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Testament dont il s'agissait, les deux cotestateurs s'étaient réservé la faculté de le révoquer du consentement l'un de l'autre; et que de là il suivait nécessairement qu'ils avaient renoncé à la faculté de le révoquer chacun séparément. Mais, nonobstant ces raisons, la majorité s'est déterminée pour la validité de la révocation faite par le mari sur. vivant: sed prædictis argumentis non obstan tibus censuerunt domini crebrioribus suffra giis, maritum superstitem hujusmodi revocationem jure fecisse. Et voici sur quel fonde

ment.

» D'abord, il est de principe que, quand un mari et sa femme testent ensemble, l'acte qu'ils font contient réellement deux Testamens, parcequ'il y a autant de Testamens que de testateurs : primò, quía de jure duo censentur esse testamenta, ex quo vir et uxor simul testati sunt; quia tot sunt testamenta, quot sunt personæ testamentum facientes. Ainsi, la chose revient au même que si chacun des époux avait disposé séparement de sa moitié des acquêts, ce qui entraîne évidemment, pour l'époux survivant, la faculté de révoquer ce qu'il a fait conjointement avec le pédécédé: et sic perindè est ut si unusquisque eorum seorsim et discretivè de semisse bonorum communium ad eum spectante disposuisset; et per consequens, superstes suam voluntatem revocare potuit. En second lieu, dès qu'il existe réellement deux Testamens renfermés en un seul acte, et que les deux époux ont testé de biens qui leur étaient communs par indivis, la loi 5, §. 2, D. de legatis 1o, nous apprend que chacun d'eus n'est censé avoir disposé que de sa part, et nullement de celle de l'autre : item ex quo duo sunt testamenta, testatique sunt præfati conjuges de bonis communibus per eos acquisitis, quilibet in dubio de sud, et non de alterius portione, disposuisse censetur, per textum in lege 5... Il n'importe que les deux époux aient déclaré expressément qu'ils testaient de leur consentement mutuel. Sans doute, tout consentement a la force d'un contrat; mais que résulte-t-il du consentement mutuel dont il s'agit? Il en résulte que le mari n'a pas pu revoquer son consentement à ce que sa femme disposât de sa moitié dans les biens communs: Maritum non potuisse revocare consensum uxori suæ præstitum in testamenti per eam conditi factione. Mais il ne suit point de là que le mari n'a pas pu révoquer le Testament qu'il avait fait lui-même du consentement de sa femme ex hoc tamen non sequitur, quòd nec suum proprium testamentum revocare potuerit, suæ uxoris consensu erectum. Pour

quoi cela? Parceque le mari n'avait pas besoin du consentement de sa femme pour disposer de sa part indivise dans les conquêts. Il importe donc peu que sa femme ait consenti à ce qu'il en disposát; ce consentement superflu ne peut pas le priver de la faculté de révoquer sa propre disposition. Donné par addition surabondante à ses droits, ce consentement n'a pas pu diminuer les droits qu'il avait de son propre chef: Etsi enim uxor non consensisset, maritus potuisset nihilominùs testari de medietate hujusmodi bonorum acquisitorum, pro indiviso ad eum spectante : ergò licet consenserit ut de suá medietate testaretur, ille consensus non aufert facultatem revocandi ; et cùm datus fuerit ad augmentum, non debet operari diminutionem. Enfin, on ne doit pas s'arrêter à la clause par laquelle les co-testateurs se sont réservé le droit de révoquer conjointement leur disposition commune; car, quand on voudrait induire de là qu'ils se sont promis de ne pas la révoquer séparément, qu'en pourrait on conclure? Les lois déclarent, en termes exprès, qu'il y a toujours lieu à révocation, quoique le testateur se soit engagé par promesse ou même par serment, de ne pas révoquer sans le consentement d'un autre : jure cautum est quamvis aliquis promisisset vel etiam jurasset non revocare testamentum sine consensu alterius, tamen revocationi locum esse.

» Ainsi s'explique Mynsinger; et, comme vous le voyez, il réfute à l'avance l'argument que, dans notre espèce, le jugement attaqué tire de la clause par laquelle François-Joseph Darbre et Marie-Hélène Demerbe se réservent le pouvoir de changer tout ou partie conjointement et non séparément.

