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de l'existence du blocus et que dans l'affirmative il aurait rebroussé chemin '.

7. On a beaucoup varié sur le traitement à infliger au navire lorsque parmi les escales de son voyage se trouve un port bloqué. Les tribunaux de prises anglais, adoptant les principes posés par l'ordonnance de 1630, ont vu généralement dans de semblables voyages les éléments d'une tentative de violation de blocus et ils ont condamné en conséquence. La science moderne proteste justement contre cette pratique, et elle admet la saisie seulement lorsque le navire s'approche de la ligne de blocus, au point que la tentative de passer outre devient évidente. Heffter 2 remarque à ce propos : « Il n'est pas seulement ⚫ contraire à l'équité, mais absolument injuste de déclarer un ⚫ navire neutre coupable de violation de blocus parce qu'il se « trouve sur la route d'une place bloquée, quelle que soit la

distance qui l'en sépare; car il se peut que le navire espère << trouver à son arrivée l'entrée du port libre, par suite de la ■levée du blocus. Rien ne prouve non plus qu'il n'aurait point a changé de direction pendant la traversée. » Bluntschli s'exprime dans le mème sens 3. Les promoteurs de la neutralité armée de 1800 voulaient même faire prévaloir le principe suivant: un navire faisant voile vers un port bloqué ne peut être accusé de violation s'il ne tente, par force ou par ruse, de traverser la ligne après avoir reçu notification du blocus. Mais cette théorie ne fut pas universellement reconnue comme ses auteurs le désiraient.

Le règlement des prises prussien dispose au § 25 : « Le départ « d'un navire neutre pour un port bloqué, ou la mise à la voile

dans cette direction ne sont point des tentatives de rompre le blocus. Ce principe est appliqué dans tous les pays où

Gessner est d'une autre opinion, loc. cit., p. 244. Maclachlan (p. 536, 537) pense que dans ce cas il y a seulement une présomption contre le navire. En 1861, la cour suprême des prises en Danemark, a, dans une espèce semblable, admis la bona fides et acqui té le capitaine du navire; voir Bulmerincq, p. 39. * 156.

* Art. 835.

les règlements de prises ne permettent la capture du navire qu'après une notification spéciale qui doit lui avoir été adressée par l'un des croiseurs de l'escadre de blocus (voir ci-dessous, n° III).

II. La violation du blocus a pour conséquence la saisie et la confiscation du bâtiment et de la cargaison. Les opinions diffèrent lorsqu'il s'agit de déterminer jusqu'à quel moment la saisie est licite après violation accomplie. La pratique anglaise et nordaméricaine, se référant à l'ordonnance de 1630, tient la saisie pour licite jusqu'à l'achèvement du voyage de retour. C'est avec pleine raison que dans d'autres pays on refuse d'admettre une extension semblable du droit de blocus. Hautefeuille', Bluntschli 2 et Gessner 3 la combattent fortement; ils se basent sur ce que le blocus, de sa nature même, est étroitement lié à un endroit déterminé et ne peut être mis en vigueur autre part; on reconnaît toutefois que la poursuite d'un navire qui a violé le blocus peut s'étendre au delà des eaux bloquées. Il est admis qu'après la levée du blocus toute confiscation du chef de rupture tentée ou accomplie auparavant devient illicite. La première hypothèse est même irréalisable, puisqu'il n'y a plus en fait ni navire, ni escadre empêchant les commucations. Pour apprécier le second cas, on doit partir de ce principe que la cessation du blocus fait tomber tous les pouvoirs que le droit des gens reconnaît au belligérant en cette matière ; on ne peut plus que condamner les navires déjà saisis.

La confiscation de la cargaison a toujours lieu:

1. Lorsque le propriétaire du navire est propriétaire de la cargaison; on confisque en proportion de cette propriété ;

2. Lorsqu'on doit admettre que le propriétaire de la cargaison avait connaissance du blocus au moment où les marchandises ont reçu leur destination pour le port bloqué;

1 Droits et devoirs, III, p. 151 et su'v.

2 Art. 836.

3 Loc. cit., p. 229 et suiv.

* Maclachlan, p. 559, 540.

3. Pour autant que la cargaison se compose de contrebande de guerre.

Dans d'autres cas, il n'est pas rare qu'on ait absous la cargaison ou au moins les marchandises innocentes, c'est-à-dire celles dont le propriétaire est de bonne foi. Il résulte de la nature des actions en matière de prise que la preuve de la bonne foi incombe à ceux qui ont intérêt à défendre la cargaison'.

L'équipage du navire neutre saisi ne devient pas prisonnier de guerre, s'il n'est point de nationalité ennemie, mais on doit pouvoir le retenir jusqu'à décision du procès, ne fût-ce que pour avoir les hommes à la disposition du tribunal, si leur témoignage était requis (voir cependant § 36, V).

III. On ne peut faire subir les conséquences de la violation que si le navire neutre, au moment de l'acte incriminé, connaissait l'existence du blocus. Ceci doit être établi d'après les circonstances. A défaut de dispositions conventionnelles ou réglementaires sur ce point, on admet généralement qu'il y a connaissance du blocus, lorsque notification en a été faite à l'état neutre dont le navire porte le pavillon, et qu'il s'est écoulé depuis lors un délai proportionné aux circonstances. L'état neutre a le devoir de porter lui-même le blocus à la connaissance de ses sujets de la manière qu'il jugera convenable; s'il ne remplit pas ce devoir, ses sujets en souffriront; car, eu faisant la notification officielle, le belligérant s'est acquitté de ses obligations; il est en droit d'attendre que le gouvernement neutre remplisse aussi les siennes.

