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leur, que, conformément à la loi du 11 février dernier, et pour ne laisser aucun doute sur la sincérité de la réunion près de s'opérer, toutes proscriptions cessent, et soient révoquées dès ce moment; que toutes les personnes proscrites, décrétées, et contre lesquelles il serait intervenu des jugements ou condamnations quelconques pour raison des troubles survenus dans la colonie depuis le commencement de la Révolution, soient de suite rappelées et mises sous la protection sacrée et immédiate de tous les citoyens, que réparation solennelle et authentique soit faite à leur honneur; qu'il soit pourvu, par des moyens convenables, aux indemnités que nécessitent leur exil, leurs proscriptions et les décrets décernés contre eux; que toutes confiscations de leurs biens soient levées, et que restitution leur soit faite de tous les objets qui leur ont été enlevés, soit en exécution des jugements prononcés contre eux soit à main armée, demandant que le présent article soit strictement et religieusement observé par tous les citoyens du ressort du Conseil supérieur de Saint-Domingue, et surtout à l'égard des sieurs Poisson, Desmares, les frères Regnauld et autres, compris au même jugement que ceux-ci, tous les habitants de la paroisse de la Croix-des-Bouquets, de même qu'à l'égard du sieur Jean Baptiste La Pointe, habitant de l'Arcahaye, contre lequel il n'est intervenu un jugement sévère que par une suite de persécutions exercées contre les citoyens de couleur et qui, proscrit par les citoyens de Saint-Marc et de l'Arcahaye, n'a pu se dispenser d'employer une juste défense contre quelqu'un qui voulait l'assassiner et qui l'assassinait en effet; se réservant, les citoyens de couleur, de faire, dans un autre moment et envers quí il appartiendra, toutes protestations et réclamations relatives aux jugements prononcés contre les sieurs Ogé et Chavannes, et autres compris dans lesdits jugements, regardant dès à présent les arrêts prononcés contre lesdits sieurs par le conseil supérieur du Cap, comme infâmes, digne d'être voués à l'exécration contemporaine et future, et comme la cause fatale de tous les malheurs qui affligent la province du Nord. (Accepté en ce qui nous concerne.)

" Art. 8. Que le secret des lettres et correspondance soit sacré et inviolable, conformément aux décrets nationaux. (Accepté.)

« Art. 9. Liberté de la presse, sauf la responsabilité dans les cas déterminés par la loi. (Accepté.)

«Art. 10. Demandent en outre, les citoyens de couleur, qu'en attendant l'exécution ponctuelle et littérale des décrets de l'Assemblée nationale, et jusqu'au moment où ils pourront se retirer dans leurs foyers, MM. les citoyens blancs de la garde nationale de Port-au-Prince, s'obligent de contribuer à l'approvisionnement de l'armée des citoyens de couleur, pendant tout le temps que durera son activité contre les ennemis communs et du bien public, et de faciliter la libre circulation des vivres dans les différents quartiers de la partie de l'Ouest. (Accepté.)

Art. 11. Observent en outre, les susdits citoyens de couleur, que la sincérité dont les citoyens blancs viennent de leur donner une preuve authentique, ne leur permet pas de garder le silence sur la crainte dont ils sont agités : en conséquence, ils déclarent qu'ils ne perdront jamais de vue la reconnaissance de leurs droits et de ceux de leurs frères des autres quartiers; qu'ils verraient avec beaucoup de peine et de douleur

que la réunion près de s'opérer au Port-au-Prince et autres lieux de la dépendance, souffrit des difficultés dans les autres endroits de la colonie; auquel cas ils déclarent que rien au monde ne saurait les empêcher de se réunir à ceux des leurs qui, par une suite des anciens abus du régime colonial, éprouveraient des obstacles à la reconnaissance de leurs droits, et par conséquent à leur félicité. (Accepté.) (Applaudissements dans les tribunes.)

