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L'ordre du jour est la discussion du projet de décret du comités des contributions publiques sur une demande d'emprunt de 600,000 livres par la ville de Nantes pour achat de grains.

M. Dupertuis, au nom du comité des contributions publiques. La commune de Nantes est sur le point de manquer des subsistances qui lui sont nécessaires. Cette commune aurait déjà fait ses approvisionnements si elle avait eu les fonds nécessaires pour en acheter; et elle demande instamment que vous l'autorisiez à faire un emprunt de 600,000 livres. Votre comité vous a présenté, ces jours derniers (1), un projet de décret pour autoriser la ville de Nantes à emprunter la somme nécessaire à ces achats. Cette autorisation est extrêmement urgente. J'ai eu l'honneur de vous dire, au nom du comité des contributions publiques, qu'il n'y avait aucune espèce de difficulté. Le projet a été imprimé et distribué; je ne pense pas que l'Assemblée ait besoin de plus de lumières pour statuer définitivement à cet égard. En conséquence, je vais vous lire successivement le décret d'urgence et le projet de décret :

"

Premier projet de décret.

« L'Assemblée nationale, considérant que la commune de Nantes n'a pu, jusqu'à ce jour, se procurer toutes les subsistances qui lui sont nécessaires, et que la saison avancée ne lui permet pas de perdre un instant pour compléter ses approvisionnements, et pour leur embarquement et transport, décrète qu'il y a urgence.

Deuxième projet de décret.

« L'Assemblée nationale, vu la délibération du conseil général de la commune de Nantes, du 23 septembre dernier, les avis du directoire du district de la même ville et du département de la Loire-Inférieure, des 14 et 24 octobre suivant; ouï le rapport de son comité des contributions publiques; et après avoir rendu le décret d'urgence.

Autorise la municipalité de Nantes à emprunter la somme de 600,000 livres pour l'achat des grains nécessaires à la subsistance de ses habitants, sous la garantie du seizième qui lui reviendra dans le prix des reventes des biens nationaux, pour lesquels elle a fait sa soumission, à la charge par elle de rembourser au fur et à mesure de la rentrée des fonds empruntés, et de rendre compte du tout au directoire du département.

M. Laureau. Le premier soin d'un gouvernement est de veiller aux subsistances. Un coup d'oeil politique, jeté sur les approvisionnements, nous fait voir qu'on peut les doubler, sans qu'il en coûte davantage. Ce moyen économe et multiplicateur consiste à distinguer les approvisionnements des ports de mer d'avec ceux des villes de l'intérieur; ces dernières, situées au milieu des terres, ne peuvent guère tirer de secours que des campagnes ou des pays qui les avoisinent; si elles les tirent de plus loin, ses frais de transport rendent ce secours trop onéreux. Il n'en est pas de même des villes maritimes qui, ayant des relations au loin, et sachant dans quelle contrée de l'univers le grain est à bon compte, peuvent aller s'en procurer; en se pourvoyant chez l'étranger, elles laissent les

(2) Voyez ci-dessus, séance du 17 novembre 1791, page 107.

productions du sol aux habitants du pays. Dans les années où les comestibles ne sont pas abondants, cette méthode doit être strictement suivie. Si Nantes enlevait les grains qui sont sur la Loire, les habitants riverains où des provinces limitrophes qui en manquent ne pourraient s'en procurer. Si, au contraire, elle va en acheter à Dantzig, et dans les Etats-Unis, en Sicile ou en Barbarie, les environs de la Loire seront alimentés sans inquiétude, sans frais extraordinaires. Ainsi, je demande qu'en accordant à la ville de Nantes la somme qu'elle sollicite en avance, il soit décrété que cette même somme sera employée à acquérir des blés étrangers; et je demande, en outre, que la motion que je fais aujourd'hui soit renvoyée aux comités de commerce et des contributions publiques réunis afin qu'ils présentent un décret portant des moyens suffisants pour favoriser l'achat des blés chez l'étranger, afin de pouvoir laisser les blés, dans l'intérieur du royaume, aux habitants des provinces centrales.

