Page images
PDF
EPUB

existence civile, soit en le livrant à la famille, soit enfin en imprimant sur son front les noms affreux de suspect, de révolté, tandis que son cœur forme peut-être des vœux secrets pour la tranquillité de l'Empire. (Rires ironiques.) Non, Messieurs, cette loi ne peut être accueillie par le Sénat de la France. Les sages qui y président la rejetteront. Ils se diront: il est de l'essence, de la validité d'un serment que le consentement soit libre, que le cœur ne condamne pas ce que la bouche prononce. Un pareil serment ne peut lier. Il faut, je le répète, qu'il soit librement prêté, et il ne peut avoir cette liberté quand il est commandé par l'impérieuse nécessité d'avoir du pain ou de ne pas promener après soi le caractère d'opprobre qu'entraîne la peine violente proposée par l'article 5 contre celui qui ne prête pas son serment civique, outre celle de n'être plus citoyen actif.

Je demande la question préalable contre cet article. (Murmures.)

Un membre: Tout homme qui professe une doctrine d'intolérance, et qui, par ses opinions tend à soulever les peuples, est tout au moins suspect. En conséquence, je pense qu'on ne doit pas regarder comme une punition d'exiger qu'un prêtre s'éloigne d'un lieu où sa présence peut causer des troubles.

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Je ne ferai qu'une simple observation relativement à l'article 5 qui nous jette dans une discussion si difficile. La section du comité de législation qui a proposé le projet de décret, en a mùrement pesé tous les articles; elle a marché sur la ligne qu'elle devait suivre, et je crois qu'elle a adopté le parti le plus sage. Car, d'un côté, M. Debry propose des peines plus sévères que celles portées par l'article, et d'un autre, M. Thorillon les regarde comme injustes. La déclaration exigée par M. Debry semble établir une distinction entre les prêtres et les autres citoyens. Quant à la surveillance des autorités constituées, elle est juste parce que les prêtres, par leur genre de délits, peuvent plus facilement échapper à la vigilance des pouvoirs. Certainement, Messieurs, c'est le parti moyen qui est celui de la raison et de la justice et c'est celui qu'a pris votre comité.

Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Chabot. Avant de mettre aux voix la question préalable, il parait qu'il faut mettre aux voix la priorité. Je la demande pour la rédaction de M. Debry.

Plusieurs membres La question préalable sur la motion de M. Chabot!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibé rer sur la motion de M. Chabot et accorde la priorité à l'article du comité.)

Un membre: J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée qu'il n'y a de traitement que pour les fonctionnaires publics, que le mot traitement doit être rayé de l'article et que l'on y doit substituer celui de pension.

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Je propose de mettre Outre la déchéance de tout traitement ou pension. »

(L'Assemblée adopte cette rédaction.)

M. Gorguereau. Je demande la parole pour prouver que l'article 5 implique contradiction

avec lui-même. Le premier article fait du serment une obligation impérieuse; ainsi ceux qui refusent de le prêter ne peuvent pas être seulement réputés suspects, ils doivent être déclarés coupables de révolte. Je propose donc de supprimer de l'article les mots : « réputés suspects de révolte contre la loi» et d'y substituer ceux-ci : « seront suspects de mauvaises intentions contre la patrie et proscrits. (Murmures.)

M. Lecointe-Puyraveau. Je combats l'article et le dernier amendement. Je dis que nous ne devons pas répéter ce que porte la Constitution qui ordonne aux municipalités de veiller à la sûreté et à la tranquillité des individus. Je prétends encore que lorsqu'on parle de l'effet de la loi que | nous allons porter au sujet des non assermentés, on ne doit pas se servir du terme de proscrit.

Plusieurs membres proposent divers amendements.

Un membre: Je demande la question préalable sur tous les amendements.

(L'Assemblée décrète qu'il n'a pas lieu à délibérer sur les amendements.)

Un membre: Je demande que l'on modifie la rédaction de l'article et que l'on mette: ceux qui auront refusé de prêter le serment ou qui l'auront rétracté ».

M. François de Neufchâteau, rapporteur. J'adopte cet amendement et je le mettrai dans tous les articles. Voici alors comment je propose de rédiger l'article 5:

Art. 5.

