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dans la salle du directoire du département. Le directoire du département leur annonça qu'il avait nommé deux députés pour se réunir à eux et se rendre à la maison commune.

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« Le substitut du procureur de la commune a observé que le conseil général avait besoin, dans la crise cruelle où se trouvait la cité, des lumières du corps entier; que l'objet de leur mission ne serait pas rempli s'ils acceptaient deux députés, et qu'ils allaient se retirer. Cette observation a été sentie de la part des administrateurs, qui se sont déterminés tous à quitter leurs fonctions pour se rendre également au vœu du conseil général de la commune. De là les membres du conseil et les administrateurs du département et du district se sont transportés à la maison commune.

« Tous les corps administratifs réunis en assemblée générale, à la maison commune, ayant été informés qu'une troupe de gens armés, composée de ci-devant nobles et de domestiques, était apostée sur la place de Saint-Sauveur, et qu'elle n'était commandée par aucun chef de la garde nationale, ont chargé un officier-major d'aller reconnaître cette troupe. Cet officier est parvenu à la conduire sur la place Saint-Pierre. On a représenté à ceux qui la composaient, qu'ils auraient dù se rendre chacun dans la compagnie de son quartier, et se ranger sous le commandement du capitaine de la garde nationale. On avait des soupçons sur les dispositions de ces particuliers, et on les a fait entrer dans la cour de la maison commune. Ils ont été amenés et entendus séparément, partie devant les corps administratifs, et les autres devant les commissaires nommés, et tous ont été désarmés. Les corps administratifs avaient d'abord décidé qu'ils seraient renvoyés; mais une lettre anonyme, énonciative d'un projet de coalition entre les ci-devant nobles, trouvée sur l'un de ces particuliers, et qu'il s'efforçait de mettre en pièces, a déterminé les corps administratifs à les envoyer en état d'arrestation au château, autant pour leur propre sûreté que pour mettre le conseil général à portée de se procurer des renseignements.

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Au premier mouvement d'insurrection, des gardes nationaux ont arrêté, dans le quartier Saint-Martin, le sieur d'Héricy de Vaussieux qui était en voiture et qui paraissait quitter la ville avec ses domestiques. Ces gardes Tont désarmé et conduit au château. Dans ces entrefaites, un particulier qui avait insulté les gardes nationaux, dans le quartier Saint-Gilles, a été désarmé et conduit au château. On a trouvé dans l'une de ses poches le projet écrit de coalition sur lequel nous avions eu féveil par la lettre dont il a été fait mention ci-dessus. Cet écrit présente un plan détaillé, article par article, d'une formation de comités qui remplaceraient les corps légalement constitues; il presente aussi une liste de confédérés pris parmi les ci-devant nobles et les citoyens dits « honnêtes et mécontents ». Les chefs conspirateurs y sont désignés, les signes de ralliement y sont marques; on y parle d'officiers de justice, de membres de corps administratifs sur lesquels on paraissait compter; et cette conspiration, ce projet abominable devaient avoir leur exécution au premier éveil, à la première alerte.

« On a trouvé, en outre, sur un des particuliers, un papier qu'il s'efforçait de soustraire et de déchirer; c'était un nouveau projet de rassemblement sous les ordres de deux chefs ci-devant nobles qui sont les sieurs Durosel et d'Hé

ricy, lieutenants généraux des armées du roi. Enfin, une autre lettre nous a appris que l'exécution du projet devait avoir lieu le lundi suivant et que les mécontents de la ville de Bayeux, avec lesquels ce projet était sans doute commun, se rendraient en la ville de Caen, et se réuniraient aux conspirateurs de cette ville. Nous avons fait encore quelques découvertes qui toutes se rapprochent du projet de conspiration. Les particuliers mis en état d'arrestation sont au nombre de 82. (Applaudissements.)

