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1903, sont applicables aux sociétés, compagnies ou personnes désignées au § 3 du même article, qui seraient dépositaires, détentrices ou débitrices de titres, sommes ou valeurs dépendant d'une succession qu'elles sauraient ouverte et dévolue à un ou plusieurs héritiers, légataires ou donataires ayant à l'étranger leur domicile de fait et de droit, alors même qu'il s'agirait du conjoint survivant ou d'un successible en ligne directe. » Le contrevenant est tenu des droits et pénalités, sauf son recours contre le redevable, et passible en outre d'une amende de 500 fr. en principal.

2. Cette disposition est fort mal rédigée, comme la plupart des lois fiscales récentes. S'il est certain que les valeurs et sommes dévolues, au moins en partie, à des personnes domiciliées en pays étranger sont seules visées par elle, un point prête à la controverse lorsqu'une somme ou valeur est dévolue simultanément à plusieurs personnes, dont certaines seulement sont domiciliées à l'étranger, est-ce la totalité de cette somme ou valeur, ou est-ce seulement la part des personnes domiciliées à l'étranger qui est soumise à l'art. 3? Celle seconde solution paraît plus conforme que la première au texte1.

3. Eu tout cas, deux considérations enlèvent à l'art. 3 de la loi de 1903 une grande partie de son importance pratique.

D'abord son application est subordonnée à la condition que les héritiers ou légataires 2 soient à la fois domiciliés de fait et de droit à l'étranger. Le « domicile de fait » n'est pas une expression juridique, elle ne figure pas dans les lois civiles; mais, opposé au domicile de droit, il signifie nécessairement la résidence habituelle. L'art. 3 ne sera donc pas

1. La disposition votée par la Chambre disait « dévolue >> au lieu de « dévolus ». En présence de ce texte, on aurait pu penser que les dépositaires devaient, dans le cas où l'un des héritiers ou légataires était domicilié à l'étranger, retenir toutes les valeurs et sommes dont il était détenteur ou débiteur vis-à-vis de la succession. Mais le texte définitif ne laisse pas de doute; il a été voté par le Sénat, et n'a pas été soumis de nouveau à la Chambre, bien qu'il eût dû l'être.

2. Les donataires auxquels la loi fait allusion sont les donataires de biens à venir par contrat de mariage ou entre époux; on sait, en effet, que ces donataires acquittent, non pas le droit de donation, mais après le décès du donateur, le droit de succession. V. notre Traité de droit fiscal, t. I, n° 362 et 363.

applicable si les héritiers ou légataires, bien que domiciliés à l'étranger, résident habituellement en France'.

Ensuite il n'est pas douteux que l'art. 3 cesse d'être applicable si le débiteur ou détenteur a ignoré, en livrant les sommes ou valeurs, que l'un des héritiers ou légataires était domicilié à l'étranger. La loi, à la vérité, ne le dit pas nettement; elle exige seulement que le débiteur ou détenteur ait connu l'ouverture de la succession et non pas qu'il ait connu le domicile des héritiers ou légataires. Mais elle ne peut avoir voulu punir une omission qui n'est pas coupable, et qui, en raison des circonstances, était inévitable 2. Cette solution est d'ailleurs démontrée par l'art. 7 de la loi du 31 mars mars 1903, dont nous parlons plus loin, et qui, dans un cas où le dépositaire n'a pu connaître le décès, reconnaît que la régie est sans défense et organise des formalités nouvelles. Il appartient à la régie de prouver que le dépositaire était de mauvaise foi, car elle lui réclame une amende et, par conséquent, est demanderesse.

4. Ces critiques s'appliquent en partie également aux dispositions de l'art. 7 de la loi du 31 mars 1903, relatif aux comptes-joints.