«Outre la déchéance de tout traitement ou pension, les ecclésiastiques qui auront refusé de prêter le serment civique, ou qui le rétracteront après l'avoir prêté, seront, par ce refus ou cette rétractation même, réputés suspects de révolte contre la loi, et de mauvaises intentions contre la patrie, et comme tels plus particulièrement soumis et recommandés à la surveillance de toutes les autorités constituées.

Plusieurs membres : La question préalable sur l'article!

(L'Assemblée rejette la question préalable et adopte l'article 5 å une grande majorité.)

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Voici l'article 6:

"En conséquence, tout ecclésiastique ayant refusé de prêter le serment civique, qui se trouvera dans une commune où il surviendra des troubles dont les opinions religieuses seront la cause ou le prétexte, pourra être éloigné provisoirement du lieu de son domicile ordinaire, en vertu d'un arrêté du directoire du département, sur l'avis de celui du district, sans préjudice de la dénonciation aux tribunaux, suivant la gravité des circonstances. »>

M. Rougier-La-Bergerie. Je demande une nouvelle rédaction. Le serment civique est la base principale du projet de décret qui vous est présenté. J'aurais pensé qu'ayant à réprimer les désordres des prêtres factieux et conjurés; j'aurais pensé, dis-je, que cet acte civique et solennel, n'eût dû être employé que comme mesure secondaire, car il me semble que l'Assemblée nationale témoigne beaucoup trop de confiance dans la moralité du prêtre, et je tremble que des mesures aussi peu sévères, dans les circonstances réellement orageuses où nous nous trouvons, ne compromettent la sûreté publique. Quelque vaste

et exercée que puisse être la conception de l'homme vertueux, elle ne peut encore atteindre jusqu'à la profondeur du cœur des prêtres factieux qui combattent, à leur façon, pour l'orgueil et la richesse.

La sainteté des mœurs des prêtres non assermentés est-elle donc telle qu'il faille absolument se reposer sur leur foi et n'exiger d'eux d'autre garantie que le serment? Croyez, Messieurs, qu'il est instant de prendre des mesures sévères. Un grand danger menace la patrie. Dès que les législateurs connaissent les causes et les effets réels des maux, ils doivent s'empresser de porter une loi précautionnelle et répressive, afin que les autorités constituées puissent à chaque instant réprimer les désordres et les crimes.

Voici la rédaction que je propose :

«Si un ou plusieurs prêtres assermentés, ou non assermentés, troublaient l'ordre public, les municipalités et conseil de district réunis, en dresseront un procès-verbal circonstancié. Ils enverront sans délai au directoire de district, qui sera tenu de donner sur-le-champ son avis et de l'envoyer au directoire du département, lequel, après l'avoir examiné, ordonnera la translation et même la déportation des coupables dans l'endroit qu'il jugera convenable, sans préjudice de la dénonciation aux tribunaux. »

Plusieurs membres : La question préalable! M. Lamarque. La disposition portée par cet article présente deux vices essentiels.

D'abord, Messieurs, elle contient une mesure faible, incertaine, et ouvre une voie à l'arbitraire qui assurerait presque toujours l'impunité au coupable et serait infiniment dangereux sous tous les rapports:

Voici sur quoi je fonde cette première observation :

L'article porte que l'ecclésiastique non assermenté, qui se trouvera dans une commune où il surviendra des troubles sous le prétexte de religion, pourra être éloigné provisoirement du lieu de son domicile ordinaire, en vertu d'un arrêté du directoire du département... » Cette précaution est sage et d'une utilité très urgente; mais par la manière dont elle est ici indiquée, Messieurs, elle dépendrait absolument de l'opinion, de la volonté du directoire du département et ce serait sans doute un inconvénient très réel; car s'il existe, comme j'aime à la croire et à le publier, beaucoup d'administrations de départements dirigées par un patriotisme ardent et pur, il en est aussi un très grand nombre où l'intrigue a placé des ci-devant privilégiés, des hommes qui ne croiront jamais à l'égalité des droits, et au jugement desquels les officiers municipaux et autres habitants des campagnes qui se permettront de dénoncer, ne seront que des turbulents et des factieux... Ces hommes-là, Messieurs, voudraient rétrograder s'ils l'osaient; ils trouveront donc toujours qu'on va trop loin, qu'on est trop ardent pour le nouveau régime, et par suite de l'insouciance résultant de ce préjugé, ou par des motifs plus répréhensibles encore, ils toléreront des attentats multipliés contre la Constitution. (Applaudissements.)