Les premières opérations finies, les corps administratifs assemblés se sont occupés d'un projet d'arrêté. Si, d'un côté, l'on avait des inquiétudes sur les dispositions des émigrants qui depuis quelque temps résidaient dans la ville de Caen, de l'autre, nous avions été les témoins du fait qui avait donné lieu à l'insurrection. Ce n'a été qu'après une discussion approfondie que les corps administratifs ont arrêté, à la grande majorité des suffrages: 1° que tous les étrangers logés chez les aubergistes, soit dans les hôtels garnis ou maisons particulières, seront tenus de se rendre en personne, sous 24 heures, en la maison commune, pour y être entendus sur les motifs de leur résidence, et de donner une déclaration de leurs armes, de quelque nature qu'elles soient, et de les y déposer; 2° que tout prêtre non sermenté, serait tenu de se dispenser provisoirement de célébrer la messe dans aucune église de la ville de Caen, jusqu'à ce qu'il ait été référé à l'Assemblée nationale des motifs impérieux qui ont déterminé tous les corps administratifs à reprendre ledit arrêté et qu'elle ait pris les mesures convenables aux circonstances.

« Cet arrêté pris, les administrateurs du département n'ont pas cru devoir le signer, à l'exception de M. Richier, et ils ont quitté la séance. Les administrateurs du directoire du district l'ont signé avec les membres du conseil général de la commune, et nous ont éclairés de leurs lumières jusqu'à une heure du matin, sur les incidents qui survenaient à chaque instant. Nous nous sommes occupés ensuite du soin de faire visiter les personnes mises en état d'arrestation, et de leur procurer les choses de nécessité. Des commissaires ont été nommés pour les interroger séparément. Les municipalités de Lisieux et de Bayeux nous ont envoyé des députés pour nous offrir du secours. Nous avons formé un comité de surveillance.

Fait et arrêté ce jourd'hui, etc.

Signé

Les MEMBRES du conseil général de la commune;

« Les MEMBRES du directoire du district;

RICHIER, membre du directoire du département. »

M. Cambon. Messieurs, nous voulons que les corps administratifs, que les pouvoirs judiciaires fassent leur devoir; il est temps que nous en donnions l'exemple. Il faut que la Constitution soit exécutée; c'est la Constitution à la main, que je viens faire une proposition qui me paraît devoir réunir tous vos suffrages et que je réclame l'exécution de l'article suivant:

La Constitution délègue exclusivement au Corps législatif le pouvoir d'accuser et de poursuivre devant la haute cour nationale ceux qui seront prévenus d'attentat et de complot contre la sûreté générale de l'Etat ou contre la Constitution. »

Or, Messieurs, nous avons maintenant la certitude qu'il existe les plus criminelles machinations dans tout le royaume ; il est temps que nous mettions fin à tous ces dissentiments et que nous réduisions les mécontents à l'obéissance qu'ils doivent à la loi. Le seul parti qui nous reste à prendre est de convoquer de suite la haute cour nationale. (Applaudissements dans la salle et dans les tribunes.)

J'espère que cette proposition ne souffrira pas la moindre contradiction. Il faut, Messieurs, vérifier les faits contenus dans le procès-verbal dont il vous a été donné lecture on inculpe un corps administratif supérieur, on accuse des particuliers d'avoir voulu porter atteinte à la Constitution; il faut absoudre ceux qui sont innocents et punir ceux qui sont coupables.

Je propose donc de décréter sur-le-champ la convocation de la haute cour nationale. (Vifs applaudissements.)

Un membre: Je demande qu'on aille aux voix sur-le-champ.

Plusieurs membres: Aux voix ! aux voix ! (Une grande agitation règne dans l'Assemblée.) M. Guadet est à la tribune; les cris de ceux qui demandent d'aller aux voix l'empêchent de parler.

M. Delacroix. Je demande qu'on entende tous ceux qui veulent parler pour ou contre la proposition.

M. Albitte. Il n'y a plus de doute il y a une conjuration à l'extérieur et à l'intérieur. Nous devons nous dire qu'il faut ou mourir, ou veiller. La haute cour nationale doit veiller contre les conspirateurs. Je demande donc qu'elle soit convoquée.

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée est dans le plus grand trouble.) M. le Président. M. Guadet, ne prenez la parole qu'après que le calme sera rétabli.

Je rappelle à l'Assemblée que plus la matière est grave, plus il est nécessaire de délibérer avec tranquillité. (L'Assemblée se calme.)

