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loi... » Dans le cas contraire, le tribunal relèverait l'irrégularité ou l'illégalité de la condamnation. Quant au dispositif, il déclarera ou non la condannation bonne et valable, par application soit de l'art. 4, soit de l'art. 5 de la loi de 1905.

E) Effets de la décision. · C'est également dans les articles précités de la loi militaire qu'il faut chercher les effets de cette sorte d'exequatur qu'ils ont introduite en notre législation. Les effets en sont limités au but à atteindre : l'exclusion de l'armée par application de l'art. 4, l'envoi en Afrique. par application de l'art. 5. Il en résulte que la décision du tribunal français n'aura pas d'autre conséquence le jugement étranger ne sera pas rendu exécutoire comme lorsqu'il s'agit de l'exequatur ordinaire. En admettant que le condamné n'ait pas subi sa peine à l'étranger, il ne la subira pas en France; la condamnation par lui encourue n'entraînera pour lui, en outre, aucune privation de droits civils ou politiques, aucune incapacité autre que celle prévue par la loi militaire.

Le jugement étranger, s'il contient des condamnations civiles, ne sera pas non plus rendu exécutoire de ce chef; il y aurait lieu de recourir pour cet effet à une procédure d'exequatur ordinaire, en admettant que ce soit possible, et la question est controversée.

Il nous reste, pour terminer, à dire quelques mots de la portée pratique de l'innovation dont il s'agit. On a voulu, en cette matière spéciale, donner dans certaines conditions, aux condamnations prononcées à l'étranger, les mêmes effets qu'aux condamnations encourues en France. Mais comment l'administration connaîtra-t-elle les condamnations étrangères ? Il est hors de doute que les intéressés les cacheront soigneusement, puisqu'ils peuvent par là être conduits à faire leur service militaire dans des corps spéciaux où la discipline est plus dure. Il n'y a qu'un seul cas où un Français a intérêt à faire connaître une telle condamnation : c'est lorsqu'il est poursuivi pour le même fait en France, par application des art. 5 et 6 du Code d'instruction criminelle, aucune poursuite ne pouvant avoir lieu s'il prouve qu'il a été jugé définitivement à l'étranger'.

1. Il faut même voir là un cas où un tribunal répressif français pouvait déjà être appelé, comme pour l'application de la législation nouvelle que nous commentons, à apprécier un jugement étranger, au moins en ce qui touche son caractère définitif et l'autorité de chose jugée qui s'y attache. Comp. la loi précitée du 3 avril 1903, art. 4 et 5.

Pour que les dispositions nouvelles ne soient pas lettre morte, il faudra que des conventions internationales prescrivent la communication des condamnations prononcées à l'étranger. Ces condamnations seront inscrites sur une sorte de casier judiciaire spécial, ne devant être consulté que pour ce qui touche le service militaire. L'entente avec les autres pays, précieuse pour mettre fin aux conflits de législations, utile pour la répression commune des crimes et délits, deviendra ici nécessaire pour appliquer une loi administrative dont l'exécution oblige, d'une manière peut-être inattendue, à regarder au delà des frontières.

Jean DEJAMME,

Conseiller à la Cour d'appel de Caen.

Les modifications apportées par la loi du 31 mars 1905 relatives aux accidents du travail des ouvriers étrangers.

Depuis longtemps, presque depuis le vote de la loi de 1898, la question des accidents du travail des ouvriers étrangers s'était de nouveau posée devant le Parlement français.

On connaît quel était le système établi par la loi de 1898 : la loi sur les accidents était en principe applicable aux ouvriers étrangers, victimes d'accidents, sauf les deux dispositions finales de l'art. 3 qui portaient :

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« Les ouvriers étrangers, victimes d'accidents, qui cesseront de résider sur le territoire français, recevront pour toute indemnité un capital égal à trois fois la rente qui leur avait été allouée. »

Les représentants d'un ouvrier étranger ne recevront aucune indemnité si, au moment de l'accident, ils ne résidaient pas sur le territoire français. »

Le laconisme même de ces deux dispositions, les seules concernant les ouvriers étrangers, avait donné naissance à de multiples questions portées devant les tribunaux l'une des plus graves omissions notamment était l'hypothèse d'ayant droit étranger, résidant bien en France lors du décès, mais venant à quitter le territoire. Des interprétations divergentes s'étaient produites: l'une, les assimilant à l'ouvrier luimême, leur accordait le paiement d'une indemnité en capital égale à trois annuités; l'autre leur continuait le service de la pension légale à laquelle ils avaient droit.

En même temps une jurisprudence constante confirmée par un arrêt de la Cour de cassation' venait définitivement écarter toute autre voie de recours, et notamment l'article 1382 pour les ayant droit de l'ouvrier étranger ne résidant pas en France au moment de la mort de l'ouvrier victime d'un accident du travail. Il en résultait une rigueur et une injustice qui jurait dans bien des cas avec les idées les plus communément admises en droit international privé : il était inique de priver toujours les représentants de l'ouvrier étranger de toute indemnité, à cause de leur résidence en territoire étranger au moment de l'accident.

:

Ce sont ces divers points que vient de remanier la loi du 31 mars 1905 questions de détails d'une part et question de principes de l'autre. Indiquons cette double innovation d'importance fort inégale :

Le nouveau texte vise d'abord la situation des représentants de l'ouvrier étranger cessant de résider sur le territoire français il les assimile à l'ouvrier étranger cessant de résider sur le territoire français.