Messieurs, dans toute mesure répressive, la peine peine doit être dans la loi et jamais dans la volonté de l'homme... Ce principe fondamental, seul fruit du despotisme et garant de notre liberté, doit être religieusement suivi, non seulement dans les lois générales, mais dans toutes celles que la volonté nationale peut porter. Loin

d'autoriser l'arbitraire, nous devons le rechercher comme une plante parasite ou empoisonnée et le détruire partout où il se trouve. Sans cette règle invariable, notre code ne serait jamais celui d'un peuple libre.

Je pense donc, Messieurs, qu'il est indispensable de changer, ou au moins de modifier dans la disposition de l'article 6, tout ce qui pourrait donner lieu à l'impunité, en laissant à la volonté arbitraire du directoire de département de prononcer ou de ne pas prononcer l'éloignement provisoire.

Sous un autre rapport, Messieurs, cette disposition me paraît vicieuse, en ce qu'elle n'est pas exactement conforme aux principes de la Constitution.

Je sais bien que les administrations de département sont chargées d'agir pour le maintien de la tranquillité publique; mais leurs fonctions, à cet égard, doivent avoir pour objet des mesures générales d'ordre, et non point des jugements particuliers et individuels, même pour faits de police.

Telle est la nature de leur organisation. Elle est écrite dans les lois particulières qui ont établi les corps administratifs; elle l'est dans la Constitution, et il serait infiniment dangereux de détruire la ligne qui sépare leurs fonctions de celles des juges.

Cette ligne de démarcation est très distinctement et très formellement tracée.

Serait-il bien sage, Messieurs, d'accorder, par des attributions particulières aux corps administratifs, des fonctions que la Constitution désigne comme essentiellement distinctes de celles qui leur sont attribuées? Serait-il sage d'introduire, même dans des cas particuliers, une confusion de pouvoirs que la loi regarde comme tendant à amener l'anarchie?

Je crois, Messieurs, que cette mesure serait imprudente, et qu'elle doit être écartée, surtout lorsqu'elle est inutile.

Or, il me paraît ici de tout certitude, non seulement qu'elle est inutile, mais qu'elle est vicieuse, en ce qu'elle rend, comme je l'ai déjà observé, l'effet de la loi presque nul, en la soumettant à l'arbitraire du juge d'attribution.

[ocr errors]

Je propose, par amendement, la rédaction suivante. Lorsque, dans une commune, il surviendra des troubles dont les opinions religieuses seront la cause ou le prétexte, la municipalité ou le juge de paix en dresseront procès-verbal, et dénonceront le trouble à l'accusateur public »; (Murmures.) « et jusqu'à ce qu'il ait été prononcé définitivement, par les tribunaux, sur cette dénonciation, l'écclésiastique non sermenté qui sera trouvé dans cette commune, sera tenu provisoirement, sur la première sommation qui lui en sera faite, sans délai, par le procureur de la commune, de s'éloigner de quatre lieues au moins de l'endroit où le trouble aura été commis. »

M. Thorillon. L'article est inconstitutionnel. Le partage des pouvoirs ne peut pas être ainsi transgressé. Je demande à cet égard que si l'article subsistait, ce ne fùt pas le directoire mais bien les tribunaux à qui la faculté d'éloigner fut attribuée. Ce sont les termes de la loi, et je doute que l'Assemblée nationale veuille détruire ce que la loi a institué, c'est-à-dire les tribunaux pour punir les délits. D'abord une des lois constitutionnelles porte: « La loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.» Donc cette première disposition de la Constitution réprouve

"

l'indication particulière et nominale, s'il est permis de parler ainsi des ecclésiastiques.

