoi elle est fondée. — Ouverture de la Session'; discours de l'Empereur. Le projet d'adresse dans les deux Chambres; longs débats qu'il soulève. Le ministère triomphe en définitive. Les documents des ministres; faits qui en ressortent. L'Angleterre et le droit de visite; la France et la délimitation de la Guyane; les successions de ses nationaux. Plaintes de la France au sujet des règlements qui les régissent.

MEXIQUE.

Anarchie, telle est l'expression caractéristique de l'état de ce malheureux pays au commencement, et bientôt, durant tout le cours de cette année. Le pouvoir était aux mains de Zuloaga, et avec lui des réactionnaires, mais en même temps il lui était disputé par le parti du mouvement qui avait pour chef Juarez, réfugié à Guanajuato. On entrait donc en pleine guerre civile. Cependant le vainqueur de Comonfort avait pris possession du gouvernement central et composé son Cabinet; après quoi, on lui doit cette justice, il avait procédé à des mesures réparatrices : révocation des lois spoliatrices du clergé, rétablissement des fueros, des prêtres et de l'armée, et restitution des biens vendus. C'était, au surplus, bien calculer; car le clergé reconnaissant aida de sa bourse le nouveau Président à reconstituer son armée, qui fut distribuée entre des chefs fameux dans ces troubles civils: Osollo, Miramon, Echeagaray, enfin Villaréal. Le général Zuloaga comptait exécuter avec eux, et en leur répartissant les rôles, tout un plan de campagne. Osollo devait marcher contre Parrodi, Villaréal contre Alvarez dans le Sud. Les autres devaient opérer sur certains points donnés. De leur côté, les puros (rouges) ne s'endormaient point. Juarez tenta de former un gouvernement de sa couleur; mais, chose assez rare, il n'avait pu trouver encore qu'un ministre. Puis il lança la pièce d'usage, une proclamation. Un incident caractéristique en cette dernière révolution, et assurément significatif, c'est que, le combat fini ou une halte intervenue dans cette guerre civile, on vit flotter le pavillon français dans toutes les rues de la capitale et sur presque toutes les maisons. C'était le pavillon protecteur de tous, et l'envoyé français, M. de Gabriac, avait su se faire

Il s'agit maintenant de suivre, s'il se peut, en cette confusion du gouvernement des chefs et des partis, les opérations de chacun. Dès son entrée en campagne, le général Osollo s'emparait, au nom du président Zuloaga, de Guadalajara et de tout le personnel administratif de Juarez (23 mars). Le 12 mars précédent, il avait contraint Doblado à capituler à Silao. On donna à la convention de ce jour le nom malheureusement hyperbolique en ce pays de Bases de la concorde mexicaine et de l'union de l'armée. En effet, de cette période de succès le gouvernement de Zuloaga entra bientôt dans celle des avantages contestés, et enfin des pertes. Les intentions du Président étaient bonnes, puisqu'il projetait de dompter le fédéralisme anarchique et de faire renaître une ère d'unité et de régularité. Mais il eût fallu ce qu'exigent des desseins de ce genre: une volonté à leur hauteur. Enfin il eut contre lui les événements. Osollo, qui venait de vaincre pour lui, tombait dans un combat. Quels que pussent être ses projets pour l'avenir, c'était, quant à présent, un défenseur de sa cause que perdait le président Zuloaga. Cette circonstance ne fut sans doute pas étrangère aux nouveaux avantages que remportèrent les insurgés : la Vera- Cruz et Tampico étaient en son pouvoir. Dans la première de ces deux villes, Juarez fut reçu avec enthousiasme; et puis, on manquait d'argent. Le clergé, qui avait aidé de sa bourse le Gouvernement de Mexico, commençait à se fatiguer. Vint l'heure des expédients, et Zuloaga eut l'inspiration fàcheuse d'en puiser un dans un emprunt forcé qui atteignait aussi les étrangers. Tout d'abord le représentant des Etats-Unis se récria et protesta. On a vu (EtatsUnis) qu'il fut soutenu dans cette protestation par son Gouvernement, et que le rappel de la légation en fut le résultat. Les Anglais et les Français ne se montrèrent pas mieux disposés. Cette mesure impolitique de Zuloaga n'était donc pas de nature à le consolider, et l'année en était encore à la moitié de sa révolution, que tout le pays présentait la division la plus déplorable. Sur vingt-trols Etats et six territoires, le gouvernement central n'en avait à lui que quelques-uns; les autres étaient positivement indépendants. Et d'abord la péninsule Yucatèque : elle s'était affranchie depuis longtemps du gouvernement général.

