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de Coblentz et de Worms. Si l'on m'objecte que des commissaires civils peuvent seuls consoler les Avignonais et rétablir la paix, j'appellerai à mon tour à l'opinion publique sur le compte des commissaires civils, et je dirai qu'un seul mot de l'Assemblée nationale consolerait ces malheureux, qu'un seul mot soutiendrait leur courage, que la protection qui leur serait promise les rendrait fermes et inébranlables au milieu des maux qui les assiègent, que cette protection les rappellerait à l'ordre et à la paix, et que nous aurions beaucoup fait d'ailleurs, si nous montrions que nous sommes sensibles et que nous savons compatir aux maux des malheureux. J'ai rédigé une adresse très courte qui pourrait servir à cet objet. Je demande que l'Assemblée veuille bien l'entendre. Si l'Assemblée rejette ma proposition, je propose, du moins, par amendement, que l'Assemblée nationale charge son président d'écrire au peuple avignonnais pour le porter à espérer que la loi le vengera des atteintes qui ont été portées à sa liberté, que la loi le protégera à l'avenir contre les complots de ses assassins.

M. Tartanac. Je demande l'ajournement de cette motion jusqu'après le rapport du comité de législation sur l'affaire d'Avignon.

M. Bréard. Je demande que l'on renvoie au comité de législation. Il nous fera sur cette matière un rapport, et dans la discussion l'adresse sera lue.

Un membre: J'observe que les commissaires civils qui ont été envoyés à Avignon, ont été nommés par le pouvoir exécutif sur la présentation de l'abbé Maury. Ils ne sont pas entièrement dignes de la confiance publique. En conséquence, je demande que l'Assemblée examine attentivement et s'occupe sans délai des instructions criminelles commencées par les sections et par les ordres des commissaires.

Un membre: Je crois, Messieurs, qu'il ne suffit pas de se montrer sensibles, par des phrases, sur le sort malheureux des Avignonnais. Je crois qu'il serait encore plus digne de la sensibilité française, de la générosité de la nation, de s'occuper du sort des familles des victimes infortunées de la fourberie monacale qui a porté tant de troubles dans le Comtat et à Avignon. Ainsi, je fais la motion additionnelle que l'Assemblée prenne en considération le sort des malheureuses familles qui sont actuellement sans moyens de subsistance, ayant perdu les unes, leur père, les autres, leurs frères ou leurs fils, et je demande que ma proposition soit renvoyéé au comité des secours publics.

Plusieurs membres : Le renvoi de toutes ces motions au comité de législation !

(L'Assemblée renvoie ces motions au comité de législation.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du ministre de l'intérieur, qui remet à l'Assemblée nationale deux paquets qui lui ont été envoyés de Caen, par retour du courrier extraordinaire expédié conformément au décret de l'Assemblée. Ces pièces sont ainsi conçues :

Paris, le 18 novembre 1791.

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous envoyer des paquets qui ont été apportés hier au soir de Caen, par le

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"

Caen, le 16 novembre 1791.

«Le conseil général de la commune, assemblé hier à 7 heures du matin, a trouvé un paquet qui lui était adressé de la part du directoire du département du Calvados, contenant avec la lettre d'envoi, datée d'une heure du matin, le décret que le courrier avait apporté.

« Les grandes occupations dont nous sommes surchargés et à chaque moment troublées par les personnes dont il faut dissiper les inquiétudes, ne nous ont pas permis de prendre les déclarations de toutes les personnes mises en état d'arrestation, et de celles qui ont connaissance des faits qui sont particulièrement l'objet de nos recherches. Nous avions cru devoir attendre à prendre les déclarations de ceux qui nous paraissaient les plus suspects, jusqu'à ce que nous fussions à même de nous procurer ce qui pouvait résulter des déclarations des autres personnes mises en état d'arrestation; mais dès l'instant que nous avons su que vous désiriez avoir une connaissance plus détaillée de cette affaire, nous nous sommes promptement occupés du soin d'interroger MM. d'Héricy et le Vaillant, afin de vous mettre à portée, Messieurs, de comparer les pièces avec les déclarations qu'ils ont faites.