M. Dupertuis, rapporteur. La commune de Nantes, d'après son arrêté pris en conseil général, expose qu'elle a fait toutes les démarches possibles dans les pays du Nord, notamment en Pologne, en Russie, et dans d'autres contrées semblables, pour en tirer des grains; que de ses correspondances actives, il en résulte qu'elle ne peut point espérer une quantité suffisante pour subvenir pendant toute l'année à la subsistance de la commune de Nantes et des environs, et qu'en conséquence, elle a envoyé des commissaires à Orléans pour faire des achats de grains pour 300.000 livres. Il ne serait pas dans votre intention de vouloir exclure une ville importante de l'achat des grains dans l'intérieur du royaume; ce serait nuire à la fois à la liberté du commerce et contrevenir à la loi qui ordonne la circulation libre des grains; ce serait manquer à la foi publique, et ce serait en même teinps nuire essentiellement à la ville de Nantes, qu'elle a déjà fait des achats. Je demande don si l'on a à porter une loi, que cette loi n'ait point d'effet rétroactif; que la commune de Nantes puisse librement contracter, et que toutes les obligations qu'elle a contractées jusqu'à ce jour soient maintenues.

Plusieurs membres: La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il y a urgence.)

M. Cambon. J'ai un amendement à proposer. Il me semble que le décret rend la nation solvable des pertes qui se feront sur les blés, et voici ce qui me le fait croire:

Par le décret sur les dettes des municipalités, il est dit que les municipalités sont autorisées á vendre leurs biens patrimoniaux pour payer leurs dettes; et si ces biens ne suffisent pas, l'excédent sera pris sur le seizième du bénéfice des ventes des biens nationaux. Ce même objet doit être employé à acquitter les dettes particulières, et, ensuite, la nation doit se charger des dettes qui resteraient à acquitter. Si actuellement, vous hypothéquez le bénéfice de la vente des biens nationaux que peut faire la ville de Nantes, vous aurez une plus grande masse de ses dettes particulières à payer. Je demande donc qu'on autorise la commune de Nantes à emprunter; mais à la charge, pour la municipalité, de rembourser sur ses biens, si elle en a, ou, si elle n'en a pas, par des sols additionnels.

Un membre: Je demande qu'on fixe pour ce remboursement un délai, soit de dix-huit mois, soit de deux ans; mais qu'il soit bien spécifié qu'il ne pourra dépasser trois années.

M. Basire jeune. Soyons circonspects à donner aux municipalités le droit d'imposer des sols additionnels; cette ressource est extrême, et on ne doit y avoir recours que dans de pénibles circonstances.

Voix diverses La priorité pour le délai de 18 mois! La priorité pour le délai de deux ans! (L'Assemblée accorde la priorité à la proposition qui fixe le délai à 18 mois et adopte ensuite cette proposition, ainsi que le projet de décret et l'amendement de M. Cambon.)

Suit la teneur de ce décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :

L'Assemblée nationale, considérant que la commune de Nantes n'a pu, jusqu'à ce jour, se procurer toutes les subsistances qui lui sont nécessaires, et que la saison avancée ne lui permet pas de perdre un instant pour compléter les approvisionnements et pour leur embarquement et transport, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, vu la délibération du conseil général de la commune de Nantes, du 23 septembre dernier, les avis du directoire du district de la même ville et du département de la Loire-Inférieure, des 14 et 24 octobre suivant : our le rapport de son comité des contributions publiques, et, après avoir rendu le décret d'urgence, autorise la municipalité de Nantes à emprunter la somme de 600,000 livres pour l'achat des grains nécessaires à la subsistance de ses habitants, à la charge par elle de rembourser au fur et à mesure de là rentrée des fonds empruntés, et à la charge de rembourser le déficit, s'il y en a, avec le produit de ses revenus particuliers, ou d'un impôt en sols additionnels; à la charge, enfin, de rendre compte de tout au directoire du département, et de faire le remboursement dans le délai de 18 mois au plus tard.

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Décrète, en outre, que le présent décret sera porté, dans le jour, à là sanction du roi. »

Un membre: Il est nécessaire que nous connaissions la situation de toutes les municipalités du royaume. Il en est peu qui aient rendu leurs comptes aux corps administratifs, et elles pourraient, comme celle de Nantes, dans des circonstances malheureuses, venir vous demander des secours; vous seriez encore obligés de rendre un décret de confiance. Pour éviter cet inconvénient, je demande que vous chargiez un de vos comités de vous présenter un projet de loi qui tende à vous faire connaître la situation de toutes les municipalités, car elles ne la connaissent pas elles-mêmes.

