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reconnues, bien délimitées et dans lesquelles les droits d'usage et d'enclaves des indigènes auraient été définitivement déterminés. D'un autre côté, on a tardé trop longtemps à fixer la législation qu'il fallait appliquer, dès le début, à une situation toute spéciale et si différente de celle qui existe en France.

Dès 1874, j'ai fait étudier un projet de loi qui devait, d'une part, nous armer de moyens exceptionnels, mais légaux, pour préserver les forêts contre les dévastations. et l'incendie; de l'autre, nous permettre de revendiquer les droits de l'État, en réglant toutes les questions de prise de possession effective tout en respectant les usages, les besoins et les droits acquis des indigènes. La première partie de cette loi seulement a été votée le 17 juillet 1874, et bien que la loi complémentaire ait été déposée il y a deux ans, sur le bureau de l'Assembléc, le pouvoir législatif n'en a point encore doté l'Algérie. Il n'était néanmoins pas possible de prolonger davantage la situation que je viens de rappeler. Aussi, j'ai dû prendre les premières mesures indispensables pour tirer le meilleur parti possible du personnel tel qu'il existe encore, et pour préparer le travail de reconnaissance des massifs non délimités, en attendant que l'adoption de la loi proposée nous donne le moyen de les soumettre régulièrement au régime forestier.

La première de ces mesures, ainsi que je l'expliquais dans mon dernier Exposé, a eu pour objet l'application de l'article 3 du décret du 27 septembre 1873, dans toutes les régions forestières les plus éloignées de nos centres d'action et de colonisation, afin de mieux grouper et de mieux utiliser les agents dont nous disposons. C'est ainsi qu'environ 750 000 hectares ont été, non pas soustraits au regime forestier, mais bien distraits provisoirement de l'action directe du service spécial pour être confiés à la surveillance du commandement. Cette opération si critiquée et si mal comprise a été décidée en conseil du gouvernement, après une étude approfondie des propositions qui lui furent soumises à la suite d'une entente préalable entre les généraux, les préfets et le service des forêts lui-même. Il a été nettement spécifié que cette distraction toute temporaire n'enlevait à ce service qu'une surveillance qu'il lui était, par le fait, impossible d'exercer à d'aussi grandes distances, mais qu'il ressaisissait toute son action sur les parties où une exploitation pouvait avoir lieu; que lui seul, en un mot, conservait dans ses attributions ce qui concerne la gestion et la mise en valeur.

La seconde mesure est relative au travail de reconnaissance et de délimitation des massifs qui ne figurent encore sur les sommiers de notre domaine qu'au moyen d'indications vagues et incomplètes. Ces opérations ont été confiées à des commissions de délimitation, malheureusement trop peu nombreuses, formées à l'aide du personnel rendu disponible.

Il ne s'agit point, comme on l'a dit, d'une entreprise nouvelle, engageant les finances de l'État sans une sanction préalable, mais bien de continuer l'exécution, si en retard jusqu'ici, des prescriptions de l'article 2 du décret organique du 27 septembre 1873. Sur les 1 856 000 hectares qui forment le domaine forestier de l'État, 171 000 seulement sont, en effet, régulièrement et complétement reconnus et enregistrés. Le sénatus-consulte a bien été appliqué sur 651 000 hectares, mais la delimitation des massifs sur lesquels il a porté n'a point été exécutée sur le sol et les droits d'usage n'ont point été réglés. Pour le reste: 1 million d'hectares environ, il n'existe que des renseignements vagues ou des croquis à vue, à défaut de plans réguliers, puisque les territoires où ils sont situés n'ont jamais été levés.

Je considère donc cette seconde mesure comme indispensable; aussi vous demanderai-je instamment de l'appuyer de votre adhésion en portant au budget qui vous est soumis les crédits jugés nécessaires pour mettre le nombre des commissions à la hauteur de la tâche qui leur incombe.