"

Nous avons l'honneur de vous adresser, Messieurs, les copies collationnées des projets, notes et lettres qui ont été apportés dans notre greffe, lors et depuis les arrestations. Nous y Joignons aussi les copies collationnées des dé clarations qui nous ont paru les plus importantes. L'empressement que nous avons de mettre ces pièces sous vos yeux, nous fait différer l'envoi d'un grand nombre de déclarations. Nous allons continuer nos opérations, avec l'activité qui nous anime pour la chose publique. Aussitôt qu'elles seront terminées, nous reprendrons la suite de notre procès-verbal du 5 de ce mois, que nous aurons l'honneur de vous envoyer avec les pièces qui y sont relatives; nous allons, au surplus, nous conformer ponctuellement à votre décret, et redoubler nos efforts et nos veilles pour le maintien de l'ordre, de la paix et de la tranquillité publique. »

A cette lettre est joint un état des pièces remises par la municipalité de Caen, le 16 novembre 1791, au courrier envoyé par l'Assemblée nationale. Au nombre de ces pièces sont les copies d'une lettre sans signature, adressées à M. d'Héricy, cote marquée n° 6, et d'une autre lettre adressée à M. le Vaillant. Il y a dix-huit pièces environ qui ne sont point analysées.

Plusieurs membres : Le renvoi au comité! M. le Secrétaire. Voici une lettre du directoire de département du Calvados:

« Messieurs,

Caen, 16 novembre 1791.

Les papiers publics nous ont appris que l'Assemblée nationale avait été mal informée de notre conduite relativement aux malheureux événements arrivés à Caen le 5 de ce mois; nous

vous devons une explication à ce sujet, nous nous le devons à nous-mêmes. Les législateurs d'une grande nation n'auront pas condamné sur de simples récits des administrateurs irréprochables. C'est dans votre sein que doit résider la souveraine justice, c'est là que nous irons la chercher avec confiance.

« Dès le dimanche 6 de ce mois, nous nous sommes empressés d'instruire le ministre de l'intérieur des événements de la journée du 5; nous n'y avons vu qu'une simple rixe entre quelques particuliers inconsidérés, des prêtres assermentés, et quelques citoyens du parti contraire. Nous soupçonnions bien quelque préméditation de cette scéne, d'après l'effervescence qui régnait de part et d'autre; nous vîmes aussi, par un fragment de lettre écrite à la municipalité, les traces d'un projet de réunion, mais rien alors ne nous y montrait un complot alarmant, une coalition dirigée contre la loi, et arrangée en forme d'attaque contre-révolutionnaire. Nous nous bornâmes à instruire le ministre des faits de la journée du 5 comme d'un trouble momentané; et soupçonnant que les insurgents avaient provoqué à dessein le départ d'un bataillon de troupes de ligne en garnison à Caen, nous le demandâmes avec instance, dans la persuasion que sa présence était nécessaire pour rétablir l'ordre et pour assurer notre propre tranquillité.

«Nous n'avions rien autre chose à mander alors, le calme était d'ailleurs parfaitement rétabli; mais le lundi, et les jours suivants, des recherches multipliées et des interrogatoires subis par les personnes emprisonnées, ont donné de grandes lumières qui doivent avoir mis en évidence le projet d'une grande coalition; c'est alors que nous avons jugé qu'il était indispensable d'informer l'Assemblée nationale de l'état des choses; mais il nous était impossible de le faire sans lui envoyer les détails constatés par les interrogatoires et procès-verbaux, et nous ne pouvions nous les procurer que par la municipalité. Nous lui avons écrit deux fois à cet effet de la manière la plus instante; deux fois, dans nos conférences verbales, nous avons exposé la nécessité d'avoir ces renseignements pour vous les communiquer, elle nous les a promis. Nous devons vous dire que dans ce moment la munici palité est surchargée de travaux et d'occupations très multipliés; quoi qu'il en soit, elle ne nous a rien fait parvenir, sinon une expédition de son procès-verbal du 5, qu'elle nous a adressée ce matin 16.

"Telles sont les seules causes de notre silence; nous avons lu avec étonnement dans les papiers publics que nous avions refusé de signer le procès-verbal que la municipalité a rédigé de la journée du 5. Avec la moindre réflexion, on aurait vu que cet acte ne devait être signé que par le corps qui le rédigeait. Il n'a pas même été présenté au département.

