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mation tendant à une récompense, parce que les actes de cette espèce rentrent dans le service qui leur est imposé.

SECTION SEPTIÈME

DU CÉRÉMONIAL DE LA MER

§ 25. Notions fondamentales.

I. Aussi longtemps que le principe de la liberté des mers n'a pas été universellement reconnu, et particulièrement au XVII siècle, lorsqu'on voyait surgir les prétentions les plus arbitraires et parfois les plus absurdes à la souveraineté de certaines parties de la mer (voir 2 4), la théorie du cérémonial constituait un chapitre très important du droit maritime. II ne s'agissait nullement alors des témoignages d'une politesse conventionnelle, que toutes les nations ont également le droit d'exiger, comme elles ont toutes le devoir de les rendre; mais bien des marques extérieures de la suprématie à laquelle certains états prétendaient, et dont ils réclamaient toujours la reconnaissance formelle, même en usant de la coërcition. Ce fut d'abord le salut des navires de guerre entre eux qui provoqua de nombreuses querelles et de fréquents recours à la force, et fournit même des prétextes de guerre. C'est pourquoi Bynkershoek commence le chapitre relatif à la matière par ces mots caractéristiques: Ut belli occasio evitetur, tractandum quoque, quando et quorum navibus præstanda sit reverentia 2. »

II. L'Angleterre et la France se sont distinguées par les pré

1 Quaest. Jur. publ., 1, 2, cap. XXI.

2 Pour les détails sur les temps qui ont précédé le milieu du xvIIe siècle, voir Cleirac, Us et coutumes de la mer (Appendice.)

tentions qu'elles élevèrent, soit l'une à l'égard de l'autre, soit vis-à-vis des autres nations.

Sous le règne de Jacques ler, l'Angleterre exigea que tous les navires étrangers saluassent sans réciprocité ses navires de guerre en amenant les voiles et le pavillon, lorsqu'ils se trouvaient dans les mers britanniques, sur lesquelles le roi revendiquait une souveraineté exclusive. Les grandes puissances maritimes, comme la France et l'Espagne, ne se soumirent pas. Louis XIV ordonna aux navires de guerre français de se conduire à l'égard des Anglais de manière à ne leur concéder aucune prééminence en ce qui regardait le salut, et Philippe IV défendit formellement d'abaisser le pavillon royal.

Plus tard, Charles II ayant prescrit de nouveau l'exécution des ordres de Jacques Ier à l'égard de tous les navires étrangers, de longues négociations se poursuivirent entre l'Angleterre et la France, et, devant l'attitude très énergique de Louis XIV, les amiraux anglais furent invités à éviter soigneusement toute rencontre avec les vaisseaux de guerre français; si la rencontre était inévitable, on devait saluer simultanément ou s'abstenir de rien faire. De nouveaux conflits ne manquèrent pas de surgir, lorsque les instructions adressées aux navires de guerre anglais, en 1687, leur eurent imposé la conduite suivante (art. 31): « Si vous rencontrez un navire appartenant à un état étranger dans les mers royales (il faut remarquer que les mers royales s'étendaient jusqu'au cap Finisterre), vous aurez, en passant devant lui, à attendre qu'il amène la voile de hunier et abaisse son pavillon pour montrer ainsi qu'il reconnaît la souveraineté du roi dans ces mers; s'il s'y refuse ou s'il résiste, vous aurez à faire tous les efforts possibles pour l'y obliger, et pour ne pas souffrir que l'on insulte Sa Majesté en aucune manière. »

Pour répondre à cette provocation, Louis XIV, dans une Instruction générale rendue le 15 avril 1689, ordonna qu'en cas de rencontre avec un navire étranger, quelle que fût la mer ou la côte où elle aurait lieu, on devait réclamer le premier salut, et l'exiger par la force, si cela était nécessaire.

La Hollande s'étant refusée à prescrire à ses commandants d'amener le pavillon devant les navires anglais, il en résulta pendant l'année 1652, en pleine paix, un combat naval, qui eut une guerre pour conséquence. Les traités de paix de 1654 et de 1674 stipulèrent que les navires de guerre et les corsaires hollandais auraient à l'avenir, en rencontrant les navires de guerre anglais dans les mers britanniques, à amener les hautes voiles et le pavillon; le cap Finisterre et le cap Staten en Norwége étaient assignés pour limites aux mers britanniques. Au xvme siècle, l'usage d'amener le pavillon tomba peu à peu; on le considéra comme une véritable humiliation. Néanmoins, en 1744, peu de jours avant la déclaration de guerre de la France à l'Angleterre, le commandant des forces navales françaises croisant dans la Manche, obligea tous les navires de guerre anglais qu'il rencontrait à amener le pavillon. La stipulation des traités de 1654 et de 1674, indiquée ci-dessus, fut de nouveau insérée dans le traité de 1784, entre l'Angleterre et la Hollande. Pour éviter les conflits qui avaient surgi fréquemment à propos de la priorité du salut d'après le rang de l'officier qui commandait, plusieurs états s'entendirent sur le salut qui devait être rendu en pleine mer et dans les rades; des conventions le supprimèrent même entièrement dans certaines circonstances.

