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qu'il avait formellement promis au legataire d'accomplir la volonté du défunt, et qu'il avait employé, à cet effet, les formes de la stipulation, manière de contracter qui, dans le droit romain, exigeait des solennités toutes particulières. Cette décision s'accorde donc parfaitement avec la partie de l'art. 1338 du Code civil qui attribue à l'acte confirmatif d'une obligation nulle, l'effet d'en couvrir la nullité, lorsqu'il contient la mention expresse du vice dont cette nullité dérive, et qu'il manifeste l'intention de le réparer; mais aussi rien à conclure ici de cette décision pour le cas où, comme dans notre hypothèse, il n'y a eu, de la part de l'héritier ab intestat, qu'une approbation ou confirmation non motivée et surtout non acceptée par le lega

taire.

La loi 16, §. 1, C. de testamentis, paraît, au premier aspect, attacher plus d'importance au simple acte approbatif. L'héritier testamentaire ou ab intestat (dit-elle), qui aura volontairement reconnu des legs, des fideicommis ou des affranchissemens, tout nuls qu'ils sont aux yeux de la loi, sera, par cela seul, tenu de les exécuter qui ex testamento vel ab intestato heres extiterit etsi voluntas defuncti circà legata, seu fideicommissa, seu libertates, legibus non sit subnixa, tamen si sua sponte agnoverit, implendi eam necessitatem habet.

Mais qu'est-ce qu'entend cette loi par le mot agnoverit, aura reconnu?

Il y a, pour l'héritier, répond Accurse, dans sa grande glose, deux manières de reconnaître la volonté irrégulière du défunt. Il la reconnaît, en payant le legs nul, avec pleine connaissance de sa nullité; il la reconnaît encore, lorsque, sachant que le legs est nul, il promet de le payer: AGNOVERIT, scilicet solvendo, sciens voluntatem non valere; vel promittendo, sciens similiter non valere.

A l'appui de sa dernière assertion relative au cas où l'héritier promet de payer, nonobstant la nullité, Accurse cite la loi dernière, C. ad legem falcidiam ; et il importe de remarquer la disposition de cette loi. Comme il est certain, dit-elle, que l'héritier qui, pour remplir religieusement les dernières volontés du défunt, a payé en entier les legs sur les quels il aurait pu déduire la quarte falcidie, n'est plus recevable à réclamer cette quarte, sous le prétexte qu'elle lui est assurée par la loi; nous voulons qu'il en soit de même s'il a promis aux légataires de les payer intégralement: cùm certum sit heredem qui plenam fidem testatori exhibet, in solidum legata dependentem, non posse postea rationem legis TOME XV.

falcidiæ prætendentem repetitione uti, quia videtur voluntatem testatoris sequi : jubemus hoc simili modo firmum haberi, et si cautionem super integrá legatorum solutione fe

cerit.

Je traduis ces derniers mots, et si cautionem... fecerit, par ceux-ci : « s'il a promis aux » légataires de les payer intégralement »; et l'on va voir, dans un instant qu'en effet facere cautionem, est, dans le langage des lois romaines, synonyme de promettre à quelqu'un sur sa stipulation, et par conséquent de promettre par une convention proprement dite.

Il est donc bien clair qu'en disant que l'héritier reconnait ou approuve un legs nul, par cela seul qu'il promet de l'acquitter, promit tendo, Accurse veut parler d'une promesse faite au légataire lui-même.

Mais ce qui fait encore bien mieux ressortir le fond de la pensée d'Accurse, c'est qu'il ajoute aussitôt : « Autrement, si l'héritier se »borne à dire extrajudiciairement : j'ap» prouve ce que mon père a fait, sans y joindre » ou une promesse de payer, ou un paiement » effectif, il ne préjudicie nullement à ses » droits ». Alioquin, si, extrà judicium, dicat: APPROBO QUOD Fecit pater meus, non promiltendo vel solvendo, non præjudicat sibi.

