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domaine de la législation des tarifs douaniers et des impôts, dans les traités de commerce avec les autres pays, et aussi dans le développement de l'activité de l'Etat en tant qu'industriel.

Ces moyens ne peuvent pas être établis a priori ; ils doivent être déterminés par des faits concrets... »

Après avoir ainsi précisé l'opinion des divers rapporteurs, le Dr Frantz Klein conclut, pour sa part. en ces termes :

α

Il n'y a pas de doute que nous nous trouvons en présence d'une sorte de révolution économique : il convient même de reconnaître que nous ne sommes pas encore arrivés à son terme. Nous n'en sommes qu'à son début. Cette révolution est l'œuvre des cartels. On ne peut nier que les cartels aient pour conséquence beaucoup d'abus mais que peut l'Etat contre eux ?

"

:

« Dissoudre les cartels, c'est une solution de juristes. Pour les industriels, cette dissolution signifierait seulement que leurs ententes doivent s'adapter à de nouvelles conditions d'existence. L'Etat n'a pas pu empêcher la cartélisation des grandes industries: tout ce que l'Etat peut et doit faire, c'est de prendre des mesures légales pour empêcher les cartels de mettre en danger l'intérêt public.

<< Il faut bien faire attention à ce que ceux qui sont faibles économiquement ne soient pas écrasés par les cartels: il faut surtout empêcher que les prix des cartels ne s'éloignent pas trop des prix normaux. C'est l'intérêt même des cartels de ne pas trop exciter contre eux les consommateurs par des prix exorbitants. La mesure qui se recommande donc, c'est la constitution par l'Etat d'une Commission qui devrait veiller à ce que les prix des cartels soient conformes à la situation et aux conditions dans lesquelles se trouvent exactement les productions cartélisées. Il est même possible que la Commission prenne la forme d'un tribunal d'arbitrage.

«La mesure qui se recommande ensuite, c'est de garantir aux ouvriers la même pleine liberté de coalition que celle dont jouissent les patrons. Il n'est pas douteux, en effet, que les cartels présentent un caractère menaçant pour les ouvriers. La seule compensation à donner aux ouvriers, c'est l'entière liberté de coalition. De même, il faut assurer aux employés et aux agents des Unions de cartels une plus grande protection concernant leur emploi, pour que, en cas de dissolution des

Sociétés, ces employés ne perdent pas aussitôt leur gagnepain et ne troublent point brusquement la marché du travail. » Le rapporteur propose alors de voter la motion suivante : « Le Congrès des juristes est d'avis que la solution des questions soulevées par l'organisation et par le développement des cartels appartient surtout à la politique administrative (verovaltungpolitik) et à la législation économique.

« Le Congrès des juristes pense qu'une intervention du Gouvernement contre une augmentation de prix exagérée et non justifiée économiquement est tout à fait logique. De même, l'Etat doit garantir aux ouvriers la même liberté de coalition qu'aux patrons.

«En ce qui concerne la législation à imposer aux cartels, le Congrès considère qu'une reconnaissance légale de la validité judiciaire des cartels est indispensable; et il est convaincu que, dans le domaine des cartels, l'esprit du droit privé règnera sans restriction aucune, et qu'ici, comme dans tout autre domaine judiciaire, chaque individu doit jouir de la pleine et légale protection de ses intérêts et de sa personnalité. Quant à savoir jusqu'à quel point il sera nécessaire de modifier ou de compléter les lois existantes pour arriver à ce but, l'ordre judiciaire de chaque pays en décidera selon ses besoins particuliers. »

Une discussion très vive s'engage alors dans l'Assemblée. Le docteur Apt, de Berlin, proteste contre l'adoption d'une telle motion. On commettrait ainsi contre les cartels la faute déjà commise lorsqu'on a voulu réprimer les abus du marché à terme. On a tué le marché à terme : on tuera les cartels. Il nie, en passant, la hausse exagérée des prix et la croit d'ailleurs impossible.

Il n'est pas hostile à la liberté de coalition des ouvriers; mais il pense que si le Congrès de juristes veut se prononcer sur cette question, il devrait l'étudier d'une façon toute spéciale.

La parole est ensuite au Dr Heymann, de Munich.

« Le Dr Heymann déclare que les cartels, aussi bien dans l'industrie que dans les banques, ont pris une telle extension et présentent un caractère tellement menaçant qu'on se trouve, en somme, en face d'un mal possible plus grand encore et qui est celui du trust.

<< Les Directeurs des grandes banques cartélisées siègent

en même temps dans les administrations des cartels industriels. Ces directeurs des banques apportent des actions et des obligations des Sociétés industrielles à la Bourse, et, comme ils détiennent un grand nombre d'actions, ils deviennent les maîtres des assemblées générales.

<<< Les cartels sont devenus une telle puissance, qu'il ne suffirait pas de garantir aux ouvriers la liberté de coalition, puisque l'existence même des cartels rend aux ouvriers l'exercice de cette liberté impossible. La plupart des grands cartels construisent des logements pour les ouvriers et les forcent d'y habiter et d'envoyer leurs enfants dans des écoles spécialement construites pour eux. Sous prétexte d'institutions charitables, ces Messieurs établissent, en somme, une domination sur les ouvriers.

<< Contre cette domination la liberté de coalition ne peut rien, il faut des mesures législatives spéciales pour barrer la route à cette domination.