« Après quoi, l'assemblée revenue à la place d'armes, la matière mise en délibération, mûrement examinée et discutée, l'assemblée considérant qu'il est d'une nécessité indispensable de mettre en usage tous les moyens qui peuvent contribuer au bonheur de tous les citoyens qui sont égaux en droits;

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Que la réunion des citoyens de toutes les classes peut seule ramener le calme, la tranquillité si nécessaires à la prospérité de cette colonie, qui se trouve aujourd'hui menacée des plus grands malheurs.

«Que l'exécution ponctuelle et littérale de tous les articles des décrets et instructions de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, peut seule opérer cette réunion désirable, sous quelque point de vue qu'on l'envisage :

« Il a été arrêté, savoir: de la part des citoyens blancs, qu'ils adoptent tous les articles insérés au présent concordat;

«Et de la part des citoyens de couleur, que, vu l'acceptation de tous les articles, sans restriction, insérés au présent concordat, ils se réuniront et se réunissent en effet de cœur et d'esprit et d'intention aux citoyens blancs, pour ramener le calme et la tranquillité, pour travailler de concert à l'exécution ponctuelle des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et pour employer toutes leurs forces et tous leurs moyens contre l'ennemi commun.

«A été arrêté par MM. les citoyens blancs et MM. les citoyens de couleur, que, ce jour devant éteindre toute espèce de haine et de division entre les citoyens de la colonie en général, les citoyens de couleur de Port-au-Prince qui, par une fausse pusillanimité ne se sont pas réunis à leurs frères de l'armée, seront compris dans l'amnistie générale; que jamais reproche aucun ne leur sera fait de leur conduite entendant qu'ils participent également aux avantages que promet notre heureuse réunion contre toutes les personnes et tous les citoyens indistinctement.

« De plus, que protection égale devant être accordée au sexe en général, les femmes et filles de couleur en jouiront de même que les femmes et filles blanches, et que mêmes précautions et soins seront pris pour leur sûreté respective.

« Arrêté que le présent concordat sera signé par l'état-major de la garde nationale de Port-auPrince.

« Il a été arrêté que le présent concordat sera rendu public par la voie de l'impression; que copies collationnées d'icelui seront envoyées à l'Assemblée nationale, au roi, aux 83 départements, à toutes les Chambres de commerce de France, à M. le lieutenant général, au gouvernement et à tous autres qu'il appartiendra.

« Arrêté que, mercredi prochain, 14 du présent mois, MM. les citoyens blancs de Port-au-Prince se réuniront à l'armée de MM. les citoyens de couleur en la paroisse de la Croix-des-Bouquets; qu'il sera chanté, dans l'église de cette paroisse, à 10 heures du matin, un Te Deum, en action de grâces de notre heureuse réunion; que MM. des

bataillons de Normandie et d'Artois, et des corps d'artillerie, de la marine royale et marchande, seront invités à s'y faire représenter par des députations particulières; que de même les citoyens, en général, de la Croix-des-Bouquets, du Mirebalais, et autres endroits circonvoisins, seront invités à s'y rendre, afin d'unir leurs vœux aux nôtres pour le bonheur commun.

« Arrête, en outre, que le présent concordat sera passé en triple minute, dont la première sera déposée aux archives de la municipalité future; la seconde, entre les mains des chefs de l'armée des citoyens de couleur; et la troisième, dans les archives de la garde nationale de Port-au-Prince.

« Fait triple entre nous et de bonne foi, les jours, mois et an que dessus. » (Applaudissements.)

