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Le pont, en lui-même, est constitué par un arc unique de 110 m d'ouverture, qui a été étudié par l'éminent ingénieur à qui nous devons déjà le pont Mirabeau. L'emplacement disponible l'a obligé à adopter un mode de construction tout autre que celui qui avait été employé dans ce dernier ouvrage. Mais quels que soient les moyens d'exécution, la haute valeur de l'auteur du projet nous est une garantie qu'au point de vue technique, ce qui sera fait sera bien fait et, d'autre part, il faut savoir très grand gré à l'Administration des Travaux publics d'avoir accepté le principe de l'arc unique débarrassant le passage de toute pile en rivière.

Reste à bien placer cet arc, et c'est ici que nous estimons devoir élever quelques critiques.

Voici un croquis (fig. 1) représentant la région de la Seine comprise entre les ponts actuels de la Concorde et des Invalides. Le tracé en traits continus représente l'état actuel. Il y a entre les deux ponts des ports de tirage. En principe, tous les ports de tirage existants doivent être, au fur et à mesure des crédits disponibles, remplacés par des ports droits. Ce projet a été, en 1895, soumis à une enquête; la réalisation n'est plus qu'une question d'argent et elle pourra, par conséquent, être longue: pour la région qui nous occupe, la ligne des ports droits, laissant entre eux une largeur de 110 m que l'on ne peut pas songer à diminuer, si or ne veut pas exposer les régions à l'amont de Paris à des risques d'inondation inadmissibles, est figurée sur le dessin en lignes pointillées.

Enfin, on y a marqué, en traits discontinus, l'emplacement du nouveau pont et la modification qu'aurait à subir l'emplacement des ports droits, en cas d'adoption du projet mis à l'enquête modification qui comporte un élargissement du port de la rive droite et un rétrécissement du port de la rive gauche.

La cote à laquelle, d'après le même projet, doit être placé le point le plus haut du tablier est telle, qu'en hautes eaux, encore navigables, la corde libre, sous le pont, sous un tirant d'air de 5,50 m, n'est que de 30 m, et les culées sont figurées sous forme de massifs de maçonnerie pleine sur toute la largeur des ports. Le croquis (fig. 2) montre en élévation le nouveau pout et le pont actuel des Invalides, ce dernier tracé en traits pleins.

La marine s'est fortement émue à l'idée que de pareilles dispositions pouvaient être définitivement adoptées, et j'estime qu'elle a grandement raison.

On voit, sur le dessin, la courbe que décrit, en ce point, la

Seine, courbe telle que, à la sortie du pont de la Concorde, les bateaux avalants sont inévitablement rejetés vers la rive droite. Les convois sont déformés et ce n'est pas trop de toute la distance entre le pont de la Concorde et le celui des Invalides pour qu'ils arrivent à se reformer, afin que les mariniers puissent, suivant leur expression que je me reprocherais de ne pas conserver, livrer leurs bateaux droit dans les arches étroites de ce dernier.

La construction de ports droits, à l'emplacement résultant de l'enquête de 1895 n'apporte pas grande gène : au nouvel emplacement elle en apportera beaucoup plus. Il est loisible en cette place de prélever autant que l'on veut sur la rive gauche de la Seine, il est dangereux pour la navigation de prélever sur la rive droite.

A cette considération s'en ajoute une autre. Un port sur la rive droite restera toujours sans utilité pratique : les charrois auxquels son utilisation pourrait donner lieu ne seront jamais acceptés en pleine promenade des Champs-Elysées. Le port de la rive gauche, au contraire, est déjà utilisé, il pourra continuer à l'être puisqu'il n'évacue pas en pleine promenade. Son utilisation à venir est d'autant plus intéressante qu'il va se trouver au voisinage immédiat d'une gare importante à laquelle, peut-être un jour, il pourrait être raccordé, il y aurait alors tout avantage à ce qu'on lui ait laissé la plus grande surface possible. Je sais bien qu'à l'encontre de ce qui se passe dans d'autres pays, ces raccordements sont, en France, très mal vus par les Compagnies de chemins de fer. Notons en passant une honorable exception, celle de la Compagnie d'Orléans qui, de sa propre initiative poursuit. entre ses voies et la Seine, un raccordement à Ivry. Pour le moment c'est l'exception qui confirme la règle, car il nous serait facile de citer, en sens contraire, des exemples concluants comme entre autres l'étonnante histoire de la gare d'eau de Roanne; mais je risquerais de me laisser ainsi entrainer bien au-delà de mon sujet, la matière valant à elle seule une discussion spéciale. Qu'il me suffise d'indiquer que, par la force des choses, les idées actuelles des Compagnies de chemins de fer français, en matière de raccordements avec les voies d'eau, devront vraisemblablement arriver à se modifier et qu'il y a, par conséquent, des motifs multiples pour désirer que les dispositions antérieurement adoptées dans l'établissement de ports droits, dans cette région de Paris, soient conservées et, par conséquent, pour que le pont projeté soit déplacé de quelques mètres de la rive gauche vers la rive droite.