»Donner un pareil effet à cette clause, c'est méconnaître, c'est violer ouvertement la loi 22, D. de legatis 3o, suivant laquelle nul ne peut, par son Testament, s'imposer la condition de ne pouvoir le changer par la suite nemo eam sibi potest legem dicere, ut à priore ei recedere non liceat. Aussi lisonsnous dans Stockmans, S. 18, no 4, que plusieurs fois le conseil de Brabant a jugé valablement révoqués par les époux survivans, des Testamens conjonctifs qui portaient la clause formelle de n'y pouvoir déroger que du consentement mutuel des deux co-testateurs: aliquoties censuimus testamenta simul condita à conjugibus, ubi quisque de suis tantùm bonis testatur, liberè revocari posse...; nec quidquàm facere clausulam adjectam de non revocando sine mutuo consensu, quia nemo potest sibi eam legem dicere, ut non possit à priore voluntate recedere, nec pro

missio ulla vel juramentum eam vim habet ut quis liberam facultatem testandi sibi adimat.

» Comment donc le tribunal d'appel de Bruxelles a-t-il pu attribuer à la clause dont il est question, la vertu d'empêcher FrançoisJoseph Darbre de révoquer, pour sa part, le Testament conjonctif du 31 janvier 1789? C'est, porte son jugement, parceque les coutumes de Liége admettent la renonciation à la faculté de tester.

cela, et sur les autorités de Voet et Deghewiet qui n'en parlent pas davantage, et sur celle de Méan que nous apprécierons dans un instant.

» Ce n'est donc pas comme témoin de l'usage réclamé par les parties en faveur desquelles a prononcé le tribunal d'appel de Bruxelles, que l'on peut invoquer ici le passage de Sohet dont nous venons de vous retracer les termes; on ne peut l'invoquer que comme l'opinion

» Mais quelle preuve donne-t-il d'une aussi individuelle d'un auteur sur la question qu'il étrange assertion? Aucune.

» Et dans le fait, nous voyons bien que, dans le pays de Liége, comme partout ailleurs, on peut, par une institution contractuelle, s'oter le droit de faire un héritier testamentaire. Nous y voyons bien aussi qu'on peut, lorsqu'on a des enfans, se priver, en faisant à leur profit un Testament conjonctif, de la faculté de disposer ultérieurement à leur préjudice.

» Mais hors ces deux cas, la liberté de tester, et par suite, celle de révoquer un Testament, est tout aussi générale, tout aussi illimitée dans la coutume de Liége, que dans les autres; et certainement il suffit que la coutume de Liege n'ait pas étendu plus loin la dérogation qu'elle fait, dans ces deux cas, aux principes du droit romain, pour que ces principes conservent, dans les autres cas, toute leur autorité.

» Mais, dit-on, l'usage du pays de Liége est de regarder comme irrevocable tout Testament conjonctif par lequel les co-testateurs se sont imposé la loi de ne pouvoir le révoquer que de commun accord ; et cet usage est attesté par Mean, observ. 83. On pourrait ajouter que Sohet, dans ses Institutes liegeoises, liv. 3, .tit. 25, no 67, dit également et en termes exprès, que le Testament con jonctif est révocable à l'égard des biens du survivant, sinon..... lorsqu'il y a clause de ne le révoquer que conjointement.

» Si tel est effectivement l'usage, s'il est bien constant, s'il n'a jamais varié, nous n'avons plus rien à dire. L'usage a pu, dans le pays de Liége, modifier la liberté que les lois romaines accordent au testateur de révoquer, quand il lui plait, ses dernières dispositions; et vous savez, vous avez même prouvé par une infinité de vos jugemens, que l'on ne peut pas tirer un moyen de cassation d'une loi romaine à laquelle il a été dérogé par un usage contraire.

» Mais d'abord Sohet ne fonde pas sa doctrine sur l'usage du pays de Liége; il la fonde sculement, et sur les art. 4 et 5 du chap. 10 de la coutume qui ne disent pas un mot de

traite. Mais à cet égard, nous devons dire que Sohet, quelque estimable que soit son ouvrage, considéré comme table des matières de la jurisprudence liégeoise, ne jouit à Liege d'aucune confiance, quand il ne fait qu'enoncer sa propre opinion sur des points de cette jurisprudence. Nous l'avons connu exerçant la profession d'avocat-procureur dans une petite justice seigneuriale du ressort du parlement de Douai, régie par la coutume de Liége; et sans doute, ce n'était point là une école bien sûre pour s'initier dans les mystères de la législation de cette contrée.

