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ment rendu le 1er mars 1848, en sa qualité de cour suprême des prises, a déclaré illégitime une confiscation opérée dans ces circonstances. Si l'on reconnait la justesse de cette appréciation, il en résulte que la mesure elle-même revêt un caractère singulier, et qu'elle est absolument différente, dans ses conséquences, du blocus admis en temps de guerre.

Hautefeuille s'élève très vivement contre cette institution. Il fonde ses déductions sur une supposition tout à fait arbitraire et erronée, à savoir que le blocus serait la conséquence de la conquête du territoire ennemi 2. Une semblable conquête, dit-il, n'est possible que pendant la guerre; donc, un blocus n'est praticable qu'après la guerre déclarée. On peut objecter victorieusement que les croiseurs chargés de maintenir le blocus stationnent souvent hors des eaux territoriales, dans une partie de la mer qui n'est pas susceptible d'occupation. Il cherche à répondre à cette objection en alléguant des raisons qui conduisent à des conséquences diamétralement contraires. L'opinion de Hautefeuille est partagée par un grand nombre de publicistes. Parmi les partisans des blocus pacifiques il faut

↑ Droits et devoirs des neutres, III, p. 176–194.

2 Voir aussi sur ce point Gessner, Droits des neutres, p. 166 et suiv., et 242.

3 Notamment par Gessner, ibid., p. 233 à 241 et p. 245, tout récemment encore, dans un article de l'Augsburger Allgemeine Zeitung (no 307, 1880); Wurm, dans le Staatslexikon, t. XII, p. 132; Neumann, 38; Oppenheim, p. 255; ce dernier, tout en considérant le blocus exclusivement comme une mesure de guerre, ajoute a Lorsque le cabinet de Washington, au moment où éclata la dernière << grande guerre civile aux États-Unis, commit la faute de déclarer le blocus des « états du sud, au lieu de les fermer simplement en vertu de son pouvoir souve«rain, les puissances maritimes de l'Europe conclurent justement de cette erreur « qu'elles pouvaient reconnaitre les états rebelles comme belligérants. » Mais ce n'était point là un blocus pacifique; il avait été provoqué par une guerre civile, bien qu'au début on ne l'eût considérée que comme un soulèvement. Or, il ne saurait être douteux que l'on peut faire un blocus dans le cours d'une guerre civile, comme pendant toute autre guerre; une simple fermeture n'a pas les mêmes effets. Voir sur ce point la section IV de la 2e partie. Pistoye et Duverdy, I, p. 376-378, H. B. Deane, p. 48, Assentio, p. 43, se prononcent contre les blocus pacifiques. Bluntschli également (art. 507), ne veut pas admettre qu'ils soient obligatoires à l'égard des navires neutres; le mot a neutre » n'est pas correct ici, car il ne s'agit point d'un état de guerre.

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citer en première ligne Heffter1; il estime que leur emploi est parfaitement légitime, et leur force obligatoire incontestable à l'égard des nations tierces; l'humanité, fait-il remarquer, ne peut qu'approuver cette nouvelle institution du droit des gens. Cauchy la défend à un autre point de vue, en considérant un semblable blocus comme une guerre localisée.

Selon nous, on ne saurait contester avec succès la légitimité d'une mise en état de blocus en dehors de l'état de guerre, particulièrement à titre de représailles. Des représailles, fussentelles mêmes rigoureuses et de nature à porter atteinte aux intérêts des nations tierces et de leurs sujets, se trouvent encore être un mal moindre que la guerre, moyen extrême de défense nationale en droit des gens. La légitimité des représailles, comme acte de semblable défense, est hors de question, car la guerre n'est pas le seul recours à la force admis par le droit des gens; il faut que l'on puisse en certaines circonstances recourir à des interventions opérées par la force, sans qu'elles aient le caractère d'une agression belliqueuse. On ne peut faire valoir contre la légitimité du blocus pacifique, le fait qu'il est de création récente; le premier exemple remonte seulement à 1827. On ne peut davantage se prévaloir de cette circonstance, que la déclaration de Paris du 16 avril 1856, concernant la guerre maritime, a défini le blocus, pour en conclure qu'il n'est pas applicable en dehors de la guerre. Cette déclaration, en effet, ne détermine que les cas où un blocus établi pendant la guerre est obligatoire.

Cette mesure ne méritera certainement pas le reproche d'injustice envers les nations tierces et leurs sujets, si, conformément à la pratique française, on s'abstient de confisquer les navires et les biens saisis, et qu'on se borne à les mettre sous séquestre.

112. M. Geffken remarque également que, si l'on admet en général les représailles, la légitimité du blocus en dehors de la guerre ne peut être contestée. 2 II, p. 426-428. En ce sens aussi Calvo, IV, p. 192.