Un membre: Si les municipalités ne connaissent pas leur situation, c'est leur faute; elles ont eu assez de temps pour cela. Je demande l'ordre du jour.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Despinassi, au nom du comité colonial, a la parole pour faire un rapport sur l'admission de M. Bertrand comme député de l'ile Bourbon au Corps législatif; il s'expríme ainsi (1):

Messieurs, il est superflu, je crois, de citer à des législateurs des lois qu'ils doivent connaître. Vous savez, en effet, que l'Acte constitutionnel dit

(1) Bibliothèque de la Chambre des Députés : Collection des affaires du temps, Bf in-8° 165, tome 155, n° 6.

expressément que « les colonies font partie de l'Empire français » et qu'« elles pourront avoir des représentants dans le Corps législatif ».

Votre comité colonial a donc pensé qu'il serait tout à la fois contraire à la justice et à la saine politique de ne pas adopter ces principes; l'intérêt de la France, l'intérêt des colonies sollicitent leur exécution. C'est d'après ces principes incontestables que le député de l'île Bourbon demande à s'asseoir parmi vous. Il a soumis ses titres à notre examen. Nous allons, Messieurs, les exposer rapidement à vos yeux, sans nous appesantir plus longtemps sur une question de droit que nous croyons décidée en faveur des colonies.

L'assentiment général de l'île Bourbon est en faveur de son député; mais il n'a pas réuni tous les suffrages. Il paraît que de chauds partisans de l'ancien régime, effrayés de sa nomination, ont protesté et fait protester vivement contre elle. Est-il étonnant que la liberté française ait trouvé des ennemis dans des lieux flétris par l'esclavage? Il s'agit de déterminer quel degré de confiance on doit accorder à des protestations partielles et jusqu'à quel point elles peuvent balancer le vœu de la grande majorité des colons, qui députent un représentant à cet immense éloignement de leur patrie, témoignage éclatant de leur attachement à nos lois.

L'assemblée coloniale avait, sans contredit, le caractère exigé par la loi du 8 mars; et c'est en vain qu'on prétend invalider ses opérations. Ainsi, Messieurs, après avoir attentivement examiné ses travaux, après avoir pris une connaissance approfondie de toutes ses délibérations ralatives à l'élection d'un député, nous pensons que la nomination du premier suppléant sur la démission du député ne peut être annulée par les réclamations de quelques paroisses que l'ordonnateur de la marine à Brest vous a fait parvenir. Ces réclamations partielles contiennent d'ailleurs des faits inexacts; des femmes même les ont signées, et l'on a poussé l'impudeur jusqu'à les charger aussi du seing d'un particulier qui réside à Paris depuis plusieurs années; elles attaquent indécemment le mérite du député; tandis que la grande majorité de ses concitoyens lui rend hommage, ainsi qu'il est prouvé par des pièces authentiques, par les messages et les félicitations de la presque totalité des paroisses, par les récompenses mêmes accordées à son patriotisme et à ses talents.

Au surplus, Messieurs, ces réclamations semblent être le fruit de la haine, de la jalousie, et tranchons le mot, de l'intérêt personnel. Elles ont été mendiées par les membres du conseil de l'île Bourbon, ce corps judiciaire insolemment despotique, qui, lui-même, a fait une protestation dans laquelle perce, à travers une morgue puérile, toute la fierté, tout l'esprit dominateur de nos ci-devant parlementaires. C'est à la chambre même du conseil qu'ils ont arrêté de protester contre les opérations de l'Assemblée coloniale et contre le départ du député.

Remarquez ici, Messieurs, que cette protestation dérisoire a eu lieu dès l'instant où l'assemblée coloniale a voulu introduire dans l'île les réformes relatives à l'ordre judiciaire. Rien n'a plus été sacré pour ces magistrats hautains lorsqu'ils ont pressenti que leur règne était passé. Eh! n'ont-ils pas excité, dans certaines paroisses, quelques habitants inconsidérés à émettre un vou pour la conservation de l'ancienne magistrature? Plusieurs de ces habitants, officiers de

milice et commandants de quartier, avait d'ailleurs eux-mêmes le plus grand intérêt au maintien de l'ancien régime, qui récompensait leur paresse et leur inutilité par des grades, des commandements et des décorations.