"A l'égard de Méan, rien, au premier coup d'œil, de plus positif que ce qu'il dit dans son observation 83. Si desint liberi, ce sont ses termes, superstes, quoad bona à latere suo provenientia, testamentum cùm conjuge prædefuncto conjunctim factum, revocare potest, manente prædefuncti conjugis testamento irrevocabili per ejus mortem, quoad bona ejusdem. C'est ce qu'il justifie par l'art. 5 du chap. 10 de la coutume, et par un acte de notoriété des échevins de Liége, du 18 mars 1613. Puis il ajoute, d'après un autre acte de notorieté des mêmes échevins, du mois de juin 1582 : nisi tamen testamento communi conjugum adjecta sit clausula facultatem continens revocandi illud conjunctim et non aliter.

» Mais là-dessus, plusieurs observations: » 1o Méan cite à l'appui de sa doctrine, le Traite de testamentis conjugum, de Peckius, conseiller au grand conseil de Malines, et professeur de droit en l'université de Louvain. Eh bien! Nous avons verifié le texte de Peckius, et nous pouvons vous assurer, nonseulement qu'il ne contient pas un mot de ce que lui prête Mean, mais que Peckius ne traite même pas la question.

» 2o Méan se fonde encore sur ce que, dans le pays de Liége, on peut efficacement renoncer à la faculté de tester. Mais par quelle loi justifie-t-il ce prétendu principe? Il le justifie par l'art. 5 du tit. 2 de la coutume; or, cet ar ticle ne parle que des institutions d'héritier par contrat de mariage, et assurément de ce

que, par contrat de mariage, on peut instituer irrévocablement pour héritiers, soit les futurs époux, soit les enfans à naitre de leur union, il ne s'ensuit nullement que l'on puisse faire la même chose par testament.

» 30 L'annotateur de Méan, Louvrex, beaucoup plus estimé dans le pays de Liége que Méan lui-même, dit dans sa note h sur ce pas. sage, que, s'il n'était arrêté par une sorte de respect pour l'acte de notorieté des échevins de Liége cité par son auteur, il aurait beaucoup de peine à se rendre à cette opinion qu'il croit avantageusement combattue par la decision 18 de Stockmans : dubitarem tamen de hác opinione, si non haberemus attestationem DD. Scabinorum hic citatam, ut videre est ex Stockmans, decis. 18.

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4° L'attestation des échevins de Liége qui en impose tant à Louvrex, prouve, par son seul rapprochement avec le texte de la coutume, qu'elle ne mérite aucune espèce de considération. En effet, cette attestation remonte, comme vous venez de le voir, au mois de juin 1582, et par conséquent à une époque bien antérieure à la rédaction de la coutume, qui ne date que de l'an 1642. Or, si l'usage pretendu que les échevins de Liége ont attesté en 1582, avait été aussi constant que l'assure le tribunal d'appel de Bruxelles, très-certaine ment nous le retrouverions dans le texte de la coutume; et cependant la coutume est abso lument muette à cet égard; la coutume ne limite par aucune exception, la faculté qu'elle laisse à l'époux survivant de révoquer le testa. ment conjonctif fait en faveur d'étrangers ou de parens collatéraux ; la coutume ne déroge en aucune manière, pour ce cas, aux disposi tions des lois romaines qui déclarent nulle toute renonciation à la faculté qu'a essentiellement chaque testateur de révoquer ses dernières volontés; la coutume proscrit donc implicitement le prétendu usage que les échevins de Liége avaient attesté en 1582.

