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somption doit toujours être favorable à ces usages, et contraire à la supposition qu'il s'agisse de contrebande de guerre. Cette règle est au moins contestable dans le cas où il y aurait déjà eu chez le neutre qui est en cause, de précédents transports des objets incriminés, avec la certitude du fait de contrebande. Dans le transport de la poudre à tirer, qui peut aussi servir à un but pacifique, et d'autres articles du même genre, il faut bien que l'on puisse présumer qu'il y a contrebande, surtout si les envois se font en quantité considérable.

2. A la suite de l'ordonnance de la marine française de 1681, on a presque toujours considéré et traité les chevaux comme contrebande de guerre : « chevaux et équipages qui seront transportés pour le service de nos ennemis ».

3. Les machines et les parties de machines à vapeur pour bátiments de guerre. La pratique les considère justement comme contrebande de guerre.

4. Le charbon. En 1854, le premier lord de l'amirauté déclara au parlement que le charbon, destiné à un usage de guerre, serait regardé comme contrebande. Par contre, en 1859, la France et l'Italie ne voulurent point prohiber cet article. Pendant la guerre de 1870, le gouvernement anglais défendit le transport du charbon, opéré des ports britanniques, aux navires de guerre français qui stationnaient dans la Baltique pour y faire des opérations hostiles. A notre avis, il faut décider uniquement d'après la destination; si le charbon doit servir à des opérations militaires du belligérant, la confiscation est justifiée1.

5. Les vivres. C'est avec raison que la pratique anglaise et française les déclare contrebande, lorsque les circonstances indiquent qu'ils sont destinés aux forces militaires ou navales de l'ennemi. En 1793, pendant la guerre entre la France et l'Angleterre, les deux belligérants décidèrent que les navires

Voir cependant Gessner, Le Droit des neutres, p. 93, et plus loin, p. 108 à 110, sur la contrebande conditionnelle ou relative. - Phillimore (III, § 266) dit : « It is clear that coal may in the particular case, regard being had to its quantity and destination, become liable to seizure. »>

neutres chargés de vivres et à destination d'un port ennemi devaient subir la confiscation; pour la justifier, les Anglais alléguèrent qu'en empêchant les transports de vivres à l'ennemi, on l'obligeait à conclure promptement la paix1.

Bluntschli essaie de prouver que cette pratique est contraire à la morale; mais ses raisons ne paraissent pas décisives; il dit que le belligérant ne serait pas en droit de saisir les vivres que le neutre transporterait à son adversaire et dont lui-même aurait un pressant besoin. Nous ne pouvons absolument pas adhérer à cette opinion: l'officier qui, dans un cas semblable, ne saisirait point au détriment de ses propres soldats, encourrait certainement une grave responsabilité (voir aussi 246, III). 6. L'argent complant a parfois été compris dans la contrebande de guerre, par exemple dans quelques traités entre l'Angleterre et la Suède. Cette disposition particulière n'est que l'application des règles générales. L'argent destiné à une puissance belligérante est incontestablement de la contrebande; il doit en être de même des papiers qui ont la valeur de l'argent 3.

7. Les navires, qui sont construits de quelque façon que ce soit pour l'usage de la guerre, ou équipés dans ce but, même sans avoir les aménagements nécessaires. On doit décider d'après les circonstances de chaque cas. Dans certains traités

'Le gouvernement des États-Unis d'Amérique éleva une opposition énergique, voir Kent, I, p. 138 et suiv.

2 Article 807; voir aussi dans Steck, p. 152 et suiv.

3 Phillimore, III, § 274. Oppenheim (p. 260, 261) pense que l'argent transporté comme marchandise doit, malgré de nombreuses tentatives pour établir le contraire, être traité non comme contrebande de guerre, mais comme subside et comme bien de l'ennemi. M. Geffken (remarque sur le 160 de Heffter) dit que « personne ne compte plus l'argent et les vivres comme contrebande acciden«telle, pourvu qu'on ne les apporte pas à une flotte ennemie »; c'est là une assertion qui n'est nullement acceptable, ne fùt-ce que par le seul motif qu'il ne saurait y avoir de différence entre les vivres apportés à une armée et ceux qui sont destinés à une flotte.

* En 1800, pendant la guerre entre l'Angleterre et l'Espagne, des croiseurs anglais capturèrent le navire américain le Brutus. Ce bâtiment était disposé pour recevoir quatorze canons, bien qu'il n'en eût que deux à bord, prétendû

de semblables navires sont expressément mentionnés parmi la contrebande de guerre' (voir aussi § 44, III).

V. Pour résoudre la question de savoir si dans un cas déterminé il y a contrebande de guerre, il faut tenir compte non pas seulement de la nature de l'objet, mais de sa destination; on doit la déterminer avant tout en se référant aux papiers du bord, qui indiquent le lieu pour lequel le navire est destiné. Mais s'il existe d'autres soupçons de contrebande, la mention très simple et très claire du lieu de destination dans les papiers du bord ne suffit point pour les écarter, surtout dans le cas où le navire aurait une direction différente de celle qui résulterait des papiers de la cargaison, et particulièrement des connaissements.

Lorsqu'un navire chargé de marchandises qui ont le caractère de contrebande de guerre, se rend d'un port neutre à un autre port également neutre, il ne s'ensuit pas que le lieu de destination doive décider absolument de l'innocence de la cargaison. Twiss dit que dans ce cas il y a présomption juris et de jure. Gessner♦ remarque avec raison qu'« il importe peu au ment pour se protéger contre les pirates français. Son lieu de destination était le port ennemi de la Havane; le capitaine avait pour instruction de vendre le navire quand il y serait arrivé, ou de l'affréter; mais les propriétaires préféraient la vente, parce que le navire n'était ni construit ni disposé pour recevoir des marchandises à bord. Le navire fut condamné justement, sans aucun doute.