Voilà, Messieurs, l'unique source des réclamations partielles qui vous sont parvenues, non pas officiellement, mais par des voies particulières.

Rien, Messieurs, ne nous paraît, conséquemment, devoir s'opposer à l'admission de M. Bertrand, député de l'ile Bourbon, envoyé par cette colonie à une distance de 5,000 lieues, pour la représenter dans le Corps législatif, soutenir ses droits, et vous exposer le tableau fidèle de ses besoins. Votre comité a vérifié ses pouvoirs avec la plus scrupuleuse exactitude; ils lui ont paru très réguliers; il vous propose en conséquence de rendre le décret suivant :

"L'Assemblée nationale, adoptant l'avis de son comité colonial, a jugé légitime la députation du sieur Bertrand au Corps législatif, pour la colonie de Bourbon; elle a déclaré ses pouvoirs vérifiés et l'a admis dans son sein. »

M. Brissot de Warville. Le rapport qu'on vient de vous faire concerne une question très importante. Le Corps législatif doit-il admettre dans son sein des députés des colonies? Comme cette matière exige de mùres réflexions, et que, d'ailleurs, M. le rapporteur n'a pu se faire entendre, je demande l'impression et l'ajournement du rapport.

(L'Assemblée adopte la motion de M. Brissot de Warville.)

Un membre: Vous avez rendu, la semaine dernière, un décret sur le remplacement des officiers aux emplois vacants dans l'armée de ligne. Parmi les dispositions sages qu'il renferme, il en est une qui est susceptible de diverses interprétations, ce qui pourrait donner lieu à des difficultés. Il est nécessaire, Messieurs, de fixer les idées sur son vrai sens, afin que cette question ne soit pas arbitrairement interprétée. Quand vous avez prononcé que ceux qui remplaceraient les officiers déserteurs ou démissionnaires seraient pris, moitié parmi les gardes nationales, moitié parmi les sous-officiers des troupes de ligne, avez-vous entendu comprendre sous cette dernière dénomination les sous-officiers de la gendarmerie nationale?

M. Delacroix. Je crois qu'il est inutile que l'Assemblée nationale s'explique là-dessus, parce qu'il est hors du doute que la gendarmerie nationale fait partie de l'armée de ligne. Je demande la question préalable.

Un membre: Je demande le renvoi au comité militaire, parce qu'autrefois la gendarmerie ne faisait pas partie de l'armée.

(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer et renvoie la motion au comité militaire.)

M. Amy, au nom du comité de liquidation, fait une troisième lecture (1) du projet de décret tendant à assujettir à la retenue d'impositions les intérêts des capitaux liquidés; ce projet de décret est ainsi conçu :

«L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, après avoir entendu les trois lectures du projet de décret dans les séances des 25 octobre, 3 et 19 du présent mois, et après

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, tome XXXIV, séance du 25 octobre 1791, page 388, et du 3 novembre, page 604.

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Art. 4.

Les rentes à 4 0,0 seront exemptes de la retenue, lorsque les parties l'auront ainsi stipulé. "

M. Boscary jeune. Le décret qu'on vous propose a été rejeté dix fois par l'Assemblée constituante. Elle donne plus d'avantage aux titulaires d'offices non liquidés qu'à ceux qui le sont. Vous ne pourriez l'adopter aujourd'hui sans donner un effet rétroactif à la loi. Sous ce rapport, je demande la question préalable sur ce projet, jusqu'à ce que le comité de liquidation vous présente un état de la liquidation des finances.

M. Cambon. La question qui a été présentée plusieurs fois au corps constituant, ne portait pas sur le même objet. Elle concernait les intérêts des effets au porteur; et l'Assemblée constituante a eu raison de regarder ces intérêts comme sacrés. Ici, ce sont des créances hypothéquées sur des biens fonds. Il n'y a aucune injusfice de la part de la nation, qui paye à 500 l'intérêt des offices dont elle s'est engagée à payer les capitaux, à faire, sur cet intérêt, la inême retenue à laquelle ont droit les débiteurs vis-à-vis de leurs créanciers particuliers. Le comité ne fait qu'exécuter la foi relative à la contribution foncière. La retenue qu'on vous propose aujourd'hui ne fait done aucun tort aux créanciers des officiers de judicature, puisque, d'après cette loi, ils l'auraient eux-mêmes supportée.