« Un des articles de la délibération concernait les étrangers résidant dans la ville, et présentait des précautions très sages que le directoire a adoptées unanimement; mais quant aux demandes concernant les ecclésiastiques, les membres qui refusaient de signer ne crurent pas pouvoír y adhérer parce qu'elles étaient une violation formelle de la loi, parce que tous aiment à suivre la loi, et qu'ils ont toujours été convaincus qu'il n'y aura en France ni Constitution, ni liberté, du moment où les hommes préposés au maintien de la loi pourront se permettre d'en raisonner l'exécution, et de la subordonner aux 1re SÉRIE. T. XXXV.

circonstances. Le directoire proposait pour tempérament d'accorder une où deux églises aux prêtres non assermentés, et de leur interdire alors la faculté de dire la messe dans les églises constitutionnelles, en leur interdisant également, vu la fermentation, cette faculté pour le lendemain dimanche, mais on voulut l'arrêté absolu, et tel qu'il a été pris. Le directoire du département, à l'exception d'un membre et du procureur général syndic, qui était absent pour le moment, crut devoir se retirer sans signer, après avoir demandé si sa présence était encore utile.

«Telle est, Messieurs, la conduite qu'ont tenue les administrateurs du département, et ils aiment à penser qu'ils obtiendront votre approbation. (Murmures.) Ils ne connaissent d'autre manière de manifester leurs intentions que d'exécuter religieusement la loi, d'employer tous les moyens qu'elle a mis en leur pouvoir pour la faire aimer. Ils donnent publiquement un défi formel aux délateurs qui osent les accuser, de citer une seule circonstance où ils se soient écartés de ce plan. Nous serions indignes de l'intérêt que nous croyons vous inspirer, Messieurs, si vous étiez indifférents aux déclamations et aux clameurs injurieuses auxquelles nous sommes en proie depuis longtemps. L'Assemblée nationale peut adopter un moyen qui fera cesser tous ses doutes, et que nous sollicitons de sa justice, avec la plus vive sollicitude, c'est de vouloir bien envoyer à Caen un ou deux commissaires qui examineront notre conduite administrative, et examineront jusqu'à nos moindres actions. Alors le Corps législatif sera à portée de prononcer sur les vrais coupables. Il importe autant au maintien de l'ordre de punir les détracteurs de l'autorité, que de sévir contre les administrateurs qui en abusent.

« Nous sommes avec respect, etc., etc.

Signé Les administrateurs composant le directoire du département du Calvados. Plusieurs membres L'ordre du jour !

Un membre: Je demande qu'on fasse la lecture des pièces qui sont adressées à MM. d'Héricy et Le Vaillant.

M. Delacroix. Je demande le renvoi de toutes ces pièces au comité de législation pour en faire son rapport demain.

Un membre: Je prie l'Assemblée d'observer que les pièces exigeront au moins huit heures de lecture. Je demande que ce rapport soit renvoyé à trois jours.

(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité de législation pour en faire le rapport incessamment.)

M. Lemontey, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Létombe, consul de France à Boston, qui fait part à l'Assemblée que la Société humaine du Massachussetts a voté une médaille d'or pour M. Duroutoir, officier de la marine de Frauce, pour avoir exposé sa vie au milieu d'une tempête en sauvant un brigantin américain. Cette fettre est ainsi conçue :

« Messieurs,

«Boston, le 14 juillet 1791.

"J'ai payé une contribution patriotique; j'ai prêté le serment civique, je suis citoyen français: voilà les titres qui semblent me permettre l'honneur de vous écrire. L'occasion de ma lettre, monsieur le Président, la voici :

9

« La Société humaine du Massachussetts, dont je suis membre, a voté une médaille d'or pour M. Duroutoir, officier de la marine de France, comme la récompense d'une bonne action. Elle m'a chargé de la lui faire parvenir; mais c'est à vous, Monsieur le Président, que je prends la liberté d'adresser cette médaille, persuadé qu'en la faisant parvenir vous-même à M. Duroutoir, vous donneriez encore plus d'éclat à cette récompense. C'est la seconde médaille depuis vingt mois, que cette société décerne. La première l'a été à M..., lieutenant du vaisseau le Léopard, et je regarde comme le plus beau des droits de la place que j'ai l'honneur d'occuper ici, celui de vous dénoncer ces actions, qui honorent le nom français. La récompense des belles actions fera naître toutes les vertus, et sans doute la plus flatteuse serait celle donnée par la main de l'illustre chef du Sénat français.