Signé: FOURNIER, NIVARD, ARNOUX, DEMARE, Rodrigue, Dubuisson, Talazac, Lunley, Suljuzan, Ratteau, Medun, Meynardié, Rigaud, Guieu, Baudamant, Labastille, Prudot, Bellenton, Sollier, Papalier, Epoigny, Lauzier, Getin, Saint-Bazille, Vidie, Cambre, Mayeur, Reuché, Faubert, Lafleur, Ribie, J. Coustard, Doyon, Turin, Massac, Renier, Caffé, SaintLaurent, Dubois-Martin, Comte, Plaizance, Corazam, J. Rey, J. Nagonne, Pierre Rivière, Pinganneau, Wokkacein, Bautran, Pellerin, le baron de Montalembert, Guoin-duFief, Massotte, Duvivier, Bruache, J.-B. Perrin, Kerlegand, Monta, Legal, M. Bosno, Forest, J. Demare, Manlo, Elie, Laborde, Boisson, Mesnard, Langoumois, Harley, Osterval, Saignelonge, le comte de Lafitte de Courey, Labastille fils, Couppé, Court, Descoussa, Raoul, Perrin, Pettion, Degance; Fabre-Pinchinat, président; Daguin, fils, secrétaire des citoyens de couleur; Gamot, président, et Hacquet, secrétaire des citoyens blancs. »

Nous avons à vous donner lecture présentement de diverses pièces qui ont été adressées par la municipalité de Bordeaux et par les députés extraordinaires des citoyens actifs de cette ville.

Voici le procès-verbal rédigé sur la déclaration du capitaine Dupin, parti du Cap le 9 octobre, arrivé le 14 novembre à Bordeaux :

« Ce jourd'hui 14 novembre 1791, le conseil municipal étant assemblé dans la salle du conseil de la maison commune, a comparu M. Joseph Dupin, capitaine du navire la Basse-Pointe, appartenant à MM. David Granis et fils, négociants de cette ville, lequel nous a dit être parti du cap Français, ile Saint-Domingue, le 9 octobre dernier, et nous a déclaré que les nègres avaient commencé à être en insurrection le 4 août dans le quartier Limbé, et qu'on ne l'avait appris au Cap que le 23; que, depuis ce jour, jusqu'au moment où il est parti, les noirs n'ont cessé de ravager la plaine; qu'ils ont détruit toutes les sucreries depuis le Limbé jusqu'à Limonade, c'est-à-dire dans un espace de dix lieues; que cet espace contenait environ 200 sucreries dont les bâtiments et plantations ont été consumés par les flammes; que les brigands avaient également pénétré dans les Mornes qui bordent cette étendue du pays; qu'ils y avaient commis le même ravage; que, comme il n'était pas facile de parcourir ces montagnes, on ne pouvait pas fixer le nombre des catiéières qui ont été détruites, mais qu'on en connaît 200; qu'ils ont impitoyablement massacré tous les blancs qu'ils ont rencontrés; que les malheu

reux habitants du quartier de la Grande-Riviè et celui du Dondon, forcés de quitter leurs de meures, ont voulu se réfugier chez les Espagnols, qui les ont repoussés (Mouvements d'indignetion) et qu'ils sont ainsi devenus les victimes d la férocité des noirs; que tous les citoyens sont réunis autour d'eux, et se sont armés pour les combattre; que l'on compte environ 5 600 blancs tués dans le combat, ou égorgés par les noirs; que l'on porte à 4 ou 500 le nombre des noirs tués; que déjà, soit que la fatigue a épuisé les habitants, soit que l'air soit infede par le grand nombre de cadavres épars sur la terre, la ville du Cap contenait un nombre considérable de malades; qu'il meurt beaucoup de blancs, et qu'il est à craindre, si les secours n'arrivent promptement, que la plupart de blancs aient péri dans l'impuissance d'oppose des forces aux noirs; que le Cap était cependant palissadé, et se mettait en état de défense; que le habitants ne pouvant plus envoyer des forces contre les révoltés, se contentaient cependa d'entretenir l'armée du quartier de Limonade qui coupe la communication avec le fort de Pde-Feu, et de se préserver de l'incursion des i noirs; que, le jour de son départ, ils étaient e core en armes dans toute la plaine, et qu'il eta impossible de prévoir le terme de ces malheurs. Laquelle déclaration M. Dupin nous a affirm être sincère et véritable. A Bordeaux, les jour et an susdits. »

« Signé BASTERRE, secrétaire-greffier. Voici maintenant, Messieurs, l'extrait des diverses lettres apportées de Bordeaux par le mèn navire la Basse-Pointe, capitaine Dupin.

