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parties; et c'est la disposition expresse de la loi unique, C. ut quæ desunt advocatis par. tium judex suppleat (1).

» Il n'y a le sieur donc aucun doute que Lemoine ne soit recevable à vous proposer son premier moyen de cassation; et dės-là, il est de notre devoir d'examiner quel est le mérite de ce moyen.

» D'abord est-il vrai, comme le soutient le sieur Lemoine, qu'il y ait dans l'acte du 19 juil. let 1780, une Substitution fideicommisaire?

» Ni le mot Substitution, ni le mot Fidéicommis ne se trouvent dans cet acte. Mais qu'importe le mot, si la chose y est? C'est une vérité généralement reconnue, dit Peregrinus, dans son Traité de fideicommissis, art. 1er, no 47. qu'il n'y a point d'expressions spécialement determinées pour établir la Substitution fideicommissaire; et la loi 2, C. communia de legatis et fideicommissis, est làdessus très-formelle : omne verbum, dit-elle, significans testatoris legitimum sensum fidei committere, utile atque validum est. Il est même indifférent que le substituant se soit servi de termes impropres, pourvu qu'il en resulte suffisamment qu'il a voulu substituer fideicommissairement: il faut alors abandonner même le sens propre des mots: à significatione verborum recedi oportet, cùm manifestum est aliud sensisse testatorem, dit la loi 59, D. de legatis 3°.

>> Et qu'on ne dise pas que ces maximes sont limitées aux fideicommis testamentaires. Si

les lois que nous venons de citer, ne parlent que des fideicommis testamentaires, c'est que les testamens étaient, dans l'ancien droit romain, les seuls actes par lesquels il fût permis

de substituer fideicommissairement. Par le droit nouveau, consigné dans la loi 3, C. de donationibus quæ sub modo, la même faculté fut attribuée aux donateurs entre vifs; et l'ordonnance de 1747 avait expressément approuvé

cette extension: la matière des donations et celle des testamens (y était-il dit, dès le préambule) ont fait le sujet de nos ordonnances des mois de février 1731 et août 1735; nous nous sommes proposé d'établir la même uniformité de jurisprudence à l'égard des Substitutions fideicommissaires, QUI PEUVENt se faire éga

LEMENT PAR L'UN ET PAR L'AUTRE GENRE de dis

POSITION. Mais en transplantant ainsi les Substitutions fideicommissaires dans les donations entre-vifs, on leur y conserva leur première nature; et suivant la remarque de Peregrinus,

(1) V. le Traité des substitutions prohibées par le Code civil, par M. Rolland de Villargues, no 294.

art. 51, no 19, ils demeurèrent sujets, dans les donations mêmes, à toutes les règles qui les gouvernaient dans les testamens; sauf qu'à la fin nos fideicommis entre-vifs devinrent irrévocables. Ainsi, de même que, dans les testamens, on pouvait substituer fideicommissairement par toutes sortes de termes, de même aussi on le pouvait dans les donations entre-vifs; et dans celles-ci comme dans ceuxlà, dès que la volonté de substituer était manifeste, on ne pouvait élever aucune difficulté sur le plus ou le moins de justesse des expressions qui avaient été employées à cet effet. » Dans l'espèce, les auteurs de la donation du 17 juillet 1780 ne se sont servis ni du mot substitution ni du mot fidéicommis; ils ont, au contraire, employé le mot accroissement qui presente une idée toute différente : mais, encore une fois, qu'importe le mot? Examinons la chose.

y a

» Il fideicommis toutes les fois que, dans un acte de libéralité, la personne gratifiée est chargée de rendre à une personne gratifiée en second ordre, la chose qui lui a été donnée. Il y a fideicommis toutes les fois qu'il y a deux donataires appelés successivement, l'un qui reçoit directement de la main du donateur, l'autre qui ne reçoit du donateur que par le canal du premier donataire. Il y a fidéicommmis toutes les fois que le donataire direct sert en quelque sorte d'entrepôt pour faire arriver l'objet de la donation au donataire substitue. En un mot, il y a fideicommis toutes les fois que le donateur a voulu que le second donataire n'arrivát à la chose donnée, qu'après qu'elle aurait été possédée pendant un temps quelconque par le premier; dès que ce vœu parait, il y a charge de rendre, et par conséquent Substitution fideicommissaire.