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"Je suis avec respect, etc...

Signé Létombe, consul de France à Boston. »

M. Lemontey, secrétaire, fait également lecture de la lettre d'envoi de cette médaille à M. Duroutoir.

M. Lecointe-Puyraveau. Je transforme la pétition en motion et je demande que M. le Président soit chargé d'écrire à cet officier français et de lui faire parvenir la médaille qui lui est adressée par la Société du Massachussetts.

(L'Assemblée adopte la motion de M. LecointePuyraveau.)

Un membre: Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la lettre de M. Létombe, et je crois qu'il serait convenable que M. le Président, en répondant au consul général de France à Boston, témoignât à la Société du Massachussetts, par une lettre, la gratitude de l'Assemblée nationale envers cette société.

M. Daverhoult. Je demande qu'au lieu du mot gratitude, on dise: les sentiments d'amitié fraternelle de la nation française envers la Société du Massachussetts.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable, dans le procès-verbal, de la lettre de M. Létombe, et que le Président écrira à M. Létombe, pour le charger d'exprimer à la Société humaine du Massachussetts, les sentiments d'amitié fraternelle de la nation française envers la Société.)

Un membre: Je demande à être entendu pour faire un rapport très pressant sans lequel les comités ne peuvent pas être pleinement organisés.

Un membre: Pour ne point faire perdre les moments de l'Assemblée, je demande que vous fixiez une séance extraordinaire du soir pour cet objet.

M. Delacroix. Les comités travaillent beaucoup et se trouvent surchargés d'une multitude de rapports qui sont en retard. Ils ne peuvent les faire aux séances du matin qui ne commencent guère qu'à onze heures, quoique le règlement de police intérieure de l'Assemblée nationale en prescrive l'ouverture à neuf. En décrétant qu'il y aura deux séances du soir par semaine, cela mettra les comités à portée de vous présenter leurs rapports.

M. Dubois-de-Bellegarde. Je demande qu'il y ait trois séances du soir par semaine; nous nous reposerons le dimanche.

M. Tartanac. Sans avoir besoin de séances du soir, qui auront toujours de grands inconvé

nients, l'Assemblée peut faire beaucoup de travail, si les séances commencent le matin à neuf heures et sont prolongées jusqu'à quatre heures.

Un membre: J'observe que pour se dégoûter des séances du soir, il suffit d'examiner les décrets qui ont été rendus dans ces séances par l'Assemblée constituante. Je conclus à la question préalable sur la demande des séances du soir.

Plusieurs membres : Non! non !

(L'Assemblée, consultée, décrète, après deux épreuves, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de tenir des séances le soir.)

Un membre: Je demande qu'au lieu des séances du soir, vous décidiez que la séance du matin, à quelque heure qu'elle commence, durera au moins six heures.

M. Dubois-de-Bellegarde. La question préalable!

(L'Assemblée reste un moment dans l'agitation et plusieurs membres font diverses motions).

Un membre: On nous fait perdre beaucoup plus de temps par ces diverses propositions que ces mesures ne nous en feraient gagner. Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Saillant, médecin de l'hôpital général de la Salpêtrière, qui se plaint d'avoir été renvoyé de cet hôpital, arbitrairement et au mépris de la loi, par le directoire de département; cette lettre est ainsi conçue:

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Monsieur le Président,

« L'Assemblée nationale a arrêté de n'entendre les pétitionnaires que le dimanche; mais nous osons la solliciter de déroger à cette disposition en faveur des pauvres qui toujours furent l'objet de sa sollicitude. Il s'agit de rétablir le calme dans l'hôpital de la Salpêtrière. Le despotisme vient d'y déployer toutes ses fureurs; nous n'arrêterons pas longtemps les moments de l'Assemblée nationale; mais le mal fait des progrès, il est instant d'y remédier.

« Nous sommes avec respect, etc...

Signé SAILLANT, médecin de la Salpêtrière, POLLY, chirurgien-major, etc...

M. François de Neufchâteau. C'est une affaire d'administration; il faut renvoyer au département.

M. Thuriot. On devrait renvoyer au département, mais j'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que, dans la lettre, on se plaint d'un despotisme qui vient d'être exercé dans ce moment. Je ne crois pas que l'on puisse hésiter d'entendre sur-le-champ les pétitionnaires, parce qu'il est peut-être nécessaire d'y apporter un prompt remède.