Or, vous voyez, Messieurs, que la contexture de votre article contrevient aux lois constitutionnelles. Cet article, au lieu de dire « tout ecclésiastique, doit dire : « tout perturbateur ou tout citoyen qui troublera, etc. »

On propose ensuite d'éloigner l'ecclésiastique qui n'aura pas prêté le serment, par la raison, dit-on, qu'il se trouverait dans un trouble. Je demande si cette disposition vague, si cette disposition qui conduit à l'arbitraire, n'est pas du plus grand danger? Le premier ennemi d'un ecclésiastique, sous prétexte de punir le réfractaire, l'entourera dans la rue, donnera lieu à une émeute, et l'on prononcera l'exil, qui d'ailleurs est contré les principes. (Murmures.) Cela est trop dangereux; la loi veut que celui-là qui l'offense soit dénoncé à elle dans ses organes, je veux dire aux tribunaux; et pourquoi rétablir ce que le despotisme ancien avait aboli? Vous voulez exiler, et, comme le disait un philosophe : « Ne voyezvous pas que vous voulez faire passer dans la maison de votre voisin le chien enragé qui était près de vous dévorer. » Ce n'est point un exil que l'on doit prononcer; ainsi je repousse encore cette disposition de l'article.

Cet article dit ensuite: «Sans préjudice de la dénonciation, etc. » Vous voyez que pour un même délit, vous doublez la peine. Voilà déjà que, sans information, par le seul fait du hasard, qui peut-être a conduit cet ecclésiastique dans un trouble, vous le punissez de la déportation, de l'exil; et vous réservez encore la dénonciation aux tribunaux. Qu'en résultera-t-il? C'est qu'en le dénonçant encore, vous aurez le plaisir barbare de le faire condamner par contumace. Y at-il de la conséquence?

Je dis que l'article doit être absolument réformé, et qu'il doit être tout au plus réduit à ces mots :

[ocr errors]

Tout citoyen perturbateur du repos public, soit pour le cas d'opinions religieuses ou non, etc. » comme vous voudrez; mais ne prononcez pas de peines illégales, qui tendent à renverser la Constitution de l'Empire.

M. Couthon. Il serait en effet injuste et imprudent de laisser à l'arbitraire des corps administratifs la faculté d'éloigner les prêtres suspects. Je crois que c'est dans la loi que doit se trouver le soin de cet éloignement. Je demande que dans l'article 6, au lieu de ces mots : « pourra être éloigné... en vertu d'un arrêté du directoire du département » on mette ceux-ci sera tenu de s'éloigner provisoirement de quatre lieues au moins du lieu de son domicile, sans préjudice de la... »

Plusieurs membres: La discussion fermée!

M. Garran-de-Coulon. Je demande à parler contre la clôture de la discussion. Cet article est véritablement le point fondamental de la question. On vous objecte qu'il est inconstitutionnel; je me réunis à ceux qui le trouvent tel dans l'état présent. Le seul moyen de le rendre plus conforme aux principes de la Constitution est d'en entendre plusieurs rédactions. La Constitution garantit, non pas aux citoyens, comme on dit, mais à tout homme, le droit d'aller, de rester, de venir, sans qu'il puisse être arrêté ni détenu. Par la Constitution, il ne peut donc y avoir de moyen de priver quelqu'un de ce droit. (Murmures). Je propose donc cette rédaction :

En conséquence, tout ecclésiastique ayant

refusé de prêter le serment civique, sera tenu de donner caution de sa bonne conduite (Murmures.\ jusqu'à la somme de......, faute de quoi il sera tenu de s'éloigner de la distance de......, à peine d'être puni, sur la dénonciation, d'une année de détention.» (Murmures.)

Plusieurs membres. La discussion fermée!

M. Vergniaud. L'amendement de M. Couthon me paraît impraticable. Il porte que l'ecclésiastique sera tenu de s'éloigner, et je soutiens que cette mesure est premièrement imprudente, parce qu'elle laisse à l'arbitraire de l'ecclésiastique la faculté de s'éloigner. En second lieu, elle contient quelque chose de barbare, parce qu'elle force l'ecclésiastique à se dénoncer comme perturbateur du repos public, par cela même qu'il aura obéi à la loi en s'éloignant d'un mouvement spontané. Vous ne devez donc point adopter la rédaction de M. Couthon.

Quant à celle du comité, je combats la dispo sition qui laisse aux municipalités la faculté d'éloigner ou de ne pas éloigner les prêtres suspects. En cas de trouble, lorsque la tranquillité est menacée, rien ne doit être laissé à l'arbi traire. Je demande donc qu'aux mots : « pourTS être éloigné... » on substitue ceux-ci sera éloigné...