» 5° Mean lui-même a tellement senti que sa doctrine, quoique conforme à l'acte de notoriété de 1582, ne pouvait pas se soutenir, que, dans son observation 502, intituléc Appendice à l'observation 83, il l'a restreinte à ce seul sens, que la révocation faite séparément par l'un des époux testateurs, ne peut pas nuire à l'autre époux, mais qu'elle nuit aux parens collateraux qui étaient appelés par le Testament conjonctif. Quod enim, dit-il, in obs. 85, traditur vi clausulæ quá non nisi conjunctim conjugibus jus disponendi relinquitur, sublatam esse facultatem disponendi separatim cuique conjugum, intelligendum est nolente et reluctante altero conjugum, quia,

eorum respectu, consensus ille mutuus disponendi conjunctim solùm transit in contractum, qui invito altero revocari nequit, quæ est ratio dictæ observationis 83. Ainsi, deux époux se seront, par un Testament conjonctif, institués réciproquement heritier univer sel l'un de l'autre, et ils auront déclaré que ce Testament ne pourra être révoqué par eux, que d'un commun accord; si l'un d'eux, à l'insu ou contre la volonté de l'autre, fait un acte révocatoire, cet acte sera nul, quant à l'époux qui ne l'a point souscrit ; et en cas qu'il survive à l'époux révoquant, il exercera sur sa succession les mêmes droits que si le Testament n'avait subi aucune espèce de révocation. Mais est-il question d'un Testament conjonctif qui appelle des parens collatéraux, soit des deux époux, soit de l'un ou de l'autre seulement, à recueillir leurs biens respectifs après leur mort? Alors, c'est toute autre chose la révocation, quoique faite séparément, a tout son effet contre eux; et c'est ce que Méan établit de la manière la plus positive: non obstat, dit-il, quòd conjuges reservantes solùm sibi jus revocandi hanc rever sionis legem conjunctim, videantur alio casu sustulisse sibi jus eam revocandi. Quia, ut suprà dictum est, hæc conditio conjuges solùm respicit, quorum præjudicio alteruter non potest disponere nisi conjunctim, quia hic consensus mutuus eorum respectu transit in contractum; consanguineos autem non concernit, quibus hæc accessoria clausula plus juris non tribuit quàm principalis conditio reversionis bonorum ad eos, ex quá nihil illis irrevocabiliter acquiritur. Mean ajoute qu'il en a été ainsi décidé par deux jugemens solennels rendus à Liége, en juillet 1661, l'un par les échevins, après en avoir conféré avec le conseil ordinaire, l'autre par le conseil ordinaire, après en avoir conferé avec les échevins.

» C'est aussi ce qu'enseigne Louvrex dans sa note déjà citée sur l'observation 83 de Méan : revocatio separatim facta, dit-il en parlant du cas où le Testament conjonctif renferme la clause de ne pouvoir le révoquer que conjoin. tement, non substitit respectu conjugum, seď consanguineorum.

» Mème doctrine dans les notes de Bastin sur le même auteur, page 15: ista clausula non operatur respectu tertii, et ità consanguinei non possunt impedire revocationem.

» Enfin, nous nous sommes assurés par le témoignage d'un profond jurisconsulte de Liége, qui a siégé pendant plusieurs années au tribunal de cassation, que telle est depuis longtemps la jurisprudence des tribunaux liégeois. » Il s'en faut donc beaucoup que l'usage

dans lequel s'est retranché le tribunal de Bruxelles, soit favorable à son système et puisse justifier sa décision: sa décision n'est pas moins contraire à l'usage du pays de Liége, qu'aux lois proprement dites qui gouvernent cette contrée; et par ces considerations, nous éstimons qu'il y a lieu d'admettre la requête du demandeur. »

Ces conclusions ont été adoptées par arrêt du 13 vendémiaire an 11, au rapport de M. Delacoste.

Mais la cause portée à la section civile, arrêt y est intervenu, le 17 vendémiaire an 12, au rapport de M. Ruperou, multis contradicentibus, par lequel,

« Considérant que l'art. 1er de la loi du 18 pluviose an 5 maintient toutes les libéralités devenues irrévocables avant la publication de la loi du 5 brumaire an 2;

» Considérant qu'il n'a été cité aucun article de la coutume de Liége qui dise qu'un Testament conjonctif où les époux se sont imposé la loi de ne le changer que du consentement mutuel, demeurera cependant révocable par le survivant ;

» Considérant que le tribunal d'appel at teste, au contraire, que, suivant les usages des habitans du pays de Liége, un tel Testament devient irrévocable pour le tout à la mort du prédécédé des co-testateurs, et que rien ne prouve que cette assertion soit contraire à la vérité;

» Par ces motifs, le tribunal rejette le pour. voi de Guillaume Goffin.... »

On voit que cet arrêt ne contrarie nullement les principes que j'avais établis, dans mes conclusions; qu'il n'a été déterminé que par un prétendu usage à l'exisience duquel la cour d'appel de Bruxelles avait sans doute ajouté foi trop légèrement, mais qu'elle avait pu tenir pour constant sans violer aucune loi; qu'ainsi, la question venant à se représenter, on pourrait, en prouvant que cet usage n'exis tait réellement pas dans le pays de Liége avant l'abolition des Testamens conjonctifs, reproduire avec confiance le système soutenu infructueusement par Guillaume Goffin.