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle entendra sur-le-champ la députation.)

La députation, composée de M. Saillant, de jeunes élèves en chirurgie et en pharmacie et d'employés de l'hôpital de la Salpêtrière, est introduite à la barre.

M. Saillant, orateur de la députation, s'exprime ainsi Messieurs, expulsés, avant-hier soir, d'un vaste hôpital, où, établi par l'ancienne administration, je me sacrifiais gratuitement, en qualité de médecin, au soulagement des pauvres malades, je viens implorer la protection de la

loi.

« Ce n'est pas pour moi que je vous parle; ma demande n'a d'autre but que la continuation de mon dévouement à la chose publique. Mais voici les élèves en chirurgie et en pharmacie, à qui cet acte d'autorité arbitraire enlève leur honneur et leur existence, et on n'a d'autre reproche à leur faire, qu'un attachement constant à leur devoir; je dirai même, pour l'un d'entre eux, aux dépens de sa santé et presque de sa vie, j'en suis témoin. Cette protection de la loi, je la demande au nom de l'équité, au nom de la Constitution, au nom des lois saintes de la liberté; je la demande au nom de 7,000 pauvres qui, dans la consternation, attendent que vous suspendiez l'exécution de cet ordre perturbateur. Voici cet ordre qui m'a été signifié, après avoir été exécuté:

«Le Directoire, Monsieur, a arrêté, le 4 de ce mois, que, désormais, le médecin en chef de l'hopital général sera chargé seul du soin de toutes les infirmeries particulières, tant des différentes maisons, que de l'infirmerie générale de la Salpêtrière. Il me charge de vous prévenir de cet arrangement nécessité par les circonstances, et vous prie d'agréer les témoignages de sa reconnaissance pour les soins que vous avez donnés jusqu'ici aux pauvres.

«Signé GARNIER, suppléant du Procureur général syndic.

«Mais, Messieurs, si je viens, comme médecin de l'hôpital solliciter la protection de la loi en faveur de l'innocence persécutée, je me présente aussi comme citoyen, et j'invoque la justice des législateurs. C'est à ces deux titres que j'ose espérer, Messieurs, que vous voudrez bien suspendre l'exécution de tous les changements ordonnés par les commissaires des hôpitaux.

M. le Président. Monsieur, tout ce qui peut contribuer au soulagement et au bien-être des citoyens pauvres et malheureux sera toujours le devoir le plus sacré des représentants d'un peuple libre. L'Assemblée nationale prendra en grande considération votre demande, et vous invite à sa séance. (Applaudissements.)

Un membre: L'Assemblée nationale ne perdra pas de vue que le pétitionnaire remplit gratuitement ses fonctions à la Salpêtrière, que, cependant il serait arraché à ses fonctions et expulsé, j'ose le dire, d'une manière odieuse. Je demandé donc, Messieurs, que l'Assemblée nationale renvoie sa pétition au comité des secours publics, et que, provisoirement, elle suspende les ordres arbitraires. (Murmures.)

M. Delacroix. Je demande qu'on renvoie au pouvoir exécutif l'examen de cette pétition, parce qu'on dénonce à l'Assemblée nationale une délibération du directoire du département; et certes, Messieurs, le pouvoir exécutif a, par les lois, le droit de confirmer ou de réformer les arrétés ou délibérations des corps administratifs sauf le recours au Corps législatif.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé ! (L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des Directeurs de l'Imprimerie du cercle social, qui font hommage à l'Assemblée nationale du premier cahier patriotique des auteurs de la Chronique du mois. Les principaux collaborateurs de cet ouvrage sont MM. Condorcet, Clavière et Brissot de Warville.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet ouvrage dans le procèsverbal.

M. Tarbé, au nom des comités de commerce et colonial réunis, fait un rapport sur les troubles de Saint-Domingue, et s'exprime ainsi :

Messieurs, vous avez décrété hier que les comités de commerce et des colonies réunis prendraient communication de diverses pièces remises, relativement aux troubles de SaintDomingue, par le ministre de la marine, la municipalité de Bordeaux et des députés extraordinaires des citoyens actifs de la même ville. Les comités réunis hier au soir ont pris communication de ces différentes pièces; comme elles ne sont pas très étendues ni très nombreuses, ils ont cru qu'ils ne pouvaient vous donner une idée plus exacte de l'état des choses dans les colonies, qu'en vous donnant lecture des pièces mêmes (1).

