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IV

Abordons maintenant le côté critique de la question, et recherchons si les travaux de défense exécutés dans l'Esterel ont donné les résultats prévus.

De 1869 à 1877, il a été construit :

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245 208 fr.

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104 552

31 153

40,500 de routes de 3m, 40 de largeur pour le prix de.
63,500 de chemins de 2m,50 de largeur pour le prix de.
134,000 de sentiers de 1 mètre de largeur pour le prix de.
238,000 kilomètres de voies de communication pour le prix de..

381 133 fr.

De plus, 653 hectares ont été nettoyés moyennant une dépense de

74 905 francs.

Soit donc une dépense totale de 426 035 francs.

Quelle a été l'utilité de ces travaux au point de vue de la défense ?

Les routes, les chemins et même les sentiers ont, sur beaucoup de points, suffi pour arrêter le feu, lorsqu'il marchait à contre-vent ou que l'air était calme.

Ils ont permis, le premier jour, de défendre, au moyen de rapides contrefeux, les cantons ouest, menacés de nouveau et sauvés définitivement le troisième jour. Lors de cette dernière opération, la ligne du contre-feu avait 3 kilomètres; la tranchée à ouvrir ne fut que de 2 kilomètres, grâce aux routes qui purent être utilisées. Or, la tranchée fut terminée bien peu d'instants avant l'arrivée de l'incendie. S'il avait fallu ouvrir 3 kilomètres de tranchée, le feu passait.

Les chemins ont plusieurs fois servi utilement de bases au contre-feu. Ils ont enfin contribué à donner au travail de la défense une énergie constante, et assuré la rapidité des manoeuvres en diminuant les fatigues des hommes, présents sur le terrain trois nuits et quatre journées consécutives, en soutenant leur moral par la certitude d'une retraite assurée au cas d'insuccès, en faisant arriver exactement et rapidement à tous les rendez-vous les outils et les vivres.

Les nettoiements ont, à l'Esterel comme à Bagnols, protégé les peuplements. Au milieu de surfaces dévastées et noircies, voici un îlot de verdure: c'est un canton nettoyé ! Les chênes-liége généralement débroussaillés ont peu souffert.

Les tranchées nettoyées et expurgées le long des chemins ont été des bases de contre-feu constamment sûres.

Là où les produits des derniers nettoiements gisaient encore sur le sol, le feu a eu une intensité particulière et a causé un mal irréparable. Là où le sol était complétement propre, l'incendie a passé, aussi inoffensif qu'un petit feu d'hiver. Ces faits confirment tout ce qui a été dit, conseillé et pratiqué en fait de nettoiements; ils démontrent donc l'importance capitale de ces opérations.

Les outils de toute nature dont le service est approvisionné ont permis de donner une vive impulsion à toutes les opérations.

Les travaux exécutés à l'Esterel, depuis 1869, ont donc concouru puissamment à la défense. Ils n'ont pas arrêté court l'incendie, mais en face du déchaînement des éléments l'homme demeure parfois impuissant. Il a accompli sa tâche, lorsqu'il est parvenu à limiter la catastrophe qu'il ne pouvait conjurer.

Observons d'ailleurs que l'œuvre de la défense n'est pas terminée à l'Esterel. Le réseau des sentiers doit être complété, les enceintes sont trop grandes; les chemins, placés à flanc de coteau, sont rarement reliés entre eux; enfin les tranchées de crête font défaut.

En raison de la violence du mistral et du vent d'est qui dominent sur le littoral, le feu ne peut que très-rarement être combattu de front. On doit l'attaquer de flanc, le resserrer progressivement et, qu'on me permette l'expression, l'étrangler. Dans ces conditions, le contre-feu, il n'existe pas bien entendu d'autres moyens de défense est mis avec bon vent, il n'y a donc aucun inconvénient à l'asseoir sur la crête; si le vent est excessif, il y a même avantage. En effet, sur les crêtes, le vent a une direction régulière, tandis que le long des versants et dans le fond des vallons il est contrarié par le relief du terrain, produit des tourbillons et rend ainsi l'emploi du contre-feu très-dangereux.

Il sera donc utile d'avoir sur toutes les crêtes des tranchées de 3 à 4 mètres de largeur. Ces tranchées, très-rarement utilisables pour l'exploitation, mais favorables à la surveillance, seront débarrassées des arbres, arbustes et morts-bois, grossièrement nivelées et entretenues de manière à pouvoir être promptement balayées et utilisées pour le contre-feu.

La forêt domaniale de l'Esterel, d'une étendue de 4850 hectares, est englobée dans un massif de 35 000 hectares de forêts et de maquis situé entre Cannes et Draguignan. Les trois grands incendies du 1er au 7 septembre n'ont parcouru que 4 720 hectares; ce chiffre indique, disons-le en passant, l'importance de l'étendue préservée, dont le salut revient en partie aux efforts de l'homme.

