Page images
PDF
EPUB

ment. Le terme de cet emprisonnement ne pourra excéder une année. »

Plusieurs membres à droite : La question préalable!

(L'Assemblée rejette la question préalable et adopte la nouvelle rédaction de l'article 7.)

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Avant de lire le huitième article, j'observe que j'ai changé quelques expressions, selon le vœu de plusieurs membres qui ont cru remarquer, dans l'article du projet qui a été imprimé et distribué, un attentat contre la liberté de la presse. J'ai donc remplacé le mot discours par le mot prédications et le mot écrits par les mots écrits religieux.

Un grand nombre de membres: Non! non! Lisez l'article du projet imprimé !

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Soit. Voici l'article 8:

«Art. 8. Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir troublé l'ordre public par ses discours, ses actions ou ses écrits, sera puni de deux années de détention; et si ses actions, ses discours, ou ses écrits ont donné lieu à quelque meurtre, pillage ou incendie, le coupable sera puni des peines portées dans le Code pénal contre le meurtre, le pillage ou l'incendie. »

M. Lequinio. Je crois que vous devez étendre la disposition de l'article à tous les ministres perturbateurs et changer la rédaction qui vous est proposée. La voici telle que je la propose : «Tout ministre d'un culte quelconque... Plusieurs membres: Cela a été rejeté!

M. Lequinio. «... convaincu d'avoir par ses discours ou écrits, cérémonies, gestes... (Exclamations et rires.)

M. Lequinio. On voit bien, Messieurs, que vous n'avez jamais habité dans les départements comme les nôtres. (Murmures.) Au reste, vous supprimerez le mot gestes; je continue:

« ..... convaincu d'avoir, par ses discours ou écrits, cérémonies.....

Plusieurs membres : Le question préalable!

M. Lequinio. « ..... insinué ou provoqué la désobéissance aux lois, sera condamné chaque fois à deux années de détention s'il n'y a pas eu de troubles; et s'il y a eu des troubles, il sera condamné aux peines portées au Code pénal, et aux réparations civiles. »

M. Jouffret. Je trouve dans l'article qui vous est présenté par votre comité une disposition qui contrarie tous les principes, parce qu'en législation, on ne doit jamais faire porter une disposition pénale sur une caste particulière.

Un membre: Il n'y a plus de caste particulière ! M. Jouffret. La peine doit porter sur tous ceux qui troublent l'ordre public. Enfin, je trouve que l'article n'est pas suffisant, en ce que les peines ne sont pas suffisamment graduées. L'article ne parle que de la peine de la détention, il s'en suivrait qu'un délit qui ne mériterait pas une peine aussi grave resterait impuni. Je ne veux pas changer cette peine, je veux seulement prévoir les cas où cette peine ne serait pas méritée. Je propose, en conséquence, la rédaction suivante :

«Toutes personnes, de quelque qualité ou profession qu'elles soient, qui, par des discours, des écrits ou des actions, chercheraient à jeter des doutes ou à répandré des inquiétudes sur le culte

religieux d'autrui, seront regardées comme perturbateurs du repos public, et comme telles seront arrêtées sur-le-champ sur la réquisition des juges de paix ou des accusateurs publics, et même, en flagrant délit, par les gendarmes nationaux, et seront remises aux tribunaux, qui sous peine de forfaiture, seront tenus de commencer l'instruction sous 24 heures, et de la faire passer au ministre de la justice, qui sera tenu d'en rendre compte tous les 8 jours à l'Assemblée nationale. »

M. Bouestard. Je propose de substituer à la peine de détention celle du bannissement; et je demande à motiver ce changement.

Vous êtes chargés, Messieurs, de maintenir la Constitution, de conserver la liberté publique, d'assurer et de consolider le repos et le bonheur de la nation. Eh bien! j'ose vous prédire, et vous devez être sûrs de voir s'anéantir entre vos mains la Constitution, dépérir la liberté (Murmures.), si vous prononcez que deux années de détention punissent suffisamment les ministres d'une secte quelconque, s'arrogeant le droit d'interprêter les principes de notre Constitution et d'en contrarier les bases.

