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avec raison selon nous, que ces analogies risquent d'être fort capricieuses'.

En second lieu, la solution ne peut être appliquée que comme un pis-aller, dont les inconvénients sont d'ailleurs visibles. Le système contraire est doublement illogique; le nôtre ne soulève qu'une objection: c'est ce que l'on peut dire en sa faveur.

Enfin, nous ne croyons pas que la solution de M. Bartin ait été généralement consacrée par la jurisprudence. Celle-ci ne paraît avoir aperçu, ni en matière de qualifications légales, ni en matière de renvoi, les véritables principes du droit. Si elle obéit à une tendance générale, cette tendance consiste à appliquer le plus souvent possible la loi française, que cette application soit commandée par la qualification étrangère2, ou par celle de la lex fori3. La même tendance l'a conduite à admettre généralement le renvoi.

Ces flottements sont significatifs, en ce qui touche la difficulté de notre problème. Nous en dirons autant des contradictions de la doctrine. Nous ne faisons pas allusion seulement aux partisans du renvoi, qui s'enferment dans un cercle vicieux. M. Despagnet, hostile au renvoi, veut qu'on suive la qualification de la loi étrangère. Il donne à la même question deux solutions différentes, suivant qu'elle se présente à lui sous l'un ou sous l'autre de ses deux aspects. Bien plus! Les arguments qu'il invoque en faveur de son système dans le passage que nous avons cité plus haut sont ceux précisément que font valoir, pour défendre leur doctrine, les partisans du renvoi! Comme eux, par suite, il s'enferme dans un cercle vicieux.

M. Westlake et M. de Bar opposent aux adversaires du renvoi des arguments très sérieux. Mais ils ne remarquent pas que ces arguments se retournent contre eux, quand ils essaient de le défendre. S'il est abusif d'étendre la compétence de la loi étrangère qui a renoncé à régir un rapport de droit, est-il plus rationnel d'étendre ainsi la compétence de la lex fori, qui y a également renoncé? Et si la loi de droit

1. Despagnet, loc. cit., p. 260.

2. Voyez, p. ex., Paris, 27 mai 1892, Clunet, 92.940; Chambéry, 19 nov. 1877. Clunet, 78.160.

3. Versailles, 21 avril 1886, Clunet, 90.326; Paris, 27 mai 1892, Clunet, 92.940; Aix, 15 nov. 1897, Clunet, 98.559, etc., etc.

interne fait corps avec la loi de droit international privé, n'est-ce pas également vrai de la loi étrangère et de la lex fori?

Plus démonstratives encore sont les décisions récemment prises par les juriconsultes réunis aux conférences de La Haye. L'impossibilité d'arriver à une solution rationnelle et définitive des conflits de lois leur est si nettement apparue qu'ils ont renoncé à substituer d'une manière complète un système international de droit international privé aux systèmes nationaux. Les projets relatifs au mariage', aux conventions matrimoniales2, à la compétence 3 en offrent la preuve évidente: «Notre Projet, dit M. Renault', est une œuvre de transaction, ce qui fait qu'il peut être facilement critiqué, si l'on se place au point de vue d'un pays déterminé. Le théoricien trouvera que les principes posés comportent de trop graves restrictions ou exceptions, qu'il y a des inconséquences un peu singulières... >>

Notre scepticisme à l'égard des principes nous fait pardonner les inconséquences. Et nous n'en comprenons que mieux l'utilité d'une œuvre éminemment pratique, sans laquelle le temps seul, atténuant jusqu'à les effacer les différences d'esprit et de nature entre les législations en conflit, serait parvenu à résoudre, mais en les supprimant, les conflits de qualifications légales, et les conflits de renvoi.

H. DONNEDIEU DE VABRES,

Docteur en droit.

1. Projet de 1900, art. 5 et 7.

2. Projet de convention de 1904 relatif aux régimes matrimoniaux, art. 5, al. 2.

3. Projet de 1900 relatif au divorce, art. 5.

4. Laîné, Conférence de La Haye relative au droit international, Clunet, 1901, p. 241. Voyez aussi Asser, Quelques observations concernant la théorie ou le système du renvoi, Clunet, 1905, p. 40.

QUESTIONS ET SOLUTIONS PRATIQUES

Crimes et délits.

Territorialité de la loi pénale. Compétence et procédure au cas d'un délit commis à l'étranger par des étrangers au préjudice de sujets espagnols '.

Q. 146.

L'autorité espagnole est incompétente pour connaitre d'une infraction commise à l'étranger, par des étrangers, envers des nationaux ; et, si elle a été saisie d'une plainte par les victimes, son rôle doit se borner à recevoir la plainte, à vérifier sommairement les faits et à transmettre les pièces légalisées à l'autorité étrangère.