Mais le domaine de l'Etat est menacé de toute part. L'administration doit donc se défendre de ses voisins; le récent incendie est, à cet égard, une éclatante et sévère leçon. La tranchée légale, de 20 à 50 mètres, est un obstacle insuffisant, non sans doute pour l'assiette du contre-feu, mais pour arrêter les flammes. Il faut, sur les rives de l'Esterel et ceci est applicable à toutes les forêts une ceinture de protection, large de 250 à 300 mètres au moins. Cette zone serait entretenue, parfaitement nettoyée; mais en raison de l'importance de cet entretien il sera nécessaire de recourir à un mode expéditif et économique ce mode est le petit feu. On fait au petit feu le reproche de stériliser le terrain, par la destruction de l'humus. Ce reproche est fondé, mais ici nous avons œuvre de salut à faire, et l'Etat aura avantage à retirer un moindre revenu de cette zone, si l'existence de son domaine demeure garantie.

Cette protection extérieure obtenue, il faudra s'occuper de l'intérieur de

la propriété. Continuant ce qui a été commencé, on débroussaillera les abords des chemins et des sentiers, sur 10 mètres de chaque côté. Ces larges tranchées décomposeront la forêt en enceintes, où le feu pourra être contenu et, en cas d'échec, poursuivi d'enceinte en enceinte. Ces tranchées devront, aux courbes des routes, s'élargir de manière à faire un pan coupé très-prononcé. C'est, en effet, dans les angles, que le contre-feu échappe d'ordinaire aux travailleurs.

Ce réseau terminé, on pénétrera dans les enceintes. Là où le débroussaillement n'a jamais eu lieu et où les bruyères ont pris un développement considérable, un nettoiement par extraction ou par coupe, suivant les circonstances, et qui coûtera de 80 à 120 francs l'hectare sera indispensable. Plus tard, on repassera au moyen du petit feu, qui, sous les perchis de vingt ans, ne cause déjà aucun dommage au peuplement. Cette opération revient à 4 francs l'hectare; elle ne sera renouvelée que deux à trois fois à cinq ans d'intervalle. Les bruyères ne résisteront pas à ce traitement partout où le massif sera complet.

L'introduction des essences feuillues-le chêne-liége principalement, puis le chêne-vert et le châtaignier a été conseillé avec raison. A l'Esterel, des places garnies de chênes verts sont demeurées intactes au milieu du feu; ce fait confirme l'enseignement. On comprend sans peine que de larges zones de bois feuillus, divisant les massifs de pins en cantons indépendants, rempliraient, dans un incendie, le rôle des cloisons étanches dans les navires. L'établissement de ces zones est déjà entrepris, mais c'est une affaire de temps, qui constituera essentiellement la seconde partie de l'œuvre de restauration. La première partie du travail, dans laquelle nous sommes encore engagés, est la défense immédiate du domaine. Et en effet, le danger demeure imminent, le feu peut éclater de nouveau l'année prochaine. Il faut donc agir promptement; et partout par conséquent ce sont les moyens de défense les plus expéditifs qui doivent avoir aujourd'hui la préférence, c'est-à-dire les routes, les tranchées et les nettoiements.

V

L'application de la loi de 1870 sur les incendies et le système de défense de la forêt de l'Esterel ont donc été soumis en 1877 à une épreuve décisive. Toutes les circonstances de cette épreuve confirment toutes les prévisions de la loi et l'utilité des travaux.

Le service de la surveillance a arrêté au début ou restreint à des limites modérées la plupart des incendies: 41 sur 48.

-

Les nettoiements des morts-bois quand l'enlèvement des produits a eu lieu ― ont garanti les peuplements. Les tranchées débroussaillées, les routes et les sentiers ont permis de multiplier les contre-feux et d'en obtenir la réussite dans la généralité des cas. Les insuccès sont dus à la rage du vent.

Toutes les voies de communication ont augmenté l'énergie et par suite l'efficacité de la défense.

D'autre part et comme démonstration par opposition, toutes les forêts non nettoyées et non percées ont été la proie des flammes, sans qu'il y ait eu, pour ainsi dire, de défense possible.

Il n'y a pas lieu d'invoquer, pour excuser l'étendue du désastre, la constance d'un violent mistral pendant trois jours, attendu que cette éventualité est à prévoir, et qu'elle doit dicter les prescriptions de la loi et régler les travaux de la défense.