M. Guadet. Dans une circonstance qui intéresse la sûreté de l'Etat, il ne faut pas se livrer à un élan d'enthousiasme qui ne pourrait nous empêcher d'atteindre le but que nous nous proposons. Or, ce but ne sera pas atteint si vous convoquez seulement la haute cour nationale. La Constitution ne sera pas observée, tant que vous n'aurez pas nanti la haute cour nationale de la connaissance du crime que vous lui dénoncez. Il faut donc décréter d'abord qu'il y a lieu à accusation contre les auteurs et fauteurs des troubles excités dans la ville de Caen comme prévenus de complicité contre la sûreté générale de l'Etat, et qu'à cet effet la haute cour nationale est convoquée dans la ville d'Orléans par exemple. (Non! non!)

Alors le vœu de la Constitution sera rempli. Je propose, en conséquence, le décret suivant :

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L'Assemblée nationale porte décret d'accusation contre les auteurs et fauteurs des troubles excités dans la ville de Caen, comme prévenus d'attentats contre la sûreté générale de l'Etat et de conjuration contre la patrie. En conséquence, elle décrète que la haute cour nationale sera convoquée dans le délai de... »

M. Ducastel. Je demande qu'avant tout, la municipalité de Caen fasse parvenir à l'Assem

blée les procès-verbaux et autres pièces nécessaires.

M. Lecointe-Puyraveau. La Constitution française paraît avoir dans ce moment deux espèces d'ennemis redoutables: les uns cherchent à porter la hâche au pied de l'arbre de la liberté; les autres, insectes rongeurs, cherchent chaque jour à pénétrer dedans pour en gâter le cœur. Vous avez déjà trouvé les moyens de réprimer les premiers; il faut chercher les moyens les plus efficaces pour écraser les seconds. Représentants du peuple, ne vous rendez pas indignes du choix que l'on a fait de vous. Vous êtes ici pour exprimer la volonté générale. Cette volonté générale s'est suffisamment manifestée; la voix puissante du peuple s'est fait entendre de toutes parts gardez-vous de la méconnaître. Mille pétitions vous disent que ces troubles occasionnés dans toutes les parties de l'Empire, le sont par des prêtres non assermentés; de toutes parts on vous indique les précautions que vous devez prendre contre eux; c'est à vous de suivre les indications qui vous sont données.

On prétend, Messieurs, que parmi les conjurés désignés dans les pièces saisies, doivent se trouver des magistrats, des juges, des administrateurs. Moi, Messieurs, je suis chargé par le comité des pétitions de vous faire un rapport qui, peut-être, vous prouvera que cette coalition dont on vous a parlé dans les procès-verbaux de la municipalité de Caen, n'est pas seulement entre les honnêtes citoyens et les honnêtes mécontents des villes de Caen et de Lisieux. Peut-être qu'il sera possible de vous prouver que cette coalition a des défenseurs très zélés et des partisans très chauds dans le département de la Moselle et notamment dans le district de Thionville. Je consulte l'Assemblée dans ce moment pour savoir si elle juge convenable que je lui fasse ces rapports au nom du comité des pétitions qui m'en a chargé depuis quatre jours.

Voix diverses: Oui! oui! Non! non! - Ce n'est pas là la question!

M. Lecointe-Puyraveau. Je suis dans la question. Vous cherchez des lumières dans les complots contre la nation, cette pétition vous en fournira.

M. le Président. Je consulte l'Assemblée. (L'Assemblée, consultée, décide que le rapport sera entendu.)

M. Goupilleau. Je demande la parole pour une motion d'ordre. (Non! non!)

(L'Assemblée, consultée, décide que M. Goupilleau sera entendu.)

M. Goupilleau. Je ne viens point vous apporter des plaintes vagues; elles sont précises et prouvées par le fait même, et je ne suis dans ce moment que l'écho du public. Vous avez décrété, le 30 octobre, que la proclamation du décret relatif à Louis-François-Stanislas-Xavier, prince français appelé à la régence, serait faite dans trois jours, à compter du décret, que trois jours. après la proclamation le ministre de la justice serait tenu de rendre compte des diligences qu'il aurait faites pour promulguer la loi. Eh bien! Messieurs, cette loi est sans exception; nous ne voyons ni proclamation, ni compte rendu par le ministre.

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M. le Président. Un membre vient de m'apprendre que la proclamation est affichée et qu'il la lue ce matin.

M. Couthon. Que la proclamation soit affichée ou non, le décret n'est pas rempli; le ministre devait nous rendre compte dans trois jours, et il ne l'a pas fait.