Un membre: Dans l'ordre des titulaires, il en est qui ont présenté leurs titres pour leur liquidation; ceux-là ont touché leur remboursement,

sans aucune retenue. D'autres n'ont point présenté leurs titres et n'ont pu être liquidés. Or, ferezyous éprouver aux derniers une réduction que les premiers n'ont point supportée ? Ce serait donner à la loi un effet rétroactif; ce serait faire une injustice.

M. Amy, rapporteur. Je ne serais pas embarrassé d'établir que le projet du comité repose sur une base de justice. Mais, pour ne pas faire perdre le temps à l'Assemblée, je propose l'ajour

nement.

M. Cambon. Comment peut-on ajourner un projet de décret, lorsqu'on l'a discuté quatre fois, et qu'on est obligé de payer tous les jours des intérêts considérables?

(L'Assemblée ordonne l'ajournement à lundi.) Un membre: Je demande, au nom du comité diplomatique, à lire un rapport qui a été ajourné à aujourd'hui.

M. Cambon. Je demande la parole, au nom du comité de la Trésorerie nationale, pour présenter un projet de décret sur la comptabilité des ministres. Cette question est très urgente.

Un membre: Ce n'est pas à l'ordre du jour. M. Basire jeune. Pour épargner aux comités des finances la peine d'être renvoyés lorsqu'ils ont à proposer quelque projet de décret, je demande qu'il soit fixe deux jours par semaine destinés à entendre les rapports des divers comités de finance.

Un membre: Les finances sont à l'ordre du jour pour toutes les séances; en conséquence, je demande que M. Cambon soit entendu.

M. Chabot. J'appuie cette observation, c'est là le principal objet de notre mission, et je demande, qu'après ce rapport, l'Assemblée passe à l'ordre du jour.

(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Cambon sera entendu.)

M. Cambon, au nom du comité de la Trésorerie nationale, a la parole pour faire un rapport sur les comptes à rendre par les ministres; il s'exprime ainsi (1) :

Messieurs, vous avez chargé votre comité de la Trésorerie nationale d'examiner un projet de décret qui vous a été présenté, tendant à demander aux ministres l'exécution de l'article 7 de la section IV du chapitre II de la Constitution.

Vous l'avez aussi chargé d'examiner si les ministres sortant de place, soit par démission ou par révocation, doivent être tenus de rendre compte au Corps législatif de leur administration, et de l'emploi des sommes affectées à leur département.

Enfin, vous l'avez chargé d'exécuter le décret du 1er mars dernier, qui ordonnait au comité des finances de présenter à l'Assemblée constituante l'état de la radiation des traitements, etc., qui avait dû être faite d'après les décrets des 4 janvier dernier, et 18 décembre 1790.

Je vais vous présenter les vues de votre comité sur ces trois questions, et vous proposer un projet de décret.

1 Dès qu'il s'est élevé une voix dans l'Assemblée pour réclamer l'exécution de l'article 7 de la section IV du chapitre II de la Constitution, portant que les ministres sont tenus de présenter, chaque année, au Corps législatif, à l'ouverture de la session, l'aperçu des dépenses à faire.

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Administration tome I, n° 10.

dans leur département, de rendre compte de l'emploi des sommes qui y étaient destinées, et d'indiquer les abus qui auraient pu s'introduire dans les différentes parties du gouvernement, personne n'a pu révoquer en doute l'obligation imposée aux ministres de rendre compte, et l'importance de l'exiger.

Mais on n'a pas été également d'accord sur la nature et l'époque de ce compte, les uns ayant prétendu qu'il devait être rendu de suite; les autres, qu'il ne devait être rendu qu'à la fin de l'année; enfin, il s'est élevé la question de savoir si, lorsqu'un ministre donnait sa démission, ou lorsqu'il plaisait au roi de le révoquer, le Corps législatif devait exiger le compte du ministre récédé.

Pour bien décider ces questions, il faut se fixer sur ce qu'on entend par les mots compte et comptabilité; ces expressions servant dans des acceptations fort différentes. Un compte rendu par des commissaires, n'est pas un compte de gestion; un compte de gestion sans maniement de deniers, ne constitue pas proprement comptable celui qui doit le rendre; celui qui a administré, qui a ordonné des dépenses, doit un compte d'ordonnateur, c'est-à-dire qui serve à justifier que les dépenses ont été bien et légitimement ordonnées enfin, celui qui a le maniement des deniers, est véritablement le comptable.