Quelles seraient les intentions de ces ministres? N'élèveraient-ils pas, autant qu'il serait en leur pouvoir, une puissance qui, sans cesse opposée aux lois par lesquelles la société a déclaré vouloir être gouvernée, bientôt fortifiée par une crédulité qui, pour être ridicule n'en est pas moins dangereuse; qui pour mieux dominer a pris et prendrait encore, sans s'y restreindre, le titre de puissance purement spirituelle; qui tout en disant que son royaume n'est pas de ce monde, s'emparerait sans scrupule des richesses du monde entier.

Plusieurs membres: Bah! bah! Au fait, au fait! M. Bouestard. Messieurs, il est difficile d'énoncer son avis; je vous citerai cependant encore l'autorité de l'homme auquel nos prédécesseurs ont décerné la première place dans le temple de l'immortalité, je vous parle de Rousseau; son témoignage vaut bien celui d'un autre. Eh bien! Messieurs, Rousseau, vous dit que « dans un gouvernement toute religion doit être tolérée, pourvu qu'elle tolère les autres; » et la secte contre laquelle j'ai pris la parole ne tolère personne. (Bruits et applaudissements.) Et lorsqu'une secte dit: hors de l'Eglise, il n'y a point de salut; c'est-à-dire, en d'autres termes: hors de mon opinion, point de paix, point de liberté, il faut qu'elle apprenne que, hors de la société, il n'y a ni pension, ni protection quelconque de la loi à espérer.

[ocr errors]

Plusieurs membres Au fait, au fait!

M. Bouestard. Je conclus à ce que les deux années de détention soient commuées en deux années de bannissement.

M. Brissot de Warville. Messieurs, vous voulez frapper sur des factieux, mais non pas sur la liberté de la presse; vous voulez réprimer la sédition des prêtres, mais vous ne voulez pas faire une loi générale pour tous les discours et tous les écrits. Vous voulez faire des lois précises et justes, et non pas des lois vagues et arbitraires. Or, si vous adoptez l'article tel qu'il vous est présenté par le comité, vous ferez une loi vague, vous prêterez des armes contre la liberté de la presse que vous devez défendre de tout votre pouvoir.

Qu'est-ce, en effet, que les premières paroles

que je trouve dans cet article? Qu'est-ce que ces expressions d'avoir troublé l'ordre public par ses discours, ses actions ou ses écrits? Ne prêtentelles pas à toutes les interprétations qu'on voudra leur donner? Ne livrent-elles pas le prêtre à toutes les fureurs du parti dominant? La mesure de la liberté de la pensée est illimitée. Le crime ne commence que là où des faits troublent l'ordre, que là où le discours ou l'écrit amènent la sédition. Souvenez-vous, Messieurs, que, sous le despotisme, Montesquieu et JeanJacques Rousseau furent accusés d'avoir troublé l'ordre public par ces mêmes ouvrages, à qui les nations devront un jour leur liberté, pour ces ouvrages à qui nous devons ce que nous sommes. (Applaudissements.)

Rappelez-vous encore qu'au moment où les ennemis de la liberté de la presse voulurent l'enchaîner dans un projet de décret, ils y présentèrent précisément les mêmes expressions que vous trouvez dans cet article, et qu'alors un des plus infatigable défenseurs de la liberté démontra tous les dangers attachés à ces mots : Troubler l'ordre public; qu'alors il proposa des mots clairs, des mots qui représentent des faits tels que ceux de provoquer formellement à la désobéissance. Depuis, la Constitution a consacré elle-même ces termes; car, dans les articles qui concernent la liberté de la presse, vous y trouverez les perturbateurs désignés sous les mots d'hommes qui provoquent, par leurs écrits, à la désobéissance à la loi, à la désobéissance aux pouvoirs constitués. Ainsi, Messieurs, je propose à cet égard de supprimer les mots troubler l'ordre public », et de mettre Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir provoqué à la désobéissance à la loi par ses discours... »

Ma seconde réflexion porte sur le défaut de caractérisation des écrits ou des discours que l'on veut punir. Je le répète, vous ne voulez pas faire de loi générale contre les discours ou les écrits coupables; car la loi générale est faite. Vous voulez faire une loi contre les discours et les écrits des prêtres parce que, vous le savez, l'arme de la religion est l'instrument le plus terrible dans la main du fanatisme et de l'hypocrisie. Du moment où vous portez une loi particulière contre un délit particulier, il faut le caractériser et le bien définir. En conséquence, je propose de substituer au mot discours le mot prédications, et d'ajouter au mot écrits le mot religieux, en l'entendant dans ce sens, que ce sont des écrits qui concernent les matières religieu

ses.