Il y a toujours, dans ce cas, présomption de connaissance du blocus, sauf lorsque le navire se trouvait en mer au moment où il a été établi.

Dans tous les autres cas, lorsque la notification s'est faite en

La science s'accorde en général à reconnaître la légitimité de la confiscation de la cargaison. Voir Vattel, III, 117; Oke Manning, p. 320; Hautefeuille, Droits et devoirs des neutres, p. 149 et suiv ; Ortolan, II, p. 357; Heffter. § 151; Wildman, II, p. 203; Phillimore, III, 316 et suiv.; Pistoye et Duverdy. p. 379; Bluntschli, art. 840; Gessner, p. 227 et suiv. et 244; Bulmerincq, p. 39 Pour les exceptions, voir Maclachlan, p. 539.

général, par voie diplomatique ou de toute autre manière, les tribunaux de prises d'Angleterre admettent qu'il y a présomption juris et de jure de la connaissance du blocus.

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Il est dit dans les Admiralty Reports: « L'effet de la notification adressée à un gouvernement étranger, s'étend sans aucun doute à tous les sujets de l'état qui la reçoit. Elle serait « inutile, s'il leur était permis d'invoquer l'ignorance de la « notification du blocus. C'est le devoir des gouvernements étrangers, de donner les informations nécessaires à leurs sujets, dont ils ont à protéger les intérêts. Je crois donc pouvoir dire que, si une notification spéciale n'est pas prescrite, et si l'on se trouve en présence d'une notification gé«nérale, le capitaine du navire neutre sera admis dans des circonstances toutes particulières seulement à opposer à la saisie l'ignorance où il se trouverait. Si cette ignorance est réelle, qu'il s'adresse à son propre gouvernement pour être indemnisé, mais il ne peut chercher là une cause d'excuse à faire valoir devant le tribunal des prises d'une puissance belligérante. Lorsqu'un blocus dûment notifié se prolonge, on peut évidemment tenir sa notoriété pour établie sans autre preuve.

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Un grand nombre de traités et quelques règlements disposent qu'un navire ne peut jamais être saisi ou condamné du chef de violation de blocus, lorsqu'il n'a pas reçu, d'un des croiseurs, notification ou information de l'existence du blocus. Le règlement des prises prussien donne une certaine

La neutralité armée de 1800 avait, comme nous l'avons déjà dit, proclamé en principe qu'un navire se dirigeant vers un port bloqué ne doit être considéré comme violant un blocus que s'il tente par force ou par ruse d'entrer dans le port bloqué, après avoir reçu information de la mise en état de blocus par le commandant des forces belligérantes. - La jurisprudence américaine exige également la notification spéciale. Nous trouvons déjà une clause de cette espèce dans l'article 18 du traité entre les États-Unis et l'Angleterre du 19 novembre 1794; plus tard, dans l'article 23 du traité avec la Prusse du 1er mai 1828; récemment, dans la déclaration du président Lincoin du 19 avril 1861. L'ordonnance suédoise da 12 avril 1808 contient également dans son 8 une disposition en ce sens, de même les instructions françaises du 31 mars 1854 (art. 7) et du 25 juillet 1870 (art. 7), et le décret italien du 20 juin 1866 (art. 7); parmi les traités conclus par l'Allemagne, celui avec le Salvador du 13 juin 1870 (art. 22).

latitude au commandant du croiseur. « La tentative de rompre le blocus ne doit pas être, dit-il, imputée à un navire neutre, sauf s'il a connaissance du blocus » (§ 23). « Il faut décider, d'après les circonstances du cas, si le navire avait connaissance du blocus; à ce point de vue, la longueur du temps qui s'est écoulé depuis l'annonce et la notification du blocus, n'est pas sans importance. Si le commandant du navire de guerre a des raisons de croire que le bâtiment neutre n'avait pas connaissance du blocus, il doit l'en informer et mentionner cet avis sur les papiers du bord, particulièrement sur le journal et sur les documents qui servent à constater la nationalité du navire; il doit ensuite renvoyer le navire en l'engageant à changer de direction » (§ 24). Le règlement danois du 15 février 1864 contient des dispositions analogues.

Nous ne pouvons que nous rallier à cette manière de voir, et nous croyons en conséquence que la notification spéciale est obligatoire seulement :

1° Lorsqu'elle est prescrite par des traités ou par des règlements nationaux ;

2o Lorsque les circonstances indiquent que le navire neutre en arrivant à la ligne de blocus ne connaissait pas l'existence du blocus.

Exiger en tout cas la notification spéciale, c'est assurer l'impunité à la première tentative de violer le blocus '.

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Appendice. De la fermeture, par un état, de ses propres ports.

I. La fermeture des ports de guerre ou de commerce, opérée par l'état même auquel ils appartiennent, est d'une toute autre nature que le blocus au sens exposé dans le 3 48. Cette mesure est parfaitement licite; ou bien elle a le caractère d'un em

1 Voir Maclachlan, p. 534 et suiv.; Gessner est d'un avis different (Le Droit des neutres, p. 203 et suiv., et 244); il tient la notification spéciale pour absolument nécessaire pour qu'il puisse y avoir violation de blocus d'après les principes admis dans le droit des gens moderne..

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