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du Code de commerce? Il n'y a qu'à se reporter aux art. 604 à 611 de ce Code qui forment la majeure partie du titre de la réhabilitation, et à la discussion qu'ils ont subie dans le conseil d'état. On y verra clairement que le principal but de la réhabilitation est de reintégrer le failli dans l'exercice des droits de citoyen que sa faillite avait suspendus; et il faudra bien que l'on en conclue, bon gré ou malgré, que le Code de commerce, loin d'abroger à l'égard des faillis, l'art. 5 de la loi du 22 frimaire an 8, le suppose nécessairement en pleine activité.

L'une des questions qui, dans la discussion de ces articles ont le plus occupé le conseil d'état, était de savoir si la rehabilitation serait prononcée par les tribunaux, ou si, comme le proposait la section de l'intérieur, dans l'art. 156 de son projet, elle serait accordée par lettres du prince, d'après une delibération du conseil d'état ; et voici ce que porte la dessus le procès-verbal de la séance du conseil d'état, du 12 mai 1807 (tome 2, pages 32 et suivantes de l'édition officielle de 1813):

«M. l'archi- chancelier pense que, par ce projet celui de la section de l'intérieur), on tire le conseil d'état du cercle de ses attributions naturelles et qu'on lui fait exercer des fonctions judiciaires. Il serait plus conforme aux principes de laisser la cour d'appel prononcer définitivement.

» M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely dit que le motif de la section avait été de faire prononcer la rehabilitation avec plus de solennité.

» M. l'archi-chancelier dit qu'à la cour d'appel, la publicité sera plus grande encore, et qu'il y aura moins de déplacement.

» M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely dit que la section est partie du principe que ces sortes d'affaires sont essentiellement administratives. Il s'agit, en effet, de rendre à un particulier ses droits politiques; or, la puissance qui gouverne, en a seule le droit. C'est par un décret rendu en conseil d'état, que les opérations d'une assemblée politique sont annulées, lorsqu'un failli y a pris part.

» Cependant on peut ne pas faire intervenir le conseil d'état, pourvu que la réhabilitation s'opère par lettres du prince qui soient

entérinées.

» M. l'archi-chancelier croit convenable d'établir qu'il y aura des lettres du prince; mais il ne conviendrait peut-être pas de porter devant le conseil ou devant le grand juge, les oppositions qui pourraient être formées par des tiers. Autrefois, on commençait par

faire expédier les lettres; on recevait ensuite les oppositions, et elles étaient jugées par la cour qui les entérinait.

» On pourrait décider que la procédure sera faite en entier devant la cour d'appel; que le jugement ne sera exécuté qu'avec l'approbation du chef de l'État; qu'à cet effet, le procureur général le transmettra au grandjuge ministre de la justice, lequel fera un rapport à S. M. pour qu'il soit statué si l'on aura ou non égard aux oppositions. Des considérations d'un ordre supérieur peuvent obliger quelquefois à ne pas s'y arrêter.

» M. Merlin dit qu'en matière criminelle la rehabilitation est demandée aux cours de justice et prononcée par elles; qu'il en doit donc être de même de la rehabilitation après

faillite.

» On objecte que ce serait par un décret pris en conseil d'état, que les opérations d'une assemblée politique seraient annulées, si un failli y avait pris part.

» Rien de plus certain; mais, dans ce cas, le décret ne prononcerait pas sur l'état même du failli; il ne ferait que tirer de cet état, constaté par des actes de pur droit civil, la conséquence que les opérations de l'assemblée dans laquelle est intervenu le failli, sont nulles.

» M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely dit que, dans un gouvernement monarchique, les grâces n'émanent que du prince.

» M. de Ségur répond qu'il ne s'agit pas de grâce, mais de justice.....