Plusieurs membres: La question préalable!

M. Brissot de Warville. Messieurs, j'ai cité la loi pénale existant contre ceux qui provoquent à la désobéissance aux lois par leurs écrits. Ainsi donc, un prêtre qui écrit un ouvrage purement politique, tombe dans le cas de cette loi; et ici, vous ne devez faire de loi que contre les écrits où l'on emprunte l'arme de la religion pour égarer le peuple.

J'attaque aussi la troisième partie de cet article. On y lit « si ses actions, ses discours ou ses écrits ont donné lieu, etc... ». Ces mots sont encore ou trop insignifiants ou trop signifiants. Donner lieu suppose qu'il existe une connexion évidente entre les discours et les écrits d'un prêtre fanatique, et les malheurs qui peuvent en être la suite; mais il n'y a rien de si difficile à prouver que cette espèce de connexion; et, en adoptant ces mots, vous fourniriez une occasion

très favorable au coupable qui voudrait échapper à la punition que la foi prononcera contre lui. En conséquence, je propose de substituer à ces mots des expressions qui peignent un fait incontestable; je mettrais: « si ces discours sont immediatement suivis de quelque trouble, meurtre, pillage ou incendie ». (Murmures à droite. — Applaudissements à gauche.)

Je me résume en vous proposant de rédiger ainsi l'article:

Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir provoqué à la désobéissance à la loi par ses prédications, ses actions ou ses écrits religieux, sera puni de deux années de détention (Murmures.)... »

Si vous l'aimez mieux, je mettrai sur des matières religieuses.

"... et si ces prédications, ces actions ou ces écrits sur des matières religieuses sont immediatement suivis de quelque trouble, du meurtre, etc... >>

Le reste comme à l'article du comité.

Un membre: Je propose par amendement à la nouvelle rédaction de dire: « Tout ecclésiastique ou tout journaliste qui sera convaincu... »

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Gérardin. Je demande la question préalable sur l'article et sur tous les amendements. Je vais la motiver. M. Brissot a démontré d'une manière incontestable les inconvénients de l'article proposé; mais il n'a pas démontré les désavantages de sa rédaction, car cette rédaction donnera lieu à l'arbitraire. Il est évident que si l'on peut punir un prêtre pour les troubles qui suivront des discours ou des écrits répréhensibles sans en être l'effet, les tribunaux frapperont souvent l'innocent au lieu du coupable. Je crois donc que la question préalable doit être invoquée et sur l'article et sur la rédaction. (Exclamations à gauche.)

M. Garran-de-Coulon. Il serait bien étonnant que nous fissions ici une loi contre la liberté de la presse. Le comité n'a pas vu, je me plais à le croire, le danger de cette proposition: et je pense lui rendre justice en appuyant la question préalable.

Plusieurs membres à droite: Appuyé! appuyé! (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer.)

M. Rougier-La-Bergerie. Je demande que l'article soit restreint à ces mots :

«Tout ecclésiastique qui sera convaincu d'avoir provoqué à la désobéissance aux lois, par ses actions et prédications, sera puni de deux années de détention. »

Le Code pénal a prévu toutes les punitions. contre le meurtre, le pillage et l'incendie. Je demande la question préalable sur la fin de l'article.

M. Reboul. Je demande la question préalable sur l'article, il n'est que la répétition des dispositions du Code pénal. (Murmures.)

