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DÉCISIONS NOTABLES

DE

LA COUR D'APPEL

DE BRUXELLES,

AVEC LES ARRÊTS, LES PLUS REMARQUABLES DES COURS D'APPEL

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UN individu non-négociant peut-il être déclaré en état de faillite, sur la demande d'un ou de qúelques-uns de ses créanciers?

Peut-il être déclaré en état de faillite, d'après un concours de circonstances indicatives de sa déroute, et préalablement à toute saisie et exécution de ses biens, et à la discussion de ses facultés?

Le même concours de circonstances suffit-il pour déterminer l'époque de l'ouverture de sa faillite ?

ON

N ne manquera pas de se demander sans doute à quelle fin cette déclaration de droit a été sollicitée de la part du créancier, car le principe en luimême ne conduit à aucun but utile; mais quelques mots suffisaient pour satisfaire la curiosité du lecteur Tome 1, N°. 3.

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Le créancier ne s'était pas restreint à la demande nue de la déclaration de l'état de faillite, et de l'époque de son ouverture; il demandait en même temps l'effet de cette déclaration, savoir la nullité des inscriptions prises dans les dix jours qui ont précédé la date de la faillite.

Comme la cour n'a ni jugé ni préjugé l'effet de la déclaration quant aux dix jours autérieurs à la faillite, nous nous abstiendrons de traiter ce point de difficulté, qui reste entièrement dans le domaine du juge, et nous passerons à l'exposé des faits et des moyens relatifs aux trois questions proposées qui se confondent dans les mêmes élémens.

Le sieur N., propriétaire, présidait le tribunal civil de ***.

A-t-il abusé d'un crédit que lui donnait une fortune apparente? n'est-il plutôt qu'une victime d'événemens malheureux dont la source était imprévue ?

Quoi qu'il en soit, le 22 avril 1809, le sieur N. emprunta du sieur Pelleman une somme de cinquantecinq mille francs, dont il donna sa reconnaissance pardevant notaire, avec assignation d'hypothèque.

Le créancier prend inscription.

Il paraît que la publicité de cet acte jeta l'alarme parmi ceux de ses nombreux créanciers qui n'avaient pas de titres hypothécaires.

Dès le 29 avril 1809, il est poursuivi devant les tribunaux. Il est assigné à bref délai, vu le péril en la demeure. Il reconnaît les créances, par le ministère de son avoué.

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D'autres créanciers obtiennent des condamnations volontaires.

Tous se hâtent de prendre des inscriptions qui s'accumulent avec une rapidité extraordinaire, et présentent une masse de deux cents et cinquante mille francs de nouvelles charges imprimées sur les biens du sieur N.

Les dames Danecls avaient sur le sieur N. des traites pour une somme de 43680 francs.

Elles assignent leur débiteur le 9, pour comparaî tre le 10 mai au tribunal de commerce, et y être condamné à payer nou - seulement les traites échues, mais aussi celles qui ne l'étaient pas, attendu la faillite. notoire du débiteur.

Jugement par défaut, qui, attendu la faillite notoire, accorde les conclusions.

Les dames Daneels, convaincues que l'inscription qu'elles pourraient prendre serait illusoire en la renfermant dans l'ordre de sa date, n'entrevirent d'autre moyen d'alléger leur perte que celui de faire écarter l'effet de toutes les inscriptions modernes, et de ramener à la classe de créanciers chirographaires tous les inscrivans dans les dix jours qui précédaient le 29 avril.

C'est pour arriver à cette fin qu'elles firent assigner au tribunal civil tant le sieur N. que tous les créan⚫ 'ciers qui avaient requis inscriptions dans cet intervalle, pour entendre déclarer que le 29 avril 1809, au plus tard, le sieur N. était en état de faillite; subsidiairement en état de déconfiture, d'insolvabilité et da

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cessation de paiemens en conséquence que les in scriptions prises n'ont produit aucun effet, aux termes de l'article 2146 du Code-Napoléon.

Elles demandaient aussi la séparation du patrimoine d'un des frères du débiteur, et dont celuiçi est héritier.

Elles fondaient ces conclusions sur l'irruption in'stantanée d'une énorme phalange de créanciers;

Sur la cessation de paiemens de la part du débiteur;

Sur la cessation de ses fonctions judiciaires depuis le 24 avril;

Sur ce qu'il ne paraissait plus à la société des polders, où cependant il devait se présenter à peine d'amende ;

Sur ce qu'il s'était rendu invisible, et soustrait à toute communication, ce qui équivaut à la fuite ou abandon de fait de ses affaires.

8 Juin 1809, jugement du tribunal civil de *** qui « attendu qu'aucun citoyen ne peut être en état de faillite s'il n'est commerçant, que l'article 2146 du Code - Napoléon n'est applicable qu'au cas de faillite d'un commerçant, que la déconfiture d'un particulier ne peut résulter que de la discussion de ses facultés, déclare les demanderesses mal fondées dans leurs conclusions principales, et non- recevables quant à présent dans leurs conclusions subsidiaires;

<< Au- surplus ordonne la séparation des patrimoi nes, à tel effet que de droit. ».

Les dames Daneels, appelantes de ce jugement, sont entrées, par le ministère de leurs conseils, dans des détails curieux et intéressans sur l'origine et la marche des lois et de la jurisprudence, relativement aux faillites. Nous regrettons que les mémoires instructifs, qui ont été fournis sur la matière, ne puissent pas trouver place dans ce recueil; nous réduirons donc la cause aux principaux moyens que les parties ont respectivement employés..

Il est à remarquer que les dames Daneels n'ont plus insisté sur leurs conclusions subsidiaires, relativement à la déconfiture, et qu'elles ont modifié leurs conclusions principales en ce sens que la faillite ne pouvait pas être fixée plus tard qu'au 9 mai, sans abandonner l'époque du 29 avril.

Ainsi elles réduisaient la question au point de savoir si un individu non-négociant peut être déclaré en état de faillite, et l'époque de sa faillite déterminée sur la demande d'un créancier.

Le premier juge, disent les dames Daneels, a consacré une erreur dangereuse pour le crédit public , en déclarant qu'un particulier ne peut pas être constitué en état de faillite..

Qu'un individu non-commerçant ne soit soumis ni aux formes ni aux peines établies par les lois du commerce, c'est la seule différence qui existe entre la faillite d'un commerçant et celle d'un particulier; l'une est une faillite commerciale, l'autre une faillite civile.

La déconfiture est une expression moderne, et

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