» M. Merlin observe que la constitution du 22 frimaire an 8 attache la suspension des droits politiques à l'état de failli. Ainsi, lorsque cet état cesse à raison du paiement des créanciers, la réhabilitation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, et sans qu'il soit besoin qu'aucune autorité l'accorde. Il ne s'agit donc que de faire vérifier les faits, d'examiner si l'état du failli subsiste encore ou s'il a cessé. Ce n'est donc point une grâce qu'il y a lieu alors d'accorder, c'est tout simplement un acte de justice à exercer; c'est tout simplement un jugement à rendre. » M. l'archi-chancelier dit que, si la réhabilitation ne devait être accordée que d'après des faits extérieurs et déterminés, il n'y aurait peut-être pas d'inconvénient à décider qu'elle résultera de lettres du prince données sur l'avis du conseil d'état, en réservant néanmoins à la cour d'appel le jugement des oppositions; mais que la moralité devant être prise en considération, cette forme ne sera pas toujours la plus sûre. L'empire n'aura pas

toujours le bonheur d'être gouverné par un prince infatigable, auquel rien n'échappe; on n'aura pas toujours un conseil d'état aussi zelé qu'à présent; or, qui doute que, dans ces temps éloignés encore, mais que cependant le législateur doit prévoir, qui doute qu'alors les questions de moralité ne soient jugées beaucoup plus légèrement par l'administration que par les tribunaux?

» D'ailleurs, il serait trop pénible à des opposans de venir, dans la capitale, soutenir leurs réclamations; il vaudrait mieux ne pas admettre d'oppositions, et prononcer d'après une simple enquête.

» Cependant il peut aussi y avoir de l'avantage à faire prononcer sur les demandes en réhabilitation par l'autorité souveraine, parcequ'il lui est permis d'avoir égard aux circonstances, et qu'il y en a de très favorables.

» Par exemple, celui qui n'ayant acquis que peu de biens depuis sa faillite, les sacrifie presqu'en entier à payer des dettes qu'on ne peut plus exiger de lui, mérite indulgence.

» M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely pense que, si l'on renvoie la rehabilitation aux tribunaux, il faut supprimer les oppositions; il n'en serait pas formé, car personne n'aime à plaider, et l'on évite surtout les procés dans lesquels le succès même ne sert pas l'intérêt du demandeur. On pourrait donc substituer aux oppositions une forme qui n'obligerait pas les réclamans à se mettre en cause; il suffirait qu'ils remissent copie de leurs titres au procureur général. Ce magistrat prendrait des renseignemens et agirait d'office....

» M. l'archi-chancelier dit que l'observation faite par M. Merlin, est un trait de lu mière qui doit fixer toutes les opinions. La constitution de l'an 8, en effet, rehabilite de plein droit, celui qui, par le paiement de ses créanciers, cesse d'être en état de faillite; il ne dépend donc plus d'aucune autorité de lui accorder ou de lui refuser sa réhabilitation, et il ne reste qu'à s'en rapporter aux pièces qui attestent la libération.

» On objectera qu'il peut y avoir des fraudes, qu'il est commun de voir un failli rapporter une quittance finale, quoiqu'il n'ait payé qu'une partie de ses dettes. Mais on peut admettre la preuve contraire, sans compromettre celui qui a payé réellement et de bonne foi.

» Que, si l'on entreprend d'éclairer en outre la moralité, on fera souvent des injustices; rien n'est plus trompeur que l'opinion.

» M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely observe que la constitution de l'an 8 ne

contient pas les mêmes dispositions que la constitution de 1791, qui n'excluait de l'exercice des droits de citoyen, ceux qui avaient été constitués en état de faillite, que jusqu'à ce qu'ils rapportassent un acquit général de leurs créanciers.

» M. Defermon répond que la différence n'est que dans la rédaction; qu'au fond, la disposition est la même; lorsque la constitution décide que l'individu en état de faillite est suspendu de ses droits politiques, elle décide aussi nécessairement que la cessation de cet état met fin à la suspension. Il n'y a donc plus qu'un fait à vérifier, et cette fonction sera bien placée dans la main des tribunaux.

» Le conseil arrête en principe que les demandes en réhabilitation seront renvoyées aux cours d'appel, lesquelles prononceront définitivement ».