» Or, ici, que voyons-nous? Cinq co-proprietaires par indivis d'un immeuble, se font réciproquement donation de leurs portions dans ce bien. Ainsi, chacun donne et reçoit un cinquième. Mais on ne se borne point à ce premier degré de disposition: chacun des cinq donateurs veut qu'à la mort du premier des cinq donataires, le cinquième qui lui a ete donné, accroisse aux quatre donataires qui resteront; il veut qu'à la mort du second des cinq donataires, le cinquième qui lui a été donné, et le quart du cinquième donné au premier mourant, accroissent aux trois autres donataires; il veut qu'à la mort du troisième des cinq donataires, le cinquième quìlui a été donné, le quart du cinquième donné au premier mourant, et le tiers du cinquième donné au second mourant, accroissent aux deux do.

nataires qui lui survivront ; il veut enfin qu'à la mort du quatrième des cinq donataires, le cinquième qui lui a été donné, le quart qu'il a pris dans le cinquième du premier mourant, le tiers qu'il a recueilli dans le cinquième du second, et la moitié qui lui est échue, par le décès du troisième mourant, dans le cinquième de celui-ci, accroissent à celui qui restera le dernier, et qui, par ce moyen, se trouvera propriétaire de la totalité de l'immeuble.

>> Voilà donc une donation dans laquelle les donataires directs sont réciproquement appelés à recueillir les portions les uns des autres, à les recueillir dans un ordre successif, à les recueillir après que chacun d'eux en aura joui jusqu'à son décès; cette donation renferme donc un véritable fideicommis, ou jamais fideicommis n'a été consigné dans une donation.

>> Cela posé, le tribunal d'appel de Paris a-t-il pu ordonner que l'acte du 19 juillet 1780 fût, au mépris de l'ordre des successions ab intestat, exécuté en faveur du dernier vivant des cinq donataires, ou, ce qui est la même chose, en faveur du substitué aux quatre donataires prédécédés.

» Non: car, d'un côté, l'art. 30 de l'ordonnance de 1747 veut que toutes les substitutions faites, soit par contrat de mariage ou AUTRE ACTE ENTRE-VIFS, soit par disposition à cause de mort, en quelques termes qu'ellES SOIENT CONÇUES, ne puissent s'étendre au delà de deux degrés de substitués, outre le donataire, ou autre qui aura recueilli le premier les biens du donateur ou testateur; et certainement il résulte de cette disposition, que le fideicommis contenu dans l'acte du 19 juil let 1780, s'était éteint à la mort du quatrième des cinq co-donataires; car le premier mourant ayant possédé comme donataire direct, le second mourant avait nécessairement possédé comme premier substitué, et par conséquent, avait rempli le premier degré de la substitution. Le troisième mourant avait, par la même raison, possédé comme second substitué, et avait par suite rempli le deuxième degré. Ainsi, au décès du troisième mourant, tout ce qu'il tenait directement de la donation, et tout ce qu'il avait recueilli par la mort des deux mourans antérieurs, s'est trouvé dégagé des liens du fideicommis, et conséquemment soumis à la loi des successions ab intestat.

» Nous venons de dire que le premier mourant avait possédé comme donataire direct; et c'est une vérité qui se sent d'elle-même ; car d'après la donation mutuelle que contient

l'acte du 19 juillet 1780, ce n'est plus sa portion originaire dans le domaine commun, que le premier mourant a possédée jusqu'à son décès; il n'a plus possédé, posterieurement à cet acte, que ce qui lui avait été donné dans ce domaine, par chacun de ses quatre co-donateurs et co-donataires; quant à son cinquième originaire, il l'avait donné, il s'en était dessaisi : il ne pouvait donc plus le posseder.

