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quand on fait résulter la compétence générale du fait que l'action intentée présente tel ou tel caractère, qui la rattache à la souveraineté de l'Etat dont relève le tribunal saisi, fait que la promesse, la livraison ou le paiement doivent se produire sur le territoire de cet Etat, c'est qu'on a fait, au préalable, un raisonnement, pour attribuer à cette action ce caractère ou pour fixer sur ce territoire le lieu de la promesse, de la livraison ou du paiement on a constaté, qu'en conséquence de certains faits, de certaines particularités de la naissance du droit que cette action sanctionne, ou bien de certaines particularités des relations des parties au jour où elles se sont engagées l'une envers l'autre, on devait attribuer à l'action ce caractère et non pas un autre, on devait fixer sur ce territoire et non pas sur un autre le lieu de la promesse, de la livraison et du paiement. Pareillement enfin, quand on fait résulter la compétence générale de la prorogation légale de la juridiction d'un tribunal généralement compétent, ou de la prorogation volontaire de la juridiction d'un tribunal généralement incompétent, c'est qu'on a fait, au préalable, un raisonnement pour admettre cette extension anormale de la juridiction du premier, ou cette attribution anormale de la juridiction au second on a constaté, qu'en conséquence de certains faits, de certaines particularités concernant les relations du litige avec d'autres difficultés entre les mêmes plaideurs, de certaines particularités de l'attitude des parties en vue du tribunal à saisir ou vis-à-vis du tribunal saisi, on devait admettre cette extension anormale de juridiction dans le premier cas, ou cette attribution anormale de juridiction dans le second. Tout cela est absolument certain, et je n'insiste sur une vérité aussi élémentaire qu'à cause du degré d'abstraction qu'il faut atteindre pour l'exprimer. Toute qualification repose sur un raisonnement de droit dont elle n'est que la conclusion.

Mais ce raisonnement de droit, sur quoi repose-t-il à son tour? sur des faits matériels constatés avant tout par le juge, et concernant la détermination du lieu de naissance des parties ou de leurs parents, leurs relations avant le procès ou bien au jour du eontrat, les relations du litige lui-même avec d'autres difficultés entre les mêmes plaideurs, l'attitude enfin des parties en vue du tribunal à saisir ou vis-à-vis du tribunal saisi. Là encore, on ne cherchera pas à construire les hypo

thèses pratiques ou à en détailler les éléments; chacun peut le faire, si bon lui semble. Mais le principe est hors de doute, si la qualification résulte d'un raisonnement de droit, ce raisonnement de droit ne peut reposer lui-même que sur des faits matériels.

Dans le système de la compétence générale directe, ces trois éléments de sa détermination sont pratiquement indiscernables. C'est la même juridiction, statuant sur sa propre compétence générale, qui dégage de l'ensemble des faits du litige ceux qui permettront de donner la qualification d'où cette compétence résultera, qui dresse et met en forme le raisonnement appropriè à ces faits, qui donne, enfin, la conclusion, c'est-à-dire la qualification elle-même. Il s'en faut, d'ailleurs, que ces trois éléments de la détermination de la compétence, le fait, le raisonnement, la qualification, soient aussi nettement séparés dans les arrêts que dans l'analyse que j'en donne. Le plus souvent, la qualification seule est exprimée; les faits qui la justifient, le raisonnement qui l'a préparée, tout cela reste dans l'ombre'. Mais il ne faut pas se méprendre sur les affirmations tranchantes que la juridiction saisie emploie pour caractériser l'action, fixer le lieu de la promesse, de la livraison et du paiement, se plier à la prorogation légale, ou reconnaître l'existence de la prorogation volontaire. Ces affirmations sont des qualifications, qui ne peuvent, comme toute qualification, s'obtenir en droit que par le procédé que j'ai décrit: seulement, comme c'est la même juridiction qui en rassemble tous les éléments, pour ne retenir, le plus souvent, que le dernier, l'analyse qui les dissocie n'est pas faite dans l'arrêt; ses auteurs l'ont gardée pour eux. Bref, elle reste, en matière de compétence générale directe, une analyse purement psychologique.