Malgré l'incertitude qui règne sur l'importance véritable de nos ressources, on peut cependant affirmer que la voie à suivre pour résoudre la question est nettement tracée par une expérience suffisamment prolongée de la situation; il est donc inutile de se livrer à une nouvelle enquête administrative, qui donnerait lieu à de nouvelles dépenses, tout en ajournant encore le résultat qu'il s'agit d'atteindre. Du reste, cette enquête a eu lieu; elle a été confiée, en 1872, par M. le ministre des finances, à M. Tassy, conservateur des forêts. Son rapport, très-consciencieux et très-complet, sera mis sous vos yeux, et vous jugerez comme moi, j'en ai la conviction, qu'il suffit de mettre à profit les explications qu'il donne.

Pendant le cours de cette année, le personnel du service des forêts a été augmenté de vingt gardes français; vingt-quatre maisons forestières ont été construites, afin de placer les préposés à proximité des massifs dont ils ont la surveillance. Sept commissions ont pu être formées pour la reconnaissance et la délimitation. Un crédit de 88 750 francs a été porté au budget de 1877, afin d'en augmenter le nombre, de façon à terminer cette opération sur 258 000 hectares. Enfin, pour donner l'impulsion nécessaire, je vous propose d'inscrire 260 000 francs en sus du crédit actuel, dans vos prévisions budgédaires de 1878.

J'ai tout lieu d'espérer que nous arriverons, de cette façon, à ménager successivement les massifs dout la conservation présente dès à présent, un intérêt réel, à en préparer la mise en valeur, tout en dégageant de l'ensemble les parties qui, ne pouvant être conservées en nature de bois, fourniront de nouvelles ressources à la colonisation. Un des moyens les plus efficaces d'aider à la surveillance des forêts, tout en favorisant le développement des centres que nous créons, consiste à doter les communes de bois dont elles auront la libre jouissance, à la condition d'en assurer la garde et la conservation. C'est ainsi que 3 000 hectares ont pu recevoir cette affectation pendant l'année qui vient de s'écouler et que de nouvelles remises sont en préparation.

Une de mes préoccupations est de réaliser dans le service des forêts, comme vous en avez reconnu la nécessité, une décentralisation aussi large que possible, qui permette une étude plus immédiate et une solution plus prompte des affaires. Le fonctionnement de ce service sera ainsi simplifié, tout en laissant aux intérêts si sérieux qui lui sont confiés les garanties que leur assure une organisation se rapprochant de plus en plus de celle qui existe dans la métropole.

Un arrêté du 3 janvier dernier a attribué aux généraux administrant les territoires de commandement, le droit de déterminer, sur la proposition des inspecteurs du service forestier de chaque circonscription, le chiffre des amendes, des dommagesintérêts et des restitutions moyennant lesquelles les indigènes justiciables des conseils de guerre sont admis à transiger pour les délits et contraventions en matière forestière.

Une décision du 8 février, en attendant la loi relative au rachat du droit d'usage, a réglementé provisoirement l'exercice de ces droits. Les administrateurs locaux présentent les demandes des usagers, en indiquant la nature et la quantité des bois qui leur sont nécessaires et la partie de forêt dans laquelle ils peuvent les prendre. Le service forestier examine, statue et surveille la delivrance.

Dans le même ordre d'idées, le conservateur des forêts a également confié aux iuspecteurs de son service, dans les trois départements, le soin d'opérer la delivrance à prix d'argent des produits accidentels et des menus produits des forêts domaniales, dans des conditions déterminées et d'après un tarif arrêté d'avance. De nombreuses coupes de bois d'œuvre et de bois d'industrie ont été mises en adjudication pour subvenir aux besoins de la consommation locale. Sur ces exploitations, des travaux d'amélioration du sol forestier ont été, autant que le permet

JANVIER 1877.

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tent les règlements, imposés aux adjudicataires. On peut évaluer à 550 000 le nombre des chênes-liége mis de cette façon en valeur pendant l'exercice 1875-1876. Un décret du 22 juillet 1876 a autorisé, pour une période ne pouvant excéder dix-huit ans, la mise en ferme, par voie d'adjudication publique, d'un certain nombre de forêts de chênes-liége, d'une superficie totale de 22 000 hectares. Le cahier des charges destiné à régler ces exploitations a été approuvé le 9 septembre, et l'adjudication va avoir lieu. Le but qu'on s'est proposé est de mettre en valeur des massifs de chênes-liége appartenant à l'État, et d'en préparer l'aménagement, sans lui imposer aucun sacrifice.