[ocr errors]

J'ai encore un mot. L'article porte qu'il pourra être éloigné du lieu de son domicile ordinaire. Ce mot n'est pas clair, il faut mettre : « du lieu où le trouble se sera élevé » autrement, la loi serait continuellement éludée. (Applaudissements.)

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Les principales objections qui sont faites à la rédaction de l'article portent sur les mots : "pourra être éloigné » et sur ce que le comité attribue aux directoires de département, de préférence aux tribunaux, de prononcer l'éloignement dans ces circonstances.

Quant à la première objection, je prends la réponse qui la détruit dans l'article 5 que vous avez précédemment décrété. L'article 6 laisse aux corps administratifs la faculté de décider l'éloignement, faculté que les uns voudraient aggraver en disant : « l'ecclésiastique sera tenu » et que d'autres veulent au contraire adoucir. Ce n'est pas sans raison que votre comité s'est servi du mot pourra. Remarquez la liaison et l'enchainement de cet article avec le précédent. Vous avez décrété, par l'article 5, que l'ecclésiastique qui avait refusé de prêter le serment était en état de suspicion : par cela seul il n'est pas dit qu'il soit l'auteur des troubles qui s'élèvent dans la commune où il réside. Cela dit qu'il peut en être soupçonné, mais pour juger ce soupçon, il faut nécessairement quelqu'un. Qui done doit juger ce soupçon? Qui done doit décider de l'éloignement? Le corps administratif supérieur sans doute, et voilà pourquoi le comité laisse aux directoires de département la simple faculté de prononcer. La rédaction de M. Couthon, pas plus que celle de M. Vergniaud, ne peut s'adapter avec cette liaison.

La seconde objection consiste en ceci : qu'il est inconstitutionnel d'attribuer aux directoires de département cette faculté; mais la loi du 3 août rend les départements et les districts responsables des précautions à prendre contre les attroupements et du maintien de la tranquillité publique. Ainsi nous avons suivi à cet égard la loi qui, en sa faveur, à l'expérience des départements patriotes, dans lesquels les directoires ont déjà pris la mesure qui est indiquée par cet

article. Partout où on l'a prise, elle a parfaitement réussi, et il n'y a pas eu de troubles.

Nous avons cependant, comme vous le voyez par la fin de l'article, admis la concurrence des administrateurs et des tribunaux, parce qu'il y a deux objets dans l'article: d'abord les précautions à prendre vis-à-vis de l'ecclésiastique prévenu de troubles, précautions qui ne peuvent être prises que par le directoire de département chargé de veiller à la tranquillité publique. Les peines, les dispositions pénales, doivent être prises par les tribunaux. Ainsi, je persiste à soutenir la rédaction de l'article.

Plusieurs membres : La question préalable sur tous les amendements!

M. Richard. Je propose un amendement à la rédaction du comité. Il est dans l'intention de l'Assemblée de faire à la fois une loi sévère et une loi juste. Si vous laissiez l'article du comité tel qu'il vous a été présenté, vous feriez une loi sévère et vous ne feriez pas une loi juste; car vous livreriez à l'arbitraire des corps administratifs les ecclésiastiques placés dans la commune où il y aurait du trouble. Il faut ajouter que les corps administratifs seront tenus de les dénoncer sur-le-champ aux tribunaux.

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

Plusieurs membres demandent la priorité pour les différentes rédactions proposées.

(L'Assemblée accorde la priorité à l'article du comité.)

Plusieurs membres: La question préalable sur tous les amendements!

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Votre comité adopte le deuxième amendement de M. Vergniaud, qui consiste à remplacer les mots du lieu de son domicile ordinaire » par ceux-ci de la paroisse où les troubles seront survenus» et rejette tous les autres.

(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Vergniaud et rejette tous les autres par la question préalable.)

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Voici la nouvelle rédaction de l'article 6 en tenant compte de l'amendement relatif à la rétractation du serment:

[ocr errors]

Art. 6.

En conséquence, tout ecclésiastique ayant refusé de prêter le serment civique, ou qui le rétractera après l'avoir prêté, qui se trouvera dans une commune où il surviendra des troubles dont les opinions religieuses seront la cause ou le prétexte, pourra, en vertu d'un arrêté du directoire du département, sur l'avis de celui du district, être éloigné provisoirement de la paroisse où les troubles seront survenus, sans préjudice de la dénonciation aux tribunaux, suivant la gravité des circonstances. » (Adopté.)