Dans l'Etat de Guerreno, c'était Alvarez qui y exerçait une véritable dictature. Yanez régissait le Sinaloa; Vidaurri, plusieurs fois nommé et toujours en guerre, était le chef suprême du Nuevo-Leon, et Garza était tout-puissant à Tamaulipas. Inutile de parler de la Basse-Californie, trop éloignée du centre pour que l'autorité fédérale pût s'y faire respecter. Enfin, Durango et Zacatecas étaient au pouvoir des Indiens. Cet état de choses faisait penser peut-être au Gouvernement de Washington que le Mexique n'avait plus besoin que d'un acheteur. Mais fallait-il confondre la population tout entière avec des généraux indisciplinés et toujours en révolte ? Ce qui manquait, c'était un esprit, une volonté et un caractère, un homme en un mot. Actuellement le pays appartenait au fédéralisme. Maître de la VeraCruz, l'Indien Benito Juarez disposait d'une ressource que n'avait pas celui dont il était le compétiteur, le revenu des douanes; il recrutait des partisans parmi les chefs déclassés ; enfin, il ralliait à sa cause, au moins pour le moment, le chef presque indépendant du Nuevo-Leon, le général Vidaurri. Prívé soudainement de l'énergique concours d'Osollo, le Gouvernement de Mexico tourna les yeux vers Miramon. Brave, actif, ce général releva quelque peu les armes de Zuloaga et les espérances du parti conservateur. Mais, dans ces contrées, il faut toujours compter avec l'imprévu. Tandis que Miramon remportait des succès dans le Nord, un autre général, Echeagaray, chargé de marcher contre les insurgés retranchés à la Vera-Cruz, s'insurgeait lui-même contre le Pouvoir établi à Mexico. Suivant l'habitude iuvétérée, il publia à Ayotla son plan ou programme politique dans lequel nécessairement toute une ère de prospérité était annoncée aux populations. Puis voici venir un autre général, Robles Pezuela, placé à la tête de la garnison de Mexico, lequel, désireux de publier aussi un plan, fit à son tour son pronunciamiento et tourna ses forces contre le Gouvernement. Attaqué vigoureusement, et après s'être énergiquement défendu dans Mexico même, Zuloaga dut enfin céder la place aux Puros (fin décembre). Il fut heureux de trouver un asile à la légation anglaise. Singulier retour des choses: il était réduit à demander son salut aux étrangers qui l'avaient reconnu à son avénement

au pouvoir, qu'il avait ensuite arbitrairement imposés; et, circonstance non moins étrange, il tombait presque à l'époque correspondante à celle où il avait renversé Comonfort. Cependant Miramon remportait une victoire sur Degollado, autre chef libéral. Il était donc loin quand Pezuela faisait sa révolution dans la capitale. Que devait-il sortir de tous ces mouvements dont l'histoire est embarrassée de fixer le nombre?

NICARAGUA ET COSTA-RICA.

Ces deux républiques de l'Amérique centrale s'unirent cette année (mai) par une déclaration qui avait pour objet en plaçant le transit entre les deux Océans sous la protection de trois puissances européennes, France, Angleterre et Sardaigne, de les défendre contre l'esprit d'envahissement des États-Unis. Ce qui témoignait que la prévision des deux republiques n'était pas sans fondement, c'est que dans le mois qui avait précédé leur convention un colonel Kinney procédant à la façon de Walker, avait tenté de s'emparer de Greytown en s'appuyant sur le traité conclu par Yrisarri avec les États-Unis, mais dont le Congrès du Nicaragua ne voulait absolument pas entendre parler. Son Président projetait de s'opposer par la force des armes à l'occupation de la route du transit par les troupes de l'Union. L'entente du Nicaragua avec Costa-Rica pour se placer sous la protection des puissances qui, suivant leur propre expression, « avaient fait respecter l'intégrité de l'empire ottoman, » était donc parfaitement opportune. Le Président des États-Unis ne pouvait pas manquer de témoigner à cette occasion sa mauvaise humeur qui apparaissait visiblement dans son message du 6 décembre : « La condition politique de l'isthme étroit de l'Amérique centrale à travers lequel passent les routes de transit entre l'Atlantique et le Pacifique est un sujet de profond intérêt pour toutes les nations commerçantes... Pour les Etats-Unis, ces routes sont d'une importance incalculable comme moyen de communication entre leurs possessions de l'Atlantique et du Pacifique... Si un bras de mer, reliant les deux Océans, pénétrait à travers le Nicaragua et le Costa-Rica, on ne saurait prétendre

que ces deux États eussent le droit d'y entraver ou d'arrêter la navigation au détriment d'autres nations. Le transit par terre, sur cet isthme étroit, est à peu près dans la même position. C'est une grande route sur laquelle les États qu'elle traverse ont euxmêmes peu d'intérêt, comparativement aux intérêts immenses du reste du monde. Tout en respectant leurs droits de souveraineté, il est du devoir des autres nations d'exiger que cet important passage ne puisse se trouver intercepté par les guerres civiles et les explosions révolutionnaires qui se sont produites dans celte région. L'enjeu est trop important pour le laisser à la merci des compagnies rivales (allusion aux projets d'un voyageur français, M. Belly) se prévalant de contrats contradictoires avec le Nicaragua... » (Message du Président Buchanan). Il ressortait ensuite de ce document que les citoyens de l'Union ayant éprouvé des pertes dans le Costa-Rica et le Nicaragua, il y avait lieu de demander à ce sujet un dédommagement, et comme probablement cette satisfaction se ferait attendre, il y aurait là un beau prétexte pour mettre la main sur les républiques créancières. Mais les trois puissances européennes? Elles étaient bien loin et avaient d'autres affaires à démêler. Il est tel pays presque séculairement malheureux qui attendait encore leur concours. Cela ne voulait pas dire que si une d'elles, l'Angleterre par exemple, avait dans ces parages des intérêts commerciaux prochains et directs, elle ne dût pas saisir l'occasion d'intervenir dans le débat. Témoin la mission de M. Gore Ouseley dans le Nicaragua et sa sérieuse convention au sujet du transit (V. Etats-Unis). Dès son arrivée à Nicaragua, l'envoyé anglais présentait au Président de cette république ses lettres de créance. En même temps il faisait connaître en termes assez précis l'objet de sa mission, un traité était d'autant plus urgent à ses yeux, que les intérêts de l'humanité et la politique exigeaient une action décisive de la part des nations civilisées et commerçantes en vue de la défense de cette république et des républiques voisines contre des actes de piraterie d'individus sans foi. On pouvait bien compter parmi ces individus, Walker qui ne pouvait se consoler d'être exilé de sa patrie adoptive, comme il appelait le Nicaragua dans une de ses lettres au président Buchanan, où il

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