» Ainsi, nul doute que le premier degré de la substitution n'ait eté réellement rempli par le second mourant des co-donataires, comme le deuxième l'a été par le troisième mourant.

par

» Mais, d'un autre côté, quand on voudrait faire abstraction de la personne du premier mourant, et ne considérer comme donataire direct que le second mourant ; quand on vou. drait suite considérer le troisième mourant comme n'ayant rempli que le premier degré de la substitution; et quand, par une conséquence ultérieure, on irait jusqu'à supposer que le quatrième mourant eût commencé, après la mort du troisième, à jouir comme greve, au moins on ne pourrait disconvenir qu'il a été ensuite affranchi des liens du fideicommis, par la loi du 14 novembre 1792.

» Ainsi, ou c'est la loi du 14 novembre 1792, ou c'est l'art. 30 de l'ordonnance de 1747, qui a été violé par le jugement du tribunal d'appel de Paris.

» Ou plutôt ce jugement a violé l'une et l'autre, puisqu'au mépris de l'une et de l'au» tre, il a décidé que le quatrième mourant n'avait possédé qu'à la charge de rendre au survivant des cinq co-donataires, et attribué au survivant des cinq co-donataires la totalité de ce qu'avait laissé le quatrième mou

rant.

» Et sur quoi s'est-il fondé pour juger d'une manière aussi étrange? Il s'est fondé sur ce que, par l'acte du 19 juillet 1780, la propriété de l'immeuble qui en était l'objet, avait été donnée en entier à un seul des contractans; qu'à la vérité, le donataire de la totalité de cet immeuble n'était pas encore connu au temps de l'acte, mais que l'événement de la survie l'avait fait connaître ; qu'ainsi, le prédécès des autres contractans n'avait pas augmenté son droit, et n'avait fait que le manifester à l'instant où il leur avait survécu.

» Dans tout cela, rien que d'exact; mais il faut y ajouter un mot qui se trouve dans l'acte même du 19 juillet 1780: c'est qu'à la mort de chacun des cinq donateurs, les survivans devaient étre successivement saisis de

sa part dans l'immeuble; c'est que le dernier vivant ne devait arriver à la propriété du total que par l'intermédiaire de la saisine successive de chacun des co-donataires qui seraient morts immédiatement ou médiatement avant lui: Voulant (ce sont les propres termes de l'acte que les survivans en soient successivement saisis, de manière que le dernier vivant d'eux soit et demeure propriétaire et possesseur de la totalité. Or, nous l'avons déjà dit, dès qu'il y a ordre successif dans la vocation, il y a fideicommis, parceque le premier qui recueille est nécessairement chargé de rendre au second, le second au troisième, et ainsi de suite.

» Le tribunal d'appel de Paris s'est encore fondé sur ce que les contrats de la nature de celui du 16 juillet 1780, n'ont rien de contraire aux lois ni aux mœurs ; et qu'ils sont reconnus valables par l'ordonnance de 1731, qui, par une disposition expresse, les assujetit à l'insinuation.

» Sans doute, les donations mutuelles sont valables en elles-mêmes; mais quand elles contiennent substitution, leur effet ne peut pas s'étendre au-delà des deux degrés fixés par l'art. 30 de l'ordonnance de 1747 ; et la substitution ne peut plus avoir lieu depuis la loi du 14 novembre 1792.

» Enfin, le tribunal d'appel s'est fondé sur ce que ces sortes de contrats ne contiennent méme pas une véritable donation, dont l'essence est purement gratuite, tandis que les préten

dus donateurs ne se constituent tels dans que l'espérance de recueillir l'effet entier de toute la donation soumise par eux à une chance dont chacun d'eux espère profiter; ce qui rend ces contrats véritablement commutatifs

et aléatoires.

» Ici, comme vous le voyez, le tribunal d'appel se met en opposition avec lui-même et avec la loi:

» Avec lui-même : car dans le motif précédent, il avait reconnu que l'acte du 19 juillet 1780 était une donation veritable, puisqu'il avait cité l'ordonnance de 1731, qui, par une disposition expresse, l'assujetissait à l'insinuation;

» Avec la loi: car l'art. 20 de l'ordonnance de 1731, en assujétissant à l'insinuation les donations mutuelles, quand même elles seraient entièrement égales, condamne bien clairement l'opinion de Ricard, qui, dans son Traité du don mutuel, chap. 4, avait enseigné que les donations réciproques, entière. ment égales, devaient être considérées comme des contrats onéreux; et il donne la préfé.