Il serait peut-être essentiel de distinguer ces espèces de comptabilités par des dénominations différentes, parce que plusieurs citoyens les confondant, il résulte souvent des réclamations mal fondées, qui peuvent avoir les suites les plus funestes. Nous en avons l'exemple dans l'application que les ennemis du bien public en ont faite à la fin de la session du corps constituant.

La loi décrétée le 27 avril dernier, et sanctionnée le 25 mai suivant, en déterminant les fonctions attribuées à chaque ministre, règle la nature et l'époque de leur comptabilité.

Chargés de l'exécution des lois relatives à leur département, les ministres doivent rendre compte de tout ce qui est relatif à leur administration. Cette partie méritant la plus grande surveillance, le Corps législatif a le droit d'exiger à tout instant les comptes qu'il juge être nécessaires; et les ministres sont en outre obligés, par le décret du 27 avril dernier, de les rendre chaque année à l'ouverture de la sesion du Corps législatif.

Ces comptes, qu'on peut appeler de gestion, vous ont été déjà rendus : vous les avez renvoyés à l'examen de vos comités; il ne vous reste qu'à déterminer l'époque pour entendre leur rapport, afin de vous assurer s'ils remplissent toutes les obligations imposées par le décret du 27 avril

dernier.

Les ministres, outre les comptes de gestion, doivent rendre compte de l'emploi des deniers affectés à leur département. L'Acte constitutionnel ne laisse aucun doute à cet égard, puisqu'outre l'article 7, cité ci-devant, on trouve l'article 3 du titre V, chapitre V, qui porte: « Les comptes détaillés de la dépense des départements ministériels, signés et certifiés par les ministres ou ordonnateurs généraux, seront rendus publics, par la voie de l'impression, au commencement des sessions de chaque législature; il en sera de même des états de recette des diverses contributions et de tous les revenus publics: les états de ces dépenses et recettes seront distingués suivant leur nature, et exprimeront les sommes touchées et dépensées année par année dans chaque district. »>

Il résulte évidemment de ces dispositions, que le compte que doivent rendre les ministres, n'est pas simplement un compte de leur administration, tel qu'ils vous l'ont rendu, mais un compte de la destination qu'il leur aurait plu de faire des fonds remis à leur disposition par le Corps législatif.

Ce compte, à la vérité, ne doit pas être confondu avec celui du payeur, dont la connaissance est renvoyée à un bureau de comptabilité chargé d'examiner les quittances et acquits comptables; ce n'est pas non plus un simple état au vrai, qui sert momentanément pour connaître la fixation de la fortune publique ou d'une caisse particulière, mais qui ne peut éclairer la nation sur la légitimité des dépenses; mais un compte détaillé des ordonnances qu'ils ont fournies, et c'est ce qu'on doit appeler un compte d'ordonnateur.

Il n'est pas nécessaire que ce compte embrasse les détails des parties rappelées nominativement dans chaque ordonnance: ces détails, qui ne serviraient qu'à multiplier les calculs, devront être fournis par les ministres aux comités qui seront chargés de la vérification.

Ces comptes qui, dans ce moment, paraîtront peu instructifs à plusieurs personnes, parce que les décrets qui ont déterminé et réglé les dépenses de l'année 1791 ont été rendus dans un temps où tous les détails n'étaient pas suffisamment connus, seront très intéressants à l'époque que la Constitution a eu en vue, c'est-à-dire lorsque les dépenses auront été réglées d'avance par le Corps législatif, sur un aperçu exact, et surtout lorsque les ministres auront exécuté l'article 26 du décret du 27 avril dernier, qui porte Au commencement de l'année, chaque ministre sera tenu de dresser un état de distribution, par mois, des fonds destinés à son département, et de communiquer cet état au comité de Trésorerie, qui le présentera au Corps législatif avec ses observations. Cet état sera arrêté par le Corps législatif, et il ne pourra plus y être fait de changement qu'en vertu d'un décret. »