M. Delacroix. Je me plains de ce qu'au moyen de toutes ces questions on éloigne l'attention de l'Assemblée. On a décrété que le rapport du comité des pétitions serait entendu. demande l'exécution de ce décret.

M. Lecointe-Puyraveau, au nom du comité des pétitions (1). Voici le rapport :

Le 19 du mois de septembre, le procureursyndic du département de la Moselle convoqua les électeurs et notamment ceux du district de Thionville pour procéder à la nomination des administrateurs. Cette lettre de commission indiquait que, par suite, on procéderait à la nomination des curés constitutionnels en remplacement de ceux non assermentés dont il joignait la liste. Les électeurs étaient assemblés: c'était le lundi. Le procureur-syndic leur fit savoir que les décrets voulaient que les élections des curés fussent faites un dimanche. En conséquence de cet avis, les électeurs se séparèrent, et l'Assemblée se forma le dimanche suivant, 25 septembre. Les élections furent faites suivant la liste des cures vacantes qui fut remise de nouveau par le procureur-syndic. Les curés nommés reçoivent l'institution canonique et sont installés. Après toutes ces formalites, qui croira que les curés non assermentés, qui avaient refusé de se soumettre à la loi, ont pensé qu'ils pouvaient rentrer dans leurs cures, et en chasser ceux qui avaient été légalement élus.

En conséquence, ils ont présenté au Directoire du département une pétition, des observations, des mémoires pour demander que les curés constitutionnels, éfus les 25 et 26, fussent chassés de leurs cures et qu'on y replaçat et réintégråt les curés qui avaient été destitués. Cette prétention doit étonner sans doute, mais votre étonnement ne sera peut-être pas moins grand lorsque j'anrai l'honneur de vous apprendre que, sans prendre l'avis du directoire de district, le directoire du département a assez méconnu la loi pour porter un arrêté qui a dit que les curés non assermentés seraient réintégrés dans leurs cures, et que les curés constitutionnels seraient tenus de se retirer. (Murmures.)

Messieurs, j'ai été rigide dans l'exposé des faits.....

Plusieurs membres: Lisez les pièces !

M. Lecointe-Puyraveau, rapporteur. On demande que je lise les pièces. Voici un exploit signifié par un huissier, à un curé constitutionnel. Quoique son griffonnage soit fort difficile à lire, cependant je vais essayer.

Un membre: Je demande qu'on établisse, une fois pour toutes, qu'il n'y a pas de curés constitutionnels. (Murmures.)

M. Lecointe-Puyraveau, rapporteur. Messieurs, je trouve dans la pièce, curé constitutionnel; rapporteur exact et fidèle, je dois me servir du terine que je trouve dans la pièce. La voici :

(1) Voyez Archives parlementaires, 1" série, t.XXXIV, séance du 26 octobre 1791, p. 413.

« Extrait du registre des délibérations du département, 12 octobre 1791, sur le rapport d'une pétition présentée par Juving, cure, etc. (Murmures.)

Plusieurs membres: Lisez donc?

M. Lecointe-Puyraveau, rapporteur. L'écriture est illisible; mais un membre de cette assemblée m'a remis une copie de l'arrêté du Directoire du département, que je vais vous lire.

Un membre: Nous le connaissons; il a déjà été lu à l'Assemblée.

M. Lecointe-Puyraveau, rapporteur, donne lecture de l'arrêté :

« Sur le rapport d'une pétition de MM. Juving et Lapierre contenant opposition à leur remplacement, le directoire du département, ouï et ce requérant le procureur général syndic:

Considérant que, suivant la Constitution française, les fonctions des assemblées primaires et électorales se bornent à élire, et qu'elles doivent se séparer aussitôt après les élections faites, sans pouvoir se former de nouveau, que lorsqu'elles sont convoquées, si ce n'est dans les deux cas qu'elle prévoit que les opérations d'un corps électoral doivent être indiquées à chacune des élections par lettre de convocation du procureur-syndic, dans le cas du rassemblement des électeurs d'un district; par lettre du procureur général syndic, dans le cas de la réunion des électeurs du département, et qu'il ne peut s'occuper que des élections qui lui sont désignées par ladite lettre;