Extrait d'une lettre du Cap, du 9 octobre.

Depuis la rentrée de l'armée de M. Bouyar, on n'a pas fait de nouvelle sortie contre les brigands, dont quelques-uns ont témoigné le dés de rentrer dans le devoir; j'attends ce soir leur réponse à une nouvelle amnistie accordée par le général, qui peut-être produira un meilleur effet que la première proclamation. Il serait bien à souhaiter que nos malheurs finissent là, et que nous puissions sortir des dangers qui nous envi ronnent; mais, quoiqu'il en soit, les revenus de la province du Nord seront presque totalement perdus pour cette année, et il faudra bien des années pour que les choses rentrent dans le premier état. »

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peu s'en sont retirés, sont égorgés, au moyen de quoi lesdites habitations sont livrées aux nègres.

« P. S. du 8. Rien de nouveau pour notre tranquillité. Depuis hier les malheureux révoltés ont assassiné trois soldats qui allaient en maraude prendre du sucre; ils les ont coupés en morceaux et exposés de suite sur le chemin. Que de peines et de chagrins nous éprouvons, depuis le commencement de ces événements, encore sans savoir quand cela finira. Nous vous écrivons à la hâte, ne pouvant le faire qu'à des moments perdus. »

Extrait d'une troisième lettre de Port-au-Prince du 8 octobre.

« Je vous ai écrit hier, cher frère, par le navire le Cap-Français, pour vous apprendre que les nègres continuent toujours leur révolte, et que l'espérance que l'on avait eue, pendant quelque temps, de les voir se soumettre, était évanouie. La guerre va donc continuer, et, par conséquent, les malheurs continueront.

« J'ai reçu hier une lettre de M. Gabol, qui me marque que le calme règne à Port-au-Prince. Les arrangements que l'on a pris avec les mulâtres dans ce pays-là, contribueront beaucoup à y ramener la paix. Les hommes de couleur font des patrouilles scrupuleuses, et jusqu'à présent nous leur devons l'avantage de voir les ateliers tranquilles autour de Port-au-Prince.

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Extrait d'une quatrième lettre du Cap.
« Le 8 octobre.

Je vous confirme les deux dernières que je vous ai écrites par la voie d'Angleterre, le 26 du mois passé et le 4 du courant, pour vous apprendre les malheurs dont nous étions environnés.

"A présent, nous sommes tranquilles depuis que l'assemblée générale a promulgué le décret de l'Assemblée nationale, relatif au gens de couleur. Il paraît que les nègres veulent se rendre; ils ont fait des signaux pour parler, de manière qu'un particulier a été assez hardi pour aller, sans armes, près de leur camp. Ils ont réclamé la paix et la grâce que leur avait promise le général; disant qu'ils étaient au désespoir de tout ce qu'ils avaient fait contre nous; qu'un blanc était l'auteur de leur révolte. Le lendemain, le même particulier leur a porté quantité d'exemplaires de la proclamation du général; ils ont demandé deux jours de délai pour la communiquer à tout leur monde. Il faut espérer que tout ceci nous ramènera la paix. Déjà chacun songe à ses affaires et on a commencé à rouvrir quelques magasins. Il faut espérer que les affaires reprendront leur cours. »

« P.-S. Je reçois en ce moment une lettre de Laffite, de Port-au-Prince; il me marque que la tranquillité est rétablie dans ce quartier.

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Un membre: Le nom du premier qui a été vers les nègres?

M. Tarbé, rapporteur. C'est Jean-Baptiste Ga

meau.