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» Au surplus, nul doute qu'on ne puisse substituer par toutes sortes de donations entre-vifs; nul doute par conséquent qu'on ne le puisse par une donation mutuelle, comme par une donation simple.

» On sent, d'après cela, qu'il devient inutile de discuter les deux autres moyens de cassation du demandeur.

» Dès que l'acte du 19 juillet 1780 est reconnu contenir une Substitution, il est évident qu'on ne peut pas, pour ce qui excède le cinquième actuel de chacun des co-donateurs, le considérer comme une donation de biens à venir, et par suite, comme prohibée par l'art. 15 de l'ordonnance de 1731.

» Mais aussi, il est évident que ce n'est que par l'effet de la Substitution qu'il peut et doit ne pas être envisagé comme tel; et que, cessant la Substitution, l'art. 15 de l'ordonnance de 1731 en exigerait impérieusement l'annullation.

» C'est aussi parce que l'acte du 19 juillet 1780 contient une Substitution, qu'il ne peut pas, pour ce qui excède le cinquième directement donné à chacun des co-donataires, être attaqué pour cause de défaut d'acceptation, et par conséquent de contravention à l'art. 5 de la même ordonnance; car, cessant la Substitution, l'on ne pourrait pas appliquer à cet acte la disposition de l'art. 11, aux termes duquel l'acceptation du donataire direct suffit pour faire valoir la Substitution dont est grevée la donation.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu d'admettre la requête du cit. Le

moine ».

Ces conclusions n'ont pas été suivics. Par arrêt rendu le 12 pluvióse an 9, contre l'avis de M. Poriquet, rapporteur, et de plusieurs autres juges, la requête du sieur Lemoine a été rejetée,

« Attendu, sur le premier moyen, que l'acte du 19 juillet 1780 contient simplement une donation faite au survivant des frères et sœurs Lemoine, de la maison et des biens qui leur appartenaient, avec rétention d'usufruit et clause de société commune et continuée jusqu'au décès du pénultième d'entre eux; que cet acte n'offre aucun caractère de substitution, soit dans son expression, soit dans l'intention secrète qu'on voudrait y supposer

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que cette idée de Substitution fondée sur ce que la donation est faite avec droit d'accroissement des uns aux autres, à mesure du décès du premier mourant d'eux, disparaît, si l'on considère que le droit d'accroissement ne fut stipulé que pour renforcer la disposition, mais qu'au fond la stipulation en était inutile et ne portait sur rien, puisque chacun des frères et sœurs Lemoine ayant déjà, et par l'acte, donné au dernier vivant tout ce qui lui appartenait, faisant un cinquième des objets désignés, aucun d'eux ne pouvait plus transmettre, et rien ne pouvait plus accroitre aux autres; que la clause, voulant que les survivans soient successivement saisis et mis en possession, ne prouve pas davantage, puis qu'elle n'est évidemment relative qu'à l'usufruit réservé, la propriété étant déjà transférée à celui qui survivrait; que ce n'est pas de l'interpretation plausible dont un acte est susceptible, qu'on peut déduire cette violation formelle des lois qui seule peut donner lieu au recours en cassation; qu'ainsi, dans l'espèce, l'acte du 19 juillet 1780 ne presentant, dans sa qualification, dans son essence et dans la volonté connue des parties, qu'une donation permise, on ne peut pas dire que le jugement qui l'a confirmée, ait contrevenu aux art. 30 et 34 de l'ordonnance de 1747, concernant les substitutions, ni aux lois de 1792 qui les ont abolies;