Mais il se pourrait qu'en matière de compétence générale indirecte, la même analyse prît un autre caractère, qu'on pût soutenir que les différents éléments de la qualification ne relèvent plus de la même juridiction, qu'on pût songer à distinguer entre ceux qui relèvent de la juridiction du pays d'importation et ceux qui relèvent de la juridiction du pays

1. Je fais exception pour le cas où la compétence générale résulte de la nationalité des parties. L'analyse des faits et le raisonnement qui conduit à la qualification de national ou d'étranger s'y trouvent presque toujours.

d'origine du jugement. La pratique en fournit justement des exemples, dont l'interprétation serait impossible en dehors de l'analyse que j'ai donnée, qui est commune à la compétence générale directe et à la compétence générale indirecte, mais qui affecte, par la force des choses, en matière de compétence générale directe, un caractère purement psychologique. E. BARTIN,

(A suivre.)

Professeur adjoint à la Facullé de Paris.

De la condition juridique des étrangers en Chine'.

La Chine est un pays essentiellement fermé et hostile à toute introduction d'éléments étrangers. Aussi n'est-ce qu'à coups de canon que l'on est parvenu jusqu'ici à arracher à cette nation conservatrice à outrance, l'autorisation de pénétrer sur son territoire. Encore le droit pour les étrangers de « s'établir et de se livrer au commerce en toute sécurité » n'existe-t-il que dans certains ports et certaines villes déclarés « ouverts » par les traités.

Le nombre de ces villes et ports a été successivement augmenté, mais il est encore très restreint et l'on peut dire que ce n'est que dans une partie infiniment minime de l'Empire du milieu que peuvent résider ceux qui ne sont pas sujets chinois 2.

En ce qui concerne le droit de circulation sur le territoire chinois, les traités stipulent que « Les étrangers peuvent voyager mais non résider dans toutes les parties de la Chine, à la condition expresse d'être munis de passe ports légalement délivrés par les agents diplomatiques ou consulaires et visés par les autorités chinoises. Ils peuvent circuler sans passeports dans le voisinage des ports ouverts au commerce

1. L'auteur de cette étude, M. Dauge, dont nous avons déjà publié un article sur la condition des étrangers au Siam (Clunet 1900, p. 468), nous donne ici le résultat de ses études personnelles pendant son séjour en Chine. (N. de la Réd.) Cons. Clunet, Tables générales, III, vo Chine, p. 328.

2. Les villes et ports ouverts sont : Canton, Swatow, Amoy, Zoochow, Ningpo, Shanghaï, Nanking, Chenkiang, Kinkiang, Hankow, Chefou, Tientsin, Nenchuang, Tamsui, Taewanfov, Kuingchow, Pakhoi, Wuhu, Winchow, Ichan.

étranger jusqu'à une distance n'exédant pas cent lis (50 kilomètres) et pour un temps ne dépassant pas cinq jours. »> Mais la Chine ne s'est pas contentée d'assigner d'étroites limites territoriales aux résidents étrangers. Même dans les ports ouverts il leur est uniquement permis de « louer des maisons et des magasins pour y déposer leurs marchandises ou bien d'affermer des terrains et d'y bâtir eux-mêmes des maisons ou des magasins, mais le texte des conventions ne permet pas aux étrangers l'achat des terrains.

Cependant il existe plusieurs dérogations à ces dispositions rigoureuses des traités.

Une première exception est faite en faveur des missionnaires, qui peuvent acheter des terrains et des maisons dans l'intérieur du pays. Une convention passée à la date du 21/26 mai 1895 entre le gouvernement chinois et M. Gérard, ministre de France à Pékin, reconnaît formellement le droit des missions d'acheter des terrains et des maisons dans l'intérieur du pays 2.