M. Gensonné. Il est très vrai qu'il y a un grand rapport entre le Code pénal et la nouvelle rédaction de l'article 8 proposée par M. Brissot. Il y a cependant une différence : le Code pénal n'applique à ce genre de délit que la seule peine de la dégradation civique. Le comité de législation a cru que la peine de la dégradation civique, peine générale appliquée aux perturbateurs, était, dans le cas dont il s'agit, une peine

évidemment illusoire. Vous concevez aisément que frapper un prêtre perturbateur de la seule peine de la dégradation civique, c'est en quelque manière l'inviter de nouveau à troubler le repos public. Le comité a donc pensé qu'il fallait une loi nouvelle.

Je demande donc que l'on dise, conformément à la Constitution :

<< Tout ecclésiastique qui aura provoqué formellement et à dessein la désobéissance aux lois, sera puni de la peine de deux années de détention. D

Je demande enfin que la dernière partie de l'article soit supprimée comme étant comprise dans la loi générale.

Par là, Messieurs, vous ne faites que rappeler une loi déjà existante; mais vous y appliquez une peine, qui, pour le délit qui vous occupe, ne sera pas une peine illusoire. (Appuyé! appuyé!)

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Messieurs, cet article est vivement attaqué. J'avais adopté d'abord la première partie de la proposition de M. Brissot, et je suis bien aise que mon adoption n'ait pas passé, car nous eussions été privés du plaisir de l'entendre développer ses observations. (Murmures et rires ironiques à droite.)

J'adopte la rédaction proposée par M. Gensonné pour la première partie de l'article. Je suis loin, et mes collègues aussi, de vouloir briser l'égide sacrée de notre liberté, ou de livrer aux décisions de l'arbitraire un citoyen quelconque.

J'adopte également la question préalable sur la seconde partie, si l'Assemblée veut bien motiver dans son procès-verbal qu'elle rejette cette seconde partie, parce que le Code pénal y a pourvu en prononçant des peines contre les instigateurs de pillage et d'incendie.

Plusieurs membres : Oui! oui! Le vote par division!

(L'Assemblée décide qu'elle votera sur l'article par division.)

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Voici comment je propose de rédiger la première partie de l'article 8.

[blocks in formation]

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU VENDREDI 18 NOVEMBRE 1791.

UN PETIT MOT à M. Torné, évêque de Bourges, sur sa tolérance (1), par Louis-François François, cultivateur, négociant et député du département du Pas-de-Calais à l'Assemblée nationale (2).

De longues, souvent pénibles, mais aussi de fort belles phrases ont été faites par M. Torné, zélé propagateur de la tolérance. Nous aurions du plaisir à le reconnaître comme un chaud partisan du système exclusivement adopté par le vertueux auteur du conciliateur (3), s'il avait été question de religion, de culte et d'opinions religieuses; mais, qu'il me soit permis de le représenter à M. Torné, il ne s'agit dans ce moment de rien moins que de cela; et M. Torné a, j'ose le dire, divagué; il a même attristé l'Assemblée, en s'opiniâtrant à lui faire entendre son opinion sur ce qui est étranger aux troubles intérieurs de l'Empire français. On ne sait que trop que tous ces malheurs sont les fruits des trames ourdies sourdement, et souvent même à découvert, par les plus grands ennemis de notre Révolution, je veux dire les prêtres insermentés. Mais enfin, Monsieur Torné, de quoi s'agit-il aujourd'hui? De mettre fin aux troubles, de pourvoir aux moyens de les détruire; et certes, Monsieur Torné, ce ne sera jamais avec votre tolérance, tout au plus admissible dans 20 ans, que vous y parviendrez. Ce système de philosophie est trop neuf; et il a besoin du temps, pour venir à sa maturité; c'est un système de tolérance que, sans être soi-même intolérant, j'ai maudit cent fois depuis quelque temps, parce que cette tolérance a déjà fait plus d'une brèche à notre glorieuse Révolution.

La loi doit être une, Monsieur Torné, et celui qui la déchire, celui-là seul provoque l'anarchie.