Mais ce n'est pas seulement par cette discussion et par la décision qui en a été le fruit, que s'est manifestée dans le conseil d'état, l'intention de co-ordonner la disposition de l'art. 5 de la loi du 22 frimaire an 8, relative aux faillis, avec les dispositions du Code de commerce relatives aux effets de la faillite (ce qui exclud nécessairement l'idée de faire résulter de celles-ci l'abrogation de celles-là) : c'est encore dans le même esprit que le conseil d'état s'est prononcé sur une proposition que le tribunat avait faite, par l'organe de ses commissaires, dans leur conférence avec la section de l'intérieur du conseil d'état, sur le titre de la réhabilitation qui lui avait été communiqué.

Cette propositiou avait deux objets: l'un, de faire ajouter à ce titre, un article ainsi conçu «nul commerçant failli ne pourra se

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présenter à la bourse, à moins qu'il n'ait » obtenu sa réhabilitation »; l'autre, de faire remplir une lacune que paraissait offrir le projet de loi, en ce que, disait on, la réhabilitation fait supposer nécessairement que celui qui la demande, a souffert une diminution de droits, une espèce de dégradation; et que cependant cela n'était pas annoncé dans le projet ; ensorte que le but de la loi en cette partie n'était pas indiqué.

La première branche de cette proposition a été adoptée par le conseil d'état; et c'est ainsi que s'est formé l'art. 614 du Code de commerce. « Mais (dit M. Locré, sur cet article même) on ne pouvait pas suivre la » partie de l'opinion du tribunat qui tendait » à remplir une lacune et à faire ajouter des » articles pour indiquer les droits politiques

» et civils que la faillite ferait perdre. Ce » n'était point au Code de commerce à régler » cette matière; elle appartient en entier aux »lois politiques, aux lois civiles, aux lois pé. »nales, qui seules, dans leur étendue respec»tive, statuent sur l'état des hommes ».

Or, qu'a fait le conseil d'état, en rejetant ainsi la seconde branche de la proposition du tribunat, et par conséquent en déclarant que l'on ne pouvait pas considérer comme une lacune, le silence du titre de la réhabilitation sur les droits politiques que la faillite ferait perdre? Bien évidemment, il a décidé que le silence du Code de commerce sur ces droits, n'emportait pas dérogation à l'art. 5 de la loi du 22 frimaire an 8. Il a donc décidé que, conformément à cet article, le failli serait privé, sous le Code de commerce, comme il l'était précédemment, de l'exercice des droits de citoyen. Il a donc décidé par une suite nécessaire que, conformément à l'art. 9 de la loi du 25 ventóse an 11, le failli continuerait d'être incapable de figurer comme témoin dans les actes notariés entre-vifs. Il a donc improuvé à l'avance le motif sur lequel est fondé l'arrêt de la cour de cassation, du 10 juin 1824.

Du reste, comme je l'ai déjà observé, cet arrêt laisse entière la question de savoir si, en thèse générale, la suspension des droits de citoyen emporte encore aujourd'hui, comme elle l'emportait avant les événemens politiques de 1814, l'incapacité d'être Témoin instrumentaire dans un acte notarié entrevifs; mais en voici un de la cour royale de Rennes, qui la juge formellement pour l'affirmative.

Le 9 mars 1819, acte notarié par lequel la demoiselle N..... fait une donation entre-vifs aux demoiselles M.....

Après le décès de la donatrice, le sieur A...., son légataire universel, attaque la donation, et soutient, en invoquant l'art. 9 de la loi du 25 ventóse an 11 et l'art. 5 de celle

du 22 frimaire an 8, qu'elle est nulle, parceque, des deux Témoins instrumentaires de l'acte, il y en a un, savoir, le nommé G...., qui, à l'époque du 9 mars 1819, était attaché comme domestiques à gages, au service de la personne et du ménage d'un particulier.

Les demoiselles M..., sans discuter le point de droit, nient le fait, et soutiennent que le nommé G.... n'etait employé que comme tisserand par le particulier qui l'avait pris à son service.