Lettre de M. de Blanchelande au ministre de la marine, datée du Cap, le 14 septembre 1791.

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Les jours, les nuits, les heures sont remplis d'événements, et rien de satisfaisant depuis ma lettre d'hier. Il nous est arrivé un bateau du Port-au-Prince, avec des nouvelles très fâcheuses. Dans cette partie, ce sont les gens de couleur qui sont à la tête de la révolte. La garnison a fait quelques sorties avec les troupes patriotiques, et ont eu des désavantages marqués. Dans un engagement, il y a eu, mande-t-on, 33 patriotes de tués et 24 soldats. Ces gens de couleur demandent l'exécution du décret du 15 mai, que nous ne connaissons point encore officiellement. L'assemblée générale se dispose à être très favorable à cette classe d'hommes. Il paraît que son projet est même d'attendre les dispositions de ce décret, dont la connaissance a bouleversé la colonie; l'adresse ou avis de l'abbé Grégoire, à l'appui, en occasionnera la perte. Les révoltés demandent la liberté.

Le bourg du Dondon, dans les montagnes, a été forcé la nuit dernière. La Marmelade, Plaisance et le Port-Margot tiennent toujours. Si nous ne recevons pas de secours des îles voisines, comme il y a apparence, la pelote se grossissant, le mal sera bientôt à son comble. Les Espagnols de SanDomingo garnissent leurs frontières et attendent des ordres de leur gouverneur. Je prévois qu'ils s'en tiendront à leur surveillance. Les Anglais de la Jamaïque paraissent n'avoir pas de moyens pour nous secourir; cependant, on m'annonce trois frégates parties de cette ile pour venir mouiller ici, et qu'elles nous apportent 500 fusils et 500 sabres.

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Assemblés sur la place d'armes du bourg de la Croix-des-Bouquets, à l'effet de délibérer sur les moyens les plus capables d'opérer la réunion des citoyens de toutes les classes, et d'arrêter les progrès et les suites d'une insurrection qui menace également toutes les parties de la colonie.

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L'Assemblée, ainsi composée, s'étant transportée dans l'église paroissiale du dit bourg de la Croix-des-Bouquets, pour éviter l'ardeur du soleil, il a été procédé de suite, des deux côtés, à la nomination d'un président et d'un secrétaire.

« Les commissaires de la garde nationale du Port-au-Prince ont nommé pour leur président M. Gamot, et pour leur secrétaire, M. Hacquet; et les commissaires de la garde nationale des citoyens de couleur ont nommé pour leur président, M. Pinchinat, et secrétaire, M. Daguin fils.

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Lesquels présidents et secrétaires ont respectivement accepté les dites charges, et ont promis de bien et fidèlement s'en acquitter.

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Après quoi, il a été dit, de la part des citoyens de couleur, que la loi faite en leur faveur en 1685, avait été méprisée et violée par les progrès d'un préjugé ridicule, et par l'usage abusif et le despotisme ministériel de l'ancien régime; ils n'ont jamais joui que très imparfaitement du bénéfice de cette loi.

Qu'au moment où ils ont vu l'Assemblée des représentants de la nation se former, ils ont pressenti que les principes qui ont dicté la loi constitutionnelle de l'Etat, entraîneraient nécessairement la reconnaissance de leurs droits qui, pour avoir été longtemps méconnus, n'en étaient pas moins sacrés.

Que cette reconnaissance a été consacrée par les décrets et instructions des 8 et 28 mars 1790, et par plusieurs autres rendus depuis; mais qu'ils ont vu avec la plus vive douleur que les citoyens blancs des colonies leur refusaient avec obstination l'exécution de ces décrets, pour ce qui les y concerne, par l'interprétation injuste qu'ils en ont faite.

Qu'outre la privation du bénéfice desdits décrets, lorsqu'ils ont voulu les réclamer, on les a sacrifiés à l'idole du préjugé, en exerçant contre eux un abus incroyable des lois et de l'autorité du gouvernement, au point de les forcer d'abandonner leurs foyers.