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I. La question de savoir si la guerre en elle-même est légitime, comme celle qui consiste à rechercher les conditions nécessaires pour qu'une guerre soit juste, ne sont, ni l'une ni l'autre, du domaine du droit des gens positif. De tout temps, la guerre a été pratiquée dans les rapports internationaux, et les états modernes les plus civilisés n'agissent pas d'une manière différente. Nous devons donc constater qu'en fait on ne peut pas plus empêcher la guerre que les querelles et les voies de fait entre particuliers. Au droit des gens qui accepte cette nécessité, incombe la tâche de faire prévaloir son influence civilisatrice, en proclamant que la guerre constitue une voie de droit, un moyen extrême de légitime défense. C'est en se plaçant à ce point de vue seulement que l'on peut fixer les règles juridiques, dont le but est de restreindre et d'adoucir les maux que la guerre entraîne; tandis que si on la considère comme dépourvue de toute base juridique, rien ne pourra arrêter

l'arbitraire de ceux qui la font. La question de savoir si une guerre est juste, n'a pas de valeur pratique pour le droit des gens positif, par la bonne raison qu'il n'existe pas de juge compétent pour décider ce point. Cependant le problème qui consiste à rechercher les conditions abstraites de la légitimité d'une guerre, n'a pas été étudié seulement par les philosophes et les hommes politiques; suivant l'exemple de Grotius, un grand nombre d'auteurs la discutent d'une manière plus ou moins approfondie dans leurs traités de droit des gens 2.

II. Le droit de la guerre est l'ensemble des règles qui déterminent les rapports des belligérants entre eux et avec les tierces puissances (neutres). Ces règles constituent le fondement de la protection internationale que les particuliers peuvent invoquer en cas de guerre, et dont les forces militaires des belligérants elles-mêmes ne sauraient se passer. L'antiquité n'a connu que quelques-unes de ces règles, par exemple celles qui concernent les parlementaires. A mesure que la civilisation moderne s'est développée, on s'est convaincu davantage que la guerre est un mal nécessaire; qu'il faut se borner aux actes rigoureusement indispensables pour y mettre fin; que toute cruauté inutile doit être flétrie; que la lutte doit se restreindre entre les états et leurs forces militaires et non s'étendre aux particuliers.

Ces idées ont prévalu peu à peu et donné naissance à un ensemble de principes, où se manifestent clairement les efforts qui tendent à l'adoucissement des pratiques belliqueuses, et dont il n'est point permis de se départir, sauf dans le cas d'extrême nécessité que l'on désigne sous le nom de « raison de guerre. »

Cependant, le droit de la guerre est encore aujourd'hui la partie la plus incertaine du droit des gens; et dans le droit de la guerre, ce sont les règles relatives à la guerre maritime,

De jure belli ac pacis, lib. II, c. xxII et s.

2 Voir dans Bluntschli, art. 515 et s. Voir aussi les considérations sur la légitimité de la guerre franco-allemande de 1870, dans l'écrit intitulé: Le droit des gens moderne dans la guerre franco-allemande de 1870, p. 8 à 13.

c'est-à-dire aux rapports des belligérants et des neutres dans le domaine de la mer, qui manquent surtout de précision et de fixité.

III. En général, les mêmes principes fondamentaux s'appliquent à la guerre sur terre et à la guerre maritime. Mais d'autre part, il résulte de la nature des choses, confirmée par une pratique séculaire, que la guerre maritime doit avoir des maximes et des usages propres, s'écartant de ceux qui sont en vigueur dans les luttes sur terre, et s'appliquant aux rapports des belligérants entre eux, comme à leurs relations avec les neutres. C'est ainsi que la guerre maritime se fait également contre la propriété privée, et que le commerce des neutres est sujet, sur mer, à de nombreuses entraves. Anciennement, la guerre maritime était essentiellement une guerre de butin; elle l'est encore aujourd'hui en partie. La doctrine et dans une certaine mesure la pratique internationale essaient actuellement de provoquer contre ces usages une réaction énergique (voir § 36). IV. Les lois de la guerre sont les mêmes pour toutes les parties belligérantes. En contestant cette règle, on leur enlèverait précisément toute base juridique. L'opinion émise quelquefois, d'après laquelle l'état injustement attaqué a plus de liberté dans le choix des moyens de défense que son adversaire, est absolument inadmissible. Chaque partie a coutume, en effet, de se croire, ou tout au moins de se dire, l'objet d'une agression injuste.

La guerre fût-elle même engagée arbitrairement et sans aucun but moral, on ne peut lui enlever son caractère juridique, ni refuser à son auteur le bénéfice des règles qui seraient appliquées s'il avait eu les motifs les plus légitimes de l'entreprendre1.

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32. Des parties belligérantes.

I. En vertu de l'égalité qui existe entre les états indépendants, chacun d'eux a le droit de déclarer et de faire la guerre ; ⚫ Bluntschli, art. 519. Oppenheim, chap. x1, § 6.

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