D'autres lotissements sont, dès à présent, à l'étude.

Il a été procédé, en outre, le 3 octobre dernier, à l'adjudication du droit de récolter l'alfa, le diss et le palmier-nain, pour une période de trois, six ou neuf années, sur une étendue de 233069 hectares de forêts domaniales et communales dans le département d'Oran. Une semblable opération va se faire dans la province de Constantine.

Les produits en argent, constatés en 1875, au titre du service forestier, s'élèvent à 440 140 fr. 60, chiffre à peu près égal à celui constaté en 1874: 441 484 fr. 83, mais une augmentation sensible se produira cette année dans ces produits qui atteignaient déjà, au 1er juillet 1876, la somme de 291 588 fr. 08.

En 1875, le nombre des incendies avait considérablement diminué, grâce à J'application de la loi de 1874, au zèle de tous, et à l'empressement avec lequel les indigènes avaient combattu le danger chaque fois qu'il s'était présenté. Il n'en a pas été de même cette année à la fin de l'été, de fréquents incendies se sont manifestés dans la province de Constantine et dans une partie de celle d'Oran. En outre de vastes espaces de broussailles livrés aux flammes, les dégâts ont porté principalement sur les massifs boisés de Fendeck, de l'Oued-Soudan, de Fillila, des Zerdezas et de la Tenira. On s'est fort ému de ces sinistres, qu'on a du reste exagérés.

Si l'on a constaté sur certains points une malveillance manifeste, il faut reconnaître que, sur beaucoup d'autres, le feu n'est que la suite d'accidents rendus plus graves par une élévation de la température, et le plus souvent aussi, de la funeste habitude qu'ont les indigènes de préparer, par l'incendie, les pacages dont ils ont besoin. Il faut bien convenir que, malheureusement, les Européens eux-mêmes leur donnent trop souvent l'exemple, en brûlant leurs champs sans prendre les précautions prescrites. Chacun de nous a pu constater ce fait, et j'ai vu moi-même, en assistant aux manœuvres qui ont eu lieu aux environs d'El-Affroun, de nombreux foyers d'incendie éclairant, pendant la nuit, la plaine de Mitidja, de leurs lueurs

sinistres.

Quoi qu'il en soit, il faut que force reste à la loi, que les coupables soient trouvés ou punis, et que, partout où ils ne seront point découverts, les tribus soient responsables de ces incendies. Des enquêtes administratives et judiciaires se poursuivent activement et les douars compromis sont prévenus que, si les coupables ne sont pas signalés dans le délai légal, et si la malveillance est établie, ils encourront toutes les rigueurs de la loi du 17 juillet 1874.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

OUVRAGES FORESTIERS PUBLIÉS PENDANT LE QUATRIÈME TRIMESTRE 1876.

Guide théorique et pratique de cubage et d'estimation des bois, par Alexis Frochot, sous-inspecteur des forêts; avec 14 figures et. 1 planche in-18 jésus, 164 pages. Paris libr. Lacroix. Prix: 4 francs.

Traité des locations de chasse, suivi d'un formulaire contenant les différents actes, auxquels le droit de chasse peut donner lieu, par Lucien Jullemier, avocat ; in-18 jésus, 147 pages. Paris, libr. Firmin Didot.

Rapport à MM. les administrateurs des domaines sur l'organisation du service forestier en Roumanie, par M. Bouquet de la Grye, conservateur des forêts; in-8, 30 pages. Paris, impr. Hennuyer. (Extrait de la Revue des eaux et forêts.)

Code nouveau de la pêche fluviale, annoté et expliqué d'après la jurisprudence de la Cour de cassation et des Cours d'appel, par G. Martin, ancien avocat; Le édition, in-32, 276 pages. Paris, libr. Leautey. Prix: 2 francs.

Les insectes nuisibles à l'agriculture, aux jardins et aux forêts de la France, par V. Rendu, inspecteur général honoraire de l'agriculture; in- 18 jésus, 267 pages, 47 ligures. Paris, libr. Hachette. Prix : 3 francs.