» Attendu que le deuxième moyen, tiré de ce que l'acte du 19 juillet 1780, pris comme donation, était également nul, aux termes de l'art. 15 de l'ordonnance de 1731, en ce que la donation qu'il contient, porterait sur des biens à venir, n'est ni plus exacte ni même fondée, par le motif déduit ci-dessus, que chaque frère et sœur ayant littéralement donné au dernier d'entre eux qui survivrait, tout ce qui lui appartenait, faisant un cinquième des objets possédés en commun, il est évident que la donation n'a porté que sur un bien présent et actuel, sur ce que chacun possédait alors, sur ce dont il pouvait disposer, dont il a disposé en effet; et qu'ainsi, ne pouvant plus y avoir de transmis sion successive des uns aux autres, sauf l'accroissement de jouissance, on ne peut pas dire qu'il eût donne aucun bien à venir;

» Attendu que le troisième moyen manque absolument en fait, l'acte contenant la donation, en contenant aussi l'acceptation expresse et respective de la part de tous ceux à qui elle pouvait echoir; qu'ainsi, à cet égard, il n'y a pas non plus dans le jugement attaqué, de violation des art. 5 et 6 de l'ordonnance de 1731 ».

TOME XV.

On ne peut que rendre hommage à la sagesse des magistrats qui mettent une circonspection aussi sévère à admettre des demandes en cassation de jugemens en dernier ressort. Mais il est permis de croire que, si, dans cette affaire, la cour d'appel eût décidé qu'il y avait fideicommis dans l'acte du 19 juillet 1780, et qu'alors la demoiselle Lemoine eût attaqué son arrêt, il eût été maintenu sans aucune difficulté.

Et elle l'aurait probablement ainsi jugé, si la question se fût présentée avant la loi du 14 novembre 1792. Mais cette loi ayant aboli les substitutions antérieures, il était assez naturel que l'on cherchât à en restreindre l'effet rétroactif par tous les modes d'interprétation qui pouvaient s'accommoder avec la nature et les clauses des actes.

A plus forte raison pourrait-on, aujourd'hui que les Substitutions fidéicommissaires nonseulement sont prohibées par l'art. 896 du Code civil hors des cas exceptés tant par cet article que par la loi du 27 mai 1826, mais même emportent, hors de ces cas, la nullité des dispositions qu'elles modifient, interpreter dans le même sens une donation entre-vifs du genre de celle dont il s'agissait dans l'espèce précédente, c'est-à-dire, n'y voir qu'une donation mutuellement faite de la propriété à chacun des donataires, sous la condition qu'il survivra tous les autres, et qu'à défaut d'accomplissement de cette condition, il ne sera qu'usufruitier condition qui n'a rien de contraire à la maxime que la propriété ne peut pas rester en suspens, puisqu'elle n'empêche pas que la propriété ne réside, dès le moment de la donation, sur la tête de chaque donataire mutuel, et qu'elle a seulement l'effet de la résoudre, lorsqu'elle vient à manquer. Cette interpretation serait parfaitement d'accord avec un principe que j'ai développé dans des conclusions du 5 juin 1809, rapportées dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Substitution fideicommissaire, sect. 8, 1 et sur lequel je reviendrai encore ci-après, no 4-3o, savoir, que, dans le doute sur le sens d'une clause, il faut s'attacher au sens d'après lequel l'acte dont elle fait partie, doit avoir son effet, plutôt qu'à celui d'après lequel cet acte devrait être annulé

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mineurs légataires universels, ordonnerait les parts de ceux d'entre eux qui décéde que ront en minorité, appartiendront aux survi

vans.

:

Mais, sous le Code civil, on peut dire que, pour ne pas interpréter l'institution d'héritier dans un sens qui la rendrait nulle, il faut, en entrant dans l'esprit du testateur, la diviser mentalement en deux dispositions différentes l'une, qui embrasse collectivement tous les institues; l'autre, qui se rapporte à chacun d'eux individuellement; que la première est pure et simple; mais que la seconde est subordonnée, dans la personne de chaque institué, à la condition résolutoire, s'il ne meurt pas avant la majorité de tous ; que, par l'effet de cette condition, ceux qui viennent à mourir avant la majorité du plus jeune, sont censés n'avoir jamais été saisis de la propriété, parceque, dans les testamens, la condition résolutoire rétroagit, aussi bien que la condition suspensive, jusqu'au jour de la mort du testateur, comme elle rétroagit dans les con. trats, jusqu'au jour où l'obligation a été for mée; qu'ainsi, chacun des institues est bien saisi de la propriété à l'instant même où le testateur rend le dernier soupir, mais qu'il ne l'est que sous une condition qui, si elle arrive, fera réputer sa saisine comme nonavenue; qu'il suit de là que l'institution est conditionnelle pour chacun d'eux ; mais que faire dependre d'une condition la transmis sion d'une propriété, ce n'est point faire une substitution; qu'il ne peut y avoir substitution, que lorsqu'il y a vocation ordine successivo, et par conséquent lorsqu'on ne peut parvenir aux biens donnés que par un possesseur intermédiaire.