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Qu'enfin, ne pouvant plus supporter leur existence malheureuse, et étant résolus de l'exposer à tous les événements pour se procurer l'exercice des droits qu'ils tiennent de la nation, et qui sont consacrés par les lois civiles et politiques, ils se sont réunis sur la montagne de la Charbonnière, où ils ont pris les armes le 31 août dernier, pour se mettre dans le cas d'une juste défense.

Que l'envie d'opérer la réunion de tous les citoyens indistinctement, leur fait accueillir favorablement la députation de MM. les commissaires blancs de la garde nationale du Portau-Prince; qu'ils voient avec une satisfaction difficile à exprimer le retour des citoyens blancs aux vrais principes de la raison, de la justice, de l'humanité et de la saine politique; qu'ayant tout lieu de croire à la sincérité de ce retour, ils se réuniront de cœur, d'esprit et d'intention aux citoyens blancs, pourvu que la précieuse et sainte égalité soit la base et le résultat de toute opération; qu'il n'y ait entre eux et les citoyens blancs d'autre différence que celle qu'entrainent nécessairement le mérité et la vertu, et que la frater

nité, la sincérité, l'harmonie et la concorde cimentent à jamais les liens qui doivent les attacher réciproquement: en conséquence, ils ont demandé l'exécution des articles suivants, auxquels les susdits commissaires ont répondu ainsi qu'il est mentionné à la fin de chaque article:

Demandes des commissaires de la garde nationale des citoyens de couleur.

« Art. 1er. Les citoyens blancs feront cause commune avec les citoyens de couleur et contribueront de toutes leurs forces et de tous leurs moyens à l'exécution littérale de tous les points et articles des décrets et instructions de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et ce, sans restriction et sans se permettre aucune interprétation, conformément à ce qui est prescrit par l'Assemblée nationale qui défend d'interpréter ses décrets. (Accepté.)

«Art. 2. Les citoyens blancs promettent et s'obligent de ne jamais s'opposer directement où indirectement à l'exécution du décret du 15 mai dernier, qui, dit-on, n'est pas encore parvenu officiellement dans cette colonie; de protester même contre toutes protestations et réclamations contraires aux dispositions du susdit décret, ainsi que contre toutes adresses à l'Assemblée nationale, au roi, aux 83 départements, et aux différentes Chambres de commerce de France, pour obtenir la révocation de ce décret bienfaisant. (Accepté.)

«Art. 3. Ont demandé les susdits citoyens de couleur, la convocation prochaine et l'ouverture des assemblées primaires et coloniales par tous les citoyens actifs, aux termes de l'article 4 des instructions de l'Assemblée nationale du 28 mars 1790. (Accepté.)

«Art. 4. De députer directement à l'Assemblée coloniale, et de nommer des députés choisis parmi les citoyens de couleur qui auront, comme ceux des citoyens blancs, voix consultative et délibérative. (Accepté.)

« Art. 5. Déclarent les susdits citoyens blancs et de couleur protester contre toute municipalité provisoire ou non, de même contre toute assemblée provinciale et coloniale; lesdites municipalités, assemblées provinciales et coloniales n'étant pas formées sur le mode prescrit par les décrets et instructions des 8 et 28 mars 1790. (Accepté.)

«Art. 6. Demandent les citoyens de couleur qu'il soit reconnu par les citoyens blancs que leur organisation présente, leurs opérations récentes et leur prise d'armes n'ont eu pour but et pour motif que leur sûreté individuelle, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, la réclamation de leurs droits méconnus et violés, et le désir de parvenir par ce moyen à la tranquillité publique; qu'en conséquence, ils soient déclarés non inculpables pour les événements qui ont résulté de cette prise d'armes, et qu'on ne puisse dans aucun cas exercer contre eux, collectivement ou individuellement, aucune action directe ou indirecte pour raison de ces mêmes événements; qu'il soit, en outre, reconnu que leur prise d'armes tiendra jusqu'au moment où les décrets de l'Assemblée nationale seront ponctuellement et formellement exécutés; qu'en conséquence, les armes, canons et munitions de guerre, enlevés pendant les combats qui ont eu lieu, resteront en la possession de ceux qui ont eu le bonheur d'être vainqueurs; que, cependant, les prisonniers (si toutefois il en est) soient remis en liberté de part et d'autre. (Accepté.)

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Art. 7. Demandent lesdits citoyens de cou

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