Doneau (Donellus) s'explique encore là-dessus plus clairement, sur le texte dont il est ici question, c'est-à-dire, sur la loi 16, §. 1, C. de testamentis. L'héritier (dit-il) est censé reconnaître la volonté du défunt, en payant le legs nul ou en promettant de le payer: agnoscere voluntatem intelligitur heres, aut præstando legatum, aut promittendo. Il la reconnaît en promettant de payer le legs, s'il fait cette promesse sur la stipulation du légataire ou du fideicommissaire, et c'est ce que décide la loi dernière, C. ad legem falcidiam; car l'expression cautio dont elle se sert, n'est autre chose qu'une promesse revêtue des formes de la stipulation. Promittendo obligaturheres, si stipulanti legatario vel fideicommissario promittat se soluturum. L. ult., C. ad legem falcidiam, ubi constitutio scripta est de eo qui cautionem legati non debiti emisit; CAUTIO STIPULATIO EST. Mais si l'héritier déclare hors la présence des légataires, qu'il reconnaît et approuve la volonté du défunt, cette déclaration ne sera, pour ceux-ci, d'aucun effet. Car il ne peut pas être obligé sans convention; or, une pareille reconnaissance ne peut pas être considérée comme une convention, puisqu'une convention ne peut résulter que du consentement donné à la même chose par deux ou plusieurs personnes : quid

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si heres, absentibus legatariis, dixerit se agnoscere voluntatem defuncti, ea res legatario non proderit: nam........ sinè pacto non obligatur: superior autem agnitio et pollicitatio pactum esse non potest, cùm pactum sit duorum pluriumve in idem placitum consensus.

Un célèbre magistrat de la Belgique, Tulden, sur le même titre du code, n° 9, exprime la même idée en peu de mots : le legs nul est validé (dit-il), si l'héritier approuve la volonté du défunt, en déclarant qu'il l'exécutera, quelque défectueuse qu'elle soit, pourvu qu'il fasse cette déclaration en présence des légataires: si heres expressè approbet, dicendo se satisfacturum qualicumque voluntati defuncti, UTIQUE PRESENTIBUS LEGATARIIS. Et il cite comme professant la même doctrine, Sichardus, sur le code, et Busius sur le di geste.

Mais qu'est-il besoin de l'autorité des interprètes pour prouver que, dans la loi 16, §. 1, C. de testamentis, le mot agnoverit, lorsqu'il n'y a pas de paiement du legs nul, ne peut s'entendre que d'une promesse faite en forme de convention, au legataire, d'exécuter la volonté du défunt? Le troisième texte qu'il

nous reste à citer, va mettre cette vérité dans le plus grand jour.

C'est la loi 23, C. de fideicommissis. S'il n'est pas constant (dit-elle) que votre pere ait fait un Testament, ou si celui qu'il a fait, manque de quelque formalité essentielle; si d'ailleurs vous ne vous êtes pas soumis à sa volonté, soit en délivrant les objets qu'il a légués, soit en les promettant par transaction et sur la stipulation des légataires, et que, par ce moyen, les choses soient encore entières on ne peut pas vous contraindre à les payer: si veritas vel solemnitas juris deest, nec amplexus patris voluntatem relicta dedisti, vel transactionis causá stipulantibus promisisti, negotiumque integrum est, ad solutionem urgeri non potes.

Ainsi, plus de doute qu'à défaut de deli. vrance d'un legs nul, la simple approbation que l'héritier donne à ce legs hors la presence du legataire, n'en couvre pas la nullité, et que l'héritier ne peut la couvrir efficacement que par la promesse qu'il fait au légataire qui l'ac cepte, de le payer comme s'il était valable.

On n'opposera sans doute pas à cette doctrine l'arrêt du conseil de Brabant du mois d'octobre 1644, que rapporte Stockmans, S. 21.

Le seigneur de Droogenbosch avait, par un Testament nul dans la forme, disposé de tous ses biens en faveur de ses enfans naturels qui

étaient en minorité; et il les avait, à cet effet, institués ses héritiers universels.

Henri Dubois, son frère, à qui il n'avait rien laissé, demanda la tutelle de ces enfans, sous l'offre d'administrer les biens que leur père leur avait transmis par son Testament ; et elle lui fut déférée avec cette clause expresse. Après avoir, en effet, administré ces biens pendant quelques années, Henri Dubois mourut. Alors ses héritiers réclamèrent contre le Testament du sieur de Droogenbosch, et demanderent que sa succession fût déclarée avoir été ouverte ab intestat au profit de son

frère.