III. Mais n'y a-t-il pas substitution proprement dite, lorsque le testateur, en instituant tous les enfans de deux de ses neveux, y compris ceux qui ne seront conçus qu'après sa mort, ordonne que tous ses biens resteront indivis jusqu'à la majorité du plus jeune, que ceux-la seuls viendront au partage qui atteindront leur majorité complete, et que les parts de ceux qui décéderont en minorité, accroîtront à ceux qui les survivront?

Cette question a été agitée au sujet d'un testament olographe fait à Bruxelles, le 6 ventóse an 12, par le sieur de Lamberts, et qui contenait, entre autres dispositions, trois articles ainsi conçus :

« 10. Je nomme et institue pour mes héritiers universels, aux conditions et sous les modifications ci-après, dans tous mes biens, tant meubles qu'immeubles, les enfans de mon

neveu Lambrichs, et de ma nièce, épouse de J.-A. Kessel, née Lambrichs, par égales portions et par têtes.

» 11. J'entends, veux et ordonne que, sous le nom d'enfans de mon neveu Lambrichs, et de ma nièce, sa sœur, épouse de J.-A. Kessel, soient compris ceux à naître, quoiqu'ils ne fussent pas encore conçus au temps de mon décès...

» 12. Je veux et ordonne que le partage des biens laissés aux enfans nes et à naître de mondit neveu et de madite nièce Kessel, née Lambrichs, ne pourra se faire que lorsque le plus jeune desdits enfans nés et à naître aura atteint l'age de majorité complète. Pendant cet état de suspension, les enfans jouiront de leurs parts dans les revenus, et les parts des mineurs seront appliquées en acquisitions de biens-fonds à leur profit, sauf que ces parts seront soumises à la réductibilité en faveur de chaque enfant à naitre de mondit neveu et de madite niece, tellement que les droits et les parts et portions de chacun dans la propriété et les revenus, ne seront définitivement déterminées et fixées qu'à la majorité desdits enfans nés et à naitre ».

Le testateur étant mort, le 23 frimaire an 13, la dame Werts, exerçant pour un tiers les droits de l'héritier ab intestat, a pretendu que l'institution était nulle, parcequ'elle con. tenait une substitution prohibée par l'art. 896 du Code civil. Deboutée de sa prétention par un jugement du tribunal de première instance de Bruxelles, du 9 janvier 1818, elle en a appelé à la cour supérieure de justice de la même ville; et voici comment elle a exposé ses griefs :

« Si le testateur n'avait institué que les enfans du sieur Lambrichs et de la dame Kessel qui existeraient au moment de son décès, on concevrait qu'il n'eût point fait de substitution proprement dite, quoiqu'il ait bien clairement ordonné que ses biens restassent indivis jusqu'à la majorité du plus jeune d'entre eux, que ceux-là seuls vinssent effectivement au partage qui atteindraient leur majorité complète, et que les portions de ceux qui décéderaient auparavant, accrussent à ceux qui leur survivraient...

» Mais ce n'est point là notre espèce. Le testateur n'a pas seulement appelé ceux de ses petits neveux qui existeraient au moment de son décès: il a encore appelé ceux qui ne naîtraient qu'après je veux et ordonne, a-t-il dit, que, sous le nom d'enfans de mon neveu Lambrichs et de ma nièce Kessel, soient compris ceux à naître, quoiqu'ils ne

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