Considérant que l'assemblée électorale du district de Thionville s'est écartée des principes constitutionnels en s'ajournant, de son autorité, du 19 septembre au 25, et en procédant ledit jour au remplacement des curés non conformistes, pour lequel elle n'avait pas été convoquée; que, d'un autre côté, la loi du 18 mars accordant aux fonctionnaires publics la faculté d'être admis au serment jusqu'au commencement du scrutin, il était de toute justice de les prévenir ;

Considérant, en outre, que ces formes de rigueur ne pouvaient être suppléées par l'avis donné au corps électoral, pendant sa réunion, des cures vacantes dans ce district, qu'en se conformant à ce que la loi exige dans cette partie, ce n'était pas l'état des cures vacantes, mais la liste certifiée des curés non-conformistes qui devait être fournie audit corps électoral, attendu qu'une cure n'est vacante que par mort ou par démission, et ne l'est pas par le défaut de prestation du serment du fonctionnaire public qui peut le prêter encore au moment d'être remplacé ;

Déclare, en conséquence, nulles toutes le sélections faites en remplacement des curés non conformistes par le corps électoral du district de Thionville; arrête, etc. »

Un membre: Le renvoi au comité de législation.

M. Léopold. Je demande qu'il soit fait mention honorable de l'arrêté du Directoire du département de la Moselle, comme étant fait dans les principes de la Constitution. (Murmures.)

M. Merlin. Je demande que le rapporteur soit entendu.

M. Lecointe-Puyraveau, rapporteur. Tous ces faits, Messieurs, ont été pesés par votre comité des pétitions; il a cherché à connaitre en détail les principes relatifs à la matière.

Le comité des pétitions a considéré d'abord

que la liste envoyée pour le procureur-syndic du district au corps électoral, était une indication formelle de l'intention où il était de les convoquer pour procéder à la nomination de ces curés, et qu'ensuite l'avertissement donné par le procureur-syndic du district, que la nomination des curés ne pourrait avoir lieu qu'un dimanche, était un avertissement et je dirai même une convocation formelle, pour que le corps électoral se rassemblât le dimanche suivant. C'est en vertu de ces principes, que le comité a pensé que les élections avaient été régulièrement faites. Il a considéré que le corps constituant avait déclaré valable la nomination de l'évêque, quoiqu'elle eût été faite à liste double, malgré que le décret portât que les nominations seraient faites par scrutin individuel. Sur cet exemple, votre comité, après avoir bien examiné les extraits du procureur général du département, envoyés à chaque électeur, lus par le procureur-syndic du district lui-même, croit pouvoir vous proposer le décret suivant :

L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des pétitions, et déclaré qu'il y a urgence, attendu qu'il importe au bien public que le bon ordre se rétablisse dans le district de Thionville, département de la Moselle, décrète définitivement que les curés nommés par les électeurs du district de Thionville les 25 et 26 septembre, sont et demeurent régulièrement élus. » Plusieurs membres : Quel rapport cette affaire a-t-elle avec celle de Caen?

M. Ducastel et plusieurs autres membres insistent pour qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de l'arrêté du Directoire du département de la Moselle, attendu qu'il est très conforme à la Constitution.

M. Delacroix. Messieurs, j'ai entendu, et avec beaucoup d'attention, le rapport qui vous a été fait par votre comité des pétitions. J'imaginais trouver un fil de correspondance entre les faits arrivés dans le district de Thionville et la conspiration qui vient de vous être dénoncée avoir pris naissance dans la ville de Caen, et ce fil de correspondance, personne ne l'a aperçu. Je trouve, au contraire, dans l'exposition qui est faite par les administrateurs de département, qu'ils se sont presque en tout conformés à la loi, excepté qu'ils n'ont pas consulté le district. Leurs principes sont très constitutionnels.