Les enfans naturels opposèrent l'approbation que Henri Dubois avait donnée, en administrant, en leur nom, les biens de leur père, au Testament qui les leur avait deferés.

Les héritiers de Henri Dubois répondirent que cette approbation ne pouvait être d'aucun effet, parcequ'elle n'avait pas été donnée dans la forme d'une convention: contrà dicebatur testamentum imperfectum et destitutum solemnitatibus, non convalescere approbatione heredis, nisi approbatio contineat specimen conventionis de implendo ; sic qui..... dixit, absente instituto, se approbare tale testamentum, nihil agit, comme l'enseignent (disait.on) Doneau et les autres docteurs, sur la loi 16, C. de testamentis.

Cette défense ne fut pas accueillie par l'arrêt cité, mais pourquoi? Uniquement parceque le principe sur lequel on la fondait, n'était pas applicable à l'espèce. En effet, dit Stockmans, il ne faut point de convention pour approuver un Testament nul, lorsqu'il y a, de la part de l'héritier ab intestat, un fait qui en emporte l'approbation: et citrà conventio nem approbatur testamentum invalidum et minus solemne, re ipså et facto. Ainsi, celui qui, d'après un Testament nul, paie un legs, ne peut plus le répéter: sic qui solvit, ex imperfecto testamento, legatum, non potest repetere. Or ici, que trouve-t-on dans la conduite de Henri Dubois envers ses neveux ? Ce n'est pas une approbation vague, c'est une approbation précise et spécifique, puisqu'en demandant, en qualité de tuteur, la régie des biens légués aux enfans naturels, non seulement il a reconnu que le legs en était valable, mais même il est censé, conformément à l'esprit de la loi 39, D. de donationibus inter virum et uxorem, en avoir fait lui-même la délivrance aux légataires, ou du moins les avoir tenus pour délivrés par lui entre leurs mains: hic verò videtur approbatio in specie esse ; qui enim petit bona pupillo relicta re

gere ut tutor, hoc ipso agnoscit bona legitimè et validè relicta esse, et sic quasi ipse tradidisse intelligitur, vel pro traditis habere. Facit lex 57, D. de donationibus inter vi

rum et uxorem.

On conçoit sans peine pourquoi Stockmans parle ici de délivrance: c'est que, suivant la règle alors en vigueur, qui ne faisait valoir l'institution d'héritier que comme un legs universel, toujours sujet à délivrance, en quelque degré que fût l'héritier ab intestat, les enfans naturels du sieur Droogenbosch n'avaient pu jouir, par les mains de leur tuteur, des biens compris dans leur institution, qu'après en avoir obtenu la délivrance de l'héritier ab intestat de leur père. Or, cet héritier ab intestat, quel était-il ? C'était précisément leur tuteur. Leur tuteur était donc censé, en régissant ces biens pour leur compte, en avoir reçu la délivrance pour eux en sa qualité, et l'avoir reçue de lui-même agissant en son nom privé.

Que signifie donc ici l'arrêt de 1644? Rien autre chose, si ce n'est que l'héritier ab intestat qui délivre un legs nul dans la forme, renonce au droit d'en demander la nullité : cet arrêt ne porte donc aucune atteinte au principe que, lorsqu'il n'y a pas de delivrance ou d'exécution volontaire du legs défectueux, une simple approbation donnée en l'absence du legataire, et sans convention expressément faite avec lui, ne suffit pas pour en couvrir la défectuosité.

Voici, au surplus, une espèce dans laquelle ce principe a été formellement reconnu par un arrêt de la cour supérieure de justice de Bruxelles.

Le sieur de Lamberts avait pour unique héritière présomptive ab intestat, une sœur qui était veuve du sieur Lambrichs, et avait trois enfans, savoir, un fils et deux filles mariées, l'une au sieur Wertz, l'autre au sieur Kessel.

Le 6 ventôse an 12, il fit un Testament dans lequel, sans rien laisser à sa sœur ni faire aucune mention d'elle, il consigna les dispositions qui sont rappelées à l'article Substitution fideicommissaire, §. 4, no 3.