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Les culées entre les retombées des arcs et les quais hauts seraient alors d'épaisseur apparente inégale. Nous nous refusons à admettre que cette inégalité d'épaisseur entraine, pour faire beau, une difficulté insurmontable pour les hommes éminents à qui ces travaux seront confiés.

Tel qu'il est projeté, le pont, ai-je dit, ne laisse qu'une corde libre de 30 m sous 5,50 m de tirant d'air. Il est à 200 m de distance du pont des Invalides qui a une pile en son milieu. Les convois remorqués peuvent avoir dans Paris une longueur de 600 m, et, par conséquent, se trouver engagés sous les deux ponts à la fois. Le dessin montre les chemins qu'ils suivront, formant un V qui vient se fermer sous le nouveau pont. Si l'on songe à l'activité de circulation des bateaux à voyageurs, le dessin montre par lui-même, mieux que tous les discours, combien le passage sur cette partie de la Seine va devenir dangereux. Tel qu'il est, le pont des Invalides constitue un passage médiocre : si on donne à ce passage médiocre 200 m de long, il va devenir absolument mauvais, et vraiment, en tant que faire des ouvrages nouveaux, il semble bien que ce ne soit pas sur les dimensions de ceux des anciens qui laissent à désirer qu'il failie se régler.

En somme, si le pont des Invalides est conservé tel quel, il faut, pour bien faire que les espaces disponibles aillent en s'élar gissant et non en se rétrécissant à l'amont et à l'aval de ce pont, ou bien, si le pont nouveau devait être exécuté tel qu'il est projeté, il faudrait, pour les besoins de la navigation, ou refaire ou supprimer le pont des Invalides. Ne serait-il pas plus simple de surélever le nouveau pont de telle façon que la corde libre en hautes eaux sous plus de 5 m au lieu de 30 m en ait au moins 60 m, ce qui, sauf erreur, correspondrait à une surélévation de 0,70 m à 0,80 m.

Je sais bien qu'on a fait grand bruit du risque de masquer le palais des Invalides vu des Champs-Élysées. Je crois même que l'objection a été présentée d'abord par ceux qui voulaient obtenir qu'on ne fasse rien du tout aux Champs-Elysées, ni le nouveau pont, ni la reconstruction du Palais de l'Industrie. Il me paraît étrange qu'elle conserve quelque valeur aux yeux de ceux qui ont accepté la construction de la gare des Invalides. En tous cas, faudrait-il l'examiner de près et, pour ma part, elle me parait plus que contestable. Qui donc s'attend à voir depuis le pied, un monument placé à près de 1 km de distance quand il n'est pas construit sur un terrain déjà surélevé? Il y a à Paris des ponts

très hauts, beaucoup plus hauts que nous ne voudrions voir celui qui va se construire : je ne citerai que le pont de la Concorde dont, que je sache, la grande hauteur ne nuit en rien à l'aspect de la place. En fait, il y a en présence une question d'utilité qui, elle n'est pas douteuse, et une question d'esthétique fort sujette à controverse.

Un dernier point, enfin. Sur le projet mis à l'enquête, les culées du pont étant figurées sous forme de massifs de maçonnerie pleins, suppriment tout passage entre les parties amont et aval des ports. Il y a lieu de remarquer que le pont doit avoir 40 m de large, que par conséquent pour ceux qui passeront dessous, c'est presque un tunnel. Des accidents, en matière de navigation, sont toujours possibles, et s'il est désirable qu'une communication. soit ouverte entre les deux parties d'un port, il l'est plus encore que, en cas d'accident, quelques manœuvres restent possibles sur cette largeur de 40 m couverte par le pont il est donc nécessaire que les culées soient ajourées.

En résumé, les desiderata de la marine se réduisent à ces trois points :

1° Déplacer le pont de quelques mètres de la rive gauche vers la rive droite;

2o Ménager des passages dans les culées;

3o Relever le pont de 0,70 m à 0,80 m.

Les deux premiers me semblent tout à fait essentiels en tout état de causes; le rejet du troisième conduirait par la force des choses, tôt ou tard, à refaire ou à supprimer le pont des Invalides. Mais, à vrai dire, tous trois nous paraissent d'une réalisation trop facile pour qu'on se laisse acculer à la nécessité d'en venir là.

Le projet dont je viens d'indiquer les dispositions essentielles a naturellement été soumis à la série des formalités administratives inévitables en pareille matière et qui, dans l'espèce, vu le peu de temps qui reste, ont seulement été menées un peu plus vivement qu'à l'ordinaire.

Il y a eu ouverture d'une enquête et ce que je viens d'exposer des objections de la marine n'est que le résumé des dépositions faites au dossier d'enquête avec une concordance et une unanimité absolues par les représentants des mariniers et des principales entreprises de navigation intérieure. De ces derniers, quelquesuns, sur leur demande, ont été entendus par la Commission d'enquête; ils ont pu, devant elle, exposer les demandes résumées ci-dessus, mais ils l'ont dù faire dans des conditions assez anor

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