Voici une lettre originale du Cap, le 8 octobre. «Nous vous donnions une lueur d'espérance par la lettre que nous avons eu l'honneur de vous écrire, le 30 du passé, mais malheureusement elle se trouve déçue aujourd'hui par la réponse des brigands à une nouvelle proclamation du

général qui accordait une amnistie à tous les révoltés, s'ils rentraient dans les habitations de leurs maîtres. C'était hier qu'on attendait la réponse de ces brigands, lorsqu'en allant la chercher, on a trouvé trois blancs assassinés dans le milieu du chemin, preuve que ces gens-là ne rentreront dans l'obéissance que par la force des armes. Il est même, en quelque façon, honteux d'avoir employé vis-à-vis d'eux une espèce de capitulation; car c'est peut-être ce qui les enhardit à continuer leurs cruautés, en prenant cela pour crainte ou pour faiblesse de la part des blancs.

" Il ne nous reste donc d'autres ressources à employer que la force des armes. La lenteur du gouvernement à prendre ce parti, et à s'y décider, fait jeter des soupçons sur son compte; et il n'est pas douteux que si on s'était mis en marche, dans le commencement de l'insurrection, le mal n'aurait pas été aussi général. La prudence exige peut-être, dans ce moment, cette temporisation, afin de donner le temps aux paroisses de se renforcer, afin de pouvoir repousser les brigands qui ne manqueront pas de faire une sortie sur les blancs, lorsqu'on leur donnera une chasse vigoureuse dans la plaine; mais voilà la saison des pluies qui empêcheront notre armée de sortir; et notre mal, par cette raison, au lieu de diminuer, s'accroîtra de plus en plus, et notre position deviendra plus cruelle. Nos forces s'affaiblissent tous les jours par les maladies et les mortalités, et nous ne prévoyons pas pouvoir recevoir des secours assez prompts pour pouvoir être efficaces. « Le système de l'Assemblée nationale sur les colonies ne laisse pas non plus que de jeter quelques inquiétudes; mais l'on compte beaucoup sur les places de commerce, qui ne manqueront point de faire des représentations et de demander les forces nécessaires pour notre tranquillité.

« Nous avons marqué que les gens de couleur libres du bas de la côté avaient fait la loi aux blancs, et qu'ils avaient non seulement demandé le bénéfice du décret du 15 mai, mais au delà. On nous annonce depuis longtemps plus de 800 hommes de couleur qui devaient marcher pour aller renforcer le camp de Plaisance; mais cette nouvelle ne se confirme pas. Il serait cependant bien à souhaiter qu'elle fût vraie, ayant besoin de forces plus que jamais, et ces gens-là étant plus en état de résister à la fatigue que les blancs.

L'armée qui était commandée dans le principe par M. de Rouvray et par suite par M. d'Assas, empêché que les brigands ne portassent d'incursion plus loin que la paroisse de Limonade, de sorte que ce n'est que depuis Limonade jusqu'au pont Margot que la plaine a été incendiée. Toutes les cafeteries des quartiers de Plaisance, de la GrandeRivière, du Dondon et partie de la Marmelade ont été aussi la proie des brigands qui ont formé un camp considérable à la Grande-Rivière et au Dondon. Les habitants qui auront le bonheur de conserver leurs habitations intactes, auront bien de la peine à faire leur récolte, par la désertion de leurs ateliers et les précautions qu'ils sont obligés de prendre pour se préserver de l'armée des brigands; de façon que, incendiés ou non incendiés, il sera bien difficile de se faire payer cette année, en supposant que notre position ne devienne point plus dangereuse et que le terme de nos malheurs soit près d'arriver.»

Vos comités réunis ne vous présenteront, quant à présent, aucune réflexion sur les diverses pièces qui viennent de vous être lues. Ils croient qu'il n'est pas nécessaire de prendre en ce moment

d'autres mesures que celles proposées par le roi et approuvées par l'Assemblée nationale. Lorsque les députés de la colonie de Saint-Domingue, qui sont arrivés en France et qui doivent paraître incessamment, auront présenté leur vou, l'Assemblée délibérera pour la conservation de cette portion importante de l'Empire français: mais, en attendant, Messieurs, vos comités réunis croient devoir fixer votre attention sur l'infraction des Espagnols à l'article 9 du traité du 3 juin 1777; infraction dénoncée par la lettre de M. de Blanchelande en date du 29 septembre dernier. Vos comités vous proposent de décréter que les comités diplomatique et colonial se réuniront pour en conférer et pour vous en faire leur rapport dans le plus court délai possible.