Le testateur étant mort le 23 frimaire an 13, la veuve Lambrichs, sa sœur, a passé devant notaire, le 8 pluviose suivant, un acte par lequel, après avoir ouï la lecture du Testament de son frère, elle « a déclaré l'agréer, ratifier » et approuver, pour autant que de besoin, » ladite disposition testamentaire en tout son » contenu; voulant, quoiqu'y exclue, que ledit » Testament sorte son plein et entier effet,

» tel qu'il est dit, au profit de ses petits-en» fans comme héritiers institués, et au profit » de ses enfans et autres légataires, sans y » vouloir contrevenir directement ni indi»rectement ».

Cette déclaration n'a été suivic, de la part de la veuve Lambrichs, d'aucun acte qui emportât exécution du Testament de son frère.

Après sa mort, arrivée le 29 mai 1808, la dame Wertz, la seule de ses trois enfans qui eût un véritable intérêt à attaquer le Testament, en a demandé la nullité, sur le fondement qu'il s'y trouvait une substitution fidéicommissaire.

Ses co-héritiers lui ont opposé une fin de non-recevoir qu'ils ont fait résulter de l'approbation que leur mère commune avait donnée au Testament par l'acte du 8 pluviose an 13; et un jugement du tribunal de première instance de Bruxelles, du 9 janvier 1818, a effectivement adopté cette fin de non-recevoir, en même temps qu'au fond, il a rejeté la demande de la dame Wertz.

Mais sur l'appel des héritiers de celle-ci, décédée peu de temps après, il est intervenu, le 23 mai 1822, un arrêt par lequel,

«En ce qui touche la fin de non-recevoir tirée de l'acte du 8 pluviôse an 13,

» Attendu que l'acte prémentionné n'est point, de la part de la dame veuve Lambrichs, un acte d'exécution, mais seulement un acte approbatif ou confirmatif du Testament de son frère; et que, pour avoir l'effet d'un véritable acte de cette nature, il aurait dû, au vœu de l'art. 1338 du Code civil, applicable par identité de raison aux dispositions testamentaires, contenir mention expresse et du vice de substitution qu'on reproche au Testament et de l'intention de réparer ce vice; qu'au surplus, les déclarations que cet acte contient, n'ayant point été acceptées par les héritiers institués ni par personne en leur nom, il n'a pu en résulter envers ceux-ci aucun engagement de la part de ladite dame Lambrichs;

» Par ces motifs et aucuns de ceux du premier juge, la cour, M. l'avocat - général de Stoop entendu, et de son avis, met ce dont est appel au néant, en tant qu'il a déclaré les appelans non-recevables; émendant quant à ce, reçoit la demande, et y faisant droit, met l'appellation au néant........... ».

II. La seconde question est résolue par tous les développemens que contient le no précédent sur la première.

S. XIX. Le légataire universel, qui, lorsqu'il n'y a point d'héritier à réserve, et que son titre consiste dans un Testament olographe ou mystique, se met de lui-même en possession des biens du défunt, doit-il étre privé des fruits de ces biens jusqu'à ce qu'il ait obtenu, conformément à l'art. 1008 du Code civil, une ordonnance d'envoi en possession ?

Dans la quatrième édition du Répertoire de jurisprudence, au mot Testament, sect. 2, S. 4, art. 5, no 3 (1), je me suis prononcé pour l'affirmative; mais dans la cinquième, me défiant de cette opinion, je me suis réservé de l'apprécier ici définitivement; et je dois dire ici que je suis forcé de la rétracter. Je ne pourrais, en effet, y persister qu'autant que l'art. 1008 du Code civil excepterait le legataire universel institué par un Testament olographe ou mystique, de la disposition de l'art. 1006, qui veut que, lorsqu'il n'y a point d'héritier à réserve, le légataire universel soit saisi de plein droit par la mort du testateur, sans être tenu de demander la délivrance; car, cette disposition, par cela seul qu'elle est générale, s'applique nécessairement, par elle-même, au légataire universel institué par un Testament olographe ou mys. tique, ni plus ni moins qu'au légataire universel institué par un Testament notarié. Si donc le premier n'en est pas excepté par l'art. 1008, il y est nécessairement compris ni plus ni moins que le second; et s'il y est compris comme le second, il faut bien que, comme le second, il soit saisi de plein droit par la mort du testateur; il faut bien par conséquent qu'il ait le même droit cond à tous les fruits que produisent les biens

que

le se

du testateur dés le moment de l'ouverture de la succession.