Jugement du tribunal de première instance de Nantes, qui, avant faire droit, ordonne une enquête sur ce point de fait.

Les demoiselles M.... appellent de ce jugement, et changeant de moyens de défense, elles soutiennent que la disposition de l'art. 5 de la loi du 22 frimaire an 8 est abrogée.

Mais par arrêt du 23 juin 1827, sur les conclusions conformes de M. l'avocat-général Nadaud,

« Considérant que, suivant l'art. 931 du Code civil, les actes portant donation entrevifs doivent être passés devant notaires, dans la forme ordinaire des contrats; que l'art. 9 de la loi du 16 mars 1803 ( 25 ventose an 11) n'admet pour Témoins instrumentaires que les citoyens français, et qu'il n'existe qu'une seule exception à cette règle générale en faveur des testamens;

» Considérant que la charte constitutionnelle n'a pas déterminé les conditions nécessaires pour acquérir le titre de citoyen, mais qu'elle ordonne, art. 68, l'exécution des lois antérieures, qui ne sont pas contraires à ses dispositions; que l'art. 7 du Code civil déclare la qualité de citoyen indépendante de l'exercice des droits civils; et que, suivant l'art. 6 de la loi du 13 décembre 1799, la jouissance des droits civiques est suspendue notamment par l'état de domestique à gages, attaché au service de la personne ou du ménage, disposition qui, jusqu'à ce jour, n'a reçu aucune modification;

» Considérant que l'art. 1o de la loi du 16 mars 1803, en interdisant aux clercs et aux serviteurs du notaire la faculté de l'assister comme Témoins instrumentaires, n'a eu d'autres intentions que de les frapper d'incapacité à raison de leur dépendance envers le rapporteur de l'acte, lors même qu'ils jouiraient des droits politiques, et non de borner l'exclusion aux serviteurs qu'il désigne, limitation inconciliable avec l'art. 9 et qui, par l'effet de cette opposition, serait inadmissible;

» Considérant que A.... (le légataire).... prétendant que G...., qui a comparu comme témoin dans l'acte de donation du 9 mars 1819, était un domestique à gages, dans le sens de la loi de 1799, et les demoiselles M...., soutenant qu'il n'était qu'un simple ouvrier tisattache au service de la personne ou du méserand, employé pour un prix convenu et non nage, les premiers juges ont dû prescrire un approfondissement sur ce point, dés que la validité de la donation est subordonnée à la capacité de ce témoin; qu'ainsi, leur décision à cet égard doit être confirmée ;

» La cour met l'appel au néant; ordonne

que ce dont est appel sortira son plein et entier effet (1) ».

S. VII. 1° A quelle époque commence, pour l'individu condamné à une peine afflictive ou infamante, l'incapacité dans laquelle le placent les art. 28 et 34 du Code pénal, d'étre témoin, soit dans un testament par acte public, soit dans un acte notarié entre-vifs? Est-ce au moment de la condamnation même, est ce seulement à celui où la condamnation est exécutée ?

2o Les lettres de gráce que le condamné obtient de la clémence du prince, font-elles cesser cette incapacité ?

30 En est-il, à cet égard, d'une loi ou d'une ordonnance d'amnistie, pour un condamné par contumace, comme de lettres de grace, pour un condamné par un arrêt contradictoire?

Sur ces trois questions, V. les articles Gráce, S. 1, et Témoin judiciaire, §. 8 et 11.

S. VIII. 10 Doit-on réputer sujet du roi, dans le sens de l'art. 980 du Code civil, et, par suite, habile à figurer comme témoin dans un testament, celui qui, né en pays et d'un père étranger, s'est établi en France, mais ne s'y est pas fait naturaliser?

2o Doit-on au moins réputer tel, l'étranger qui, devenu Français par la réunion de sa patrie à la France, dans l'intervalle de 1792 à 1814, en a perdu la qualité par le retour de son pays natal sous la domination de ses anciens souverains, et a cependant continué d'habiter exclusivement le territoire français ?