L'ancien paragraphe est maintenu :

« Les ouvriers étrangers, victimes d'accidents, qui cesseraient de résider sur le territoire français, recevront pour toute indemnité un capital égal à trois fois la rente qui leur avait été allouée.

Il y est ajouté :

«<ll en sera de même pour leurs ayants droit étrangers cessant de résider sur le territoire français, sans que toutefois le capital puisse alors dépasser la valeur actuelle de la rente d'après le tarif visé à l'article 28. »

Par cette disposition se trouve tranchée la controverse que nous rappelons ci-dessus. De plus, le législateur, par les mots de la fin de l'article, a entendu déjouer une spéculation à laquelle pourraient se livrer les ayants droit des ouvriers étrangers, bénéficiant d'une rente temporaire ceux-ci quittant la France à la veille du paiement du dernier arrérage, pourraient prétendre encore à une indemnité en capital égale au triple de leur rente et bénéficier ainsi d'un avantage supérieur à celui des ayants droit français similaires. Désormais ce petit calcul est déjoué, puisqu'en toute hypothèse le capital

1. Cass. req., 16 nov. 1903, D. 1904.I.132.

versé aux ayants droit étrangers quittant le territoire français sera au plus égal à la valeur actuelle de leur rente, d'après le tarif visé par l'article 28.

Vient ensuite une autre disposition qui n'est que l'ancienne disposition de l'art. 3, § 15, texte de 1898, avec une légère addition :

« Les représentants étrangers d'un ouvrier étranger ne recevront aucune indemnité si, au moment de l'accident, ils ne résidaient pas sur le territoire français. »

Ainsi sont désormais sauvegardés les droits des représentants français des ouvriers étrangers pour lesquels il y avait eu quelque doute avec la loi de 1898: ils sont désormais assimilés de tout point aux représentants français de l'ouvrier français. Seuls restent soumis au refus complet d'indemnité les représentants étrangers de l'ouvrier étranger.

Enfin, et c'est de toutes les dispositions nouvelles de beaucoup la plus importante, l'article 3 nouveau, dernier alinéa, dispose:

Les dispositions des trois alinéas précédents pourront toutefois être modifiés par traités dans la limite des indemnités prévues au présent article, pour les étrangers dont les pays d'origine garantiraient à nos nationaux des avantages équivalents. »

C'est le principe de la réciprocité diplomatique qui pénètre ainsi dans notre législation grâce à ce texte, le gouvernement pourra s'engager plus avant dans la voie où il était entré avec le récent traité de travail franco-italien. Grâce à un système de concessions réciproques, on peut espérer que de plus en plus les conventions internationales relatives au travail se développeront et que l'on pourra progressivement amener un nombre toujours croissant d'ouvriers étrangers à l'égalité absolue de traitement avec les ouvriers français, en échange d'avantages réciproques.

La limite de ces concessions est fort sagement fixée d'ailleurs par ce nouvel article, aux indemnités dont jouissent les ouvriers français eux-mêmes.

Telles sont les principales modifications apportées par la loi du 31 mars 1905 aux accidents du travail des ouvriers étrangers. Elles marquent dans l'ensemble un sérieux progrès et elles ouvrent le champ aux conventions de puissance

à puissance dans ce domaine si intéressant de la prévoyance sociale.

N. B. - Pour être tout à fait complet, il faut signaler encore une dernière disposition de minime importance: c'est l'art. 15, § 6.

« Lorsque l'accident s'est produit en territoire étranger, le juge de paix compétent dans les termes de l'art. 12 et du présent article est celui du canton où est situé l'établissement ou le dépôt auquel est attachée la victime. >> B. RAYNAUD.

De la réextradition' (suite).

La loi mexicaine du 19 mai 1897, également, n'admet pas les mêmes exceptions au principe de la spécialité de l'extradition, selon qu'il s'agit de réextradition ou du jugement de l'extradé dans le pays requérant; mais ici, à l'inverse du système des deux conventions précédentes, le consentement de l'extradé justifie la réextradition qui ne pourrait, au contraire, être utilement sollicitée du pays extradant.

s'il

C'est ainsi que le jugement pour faits non visés dans la requête primitive est justifié: 1° si l'extradé le demande; 2° est resté deux mois en liberté dans le pays impétrant (art. 4, § 1, A); 3° si l'État extradant, dûment requis, l'a autorisé (art. 5).

Mais la réextradition à un État tiers n'est possible, aux termes de l'art. 4, § 1 D, que dans les deux cas prévus à l'alinéa A du même article. Le consentement du gouvernement mexicain ne saurait être provoqué; car l'art. 9 dispose: « Une fois l'extradition accordée, il ne sera pas donné suite à une demande postérieure d'un autre Etat, en vue de l'extradition de la même personne, à moins qu'elle ne revienne dans la République, après que l'extradition aura eu tous ses

effets. >>

Toutefois, dans un cas particulier, l'art. 8 habilite, dès le principe, l'Etat impétrant à réextrader l'inculpé, sans qu'il ait aucune autorisation à solliciter. L'art. 7 règle l'ordre dans lequel, en cas de concours, les demandes seront accueillies. Or, l'art. 8 susvisé dispose que «l'Etat qui aura obtenu une extradition pourra l'accorder à un troisième qui aurait pré

1. V. le commencement de cette étude, supra, p. 21.

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