La discussion est interrompue pour donner lecture d'une lettre de M. l'abbé Mulot, qui demande que l'Assemblée lui assigne une séance pour paraître à la barre.

Un de MM. les secrétaires fait lecture de cette lettre; elle est ainsi conçue.

[blocks in formation]
[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

M. Isnard. Je propose, par amendement, que la peine d'une année de détention soit remplacée par celle de deux années d'exil, parce que je crois que cette mesure est à la fois plus douce et plus efficace; et je pense, en outre, qu'à même degré d'efficacité, vous ne balanceriez point à prononcer la peine la plus douce. Or, celle que je propose l'est beaucoup plus en effet que celle du comité, parce qu'il vaut mieux errer à son gré durant deux années hors du royaume, que de demeurer pendant une année entre quatre murailles.

Je dis, de plus, qu'elle est plus efficace et plus sûre aussi, parce que si vous séparez, par une grande distance, l'ecclésiastique perturbateur du peuple qu'il égare, ce peuple aurà bientôt oublié l'ecclésiastique expatrié. Tandis que si vous retenez ces prêtres dans le royaume, les fanatiques qu'ils ont créés, les verront sans cesse dans les fers; la détention des prêtres sera, aux yeux des habitants égarés des campagnes, un commencement de martyre; la fermentation continuera et cette fermentation, excitée de plus en plus par les malveillants, peut devenir telle que, dans quelques départements, des hommes enivrés de fanatisme, entraînés par les sentiments énergiques qui l'accompagnent toujours, tentent d'enlever à main armée les prêtres emprisonnés. Alors la force du peuple sera aux prises avec la force des lois, et nous pourrons être entraînés dans de très grands malheurs.

Le but de tout législateur, en créant des lois pénales, ne doit pas être seulement de punir les délits commis, mais encore de prévenir ceux à commettre, et pour cela il faut que les peines soient appropriées aux délits.

Or, lorsqu'il s'agit comme ici de perturbateurs conjurés qui sont soutenus par un grand nombre de prosélytes, l'expulsion hors du royaume est le moyen le plus efficace; c'est celui que l'on employa contre les Jésuites, et les Jésuites furent oubliés. Plus loin de nous, ils seront moins à craindre.

Cicéron, en parlant au Sénat romain, de Catilina et de ses conjurés, disait : « Mettons entre ces hommes et nous l'épaisseur de nos murs. » Suivons, Messieurs, les mêmes principes; mettons entre ces prêtres séditieux et nous, une barrière qui nous en sépare à jamais. Sans cela, je crains

que nous ne puissions les retenir dans leurs prisons, et que du fond de leurs cachots, ils ne soufflent encore la guerre civile! (Applaudissements.)

M. Gossain. Je n'aime pas la déportation, et c'est la déportation que le préopinant vous propose. Il se pourrait que les puissances voisines, pour nous remercier de nos présents, nous envoyassent par le même moyen des prêtres fort mauvais sujets (Rires et murmures.), et sûrement nous n'en avons pas besoin. Je demande donc que l'article soit adopté tel qu'il est présenté, en ajoutant seulement que les poursuites seront faites à la diligence des procureurs-syndics.

M. Duhem. J'appuie la proposition de M. Isnard. Je soutiens que si nous faisons mettre les prêtres fanatiques en prison, leurs partisans front y faire des pèlerinages. (Rires et applaudissements.) Il y a des départements où, en parlant des prêtres emprisonnés, on a dit: Voilà les prisonniers de Jésus-Christ, et autres choses semblables. En les exilant hors du royaume, vous préviendrez ces abus. Il ne faut pas tant se livrer au mouvement de la philosophie; il faut encore calculer les effets du fanatisme. Il est dans les principes d'une administration sage et clairvoyante d'ôter du milieu d'un peuple égaré ces loups destructeurs qui ne peuvent que le conduire à sa perte.

Il y a encore un amendement à faire à l'article. En prévoyant le cas de désobéissance, on prévoit le cas de révolte, car c'est être révolté que d'être en état de désobéissance à la loi. Or, comme dans l'intervalle qui séparera l'énonciation de la peine, du moment du délit, les prêtres incriminés pourraient susciter des troubles, il n'y a pas d'inconvénient, et il y a un grand avantage à dire que les contrevenants seront d'abord mis en état d'arrestation; la poursuite viendra après.