La négative est incontestable sur l'une comme sur l'autre question; et indépendamment des raisons et des autorités par lesquelles je l'ai justifiée dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Témoin instrumentaire, S. 2, no 3-1o, voici un arrêt de la cour de cassation qui la consacre de nouveau. François Brun, né à Chambéry, en 1781, était passé en France vers l'année 1792, époque de la réunion de la Savoie au territoire français; et il avait continué d'y demeurer après le traité de Paris, du mois de novembre 1815, qui avait rendu son pays natal au roi de Sardaigne.

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 27, page 158.

TOME XV.

En cet état, il fut appelé comme témoin à l'acte de suscription d'un testament mystique fait à Toulouse par le sieur Michel.

Après la mort du testateur, ses héritiers naturels attaquèrent ses dispositions, et soutinrent qu'elles étaient nulles, parceque François Brun n'était pas né français, et que, s'il en avait acquis la qualité par la réunion de son pays natal à la France, il l'avait perdue, en 1815, par la cessation de cette réunion.

Le sieur Bilhas, héritier institué par le testament, répondait que François Brun habitait depuis plus de vingt ans la ville de Toulouse, qu'il y exerçait la profession de boucher, qu'il s'y disait domicilié dans tous les actes où il figurait, et qu'il y payait les mêmes droits de patente et les mêmes contributions personnelle et mobilière que s'il fût né en France; qu'à la vérité, il n'avait pas fait, dans les trois mois de la publication de la loi du 14 octobre 1814, la déclaration qu'elle prescrivait aux originaires des pays momentanément réunis à la France depuis 1791, qui voudraient conserver la qualité de français; mais que cette loi n'avait été faite que pour ceux d'entre eux qui n'avaient pas quitté et continuaient d'habiter le lieu de leur naissance, et qu'elle était inapplicable à ceux qui, avant que la réunion fût révoquée, s'étaient fixes en France et continuaient d'y demeurer (1).

Sur ces débats, jugement qui déclare le testament nul.

Appel à la cour royale de Toulouse; et le 10 mai 1826, arrêt qui met l'appellation au néant,

« Attendu qu'en droit, le témoin appelé pour être présent à un testament public ou à l'acte de suscription d'un testament secret, doit être sujet du roi ;

» Qu'en fait, François Brun, né à Chambéry, en 1781, de parens Savoyards, devenu momentanément français par la réunion momentanée de son pays à la France, perdit cette qualité lorsque ce même pays fut restitué à ses anciens souverains; qu'il n'aurait pu la conserver ou obtenir une sorte de naturalisation qu'en faisant la déclaration exigée par nos lois, et qu'il n'en a fait aucune; qu'ainsi, son incapacité réelle pour être présent comme Témoin instrumentaire à l'acte de suscription dont il s'agit, est incontestable....;

(1) Le défenseur du sieur Bilhas n'aurait sûrement pas prêté un sens aussi absurde à la loi du 14 octobre 1814, s'il en eût pris une lecture réfléchie. 34

» Qu'ainsi, c'est avec fondement que, par application des art. 980 et 1001 du Code civil, les premiers juges ont annulé le testament dont il s'agit ».

Le sieur Bilhas s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, et l'a attaqué comme faisant une fausse application des art. 980 et 1001 du Code civil, ainsi que de la loi du 14 octobre 1814; mais vaine tentative : par arrêt du 23 avril 1828, au rapport de M. Chilhaud de la Rigaudie, et sur les conclusions de M. l'avocat général Lebeau,

« Vu l'art. 980 du Code civil, et l'ordonnance du roi (1) du 14 octobre 1814;

» Attendu qu'aux termes de l'art. 980 du Code civil, pour avoir droit de figurer comme témoin dans un testament, il faut, entre autres conditions, être sujet du roi et jouir des droits civils en France;

» Attendu que celui-là seul réunit ces deux prerogatives, qui est né en France, ou qui l'est devenu par des lettres de naturalisation;

» Attendu que François Brun est né à Chambery et non en France, et qu'il ne justifie d'aucunes lettres de naturalisation, pas même de la déclaration qu'il aurait dû faire en exécution de l'ordonnance du 14 octobre 1814; qu'ainsi, en le déclarant inhabile à signer un testament mystique, comme témoin nécessaire, et, par suite, le testament nul, l'arrêt a fait une juste application de la loi ;

» La cour rejette le pourvoi.... (2) ».