III. L'égalité parfaite entre tous les états souverains cons titue aujourd'hui la base des règles observées en cette matière. Les marques d'honneur n'ont plus qu'une signification de courtoisie 1.

§ 26.

Des différentes espèces d'honneurs maritimes.

1. Un grand nombre de marques d'honneur usitées anciennement ont disparu, particulièrement lorsqu'elles constituent une humiliation pour celui qui les reud, comme l'abaissement

↑ Twiss, I, ¿ 104, dit : « The ceremonial of the salute is no longer connected with the idea of the supremacy of one nation over another. »

du pavillon ', ou lorsqu'elles ne comportent pas de réciprocité, comme de prendre le dessous du vent 2.

Les marques d'honneur usitées aujourd'hui dans les rapports internationaux se divisent en deux catégories :

A. Le salut.

1. Hisser le pavillon étranger.
2. Abaisser et relever le pavillon 3.

3. Amener les voiles, notamment les voiles hautes '. 4. Tirer une salve de vingt et un coups de canon au plus3, selon le salut qu'il faut donner, en hissant le pavillon étranger au grand mât ou au màt d'avant, en garnissant d'hommes les

• Neumann (8 21), cite erronément, parmi les saluts encore en usage, celui qui consiste à amener le pavillon. Dans un combat naval on amène le pavillon pour indiquer l'intention de rendre le navire à l'ennemi; on hisse alors sur le navire capturé son propre pavillon au-dessous de celui du vainqueur.

2 Clairac dit à la page 75 de l'Annexe : « Prendre le dessous du vent est la plus grande soumission qui se puisse faire sur mer. >>

3 Règlement sur les pavillons et saluts, du 21 mai 1878, 49: « Les bâtiments de la marine impériale ne peuvent, dans quelque circonstance que ce soit, saluer des navires de guerre ou des forteresses, etc., en abaissant et élevant le pavillon que si les navires étrangers le font les premiers, ou bien si le salut se fait simultanément après entente; mais un salut de cette espèce doit être en toute circonstance, immédiatement rendu comme il est donné.

<«<< Le salut des navires de commerce qui consiste à abaisser trois fois le pavillon ou à passer avec le pavillon à moitié abaissé, doit être rendu en abaissant et relevant une fois le pavillon; est seul excepté le cas prévu à l'article 26 ». En présence de l'étendard de l'empereur, on ne salue aucun autre pavillon.

↑ A notre connaissance, ce salut n'est plus d'usage dans les rapports internationaux; encore moins celui qui consiste, en signe de respect, à amener les vergues. Le règlement autrichien (III, no 1102 d) prescrit cependant : « Les navires sous voile ont, pour faire le salut, à carguer les voiles basses, et si possible à les mettre en panne, et si les voiles de perroquet sont dehors, à amener les drisses; les navires sous vapeur doivent, selon les circonstances, ralentir leur marche ou l'arrêter. Mais on n'amène les drisses qu'en présence des marques distinctives de grades et de commandements de la marine impériale et royale; en présence des navires de guerre et des pavillons étrangers, ceci ne peut se faire que par réciprocité, c'est-à-dire dans le cas où le navire étranger a donné le premier cette marque d'honneur.

5 Ce chiffre est le maximum du salut international. Les navires de guerre allemands tirent pour l'empereur une salve de trente-trois coups, autant pour l'impératrice.

vergues et les haubans, en poussant le cris de Hourrah, en faisant rendre les honneurs militaires par les soldats de marine (présenter les armes et battre aux champs), etc.

5. Rendre les honneurs militaires en cas de rencontre des

canots.

B.-Autres marques d'honneurs.

1. Visites réciproques.

2. Réception solennelle à bord des navires de guerre selon le rang de l'étranger qui fait la visite.

3. Participation à des fêtes nationales dans les ports étran

gers.

§ 27. Règles essentielles en ce qui concerne les honneurs à rendre.

1. Dans les rapports internationaux, les saluts se composent d'un salut et d'un contre salut. Les salves d'artillerie doivent se rendre coup par coup, qu'elles s'échangent avec d'autres navires de guerre, ou bien avec des batteries de côte. Il n'y a pas de contre salut :

1° S'il s'agit d'un salut destiné à des souverains étrangers, à des membres de leur famille, à des présidents de république, à des diplomates, à des officiers de haut rang, etc.; il arrive toutefois qu'on le rende dans de semblables circonstances.

2° Si les salves sont tirées à l'occasion des fêtes nationales'. 3o D'un navire de guerre à un corsaire.

II. Voici les règles et usages en vigueur en ce qui concerne la priorité des saluts :

1. Un navire isolé salue le premier une escadre étrangère; il en est de même pour plusieurs navires qui rallient une es

Voir plus de détails dans le Règlement sur les saluts et pavillons, 8 45 à 49; le règlement autrichien, III, no 1100, 1141 à 1146, contient des dispositions très complètes sur les saluts à rendre aux places étrangères, aux pavillons et aux personnages de haut rang.

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