Or, que fait la loi, en disant, art. 1008, que, « dans le cas de l'art. 1006, si le Testa»ment est olographe ou mystique, le léga» taire universel sera tenu de se faire en » voyer en possession, par une ordonnance » du président, mise au bas d'une requête à » laquelle sera joint l'acte de dépôt »? Elle assujetit à une formalité particulière le légataire universel institué par un Testament olographe ou mystique; mais elle ne l'excepte pas de la disposition générale de l'art. 1006; elle ajoute, en ce qui le concerne, à l'art. 1006, mais elle n'y déroge pas. Elle ne

(1) Tome 17, page 767.

lui ôte donc pas la saisine qu'elle accorde par l'art. 1006 à tout legataire universel; et la preuve qu'elle n'entend pas la lui ôter, la preuve qu'il n'est pas dans son intention d'assimiler l'ordonnance d'envoi en possession qu'elle le charge d'obtenir, à un acte ou jugement de délivrance, c'est qu'elle veut que cette ordonnance soit rendue sur sa seule requête, et que bien certainement une ordonnance sur requête ne peut jamais tenir lieu d'acte ou de jugement de délivrance à un légataire qui n'est pas saisi de plein droit (1).

Mais si l'art. 1008 laisse, quant à la saisine légale, le légataire universel institué par un Testament olographe ou mystique, sur la même ligne que le légataire universel institue par un Testament notarié, comment pourrait-il être dans son esprit d'attacher à l'omission de la formalité qu'il impose au premier, la privation des fruits échus avant que cette omission ait été réparée? Cette privation ne serait pas seulement une peine, qui par sa nature, ne peut jamais être suppléee dans une loi; elle mettrait encore l'art. 1008 en contradiction avec lui-même. En effet, cet article aurait très-bien pu, par exception à l'art. 1006, dire que le légataire universel institué par un Testament olographe ou mystique, ne sera saisi que par l'ordonnance d'envoi en possession qu'il l'assujétit à obtenir du président du tribunal; mais dire qu'il sera saisi de plein droit et que cependant les fruits ne lui appartiendront qu'à compter du jour de l'ordonnance du président, c'eût été une véritable contradiction que l'on ne peut pas raisonnablement imputer au législateur.

Qu'importe qu'à défaut d'ordonnance d'envoi en possession, le légataire universel ne puisse posséder qu'illégalement? Non, ce n'est qu'illégalement qu'il possède de fait; mais il n'en est pas moins possesseur de droit par l'effet de sa saisine légale; et c'en est assez pour qu'il fasse les fruits siens.

D'ailleurs l'illégalité de sa possession de fait ne peut jamais être de longue durée; car de deux choses l'une : ou l'héritier ab intestat s'y oppose dans l'année, ou il ne s'y oppose pas. S'il s'y oppose, le légataire universel fera surle-champ cesser son opposition en se mettant en règle; et s'il ne s'y oppose pas, s'il laisse le légataire universel jouir paisiblement pendant l'année entière, celui-ci acquerra, par cela seul (comme on l'a vu au mot Triage,

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Légataire, S. 5, no 17.

§. 3), le droit d'intenter complainte, et par conséquent sa possession, d'illégale qu'elle etait primitivement de fait, deviendra parfaitement légale.

S. XX. Autres questions sur les Testa

mens.

V. les articles Disponibilité, Doute, Héritier, Institution d'héritier, Légataire, Legs, Mort civile, Révocation de Testament, Signature, Suppression de titres et Témoin in

strumentaire.

TESTAMENT CONJONCTIF. § I. Dans les pays où, avant le Code civil, les Testamens conjonctifs étaient autorisés, le survivant de deux co-testateurs pouvait-il révoquer, pour sa part, leurs dispositions communes ?