Mais il faut observer que si la loi est bonne, malheureusement son application n'est pas généralisée; ainsi les particuliers n'ouvrent pas les tranchées périmétrales; les communes n'en font pas davantage, elles ne nettoient, sauf quelques exceptions, aucune de leurs forêts; elles ne construisent ni chemins ni sentiers; enfin le réseau général des 150 kilomètres de routes subventionnés par le Trésor public n'est pas commencé.

Quant à l'Esterel, les travaux ni même l'organisation ne sont terminés. Or, l'on ne peut juger la valeur d'un système que lorsqu'il est appliqué dans toutes ses parties et qu'il fonctionne.

Il reste à compléter les voies de communication, les tranchées de protection et le débroussaillement des enceintes, à terminer les maisons forestières, qui, au nombre de dix et complétées par des logements d'ouvriers, créeront autant de postes de surveillance et de secours; enfin à installer des appareils télégraphiques qui permettront, au premier éclat du feu, de prévenir et de concentrer le personnel de la forèt.

On pourra alors, sinon défier le feu, du moins en limiter les désastreux effets.

Plus tard, nos successeurs, poursuivant la transformation des massifs de pins en peuplements de chêne-liége et autres essences feuillues, parviendront sans doute à soustraire le domaine de l'Etat à toute chance de destruction.

Mais, pour le moment, il faut le répéter, les travaux de défense proprements dits doivent être poursuivis avec plus de résolution et d'activité que jamais. Il vaut mieux faire ce travail en dix ans qu'en vingt, en cinq ans qu'en dix; la dépense ne sera pas plus forte et l'on aura échappé à des risques permanents. Si tous les travaux avaient pu être achevés au 1er septembre 1877, l'Esterel eût été préservé!

Dans les Maures de l'Esterel, une forêt brûlée n'est pas du tout une forêt détruite, puisque dès le lendemain l'état boisé se reconstitue. L'intérêt de la défense subsiste toujours, on peut même dire qu'il augmente dans les années qui suivent un incendie. Ainsi les 1 360 hectares boisés, brûlés à l'Esterel, vont immédiatement se réensemencer grâce aux graines abondantes des peuplements actuels; mais si les nouveaux semis sont détruits avant d'avoir atteint l'âge de vingt ans, ils seront remplacés pour longtemps par des vides absolus, l'absence d'arbres fertiles rendant impossible le repeuplement immédiat du terrain.

A. DU GUINY.

L'ÉCOLE FORESTIÈRE DE HOHENHEIM.

L'Académie royale agricole et forestière du Wurtemberg à Hohenheim est installée dans un véritable palais réunissant toutes les ressources nécessaires pour l'enseignement de l'économie rurale, de l'agriculture et de la sylviculture. L'établissement est entouré de vastes terrains renfermant des champs d'expérience et des jardins botaniques; on y trouve toutes les facilités pour les études théoriques et pratiques. L'instruction s'y donne au moyen de cours, de devoirs. Des excursions et des travaux d'application complètent l'enseignement, qui dure deux années. Il y a deux sessions par an l'une commence le 15 octobre pour finir le 2 mars; l'autre s'ouvre le 1er avril et se termine au 15 août; puis viennent deux mois de va

cances.

Il y a trois branches distinctes d'études :

1° Land-wirthschaftliche Disciplinen: ce cours embrasse tout ce qui a rapport à l'agriculture et à l'économie rurale;

2o Forst wirthschaftliche Disciplinen: enseignement relatif au traitement des forêts;

3o Grund und Hilfs-wissenshaften: sciences fondamentales et accessoires.

L'arrangement des cours est tel que les élèves peuvent suivre l'enseignement donné dans l'une ou l'autre des deux premières branches ci-dessus mentionnées, ou bien étudier l'une plus à fond tout en profitant partiellement de l'autre. Dans les deux cas, ils peuvent assister encore aux cours professés sur les sciences fondamentales et accessoires. Les sujets d'étude sont les suivants, mais l'ordre dans lequel on voit les matières n'est déterminé définitivement que par les convenances des professeurs et des élèves.

I. ÉCONOMIE RURALE.

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A. Histoire de l'économie rurale. Littérature et bibliographie. B. Agriculture. Productions agricoles. Généralités sur la production agricole. Amélioration des sols. Drainage a. Outils et machines agricoles; b. Enseignement spécial: Céréales et produits similaires. A la fin de la dernière session on fait des cours spéciaux sur la culture et la manipulation du houblon et du tabac, le chaulage, la culture des arbres fruitiers et des plantes potagères; c. Généralités sur l'élevage des bestiaux. Applications à l'élève des moutons et à la préparation de leur laine. Dans la dernière session, leçons particulières sur l'élevage des chevaux, des bœufs, du petit bétail. Culture des vers à soie et des abeilles.

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