Dans quelle mesure, avant cette loi, les sommes figurant à

1. On ne peut entendre le « domicile de fait » dans le sens de « domicile avec ou sans autorisation ». Cette dernière expression est employée par l'art. 4 de la loi du 23 août 1871, qui soumet au droit de succession les créances et valeurs mobilières dépendant de la suecession d'un étranger domicilié en France. La loi de 1871 a voulu empêcher que les étrangers ne pussent soustraire leur succession aux droits en s'abstenant simplement de demander l'autorisation d'établir en France leur domicile. Aussi, est-il nécessaire, pour son application, que l'établisment de l'étranger en France ait, à part l'autorisation, tous les caractères d'un véritable domicile. V. notre art. précité, Clunet 1903, p. 80, no 37. Si la loi de 1903 avait voulu se contenter d'un domicile sans autorisation à l'étranger, elle aurait, au lieu de « et » dit : « ou »>.

2. On pourrait objecter une jurisprudence bien connue, et généralement approuvée par la doctrine, d'après laquelle les pénalités édictées par la loi fiscale (par exemple pour les omissions dans les déclarations de succession), sont encourues dans le cas même où la contravention a été commise de bonne foi, notamment dans le cas où des redevables ignoraient l'existence de valeurs qu'ils n'ont pas déclarées. Mais la situation n'est pas la même dans ce dernier cas, les redevables ont pu connaitre les valeurs qu'ils n'ont pas déclarées; dans le cas que nous prévoyons ici, ils ne l'ont pas pu. Cependant la régie semble interpréter le nouveau texte comme s'appliquant même dans le cas de bonne foi. V. Instruction, no 3137, 1er.

un compte-joint étaient-elles assujetties au droit de mutation. par décès?

Pour répondre à cette question, il faut distinguer deux sortes de comptes-joints :

Le déposant peut habiliter un tiers à toucher les sommes ou valeurs comprises dans le dépôt, en même temps qu'il se réservera le droit de les toucher également. Jusqu'à preuve du contraire, le tiers sera considéré comme un mandataire ; son décès ne donnera pas ouverture aux droits de mutation sur une part quelconque dans les objets déposés, tandis que, si c'est le déposant qui décéde, l'intégralité de ces objets sera soumise au droit de mutation.

Le dépôt peut être fait, d'autre part, conjointement par deux personnes, avec la clause que chacun des déposants pourra toucher la totalité des sommes ou des valeurs déposées. Chacune d'elles, ayant figuré dans l'acte de dépôt en son propre nom, est considérée comme propriétaire de la moitié des sommes ou valeurs, et son décès donnera ouverture au droit de succession sur cette moitié. Il va sans dire qu'après le décès de l'un des déposants, la régie pourra, par tous les moyens qui sont à sa disposition, démontrer que les sommes ou valeurs lui appartenaient en entier, ou pour une part supérieure à la moitié; elle pourra faire cette preuve par de simples présomptions: si, par exemple, le dépôt est fait par un père et son enfant mineur, il sera généralement vraisemblable que les objets déposés appartenaient exclusivement au père, l'enfant mineur n'ayant eu aucune occasion de se constituer un patrimoine. Réciproquement, après le décès de l'un des déposants, ses héritiers seront admis de prouver que les objets déposés appartiennent intégralement au déposant qui survit 2.

5. Ces principes ne se trouvaient pas modifiés avant la loi du 31 mars 1903, par le fait que les dépôts avaient lieu en pays étranger.

Si le défunt a en France son domicile de droit ou de fait

1. On peut tirer parti en ce sens de la jurisprudence d'après laquelle les apports en mariage d'un enfant mineur sont généralement présumés lui provenir de dons manuels et donnent ouverture au droit de donation.

2. V., sur la preuve contraire réservée aux parties, notre Traité de droit fiscal, t. II, no 627 et suiv.

c'est-à-dire soit s'il est un Français domicilié en France, soit s'il est un étranger autorisé à établir son domicile en France, soit s'il est un étranger ayant en France sa résidence habituelle, le centre de ses affaires toutes les valeurs mobilières qu'il possède en pays étranger sont soumises au droit de mutation par décès (L., 23 août 1871, art. 4). Les valeurs mobilières comprenant les créances, les dépôts de fonds faisant naître une créance, les fonds déposés par le défunt dans une banque étrangère sont assujettis au droit de mutation. Donc, en cas de compte-joint de la première espèce, le droit doit être assis, lors du décès de chacun des déposants, sur sa part virile dans la créance résultant du dépôt; en cas de compte-joint de la seconde espèce, le droit est dû sur la totalité du dépôt si le défunt est le déposant, et n'est dû en aucune manière si le défunt est le mandataire accessoirement désigné par le défunt.