Si le passage de l'ancien régime au nouvel ordre de choses ne permet pas encore cette précision dans les aperçus, cette régularité dans les états de distribution, cette invariabilité, du moins, dans les grandes masses des dépenses publiques, on ne doit pas moins tendre à ce but si désirable, et préparer les moyens de l'atteindre, en suivant la route indiquée par la Constitution, puisqu'à cette époque le Corps législatif et tous les citoyens pourront juger si les dépenses ont été légitimes, si elles se rapportent aux bases invariables indiquées par les décrets d'assignation de fonds, et si l'on n'a négligé aucune économie; puisque c'est à cette époque qu'il ne sera plus facile aux ministres de détourner les fonds de la destination qui leur était affectée, ou que s'ils le tentaient les commissaires de la Trésorerie nationale, qui auront des bases certaines, desquelles ils ne pourront s'écarter sans s'exposer aux peines de la responsabilité, leur opposeront une surveillance toujours active, et seront forcés de refuser le payement des sommes que les ministres voudraient employer par anticipation, ou qui n'auraient pas été décrétées; puisqu'entin c'est à cette époque heureuse que l'ordre renaîtra dans les finances, que la chose publique sera en sûreté, que la confiance sera entière, et que la Constitution sera consolidée.

Il existe encore une dette arriérée dans tous

les départements; il importe que le montant en soit connu de la nation, afin que, l'état une fois arrêté par le Corps législatif, les ministres ne puissent plus se servir de ce prétexte pour fournir des ordonnances non décrétées sur le Trésor public.

L'Assemblée nationale constituante avait prévu la nécessité d'acquérir cette connaissance, puisque, par son décret du 22 janvier 1790, article 7, elle avait ordonné que les administrateurs de chaque département, et ordonnateurs de toute dépense remettraient, dans un mois, un état certifié des dépenses arriérées dans leurs dépar

tements.

Le 7 avril suivant, autre décret, qui ordonne l'exécution de cet article; cependant, cet état n'a pas été remis. Votre comité pense que vous devez en exiger la prompte exécution.

2. L'époque de la reddition des comptes par les ministres est assez clairement déterminée par la Constitution, et par la loi du 27 avril dernier. Les ministres sont comptables toutes les fois qu'ils en sont requis par le Corps législatif; mais ils sont tenus de les rendre à l'ouverture de chaque session : c'est à cette époque qu'ils doivent être rendus publics par l'impression.

Inutilement voudrait-on mettre en contradiction ces expressions avec celles qui se rapportent à chaque année ces derniers mots supposent seulement que le Corps législatif peut ínterrompre ses séances, et les reprendre par une ouverture de session: il n'en résulte donc autre chose sinon qu'il doit y avoir dans le courant de chaque année un compte rendu et public; et la preuve sans répliqué que l'époque de ce compte n'est pas fixée au commencement de l'année, c'est que l'ouverture de la session qui détermine l'époque de la reddition du compte, est fixée au 1er mai de chaque année.

Il ne doit donc exister aucun doute que les ministres auraient dù vous rendre les comptes indiqués par la Constitution: mais, comme, dans un nouvel ordre des choses, il peut exister quelque difficulté sur l'interprétation des mots, votre comité a cru que vous deviez réclamer l'exécution de la loi, et que les ministres yous présenteront d'ici au 1er décembre prochain le compte qu'ils doivent vous rendre de l'emploi des sommes affectées à leur département; compte qu'on doit appeler compte d'ordonnateur.

Ces comptes, qu'il est urgent d'exiger, serviront de base pour régler d'une manière certaine l'ordre de comptabilité que vous devez établir.

L'aperçu des dépenses que les ministres doivent fournir à l'ouverture de la session, n'est pas moins important, puisqu'il est nécessaire à vos comités pour régler les dépenses de l'année 1792, qu'il est urgent de déterminer; aussi votre comité a-t-il pensé que vous deviez l'exiger d'ici au 1er décembre prochain, époque déjà peut-être trop éloignée pour préparer le travail que vous avez à faire dans cette partie.

Votre comité a pensé aussi qu'outre les comptes et l'aperçu des dépenses que les ministres seront tenus de vous fournir d'ici au 1 décembre prochain, qui doivent servir de bases au travail de vos comités, vous deviez décréter que les ministres seront tenus d'exécuter, dans le mois de mai prochain, l'article 7 de la section IV du chapitre IV de la Constitution. Par ce moyen, vous établirez l'époque de la reddition des comptes annuels, vous observant que c'est à cette époque que le renouvellement du Corps législatif s'opère."

Cette époque est très avantageuse, puisqu'elle

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