Le vendeur, dit la convention, n'aura ni à aviser les autorités locales de son intention de vendre ni à demander au préalable leur autorisation.

Un autre exception résulte de l'octroi, par le gouvernement chinois à diverses Puissances, de la propriété de certaines parties de territoires situées dans des ports ouverts, notamment à Shanghai, Hankow, Tientsin. On appelle ces terrains les « concessions settlements ».

A la vérité, pour déguiser cette aliénation et sauver les apparences (en Chine on dit la face), le gouvernement chinois a seulement déclaré donner à bail les terrains qui constituent le territoire des concessions mais la durée du bail étant illimité il n'y a là qu'une question de mots et il ne saurait exister aucun doute sur le caractère du droit des occupants: c'est un droit de propriété absolue.

Pour arriver à obtenir des concessions, les Puissances ont invoqué les dispositions des traités en vertu desquelles les étrangers peuvent, dans les ports ouverts, louer des maisons

1. Art. 3 du traité de Tientsin 1858-1860, Clunet, Tables générales, II, P 222 et s.

2. Consult. les conventions franco-chinoises de 1886-1887-1896, Clunet, Tables générales, II, p. 228.

et des magasins, ou bien affermer des terrains et y bâtir euxmêmes des maisons et magasins. « L'autorité locale, disent les traités, après s'être concertée avec le consul, désignera les quartiers les plus convenables pour la résidence des étrangers (art. X du traité de Tientsin entre la France et la Chine).

En réalité, l'établissement de concessions n'est pas seulement une application de la clause prérappelée, c'est une extension des traités puisqu'il entraîne l'aliénation des terrains englobés dans la concession.

D'autre part il ne faut pas attribuer à l'octroi des concessions une portée trop étendue. Pareil octroi n'implique pas de la part de la Chine l'abandon de ses droits de souveraineté sur le territoire érigé en quartier étranger.

Il existe à cet égard une déclaration formelle dans le traité conclu entre la Chine et les États-Unis d'Amérique, traité signé à Washington le 28 juillet 1868 et ratifié à Pékin le 23 novembre 1869'.

D'ailleurs, l'intégrité des droits de souveraineté de la Chine résulte de la circonstance que l'impôt foncier perçu des propriétaires de terrains par les soins des autorités européennes est remis au gouvernement chinois.

1. Sa Majesté l'Empereur de Chine, estimant qu'en concédant à des citoyens de Puissances étrangères le privilège de résider sur certaines parties de territoire ou de fréquenter pour y faire le commerce certaines eaux de l'empire, n'a nullement abandonné son droit de souveraineté ou de domaine éminent sur ces territoires et ces eaux déclare par les présentes que l'octroi d'une concession ne pourra être interprété comme emportant le droit pour une Puissance qui serait en guerre avec les États-Unis de s'attaquer à la personne ou eux biens des citoyens des Etats-Unis dans les limites des territoires et des eaux en question. Et les États-Unis, de leur côté, s'engagent à s'abstenir de porter atteinte dans les limites desdits territoires et desdites eaux, à la personne et aux biens des sujets de toute Puissance avec laquelle ils pourraient être en état de guerre. Mais les Etats-Unis auraient le droit de repousser toute attaque qui serait dirigée contre leurs citoyens ou contre la propriété de ceux-ci.

Il est également entendu que, si un droit quelconque sur une partie du territoire de la Chine a été ou est ultérieurement accordé par le Gouvernement chinois aux États-Unis ou à leurs citoyens dans l'intérêt de leur commerce, l'octroi d'un pareil droit ne pourra jamais être interprété comme enlevant aux autorités chinoises leur droit de juridiction sur les personnes et les propriétés dans les limites desdits territoires, si ce n'est dans la mesure où un pareil droit aurait été expressément concédé par

traité.

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