Plusieurs membres: Appuyé ! appuyé!

(L'Assemblée adopte, à l'unanimité, la proposition des comités de commerce et colonial réunis.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des bouchers de Paris qui demandent à être admis à la barre, pour porter des plaintes contre un arrêté de la municipalité; cette lettre est ainsi conçue :

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"

Nous avons l'honneur d'être, etc. »
(Suivent les signatures.)

Plusieurs membres: Dimanche!

Un membre Pour éviter que l'Assemblée ne perde son temps à écouter les députés des marchands bouchers, j'aurais l'honneur de vous dire seulement qu'ils réclament contre un arrêté de la municipalité de Paris. Leur recours naturel et légal est vers le département de Paris.

(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif pour qu'il la renvoie au département.) Un de MM. les secrétaires donne lecture de la lettre et de l'arrêté suivants :

1 Lettre des administrateurs du directoire du département du Morbihan, qui demandent l'interprétation de deux lois.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de division pour en faire le rapport demain.)

2° Arrêté du département des Basses-Pyrénées, en date du 30 octobre dernier, relatif à des approvisionnements de grains et à des primes à accorder pour encourager l'importation de cette denrée.

(L'Assemblée renvoie cet objet au comité des contributions publiques pour en faire son rapport lundi prochain.)

M. le Président. L'ordre du jour est la suite la discussion du projet de décret du comité de egislation sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés.

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Nous nous sommes arrêtés à l'article 5; il est ainsi conçu :

Art. 5.

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Outre la déchéance de tout traitement, les ecclésiastiques qui auront refusé de prêter lé

serment civique seront, par ce refus même, réputés suspects de révolte contre la loi, et de mauvaises intentions contre la patrie, et comme tels plus particulièrement soumis et recommandés à la surveillance de toutes les autorités constituées. »

Plusieurs membres: Aux voix ! aux voix !

M. Jean-Baptiste Debry. Les discussions qui ont eu lieu sur ce projet de décret, l'assentiment presque général donné à son philosophique préambule et toutes les considérations multiplices dans plusieurs séances consacrées à cet objet, en ont enfin développé la nature. Permettez-moi d'en parcourir les différentes nuances.

Plusieurs membres : Discutez l'article.

M. Jean-Baptiste Debry. La mesure proposée dans le cinquième article, mesure destinée compléter l'article 1er concernant le serment civique me paraît incomplète elle-même. Il ne s'agit point de prêtres ni de ministres religieux, ou du moins ils ne peuvent être considérés que sous le rapport de leur influence dans les troubles qui se sont élevés dans diverses parties de l'Empire. La religion en a été le prétexte et le véhicule. Ces perturbateurs séditieux peuvent donc être nommés séditieux fanatiques; et c'est sous ce rapport combiné que l'article 5 doit les prévenir.

Ceci posé, les moyens curatifs sont possibles, je les tíre des principes suivants, pour lesquels je demande deux minutes d'attention.

Tout homme civilisé est membre d'une société quelconque. A ce dernier titre il se soumet à des devoirs en échange desquels il reçoit des droits. Il est hors de doute, quoiqu'en ait dit M. l'évêque du Cher, que celui qui se refuse à ses devoirs ne peut pas réclamer les droits qui en dérivent; que la distinction entre le citoyen qui adhère et le citoyen qui n'adhère pas est une contradiction dans les termes.

J'admets donc que l'individu ait la liberté de professer telle opinion; mais alors, à moins de rester seul, il faut nécessairement qu'il contracte un engagement avec la société. Il faut que cette société qui le tolère, puisse exiger qu'il la tolère elle-même; que dis-je ? la sûreté de cette société, la prudence et l'intérêt lui commandent d'éloigner l'homme qui se refuse à toute garantie. II serait absurde et profondément inhumain d'attribuer à l'individu le droit de rester dans telle aggrégation civile qu'il lui plairait sans l'astreindre à respecter les principes constitutifs de cette aggrégation.