Du sol des environs de Fontainebleau et de ses rapports avec la végétation, par P. Fliche, professeur à l'Ecole forestière; in-8, 19 pages. Nancy, impr. Berger-Levrault. (Extrait des Mémoires de la Société des sciences de Nancy.)

Le lièvre chasse à tir et à courre, par A. de la Rue, ancien inspecteur des forêts et des chasses de la couronne; in-18 jésus, 223 pages. Paris, libr. Firmin Didot.

Traité général de botanique descriptive et analytique, par MM. Emm. Le Maout, docteur en médecine, et J. Decaisne, membre de l'Institut, professeur au Muséum; in-4, VI-770 pages, 5 500 figures dessinées par Steinheil et Riocreux, 2e édition. Paris, libr. Firmin Didot.

Rapport sur la culture forestière, de M. de Saint-Victor, membre de la Société des agriculteurs de France; in-8, VIII-28 et plan. Paris, impr. Morris.

Chasse du sanglier, du renard, du blaireau et du lapin, par le commandant Garnier, membre du Conseil général de la Côte-d'Or; in-8, 224 pages. Paris, libr. Aubry. (Tirage à 150 exemplaires.)

Des phénomènes végétatifs qui précèdent ou accompagnent le dépérissement et la chute des feuilles, par E. Mer; in-8, 16 pages. Paris, impr Martinet. (Extrait du Bul letin de la Société botanique de France.)

Flore forestière, par A. Mathieu, conservateur des forêts, professeur d'histoire naturelle à l'Ecole forestière de Nancy; in-8, xxv1-618 pages, 3o édition. Nancy, libr. Berger-Levrault. Prix: 12 francs.

Nouvelle méthode d'exploitation des futaies ou Exposé sommaire d'un nouveau traitement à tire et haire destiné à remplacer la méthode dite allemande, par G. Vaulot, garde général des forêts; in-8, 26 pages. Langres, impr. Dejussieu.

CHRONIQUE FORESTIÈRE.

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Assemblée générale de la Société de secours des agents forestiers; diner de forestiers. Récompenses pour actes de dévouement. Vote du budget de l'Administration des forêts. Production des fers et fontes pendant le premier semestre 1876. Météorologie; appel aux agents forestiers. - Société de secours. Cotisations reçues. Don de M. de Saint-Prégnan.

L'assemblée générale de la Société de prêts et secours entre les agents forestiers aura lieu le lundi 19 février prochain.

Elle sera suivie d'un dîner, comme d'habitude, et tous les agents qui voudront prendre part à cette agape fraternelle sont instamment priés d'en informer huit jours au moins à l'avance M. Lecomte ou M. Guerrier de Dumast, à l'Administration centrale.

Les lieu et heure de la réunion et du dîner seront indiqués dans le prochain numéro de la Revue.

- Le Président de la République a décerné, sur la proposition du ministre de l'intérieur, les récompensss suivantes à des préposés forestiers qui ont accompli des actes de dévouement:

A M. Planet (Etienne), garde-forestier à Rousas (Drôme), qui, bien que se trouvant dans un état maladif, n'a pas hésité à se jeter à la nage pour sauver un enfant sur le point de périr dans un bassin. - Médaille d'argent de 2o classe;

A M. Roux (Arsène), brigadier forestier à Pleuissette (Jura), s'est distingué dans un incendie qui a réduit en cendres la moitié du village de Cuvier. Médaille d'argent de 2o classe;

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A M. Demarque (Eugène-François), brigadier forestier à Saint-Nicolasde-Couvron (Oise): belle conduite lors de l'invasion; s'est distingué en arrêtant des chevaux emportés et en abattant plusieurs chiens hydrophobes.

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La Chambre des députés a voté dans la séance du 4 décembre dernier le budget des dépenses de l'administration des forêts. Nous avons publié dans le numéro du 10 août le rapport de la commission du budget. Les chiffres proposés n'ont subi aucune modification. Le montant total des crédits alloués pour le service forestier, non compris les dépenses de l'administration centrale qui sont confondues avec celles du ministère des finances, s'élève à 12 995 732 francs.

-La direction des mines, au ministère des travaux publics, vient de pu blier le tableau de la production des mines de combustibles minéraux et de celle des usines à fonte, fer et acier, pendant le premier semestre de l'année dernière.

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