S. IX. Dans quels cas la capacité putative d'un Témoin instrumentaire peutelle en couvrir l'incapacité réelle ?

M'étant déjà expliqué fort au long sur cette matière dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Témoin instrumentaire, S. 2, no 3-26°, je me borne ici à rappeler deux arrêts de cours royales, qui paraissent, l'un avoir méconnu le vrai sens de l'adage, error communis jus facit, l'autre, en avoir justement écarté l'application.

Le premier est celui de la cour royale de Rouen, du 23 août 1822, dont l'espèce est rapportée ci-dessus, §. 6. Après avoir cherché à établir, par des motifs qui tombent d'eux.

(1) Ce n'était pas l'ordonnance du roi, mais la loi qu'il fallait dire. V.le Bulletin des lois, no 45, 5me série.

(2) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 28, Page 447.

mêmes devant l'art. 5 de la loi du 22 frimaire an 8 et l'art. 9 de celle du 25 ventôse an 11, que le sieur Delamarre avait pu, quoique failli, servir de Témoin instrumentaire dans des actes constitutifs d'hypothèques conventionnelles, il ajoute subsidiairement, « qu'ad» mettre le système du sieur Dodé (deman» deur en nullité de ces actes), ce serait jeter » l'épouvante dans le sein d'un grand nombre » de familles, et que c'est le cas d'appliquer » la maxime, error communis facit jus ».

Le sieur Dodé, en attaquant cet arrêt, a soutenu que la maxime sur laquelle il fondait son motif subsidiaire, n'était pas applicable à l'espèce; et l'on ne peut douter que la cour de cassation ne l'eût ainsi jugé, si elle eût abordé la question. En effet, dit fort judicieusement M. Dalloz, après avoir rendu compte des moyens de cassation du sieur Dodé, « il faut bien distinguer, dans l'appli»cation de cette maxime, entre l'erreur sur » la qualité de la personne et l'erreur sur les » effets de cette qualité. La première est une » erreur de fait, qui peut être excusable; la » seconde est une erreur de droit, dont on » ne peut se prévaloir, parceque personne » n'est censé ignorer la loi. Qu'un étranger, » par exemple, ait servi de Témoin instru»mentaire dans un acte, cet acte ne sera pas >>entaché de nullité, si la qualité d'étranger » du témoin n'était pas connue; mais si le. » notaire et les parties en avaient connais»sance, ils ne seraient pas fondés à préten» dre que la nullité serait couverte, parce» qu'ils ignoraient qu'un étranger est inca»pable d'être Témoin instrumentaire; il en » est absolument de même à l'égard du failli; » lorsque son état de failli n'est pas un mys»tére, l'étendue de son incapacité est censée » connue de tous. La loi romaine Barbarius » Philippus d'où est tirée la maxime error » communis facit jus, prouve d'ailleurs la » vérité de la distinction que nous venons de » signaler. On sait qu'il s'agit dans cette loi » du maintien des jugemens rendus par un » esclave nommé préteur, c'est-à-dire, d'un » individu dont l'état était ignoré ».

J'observerai seulement ici qu'en fait d'erreur sur la capacité des Témoins instrumentaires, ce n'est point la loi Barbarius Philippus, mais bien (comme je l'ai prouvé à l'endroit cité du Répertoire de jurisprudence) dans la loi re, C. de testamentis, et dans le §. 7 du titre des institutes de testamentis ordinandis, que l'on doit chercher la source et le véritable sens de la maxime error communis facit jus.

Le second arrêt est celui de la cour royale

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