Un membre: Je réclame contre la proposition qui vous est faite. Ce serait une barbarie atroce de condamner des malheureux qu'on aurait privés de tout traitement et de toute pension à languir exilés dans un pays étranger, loin des secours de leurs familles. (Murmures.) Le massacre de la Saint-Barthélemy, les persécutions de Louis XIV, toutes ces atrocités ont-elles changé le cœur des protestants? Le Code pénal ne parle point de l'exil, il parle de la déportation, et la déportation n'est pas l'exil; il y a une très grande différence. On vous menace avec raison des fureurs du fanatisme, et pourquoi emprisonneriez-vous, pourquoi exileriez-vous des hommes sur de simples soupçons?... (Les murmures couvrent la voix de l'orateur et l'empêchent de continuer.)

M. Tartanac. Les dispositions de l'article me paraissent suffisantes pour remplir le but que l'Assemblée se propose; la peine est proportionnée au délit. Je demande que l'article soit adopté tel qu'il est présenté.

M. Basire jeune. J'observe que la peine de la détention emporte avec elle une espèce d'infamie. Je demande que le mot détention soit remplacé par le mot emprisonnement.

M. Albitte aîné. J'appuie de toutes mes forces l'amendement de M. Isnard. Le préopinant a appelé atroce et barbare cette mesure devenue nécessaire; et moi j'appelle barbares et atroces les sophismes qu'oppose à cet article une fausse philosophie. Si vous souffrez que des prêtres,

convaincus de troubler l'ordre public, restent dans l'intérieur du royaume, vous exposez le peuple à se porter de plus en plus à toutes les horreurs du fanatisme.

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Je crois, Messieurs, que la proposition qui a été faite d'infliger la peine de l'exil est prématurée, et dans l'ordre de la discussion, et dans l'ordre des temps.

Elle est prématurée dans l'ordre de la discussion, parce que, dans notre projet, il y a une gradation de peines qui est proportionnée aux différents délíts, et ce serait peut-être dans l'article 8 qu'on pourrait employer ce moyen.

Je dis, de plus, que la proposition est prématurée dans l'ordre des temps, parce qu'elle est une des mesures générales qui vous sont réservées après avoir entendu les comptes que vous demandez aux directoires de département. Ainsi, Messieurs, je crois que ce n'est pas le lieu d'adopter cette peine dans ce moment; mais je proposerai moi-même, d'après les réflexions qui viennent de m'être suggérées, un adoucissement à la peine du comité.

M. Basire m'a observé avec raison que la peine de détention emportait une espèce d'infamie. Ça n'a pas été notre intention, surtout voulant mettre dans les peines une gradation. Je crois done que, pour ne laisser aucun arbitraire, il suffirait de dire qu'en cas de désobéissance à l'arrêté du directoire du département, les contrevenants seront punis d'un emprisonnement dont le terme ne pourra excéder une année.

Plusieurs membres: Aux voix! aux voix!

M. Rouyer. On peut concilier toutes les opinions en adoptant à la fois l'exil et l'emprison nement. (Applaudissements dans les tribunes. Rires dans l'Assemblée.) Oui, je dis la prison et l'exil, et je m'explique. Je demande que les prêtres perturbateurs soient transférés dans une prison éloignée au moins de dix lieues de leur résidence. Je crois qu'alors ils ne seront plus visités, et l'on ne verra pas des pèlerinages se porter à ces prisons.

Un membre: J'appuie l'amendement du préopinant et je demande que les prêtres perturbateurs soient renfermés dans les prisons du cheflieu de département. (Appuyé! appuyé!)

Plusieurs membres: La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Je mets aux voix l'amendement de M. Isnard tendant à remplacer la peine de la détention par celle d'un exil de deux années.

(L'Assemblée, consultée, rejette l'amendement de M. Isnard.)

M. le Président. Je mets aux voix l'amendement tendant à ce que les prêtres perturbateurs soient renfermés dans la prison du chef-lieu du département.

(L'Assemblée, consultée, adopte cet amende

ment.)

[blocks in formation]
« PreviousContinue »