Sans doute, les opinions religieuses sont libres par essence quant aux actes; mais cette liberté cesse là où elles sont suivies d'actes extérieurs qui nuisent à la chose publique. Je ne m'arrêterai pas à le prouver; cela n'est malheureusement que trop démontré. Mais il y a plus, mon cher évêque; on ne dispute point sur le fond de la religion; son dogme n'est pas changé. Dieu reste aux yeux des insermentés, comme aux nôtres, le créateur du ciel et de la terre; en un mot, il ne s'agit que de discipline. Enfin, ce ne sont pas des sectaires que nous avons à combattre, mais des ennemis de la Constitution, des perturbateurs, des brigands, des monstres couverts du manteau de notre sainte religion, outragée par cette horde de mystiques souillés de tous les vices, livrés à toutes les passions, s'honorant même des vœux les plus atroces, et comptant pour rien le sang de nos frères (des Français enfin) pour qu'ils obtiennent ou qu'ils reprennent leurs chapeaux rouges, leurs mitres, leurs crosses, leurs bonnets de docteurs, leurs petits rabats, et, avant tout, leurs biens immenses.

[blocks in formation]

1T SERIE. T. XXXV.

10

S'il en est qui voient, qui pensent autrement que moi, qu'ils parlent! aussitôt, je leur dirai Vous êtes des législateurs dont la pusillanimité contraste étrangement avec les qualités qu'impose ce titre sacré; de ces législateurs indignes d'avoir obtenu, et criminels d'avoir accepté une mission pour laquelle on ne devait, on ne pouvait apporter des dispositions contraires au bien général et au vou de tous les Français. Eh! Monsieur Torné, et vous Messieurs, qui êtes partisans de ce faux, mais souple et rusé politique qui ne saurait échapper ici à nos regards sévères, mais justes, dites-moi: avez-vous, comme lui, à chercher bassement à concilier la méprisable faveur des insermentés, avec l'estime honorable des sermentés ?

Voilà le système politique de M. l'évêque de Bourges; mais qu'il ne s'y trompe pas! nous saurons toujours qu'il est ici l'aimant entre deux fers qu'il veut attacher à lui aura-t-il le talent de les unir? Jadis orateur de la cour, il en a conservé la politique et le faux brillant nous le verrons, et il ne saura jamais nous en imposer.

Enfin, que M. Torné apprenne que nous savons, que nous saurons toujours le voir, le reconnaître pour M. Torné pour le partisan d'un système inadmissible dans ce moment; aussi à peine l'Assemblée nationale a-t-elle daigné l'honorer de la question préalable.

Mais moi, toujours franc et sincère, toujours esclave du vœu de mes commettants, invariablement soumis et fidèle à celui de toute la nation, je dirai à M. Torné, et à ses chauds patisans (en très petit nombre, il est vrai), que jamais ils ne furent à l'ordre, que jamais ils ne parerent des causes des troubles intérieurs de l'Etat; je dis à M. Torné et à tous ses pervers partisans, que je les crois parjures, coupables du crime de lèse-Constitution, de lèse-vou national; je dis enfin qu'ils se sont rendus criminels par le grand scandale, par l'affreux tumulte qu'ils firent et causèrent dans la séance d'hier; et je conclus, avec tous les vrais amis de la Constitution, à ce qu'ils soient censés déclarés rebelles à la loi, et rappelés à l'ordre.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. Séance du samedi 19 novembre 1791, au matin.

PRÉSIDENCE DE M. VIENOT-VAUBLANC.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les Secrétaires fait lecture du procèsverbal de la séance du vendredi 18 novembre.

Un de MM. les Secrétaires fait lecture d'une adresse des citoyens de Riom, à l'Assemblée nationale. Elle est conçue en ces termes :

L'œil de la France était ouvert sur vous. La nation attendait dans un respectueux silence un décret qui répondit à la dignité d'un grand peuCe décret est rendu. Les citoyens libres de ple. la ville de Riom, département du Puy-de-Dôme, offrent à l'Assemblée législative le tribut d'hommages et de respect que lui mérite la mâle énergie qu'elle vient de développer. Fiers de l'attitude majestueuse des représentants du peuple français, aucune terreur ne saurait les atteindre, aucuns moyens de séduction ne pourraient alterer

[blocks in formation]

Plusieurs membre: Mention honorable au procèsverbal!