M. Merlin. A la tribune! (Ah! ah !).

M. Delacroix. Mais, Messieurs, en supposant que leur délibération ne remplisse pas les vues de l'Assemblée, on ne peut pas l'imputer à mauvaise volonté, parce qu'il n'y a pas de lois qui autorise les corps électoraux à s'ajourner; mais je demande que l'on ajourne le rapport dont les principes ne sont pas suffisamment développés, et qu'on reprenne la discussion de la question de la conjuration de la ville de Caen; discussion qui n'a été interrompue que parce qu'on vous a fait penser mal à propos qu'il y avait une espèce de correspondance entre les conjurés de la Moselle et ceux du Calvados. Je ne crois pas que l'Assemblée puisse se refuser à la proposition que je lui fais, et je le crois avec d'autant plus de raison, qu'elle se souviendra que par un décret provisoire elle a maintenu les curés élus par le corps électoral. Il n'y a donc point de provisoire sur l'affaire du district de Thionville, et il y en a beaucoup sur l'affaire de Caen. Je fais donc la motion qu'on ouvre à l'instant la

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Art. 10.

Lorsque le Corps législatif aura décrété qu'il se rend accusateur, il fera une proclamation solennelle pour annoncer la formation d'une haute cour nationale, et fera rédiger l'acte d'accusation de la manière la plus précise et la plus claire, et il nommera deux de ses membres pour, sous le titre de grands procurateurs de la nation, faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de l'accusation. >>

Si l'Assemblée me le permet, je lui observerai que, d'après la lecture de la loi, la première question que nous devions discuter est celle-ci : Y a-t-il lieu ou non à accusation d'après les faits contenus au procès-verbal du département du Calvados? »

M. Ducastel. Avant que vous ayez discuté s'il y a lieu à accusation, je crois que, par la raison qu'il y a des pièces trouvées sur les lieux, il faut auparavant que vous les connaissiez, pour savoir si vous entendrez les témoins; c'est la base de votre décret d'accusation, car, jusqu'ici, vous n'avez qu'une simple relation des faits. On n'ignore pas qu'il y a une conspiration dans l'intérieur et même à l'extérieur du royaume ; mais avant que vous portiez un décret d'accusation contre les auteurs des troubles, faites-vous représenter toutes les pièces. Puisque l'accusation les met dans le cas d'un décret de prise de corps, il faut absolument que vous ayez toutes

les pièces à l'appui de la dénonciation; en ce moment, ce n'est qu'une simple dénonciation.

M. Merlin. Dès le premier moment où nous nous sommes rassemblés, de toutes les parties de l'Empire on a apporté à l'Assemblée nationale, des plaintes, tantôt contre les officiers des troupes de ligne, tantôt contre les administrateurs civils.

Plusieurs membres: Au fait, au fait!

M. Merlin. Eh! laissez donc, Messieurs, je vous en prie...., tantôt contre les prêtres assermentés. Aujourd'hui la ville de Caen vous envoie des procès-verbaux où des nobles et des prêtres non assermentés sont inscrits nommément. Vous avez donc, Messieurs, dans ces procès-verbaux, au moins une preuve donnée par des corps administratifs, chargés par la Constitution de veiller au maintien de la tranquillité publique, que telles ou telles personnes sont accusées d'être les auteurs des troubles qui ont bouleversé la ville de Caen et mis en défaut la sûreté de l'Empire.

Je demanderais donc, Messieurs, que l'on portât d'abord une accusation contre les personnes dénommées dans les procès-verbaux que la ville de Caen vous a envoyés, et que sur toutes les autres qui vous ont été dénoncées, on rassemble, comme l'a fort bien dit M. Ducastel, toutes les autres pièces qui ont été envoyées à l'Assemblée nationale jusqu'à aujourd'hui; que du résultat de ces pièces on formât une accusation contre toutes les personnes qui y sont inscrites. Ainsi, Messieurs, je me résume et je demande que l'Assemblée porte d'abord un décret d'accusation contre les personnes inscrites dans les procèsverbaux de l'assemblée générale de la commune de Caen; qu'ensuite l'Assemblée convoque, suivant les voies légales, la haute cour nationale; et qu'à la diligence de la nation, par ses deux représentants, on poursuive, par devant la haute cour nationale, les personnes accusées dans les différents procès-verbaux des différents conseils généraux, des commissaires, qui nous ont été envoyés.

Un membre: La dénonciation qui vous a été faite est signée de beaucoup de personnes. Elle est revêtue des formes qui vous mettent en mesure de rendre le décret d'accusation, et convoquer la haute cour nationale. Messieurs, une grande trame se manifeste, elle embrasse le royaume. Attendez-vous qu'elle ait éclaté dans plusieurs endroits, et qu'enfin vous soyez embarrassés dans les mesures que vous aurez à prendre, il est temps de prendre des précautions; je demande que, dès ce moment, le décret soit rendu pour l'accusation de ceux qui sont dénonmés dans les procès-verbaux du conseil général de la commune de Caen.