:

Des Espagnols qui se dirigeaient vers le Portugal furent assaillis dans un village portugais proche de la frontière, blessés et obligés de revenir en Espagne. Le juge d'instruction d'une ville espagnole fut saisi de la plainte. Dans ces conditions 1° Quelle est l'autorité judiciaire, espagnole ou portugaise, compétente pour instruire sur le fait ? 2° Au cas où l'on reconnaît compétence à l'autorité portugaise, quelle procédure doit suivre le juge d'instruction espagnol pour se dessaisir et pour remettre les pièces à son collègue portugais quels textes ou quels traités y a-t-il lieu d'appli quer ? 3o Au cas où l'on reconnaît compétence à l'autorité espagnole, de quels moyens le juge d'instruction dispose-t-il pour faire comparaître devant lui les prévenus et les témoins, et pour réunir les preuves dont il a besoin ?

La soumission de l'individu à la juridiction de son pays, dit M. Fœlix, naît avec lui et persiste tant qu'il ne change pas de nationalité; mais pour les infractions que l'individu commet hors du territoire, le juge naturel du délinquant, d'après Fiore, est celui du lieu où il a violé le droit. S'il s'agit d'un délit commis à l'étranger par un national, même à l'encontre d'étrangers, il est indiscutable que la compétence appartient aux autorités du lieu du délit.

Dans les hypothèses exceptionnelles de compétence attribuée à la juridiction espagnole par les art. 333 et s. de la loi

-

1. Revista de los tribunales, 9 juillet 1905. Traduction de M. Paul Sumien, docteur en droit.

organique du pouvoir judiciaire, ne peut entrer le cas de délits commis à l'étranger par des étrangers, quelle que soit la nationalité de la victime, et même si la victime est un Espagnol. De même, le Code d'instruction criminelle, lorsqu'il détermine, dans son art. 14, la compétence des juges et tribunaux espagnols, ne se préoccupe pas des infractions autres que celles commises sur le territoire espagnol.

Mais les Espagnols jouissent en portugal, par voie de réciprocité, d'une protection aussi complète, en ce qui concerne leur personne et leurs biens, que les Portugais en Espagae (art. 2 du traité du 21 février 1870); on ne peut donc laisser impunies les infractions commises au Portugal par des Portugais sur des Espagnols, étant donné surtout que toute atteinte à la personne est punie, sans qu'il soit besoin de traités spéciaux, dans toutes les législations qui organisent l'instruction et la poursuite de pareils faits. Il en serait ainsi, notamment, si, en Espagne, des Espagnols attentaient à la vie de sujets portugais les tribunaux espagnols seraient exclusivement compétents.

En l'espèce, l'infraction a été dénoncée à l'autorité espagnole, comme elle aurait pu l'être, d'ailleurs, aux autorités portugaises; son rôle doit se borner à recevoir la plainte, à vérifier sommairement les faits et à faire parvenir à l'autorité étrangère le mandat qu'elle aurait pu décerner; elle n'a pas à citer des individus résidant à l'étranger. Dès que le ministère public aura reçu notification des pièces originales de l'instruction, il les expédiera au Président de la chambre territoriale qui légalisera les signatures du juge et du fonctionnaire qui les a déjà délivrées et les transmettra à l'autorité étrangère par la voie diplomatique,

NOTE.

Cf. Clunet, Tables générales, III, v Compétence criminelle, spécialement no 12; - IV, v Tribunaux criminels (Compétence des), p. 985, et v *Violation des lois pénales, p. 1057.

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de nullité.
de la nullité.

Compétence ratione materiæ

Vente à tempérament. Loi
Mentions exigées à peine

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Exécution complète par le vendeur.

sommes versées.

Conséquences

Restitution des titres et remboursement des
Dommages-intérêts.

Trib. com. Seine, 27 avril 1905. Prés. M. Borderel. Jowitt c. Cunliffe Russel et Ci⚫. Agréés : MM Girard et Caron.

1. Les tribunaux français sont compétents ratione materiæ pour statuer sur la demande en nullité d'une vente à tempérament de valeurs à lots dirigée par un étranger contre un autre étranger, la loi du 12 mars 1900 ayant été promulguée dans un intérêt d'ordre public.

2. Le tribunal de la Seine est compétent ratione personæ pour statuer sur cette demande, alors que la vente dont s'agit, commerciale à l'égard d'une des parties, a été passée et doit être exécutée à Paris.

3. Est nulle la vente à crédits de valeurs à lots, lorsque l'acte de vente ne mentionne, hormis les numéros des obligations ou des bons, ni les cours cotés à la Bourse lors de la cession, ni le prix de vente de chacune des valeurs.

4. Cette nullité s'applique sans distinction entre les valeurs cotées en Bourse et celles cotées en banque. Elle n'est pas susceptible d'être couverte par l'exécution du marché, résultant du paiement intégral et de l'acceptation sans protestation ni réserve des valeurs par l'acheteur. Elle entraîne l'obligation pour le vendeur de restituer à l'acheteur les sommes par lui versées, avec les intérêts de droit du jour de chaque versement partiel, contre la remise des titres désignés au contrat et des coupons y afférents.

5. Commet une faute l'obligeant à la réparation du préjudice causé le vendeur à tempérament de valeurs à lots qui détermine

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