S. II. 1o Les Testamens conjonctifs olographes, lorsqu'ils étaient autorisés, devaient-ils, à peine de nullité, étre écrits en entier par chacun des co-testateurs ? Comment chacun des co-testateurs devait-il procéder, à cet égard, pour remplir le vœu de la loi?

2o Un Testament conjonctif par lequel deux personnes disposaient confusément de leurs biens respectifs, devenait il tel

lement irrévocable par la mort de l'uni d'elles, que la dernière vivante n'eút plas la faculté de disposer par Testament des biens qu'elle avait acquis depuis cette

mort?

Le 11 avril 1776, Marguerite Richir, veuve de Jacques Lecaille, et Marie-Catherine Richir, sa sœur, domiciliées à Conillet, commune du pays de Liége, font, conjointement et par le même acte, un testament olographe qui dé bute en ces termes : « Souhaitant de disposer » des biens que nous possédons, nous avons » jugé à propos de faire nos dispositions de » dernière volonté de la manière suivante, » voulant qu'elles sortent leur plein et entier » effet, sous la réserve de pouvoir les chan»ger, ainsi et comme nous trouverons à pro» pos voir, conjointement et pas autrement ».

Mais il est à remarquer que ces mots et pas tue l'expression ou, et qu'après autrement, on sont rayés sur la minute, et qu'on y a substia ajouté : selon qu'il plaira et trouvera bon la dernière vivante de nous deux testatrices. Il parait même que ces ratures, substitution et addition sont d'une main étrangère.

Quoi qu'il en soit, les deux sœurs décla rent instituer la dernière vivante des deux testatrices héritière universelle, pour en jouir, disent-elles, la vie durante de nous deux testatrices, pour ensuite suivre relativement à la disposition suivante. Après cette première disposition, les deux testatrices font un grand nombre de legs particuliers dont elles chargent l'héritier qu'elles vont désigner, puis elles ajoutent : « venant à l'institution de »notre héritier, nous declarons nommer et » instituer pour notre héritier universel, tant » mobilier qu'immobilier, or, argent, bijoux, » linges, argenterie et prétentions quelcon»ques, rien réservé ni excepté, le tout situé » tant à Conillet que dans tous autres pays, » Jean-Baptiste Bosquet, avocat à Liége, pour » en jouir de toute notre succession immédia»tement après le décès de la dernière de nous » deux testatrices ». L'acte est, au surplus, écrit en entier de la main de Marguerite Richir, et il est signé tant par celle-ci que par Marie-Catherine Richir.

Le 13 fevrier 1777, décès de Marguerite Ri chir.

Le 26 janvier 1790, Marie-Catherine Richir fait devant notaires un testament par le quel, « usant du ponvoir qui lui est attribué par le Testament conjonctif qu'elle a fait avec sa sœur.... le 11 avril 1776, elle dé» clare le casser, révoquer et annuler ». En conséquence, elle institue deux héritiers, sa

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voir: Jean-Baptiste Bosquet, déjà appelé à toute sa succession par le Testament conjonc tif, et Victorien Barré, à qui elle assigne pour sa portion la cense ou ferme de la Couture, dont elle avait fait l'acquisition depuis la mort de sa sœur.

Par le même acte, elle nomme pour exécuteur testamentaire, Henri Cramme, prêtre, et lui fait des legs assez considerables.

Marie-Catherine Richir a survécu près de cinq ans à ce Testament; elle est morte le 30 décembre 1794, époque où les lois françaises n'étaient pas encore publiées dans le pays de Liége, qui, par conséquent, demeurait toujours soumis à ses anciennes lois, à sa coutume et à ses usages.