(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adressé au procès-verbal.)

L'ordre du jour et la discussion du projet de décret du comité des assignats et monnaies sur le bru lement des assignats fautés ou surnuméraires appartenant à l'émission des 100 millions d'assignats de cinq livres, décrétés le 6 mai 1791.

M. Dorizy, au nom du comité des assignats et monnaies. Messieurs, le 16 de ce mois, (1) vous avez rendu un décret d'urgence fondé sur l'empressement qu'on devait avoir à éteindre, le plus tôt possible, les bouts de série appartenant aux assignats qui ont été décrétés et qui sont maintenant en émission. Vous en avez ajourné le projet de décret à aujourd'hui. Je propose d'y ajouter qu'ils seront brûlés dans la cour de la caisse de l'extraordinaire, en présence des commissaires de l'Assemblée, du commissaire du roi et du public. C'est une omission que j'ai faite lors de la rédaction du décret. Le voici avec l'addition :

[ocr errors]

L'Assemblée nationale, après avoir rendu, le 16 de ce mois, le décret d'urgence, décrète ce qui suit :

[ocr errors]

Le comité des assignats, chargé de suivre les opérations de la surveillance attribuée par le Corps constituant aux commissaires établis par le décret des 21 et 22 mai dernier, pour la fabrication des assignats de 5 livres, créés par le décret du 6 dudit mois, fera le compte et recensement des assignats délivrés à l'imprimerie, remis au timbre et au numérotage, et qui, lors du numérotage, ou de l'application du timbre, ont été mis hors d'état de servir par quelque vice dans l'application du timbre ou des numéros, ainsi que de ceux qui se trouveraient excéder lá quantité qui a été nécessaire pour fournir lesdits 100 millions. Après ledit recensement, ou au fur et à mesure, lesdits assignats qui n'ont pu servir, et tous ceux qui se trouveraient excéder le nombre qui a rempli l'émission de 100 millions, seront brùlés dans la cour de la caisse de l'extraordinaire, en présence des commissaires de la dite caisse, du commissaire du roi et du public; i sera dressé procès-verbal desdits compte, recensement et brûlement d'assignats, et il sera rendu public par la voie de l'impression. »

[blocks in formation]

(L'Assemblée adopte le projet de décret avec l'addition.)

M. Léopold, au nom du comité de division, a la parole pour faire un rapport sur la question de savoir s'il y a compatibilité entre les fonctions de percepteur des droits d'enregistrement et celles d'administrateur; il s'exprime ainsi (1) :

Le même individu peut-il exercer simultanément les fonctions de percepteur des droits d'enregistrement et celles d'administrateur de district ou de département? Telle est, Messieurs, la question soumise à la décision du Corps législatif, vous avez chargé votre comité de division, dé vous présenter, à cette séance, un projet de décret. Je viens vous proposer ce projet en son nom, et vous exposer, en très peu de mots, les principes qui lui servent de bases.

Les décrets de l'Assemblée nationale constituante n'établissent rien de positif sur cet objet. La seule loi qui ait trait à la question, est l'instruction du 12 août 1790. L'article 11 de la section 6 du chapitre 1er de cette instruction porte que les contrôleurs des actes ne sont pas inéligibles aux fonctions municipales ou administratives.

Vous remarquerez d'abord, Messieurs, que l'éligibilité et la compatibilité sont deux choses de nature absolument différente; et que, par conséquent, l'instruction du 12 août ne jette aucun jour sur la difficnlté qui nous occupe. Vous voudrez bien observer ensuite que l'état des percepteurs du droit d'enregistrement a totalement changé depuis cette époque. Au mois d'août 1790, les contrôleurs des actes n'étaient subordonnés et comptables qu'à l'administration générale des domaines. En ce moment, au contraire, les percepteurs du droit d'enregistrement et préposés à la régie des domaines nationaux sont immédiatement sous les ordres et la surveillance des corps administratifs. C'est la disposition textuelle de l'article 3 du titre 1er de la loi du 27 mai dernier, et du premier article de la loi du 12 septembre aussi dernier.