Si le défunt n'a en France ni domicile de droit, ni domicile de fait, les valeurs françaises dépendant de sa succession sont seules soumises au droit de mutation par décès 2. Par conséquent les dépôts faits à l'étranger, purement et simplement ou sous forme de compte-joint, échappent à l'impôt.

Sur cette dernière hypothèse, dont la solution n'a pas été modifiée, il n'y a donc plus rien à dire. Nous ne nous occupons plus que des dépôts en compte-joints faits par une personne domiciliée en France, et dont, par conséquent, suivant le langage de la loi fiscale, la succession est « régie par la loi française ».

6. Jusqu'à quel point l'art. 7 de la loi du 31 mars 1903, qui a été édicté en vue de remédier aux abus des comptes-joints, est-il applicable aux comptes établis en pays étranger au profit d'une personne dont la succession est régie par la loi française ?

Cet art. 7 contient deux dispositions différentes : l'une est relative à la perception des droits, l'autre aux garanties de recouvrement de ces droits.

D'après la première de ces dispositions, « tous les titres, sommes ou valeurs existant chez les dépositaires désignés troisième alinéa de l'art. 15 de la loi du 25 fév. 1901 et fai

1. V. notre Traité de droit fiscal, t. II, no 925.

2. Avis du Comité des finances du Conseil d'État, 11 mars 1829. V. notre Traité de droil fiscal, t. II, no 955 et 966.

sant l'objet de comptes indivis, ou collectifs avec solidarité seront considérés, pour la perception des droits de mutation par décès, comme appartenant conjointement aux déposants, et dépendant de la succession de chacun d'eux pour une part virile, sauf preuve contraire réservée tant à l'administration qu'au redevable, et résultant pour ces derniers soit des énonciations du contrat de dépôt, soit des titres prévus par l'art. 7, 2o de la loi du 25 fév. 1901. »

Suivant la seconde, « les dépositaires devront, dans les trois mois au plus tard de l'ouverture d'un compte indivis ou collectif avec solidarité, et dans les trois mois de la promulgation de la présente loi pour les comptes de cette nature antérieurement ouverts, faire connaître au Directeur de l'Enregistrement du département de leur résidence les noms, prénoms et domicile de chacun des déposants, ainsi que la date de l'ouverture du compte, sous peine d'une amende de 500 fr. à 5.000 fr. Ils devront, de plus, dans la quinzaine de la notification qui leur sera faite par l'Administration de l'Enregistrement du décès de l'un des déposants, et sous la sanction édictée par le dernier alinéa de l'art. 15 de la loi du 25 fév. 1901, adresser au Directeur de l'Enregistrement de leur résidence la liste des titres, sommes ou valeurs existant, au jour du décès, au crédit des cotitulaires du compte ».

L'article provient d'un amendement déposé par M. Clémentel, député. L'auteur de l'amendement y voyait un moyen sûr d'éviter une fraude à laquelle recouraient les parties, pour éviter l'application de l'art. 15 de la loi de 1901. Cet art. 15, nous l'avons dit, oblige les dépositaires de titres ou valeurs appartenant à un défunt, à en donner la liste au Directeur de l'Enregistrement pour que les droits sur ces titres ou valeurs puissent être réclamés aux héritiers; nous savons même qu'en certains cas ils sont tenus de retenir les titres ou valeurs jusqu'au payement des droits, ou, se libèrent, de retenir le montant des droits. L'art. 15 manquait son but par l'effet des comptes-joints: car, après le décès de l'un des clients du dépositaire, l'autre réclamait les titres ou valeurs sans avoir à faire aucune justification, et le dépositaire, ignorant le décès, ne pouvait faire connaître à la régie l'existence des titres et valeurs. Désormais, la régie connaîtra par avance l'existence du compte et son contenu, et dès que les

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