M. Isnard. Messieurs, à moins de vouloir se refuser à l'évidence, on ne peut douter qu'il existe à Caen de grands criminels de lèse-nation; et vous ne pouvez vous empêcher de porter le décret d'accusation et de convoquer la haute cour nationale contre ceux qui sont dénoncés dans le procès-verbal des corps administratifs. C'est la seule ressource que vous ayez. Il faut enfin sortir de son fourreau ce nouveau glaive de la loi qu'a fabriqué la liberté. Ce n'est qu'en faisant tomber la foudre au milieu de nos ennemis que vous leur apprendrez à reconnaître enfin, et à respecter votre toute puissance. Lorsqu'on tient, comme vous, les rênes de l'Empire,

on ne doit avoir ni crainte, ni pitié, il faut que tout fléchisse devant la loi. Car si une fois, ceux qui en sont l'instrument, qui doivent la faire exécuter, si une fois ceux-là montrent de la faiblesse envers les coupables, alors ils ne sont plus dignes de commander au nom de la loi.

Agissons done avec le courage et la force qui conviennent aux représentants de la nation: sachons oser; ne nous laissons pas épouvanter par la grandeur de nos actions; convoquons, immédiatement après l'accusation, la haute cour nationale; que les principaux coupables montent sur l'échafaud, et vous verrez tout le reste mordre, en frémissant, le frein de la loi, mais s'y assujettir. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. Delacroix. Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit, dans cette tribune, à Toccasion des faits qui se sont passés dans la ville de Caen: ces faits sont constatés, non pas par une lettre particulière, mais par une expédition en forme, envoyée par le secrétaire greffier de la munici palitě. D'après cela, Messieurs, nous devons regarder comme certain, comme positif, tout ce qui y est énoncé. Maintenant je vais m'occuper de répondre à l'objection qui a été faite par M. Ducastel, et démontrer que nous ne sommes pas obligés, que nous ne pouvons pas attendre des renseignements ultérieurs pour nous déterminer à prononcer qu'il y a lieu à accusation.

L'article 9 de la foi de création de la haute cour nationale, sur lequel M. Ducastel fonde son observation, est celui même sur lequel je me fonde pour combattre son opinion. Que porte cet article? Il porte que le Corps législatif pourra entendre des témoins à sa barre, avant de déclarer qu'il y a lieu à accusation. Le mot pourra est seulement facultatif; ainsi vous n'êtes point tenus, avant de porter votre décret d'accusation, d'attendre, comme il vous l'a dit, des renseignements ultérieurs des procès-verbaux qui vous sont expédiés, encore moins d'entendré des témoins.

Ah! Messieurs, quelle preuve plus légale pouvez-vous vous procurer qu'un procès-verbal qui a été rédigé par le conseil général de la commune, par les administrateurs du district, qui tous l'ont signé, et en présence du directoire du département, que je ne veux pas inculper parce qu'il n'a pas signé? La municipalité vous annonce des faits qui sont désolants; la municipalité vous annonce qu'il y avait une conjuration, elle vous indique, elle vous cite les deux chefs de cette conjuration. Elle a fait plus; elle a mis en état d'arrestation 82 personnes qui ont été saisies en flagrant délit. Dans le nombre de ces 82 personnes sont les chefs des conjurés qui sont euxmêmes détenus avec leurs complices. Or, je vous le demande, Messieurs, il faut absolument prononcer sur cette détention; car on ne peut pas les détenir arbitrairement. Il faut absolument que la municipalité les élargisse ou qu'on les dénonce à un tribunal pour être jugés.

Je propose à l'Assemblée nationale de décréter qu'elle prend pour dénonciation la copie du procès-verbal qui a été envoyé par la municipalité de Caen, copie qui lui a été adressée officiellement par le conseil général de la commune, et qu'elle prononce qu'il y a lieu à accusation. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. Lagrévol. La première question que nous ayions à examiner, est celle de savoir si le délit dont on se plaint est de la compétence de la haute

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