La position actuelle de ces percepteurs ainsi fixée, il me suffira de rappeler à l'Assemblée deux principes incontestables :

Il importe au bien public que nul ne soit en même temps surveillant et surveillé ;

Il importe au bien public que nul ne possède en même temps deux emplois, dont un seul doit absorber tout son temps.

La réunion de ces deux principes s'oppose à ce qu'un percepteur du droit d'enregistrement occupe une place dans un directoire.

Le premier de ces principes doit l'exclure même des conseils généraux des administrations. Son sort doit être le même que celui des receveurs de district. La loi les déclare éligibles aux places d'administration, à la charge d'opter. Où il y a parité de cause, il doit y avoir parité d'effet.

Voici, Messieurs, le projet de décret : «L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division du royaume, décrète ce qui suit :

«Art. 1er Les fonctions de percepteur des droits d'enregistrement, de préposé à la régie des domaines nationaux sont incompatibles avec celles d'administrateur de district ou de département.

« Art. 2. Dans le cas où ces percepteurs ou préposés seraient nommés par la suite à des places

(1) Bibliothèque de la Chambre des députés Collection des affaires du temps, Bf 165, t. 147, n° 13.

d'administration, ils seront tenus de faire incessamment leur option.

«Art. 3. Seront pareillement tenus d'opter ceux des percepteurs ou préposés qui auraient été élus à des places d'administration, antérieurement au présent décret.

Art. 4. Ceux desdits percepteurs ou préposés qui n'auraient pas fait l'option ci-dessus dans la huitaine de leur élection, ou dans la huitaine de la publication du présent décret, seront censés démissionnaires de leurs recettes et emplois, et seront remplacés d'après les formes établies par le titre III de la loi du 27 mai dernier. »

Je propose, pour remplir les formes constitutionnelles le décret qui suit :

« L'Assemblée nationale décrète que la discussion est ouverte sur le projet présenté par le comité de division. La lecture faite en ce moment est réputée première lecture: le projet sera imprimé et distribué, et l'Assemblée ajourne la seconde lecture à huitaine. »

M. Broussonnet. Il me semble qu'on devrait étendre l'article sur ceux qui occupent des tribunaux, car dans ce moment des contrôléurs d'enregistrement qui se trouvent avoir été nommés juges dans les tribunaux, et qui ne savent comment faire; ils ignorent si les deux places sont incompatibles. Je demanderai que l'Assemblée s'expliquât aussi sur cet objet.

M. Léopold, rapporteur. Nous l'insérerons. dans le projet de décret, si l'Assemblée le veut. L'Assemblée adopte l'amendement et ordonne l'impression, la distribution et l'ajournement à huitaine de la seconde lecture du projet de décret dont la teneur suit :

་་

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division du royaume, décrète ce qui suit:

« Art. 1er Les fonctions de percepteurs des droits d'enregistrement et des préposés à la régie des domaines nationaux sont incompatibles avec celles de juges et d'administrateurs de district ou de département.

« Art. 2. Dans le cas où ces percepteurs ou préposés seraient nommés par la suite à des places de judicature ou d'administration, ils seront tenus de faire incessamment leur option.

« Art. 3. Seront pareillement tenus d'opter ceux desdits percepteurs ou préposés qui auraient été élus à des places de juges ou d'administrateurs, antérieurement au présent décret.

« Art. 4. Ceux desdits percepteurs ou préposés qui n'auraient pas fait l'option voulue, dans la huitaine de leur élection, ou dans la huitaine de la publication du présent décret, seront censés démissionnaires de leurs recettes ou emplois; et seront, comme tels, remplacés dans le mode prescrit par le titre III de la loi du 27 mai dernier.

Un membre du comité de division demande que ce comité soit autorisé à se procurer les cartes topographiques dont il a besoin.

(L'Assemblée accorde cette autorisation.)

Un membre: Je demande que le comité de division présente incessamment un projet de décret sur le mode à employer pour que les administrés et les administrateurs fassent connaître leur vou, relativement à la réduction des circonscriptions nouvelles des districts et municipalités.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

« PreviousContinue »