Ainsi, Messieurs, vous voyez que le refus du serment civique ne dispense pas de tout engagement ultérieur, et que s'il est libre de se soustraire aux dévoirs de tous les citoyens, il ne l'est pas de se soustraire aux devoirs sociaux, qu'en renonçant à la société; d'où il suit que la société générale veut de tout individu une déclaration qui la garantisse.

On me dira que cette garantie est implicite et commune à tous. A cela je réponds que dans un régime où la volonté ne doit être asservie que par la volonté générale, cet engagement doit ètre solennel, ou ne laisser aucun retour à la fraude.

Les lois pénales, me dira-t-on, tiennent leur glaive levé sur la tête du violateur. La peine doit être proportionnée au délit, et c'est ici le cas de différencier le simple perturbateur de l'ordre, d'avec celui à qui les opinions religieuses servent de prétextes pour les troubler.

L'article 5 du projet de décret du comité ne va point à ce but; il vous propose de déclarer suspect celui qui refuse le serment civique. Effaçonsles au nom de l'humanité, ces dispositions vagues qui, trop souvent, furent l'asile du crime et l'écueil de l'innocence: qu'il n'y ait aux yeux de la loi que deux positions, l'infraction et la soumission. L'homme aveuglé, qui rejette les droits de cité, est astreint à l'engagement social; s'il s'y refuse ou s'il le viole, il est ennemi de la société, ou lui est étranger.

Le même article 5 vous propose de soumettre plus particulièrement, de recommander à la surveillance des autorités constituées, l'ecclésiastique non assermenté. Vous sentez qu'une peine mieux prononcée est surtout mieux proproportionnée au genre du délit. Il serait en effet plus qu'insuffisant de recommander à la surveillance de la société, l'homme qui voudrait demeurer sans aucun engagement dans la société, y demeurer ayant en main cette arme terrible, le prétexte de la religion, que n'a jamais pu fausser le bouclier des lois sociales.

Qu'est-il besoin de retracer à vos cœurs affligés les plaies profondes que le fanatisme a occasionnées? Hier, vous avez frémi d'horreur au récit des malheurs d'Avignon. Leur tableau est notre histoire c'est le fanatisme qui a excité ici la scélératesse (Applaudissements); le ciel s'est irrité, les idoles ont rougi, et les victimes n'ont été massacrées qu'au nom du Dieu de paix, et le sang humain teint les marches des autels.

Depuis l'époque présente jusqu'au premier moment de la civilisation, la rage sacrée a deshonoré par des taches de sang toutes les pages de notre histoire. C'est là-dessus que la punition doit être calquée. Le premier intérêt des lois constituées est leur propre conservation, et c'est se jouer de la clémence qu'invoquer les lois pour qui les méprise, pour qui les attaque, pour qui les outrage. L'homme audacieux et hypocrite qui, par le mobile d'une opinion vénérée, conduit le peuple à la révolte, attire le feu à la discorde, et persuade aux fanatiques qu'il égare, que Dieu le voit et l'approuve; cet homme, dis-je, se rend coupable du plus grand délit qui puisse blesser la société. Ce n'est plus là une simple perturbation de l'ordre, c'est cet attentat aux volontés générales, qui peut en un instant la subordonner aux volontés particulières, et nous enchaîner au despotisme.

Voilà le crime dans son atrocité que nous avons à punir. Voilà le crime que nous avons à prévenir par l'adoption d'une disposition formelle qui attache au pacte social celui qui se refuse au contrat civil.

Ces principes me conduisent naturellement au projet de décret suivant, en remplacement de l'article 5.