Puis, il faut affaiblir la puissance des cartels par une diminution des tarifs de douane, de même que l'Etat doit cesser de favoriser les cartels au moyen de ristournes accordées sur les tarifs de transport.

<«< Cette diminution des frais de transport par l'Etat est une prime à l'exportation accordée aux grands industriels, et cela n'a d'autre résultat que d'augmenter les prix sur le marché intérieur.

Il faudrait aussi une loi sur les mines disant que chaque mine dont l'exploitation a été abandonnée depuis trois ans pourra être acquise par n'importe qui.

<«< Le cartel du charbon possède une puissance formidable; ce dernier a réussi à accaparer toutes les mines de charbon, ce qui a pour conséquence des abus épouvantables.

« Le cartel du fer a fait mieux, il a tout simplement défendu la vente de charbon au comte Heukel von Donnersmark, parce que ce dernier a refusé d'adhérer au cartel de fer brut. L'orateur conclut qu'il faut un changement dans les lois sur les mines pour mettre fin à de tels abus. »

La discussion a été déclarée close après ce discours; et le vote sur la motion Klein renvoyé à l'assemblée plénière du lendemain 14 septembre.

Comme il apparaissait clairement que la majorité se dessinait en faveur de cette motion, c'est-à-dire en faveur d'une

surveillance et d'une réglementation des opérations faites par les cartels, surveillance et réglementation qui équivaudraient, en somme, à leur suppression, le groupe des juristes allemands, favorables aux cartels, résolut de demander la reprise de la discussion à l'ouverture de la séance suivante.

Le Dr Scharlach en fit la proposition: il déclara que la question demandait à être plus approfondie, et il proposa la nomination d'une Commission composée d'économistes et de juristes qui préparerait un nouveau rapport pour le Congrès

de 1905.

Le Dr Klein lui répliqua qu'un nouveau rapport n'ajouterait rien aux lumières que chacun possédait sur cette question déjà examinée au Congrès de 1903, et que la cause était entendue. Il déclara qu'il n'était, dans la circonstance, le représentant ni d'un parti, ni d'aucun groupement d'intérêts particuliers, et que sa seule pensée dans cette affaire, comme celle de l'Assemblée plénière, n'était et ne pouvait être autre chose que la préoccupation très légitime de protéger l'intérêt général contre les abus des cartels.

Il adjurait donc l'Assemblée de se prononcer sans nouveau débat, et de repousser un ajournement qui n'était qu'un d'éviter le vote certain et nécessaire de sa motion. Un tonnerre d'applaudissements accueillit ses dernières paroles.

moyen

On passa au vote; et, sur près de 600 personnes présentes, la proposition d'ajournement ne recueillit que neuf voix.

La motion Klein fut ensuite adoptée par acclamations, et le 27 Congrès des juristes fut déclaré clos.

(La Réforme Economique). J. Desmets. P.-S. Quelques jours avant l'ouverture de ce Congrès, les journaux annonçaient que le Ministre du Commerce de la Hongrie avait chargé M. Paul Mandl, député, de l'élaboration d'un projet de loi ayant pour objet la réglementation des cartels.

Du projet et de l'exposé des motifs on peut dégager les grandes lignes suivantes :

En général, il y a lieu de tolérer les cartels; mais il faut les soumettre au contrôle de l'Etat.

Les contrats de cartels ne sont pas contraires aux règles générales du droit.

Les attributions particulières des cartels doivent être définies par un projet de loi spécial.

Les contrats de cartels doivent être soumis au Ministère du Commerce, enregistrés et publiés.

Le Ministère du Commerce surveillera les cartels et pourra provoquer, s'il y a lieu, leur annulation par la voie judiciaire. Le projet détermine la responsabilité collective du cartel à l'égard des parties lésées.

Une Commission spéciale, composée d'hommes compétents, est prévue pour résoudre les questions concernant l'application des lois et règlements sur les cartels; ses membres auront droit à des honoraires fixés judiciairement.

De la répression pénale à laquelle sont exposés les étrangers qui viennent se battre en duel en Espagne 1.

Il en est en Espagne du duel comme dans tous les pays où la rencontre personnelle est le moyen de débattre les questions d'honneur. On blâme le procédé et on critique le duel comme réminiscence d'une tradition barbare, opposée à la morale et à la loi; mais tous viennent à tomber dans ce qu'ils blâment, quand ils se trouvent dans le cas malheureux d'avoir à venger une offense, parce que le monde regarderait avec un dédain et un mépris intolérables, l'homme qui refuserait d'aller sur le terrain où vont les gentlemen. L'exigence sociale en Espagne est arrivée à un tel point, qu'à certaines occasions les Ministres eux-mêmes ont donné leur démission, pour être libres de pouvoir se battre avec celui qui les avait insultés au Parlement.

A l'occasion d'un duel au pistolet, qui eut lieu dernièrement à Séville et, qui a coûté la vie à l'un des combattants, il s'est produit dans le pays un mouvement de protestation, réclamant l'application de la loi dans toute sa rigueur; mais, peu après, les esprits se sont calmés et le procès subira le même sort que les autres motivés dans des cas semblables. Il n'y a pas d'espoir que la rencontre personnelle disparaisse, tant que les mœurs d'un côté et les tribunaux de l'autre ne parviendront pas à créer un état vigoureux d'opinion contre le duel, comme celui qui existe en Angleterre et dans quelques Etats

1. Pour la législation sur le duel en différents pays, Consult. Clunet, Tables générales, III, V⚫ Duel, P. 722.

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