Le 31 janvier 1789, François-Joseph Darbre et Marie Hélène Demerbe, son épouse, domiciliés dans le pays de Liege, font, pardevant notaire, un Testament conjonctif, par lequel, entre autres dispositions, ils instituent héritiers universels, dans tous leurs biens meubles et immeubles, Étienne-François Demerbe, frère de la testatrice, et Marie-Anne Scohier, son épouse, nièce du

testateur.

Ils déclarent, à l'égard des immeubles, que les institués en jouiront, après le décès du testateur; ce qui suppose que le survivant des testateurs doit en conserver la jouissance intégrale jusqu'à sa mort. Mais à l'égard des meubles, ils ne donnent aux institués que ce qui se trouvera au décès du dernier vivant des testateurs.

L'acte est terminé par cette clause: se réservant lesdits testateur et testatrice le pouvoir de changer le tout ou partie, conjointe ment et non séparément.

Le 9 mars 1793, décès de la testatrice. Le 23 vendémiaire an 9, le testateur décède à son tour, et sa succession devient le sujet d'une contestation entre Goffin, son neveu, et Marie-Anne Scohier, veuve d'ÉtienneFrançois Demerbe, sa nièce.

Guillaume Goffin en réclame la moitié, en vertu de l'art. 9 de la loi du 17 nivose an 2. Marie-Anne Scohier prétend la garder tout entière, en vertu du Testament du 31 janvier 1789.

Et le noeud de la difficulté consiste à savoir si ce Testament doit être exécuté. Il paraît devoir l'être, s'il est devenu irrévocable dès le 9 mars 1793, par le décès de la testatrice

Marie-Hélène Demerbe, et si dès-lors les héritiers institués ont eu un droit acquis aux biens des deux instituans. Mais si le testateur François-Joseph Darbre est demeuré maitre de le révoquer, il a perdu toute sa force, il est retombé dans le néant, par cela seul que François-Joseph Darbre ne l'a pas renouvelé depuis la publication de la loi du 17 nivòse an 2. C'est une vérité reconnue par les deux parties, et qu'ont d'ailleurs formellement consacrée les lois des 22 ventose an 2 et 18 pluviose an 5.

La cause portée devant le tribunal de l'arrondissement de Charleroi, jugement du 7 germinal an 9, qui prononce en faveur de Guillaume Goffin, et cela, par deux motifs distincts, dont l'un s'applique aux biens qui pourraient être provenus de la testatrice Marie-Hélène Demerbe, et l'autre à tous les biens dont le testateur François-Joseph Darbre se trouvait en possession au moment de sa mort.

Pour établir que les biens provenans de Marie-Hélène Demerbe, ont passé, par le décès de celle-ci, dans le domaine de François-Joseph Darbre, son mari et son co-testateur, le tribunal civil de Charleroi commence par rappeler l'art. 1o du chap. 1 de la coutume de Liége, aux termes duquel, « l'homme, >> par mariage, est fait maitre et seigneur ab» solu de tous les biens meubles et immeu»bles, credits et actions de sa femme, et >> encore de tous biens obvenus et acquis du>> rant son mariage, et a puissance d'en dis»poser entre-vifs, comme du sien propre, » sans aveu ni consentement, et en demeure >> maitre, après le décès d'icelle sans enfans; » le tout ne fût qu'il y eût paction ou pro» vision contraire ». Le tribunal de Charleroi rappelle aussi l'art. 13 du chap. 11 de la même coutume, qui, par réciprocité, donne à la femme survivante sans enfans, la pleine propriété de tous les biens de son mari. Il conclud de ces deux textes,« que les conjoints » étant solidairement propriétaires des biens » l'un de l'autre, et étant réputés ne faire » qu'un en deux personnes, ils doivent aussi » être réputés ne faire qu'un seul Testament » indivisiblement ». Il convient qu'il en serait autrement, s'il y avait paction au contraire; mais il observe que, dans l'espèce, JosephFrançois Darbre et Marie-Hélène Demerbe n'avaient fait entre eux aucune stipulation dérogatoire au droit de mainplevie. « D'où il » suit (ajoute-t-il) que le mari superstite >> continue dans le domaine, maitrise et pro» priété des biens venans du côté de sa femme, » en vertu de la loi, et qu'il n'y a pas licu à

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