Alors paraissent successivement les deux Testamens des 11 avril 1776 et 26 janvier 1790; et par des circonstances dont le détail est inutile ici, ce n'est qu'après l'acceptation du deuxième de la part du sieur Bosquet, que le premier vient à sa connaissance.

Le sieur Bosquet demande la nullité du deuxième, et il se fonde sur l'irrévocabilité que le premier a, suivant lui, acquise par la mort de Marguerite Richir, l'aînée des deux sœurs co-testatrices.

Le sieur Barré lui oppose d'abord la nullité du Testament par rapport à Marie-Catherine Ricbir, qui ne l'a pas écrit en entier, et n'a fait que le signer. I pretend ensuite que, par le premier Testament, la survivante des deux testatrices est expressément autorisée à le révoquer et à en faire un autre; et là s'élève la question de savoir si c'est par les deux testatrices ou par un étranger qu'ont été faites, dans le préambule de l'acte, les ra tures, substitution et addition dont il a été parlé ci-dessus. Enfin, le sieur Barré soutient que, même en supposant le Testament conjonctif valable dans son principe, que, même en le supposant devenu irrévocable par la mort de Marguerite Richir, Marie-Catherine Richir n'en a pas moins pu disposer à son profit de la ferme de la Couture, puisqu'elle l'avait acquise depuis le décès de sa sœur, et que par conséquent cette ferme n'était entrée pour rien dans les dispositions conjonc tives des deux testatrices.

Le 24 thermidor an 6, jugement par lequel, « Considérant que Marguerite et MarieCatherine Richir ont clairement manifesté, dans le préambule de leur Testament conjonc. tif du 11 avril 1776, que leur volonté était de disposer des biens qu'elles possédaient ;

D

Que ces expressions étant conçues au temps present, n'ont aucun trait aux biens qu'elles posséderaient par la suite;

» Que celles dont elles se sont servies dans le reste du contenu du Testament, que le cit. Bosquet jouira de toute leur succession et autres semblables, comme postérieures audit préambule, et n'étant en soi que l'émanation de cette même volonté prédéclarée, y sont de tout chef correlatives;

» Que, quoiqu'il soit vrai en these, que le mot succession contient l'universalité des biens d'un defunt, soit présens, soit futurs, il n'est pas moins constant d'ailleurs que cette universalité peut se restreindre, comme dans l'hypothèse dont s'agit, à une masse fixe et déterminée de biens, tels que ceux que les testatrices possédaient lors de la confection de leur Testament conjonctif;

» Qu'il conste au procés que la ferme de la Couture n'etait pas, à cette époque, et n'a même jamais été comprise dans la masse des biens mentionnés au prédit Testament, puisque les testatrices ne la possédaient pas, et qu'elle n'a été acquise par Marie-Catherine Richir, que long-temps après le décès de Marguerite Richir, sa sœur; que cette même ferme est, par conséquent, une propriété particulière à Marie-Catherine Richir; qu'il ne conste pas d'ailleurs au procès que cette ferme fût un remploi; que tout acte qui restreint la liberté de disposer de ses biens, doit être de stricte interprétation; que tout doit militer, au contraire, en faveur de cette liberté; qu'ainsi, Marie Catherine Richir a pu disposer de ladite ferme, par son Testament du 26 janvier 1790, en faveur du cit. Barre; que le cit, Bosquet, l'un des héritiers nommes par ce Testament, l'a fait réaliser ; qu'il résulte de là une approbation de sa part, du contenu en icelui »;

Le tribunal civil du département de Sambre et Meuse, en confirmant un jugement du tribunal civil du departement de Jemmapes, du 17 pluviose an 6, a ordonné l'exécution du Testament particulier de Marie - Catherine Richir, et a maintenu le sieur Barré dans la propriété de la ferme de la Couture.

Le sieur Bosquet s'est pourvu en cassation contre ce jugement, et la cause portée à l'audience de la section des requêtes, j'ai dit :

« Trois moyens de cassation vous sont proposés dans cette affaire.

» Le premier est une prétendue contravention à la loi du 3 brumaire an 2; et cetle contravention, le demandeur la fait résulter de ce que le tribunal civil de Sambre et Meuse, après avoir entendu les plaidoiries, a déclaré la cause conclue en droit, et renvoyé à une autre audience pour la prononciation

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