Indépendamment de la déchéance d'un traitement national, et des droits de citoyen, encourue par celui qui refuse le serment civique, le ministre religieux, qui se trouvera dans ce cas, sera tenu de faire par écrit la déclaration suivante : Je m'engage à ne pas troubler l'ordre établi par la loi.

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<< Dans le cas de refus de cette déclaration, ou d'infraction, après l'avoir consentie, la peine sera la déportation. (Applaudissements.) »

M. Thorillon. L'opinion que je vais essayer d'établir contre la proposition du comité démontrera, je l'espère, combien je suis loin d'adopter la motion du préopinant. (Murmures.)

D'après les lois de la constitution civile, celui qui refuse le serment civique est privé de ses fonctions publiques; d'après votre décret d'hier, article 4, il est même privé de la pension ou traitement que la Constitution lui accordait, quoique sous aucun prétexte, dit l'article 2 du titre 5 de l'Acte constitutionnel, le traitement ne puisse lui être refusé ni suspendu. Voici donc deux peines; l'article proposé en inflige une troisième qui n'atteint pas seulement l'état et la fortune, mais qui atteint la sûreté même de l'individu, son existence civile et morale.

Avant que de vous exposer le danger de cette loi, et peut-être sa dureté, permettez-moi de vous demander si la Constitution l'approuve. L'homme est libre de parler, dit la Constitution, d'aller, de venir comme il veut. Est citoyen français celui qui est né en France d'un père français, celui qui, né en France, d'un père étranger, a fixé sa résidence dans le royaume; celui qui né en pays étranger d'un père français est venu s'établir en France et a prêté le serment civique; enfin celui qui, né en pays étranger, et descendant, à quelque degré que ce soit, d'un Français ou d'une Française expatriés pour cause de religion, vient demeurer en France et prête le serment civique. (Il lit l'article 2 du même titre.)

Le surplus de la Constitution ne soumet pas les citoyens à une peine s'ils refusent le serment civique. (Murmures.) Aucun article n'exige point, comme je le disais, le serment civique, l'article 5 de l'Acte constitutionnel en prescrit la forme et rien de plus.

Je sais que la Constitution veut que toutes les autres lois soient exécutées tant qu'elles ne seront pas supprimées, et qu'ainsi votre décret d'hier, qui a réduit le serment du 27 novembre 1790 au simple serment civique, est une bienfaisance, et que votre décret aussi, article 4, est une condition à celui qui veut jouir de notre société politique et vivre dans notre pays; mais les deux premières peines que vous avez imposées au refusant ne vous autorisent pas à en infliger une troisième; cette sévérité mê paraîtrait contrarier la Constitution. D'ailleurs, trois peines pour un même délit sont inconciliables avec les peines de tout Code pénal connu. En effet, réputer suspect de révolte contre la loi celui qui naturellement n'y désobéit pas, celui qui, dans un silence respectueux, la laisse exécuter, je vous avoue, Messieurs, que cette disposition n'a pas le caractère de sagesse et de justice qui doivent distinguer nos lois.

Une loi injuste est une barbarie et un germe de révolte. Pour porter une loi aussi exhorbitante, il faudrait au moins que la Constitution yous y autorisât, et loin de là, son silence paraît improuver la loi proposée. Comment la raison, qui est la force des lois, n'improuverait-elle pas cette loi? A quoi exposeriez-vous le citoyen que vous frapperíez ainsi d'anathème? Ne l'exposeriez-vous pas à la vengeance, je ne dis pas seulement des forcenés, mais à celle d'un peuple trop souvent aveuglé par les ennemis de la paix? Lorsque, d'ailleurs, vous le livrez plus particulièrement à la surveillance des autorités constituées, n'est-ce pas le jeter au milieu des dangers du pouvoir arbitraire, au lieu de protéger son paisible silence?

Vous voulez que le premier traitre dénonciateur l'arrache à la paix dont il jouit avec le sentiment intime de sa conscience! D'ailleurs, que signifie le serment que, par cet article, vous àrracheriez au citoyen, soit en annulant son

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