Quelques auteurs, comme Heffter ( 161 a), et Gessner (loc. cit., p. 111), rangent, sans motif plausible, parmi la contrebande de guerre par accident les navires de guerre et de transport, qui sont destinés à l'un des belligérants. Nous pensons que ces navires sont de la véritable contrebande.

2 « Nothing is more common than for those who contemplate a breach of bloc«kade, or the carriage of contraband to disguise their purpose by a simulated « destination, and by deceptive papers. » Décision du Foreign Office aux propriétaires du Peterhof, concernant le commerce avec Matamoras, dù 3 avril 1863. Staatsarchiv, IX, no 1932. Voir aussi la note américaine du 12 mai 1863. Ibid., n° 1936.

3 Dans un travail intitulé: The doctrine of continuous voyages as applied to contraband of war and blockade contrasted with the declaration of Paris of 1856. (Law Magazine and Review, nov. 1877).

Dans l'article intitulé: A propos de la théorie de l'unité du voyage en ce qui concerne la contrebande de guerre et le droit de blocus. Augsburger Allgemeine Zeitung, 1877, no 340, 341. suppl. Voir aussi du même auteur: De la

point de vue juridique que le transport de la contrebande s'opère directement ou par des détours, pourvu que la destination hostile soit établie. La différence juridique qui résulte de cette circonstance, c'est que si la contrebande se trouve en route pour un port neutre, il y a présomption que sa destination est neutre. Toutefois cette présomption n'est pas, comme le dit Twiss, juris et de jure, c'est-à-dire n'admettant pas de preuve contraire, mais juris tantum, ou pouvant être renversée par des preuves rigoureusement déterminées. Si la détermination hostile ressort des papiers du bord, ou s'il se trouve que ces papiers sont falsifiés et que la destination véritable peut être autrement et certainement démontrée, la marchandise doit être condamnée comme contrebande de guerre. Comment pourrait-on, en effet, soutenir le système contraire? I en résulterait qu'une flotte ennemie se trouvant dans un port neutre serait libre de se pourvoir de contrebande de guerre venant d'un autre port neutre. » Si l'on ne découvre aucune destination, il faudra, en tenant compte des circonstances et par un examen attentif de tous les papiers de la cargaison, établir que les soupçons se trouvent suffisamment fondés et que la cargaison est réellement destinée à l'ennemi.

VI. Il y a violation de la neutralité aussitôt que l'entreprise d'amener directement ou indirectement de la contrebande à l'ennemi est démontrée. Or, l'entreprise existe aussitôt qu'un navire chargé de la marchandise prohibée a quitté le port de chargement'.

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I. Lorsque le fait de contrebande est constaté, que le délit est flagrant, il entraîne la saisie et la confiscation des marchan

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réforme du droit maritime en temps de guerre, p. 32, et Le Droit des neutres, p. 137. Voir aussi Bluntschli, art. 813. L'affirmation de Gefiken (rem. sur le 161 a de Heffter), qui prétend qu'il ne saurait y avoir de contrebande dans un voyage entre deux ports neutres, n'est pas justifiée.

'Maclachlan, p. 527. — Gessken, remarque sur Hesster, 3 161.

dises coupables et du bâtiment qui les transporte; et d'après certains usages particuliers, même la saisie et la confiscation des marchandises innocentes qui se trouvent à bord.

II. Le droit de confisquer les articles de contrebande, souvent nié au dernier siècle, et mis en question par des publicistes récents, doit être tenu pour consacré par le droit positif actuel; les restrictions apportées aux règles II et III de la déclaration de Paris de 1856 ne laissent aucun doute à cet égard. La confiscation a lieu avec ou sans indemnité. Avec indemnité: a) Lorsque l'indemnité a été stipulée par traité.

b) D'après certaines jurisprudences particulières, lorsqu'on admet que le propriétaire neutre des articles de contrebande a ignoré qu'ils étaient destinés à l'ennemi.

Dans le cas où le navire a entrepris le voyage avant la déclaration de guerre, et si après cette déclaration, on le rencontre ayant à bord de la contrebande, il semble juste que la saisie se fasse contre pleine indemnité, à moins que le belligérant ne préfère diriger le bâtiment sur un port neutre; si le capitaine du navire ne suit pas cet ordre, et s'il reprend son voyage originaire, il s'expose à la saisie et à la confiscation sans indemnité1.

III. On a essayé de justifier la saisie, contre indemnité, d'articles qui peuvent être employés à des usages de guerre, sans y être actuellement destinés, comme les vivres, en invoquant un prétendu droit de préemption. Cette extension arbitraire des droits du belligérant contre le neutre doit être repoussée absolument 2.

Mais s'il s'agit d'un cas de pressant besoin, le belligérant doit pouvoir s'approprier, contre payement d'une indemnité pleine et entière, des marchandises neutres et particulièrement

Voir sur cette question Hautefeuille, Droits et devoirs des neutres, IV, p. 275. Jouffroy, p. 311 et suiv.; Gessner, Le Droit des neutres, p. 345.

2 Phillimore (III, 269) constate que d'après la pratique anglaise, en exerçant le droit de préemption, on a coutume de payer la pleine valeur de l'objet avec augmentation de 10 0/0, pour indemnité de profit, fret et arrêt du navire. Voir aussi Bulmerincq, p. 13. - Sont adversaires de ce droit, entre autres, Ortolan, II, p. 222 et suiv.; Gessner, loc. cit,, p. 150 et suiv.; Heffter, 161.

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