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clamation solennelle pour annoncer la formation d'une haute cour nationale, et fera rédiger l'acte d'accusation de la manière la plus précise et la plus claire; et il nommera deux de ses membres pour, sous le titre de grands procurateurs de la nation, faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de l'accusation.

Art. 11. Les quatre grands juges qui présideront à l'instruction seront pris parmi les membres du tribunal de cassation, leurs noms seront tirés au sort dans la salle où la législature tiendra publiquement ses séances: le plus ancien d'âge présidera. Le roi sera prié d'y envoyer deux commissaires. >>

Un membre: Il est nécessaire que le roi envoie deux commissaires pour assister au tirage qui aura lieu ce soir.

M. Lasource. Il faut que le tirage soit fait en présence de deux commissaires du roi; mais vous pouvez sur-le-champ envoyer un message au roi pour le prévenir de nos intentions et pour le prier de nommer ces commissaires.

M. Tardiveau. Il faudrait que les députés portassent au roi le décret et la proclamation; or, ni l'un ni l'autre ne sont rédigés. Il faut ordonner au comité de législation de se rassembler ce soir, et vous faire, demain matin, son rapport à l'ouverture de la séance, afin que toutes les formalités soient remplies."

M. Saladin. Je demande que l'on envoie un message au roi, en attendant que le comité de législation vous propose d'autres mesures.

Un membre: Je demande que l'exécution des différents décrets que nous avons rendus tout à l'heure soit renvoyée à demain, pour nous permettre de remplir toutes les formalités prescrites par la loi.

Un membre: Il est d'autant plus nécessaire de renvoyer à demain les tirages au sort, qu'il faut du temps pour que les commissaires du roi soient pourvus de leurs provisions.

(L'Assemblée, consultée, charge le comité de législation de lui faire, dans la séance de demain, un rapport sur cet objet, et de lui présenter en même temps, soit le projet de la proclamation de la convocation de la haute cour nationale, soit l'accusation contre le sieur Varnier.)

Plusieurs membres: Il faut envoyer un message au roi.

D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

La suite de la discussion du projet de décret sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés est reprise.

M. Demées. Je n'abuserai pas de votre patience, et je vous démontrerai en peu de mots que l'article ne peut subsister tel qu'il est. En effet, il est de principe que tout homme est réputé innocent s'il n'est pas convaincu d'être coupable; il est de princípe que chacun de nous n'est tenu de répondre que de ses faits personnels; et cependant, en renversant ces principes, le comité de législation condamne les particuliers d'une commune, dans laquelle se seront élevées des séditions pour causes religieuses, à payer les frais de déplacement des troupes de ligne ou des gardes nationales, quoique ces particuliers n'eussent d'autre reproche à se faire que d'habiter le lieu où le crime aura pu se commettre. Pourquoi donc aller chercher si loin des garants pour l'exécution de la loi, quand la loi vous les 1 SERIE. T. XXXV.

donne, quand les municipalités sont établies pour surveiller l'exécution de la loi?

On me répond que dans bien des campagnes les municipalités sont incapables d'agir, qu'elles sont peu expérimentées; mais j'aurai l'honneur de vous représenter que ce ne serait pas encore là une raison pour contrevenir aux principes, et que vous pouvez suppléer au défaut d'activité et au défaut d'expérience des municipalités, en chargeant tous les fonctionnaires publics, qui peuvent être répandus dans les campagnes, de dénoncer les délits qui pourraient s'y commettre. Sous l'ancien régime, comment ces délits étaient-ils connus? Par les huissiers qui étaient répandus dans les campagnes. Vous avez à présent des juges de paix, des assesseurs, des huissiers; chargez ces différents fonctionnaires de veiller à la tranquillité publique; mais ne forcez pas l'ouvrier, l'artisan paisible de payer les frais extraordinaires de l'emploi de la force publique, parce qu'il n'a pas pu indiquer les auteurs d'une sédition. J'appuie donc la question préalable sur l'article.

Plusieurs membres demandent à parler sur l'article.

D'autres membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Crestin. Je n'ai qu'un amendement à proposer. Il est certain qu'en rejetant sur la commune, sans aucune distinction, les frais du déplacement de la force publique, les municipalités pourraient se tromper et les mettre par sols additionnels aux impositions foncières; d'où il résulterait que les non résidants et possédants des biens dans la commune, se trouveraient compris dans l'imposition. Je demande donc qu'il soit simplement dit que les frais seront supportés par les habitants résidant dans la commune.

M. Delacroix. Au lieu de dire que les frais seront supportés par la commune, je demande qu'on mette: « seront supportés par le conseil général de la commune (Murmures.)... s'il ne les a pas dénoncées dans les vingt-quatre heures. » Les officiers municipaux sont chargés spécialement de veiller avec soin à la tranquillité publique. Vous ne devez pas confondre l'innocent avec le coupable. Vous ne pouvez pas faire supporter les frais des troupes à des gens qui auront pris les armes, à la réclamation de la municipalité, pour

combattre les factieux.

Un membre: Je demande la question préalable sur l'article 4 et j'offre de la motiver.

Plusieurs membres: Bah! bah! - La discussion est fermée!

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Il y a un amendement qui me paraît juste et que j'adopte volontiers, c'est celuí de M. Crestin tendant à substituer aux mots : « par la commune » ceux-ci : « par les habitants résidant dans la commune », afin de remplir le véritable sens de l'article, et de ne pas faire supporter la peine par ceux qui n'y sont pas domiciliés.

Quant à l'amendement proposé par M. Delacroix, je crois qu'il serait mieux placé dans l'article 14, par lequel il est enjoint à tous les fonctionnaires du royaume, de concourir à l'exécution de la loi.

L'article que nous vous avons proposé, et que l'on veut dénaturer ici, me paraît une des plus belles lois que l'on puisse faire chez un peuple libre. Jugeons-en par l'exemple de l'Angleterre où l'on trouve cette institution extrêmement sage qui

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nous a servi de modèle. Elle a des lois encore plus sévères; car depuis le règne d'Alfred le Grand, suivant Rapin de Thoiras, les citoyens de chaque comté de l'Angleterre sont partagés en dizaines qui sont enregistrées, et ces 10 habitants sont responsables les uns pour les autres, dans les cas d'émeute. Cette loi de l'Angleterre a servi de modèle à une disposition de la loi martiale, sur laquelle l'article 9 est calqué.

Vous devez sentir combien il est important d'assujettir les citoyens qui aiment véritablement leur patrie, à une responsabilité réciproque, à une espèce de surveillance les uns sur les autres. C'est la meilleure manière de les intéresser à la chose publique, de les tirer de l'indolence où ils ne sont que trop souvent à cet égard, et de faire en sorte qu'ils se garantissent mutuellement les lois sous l'empire desquelles ils vivent. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: Aux voix! aux voix l'article!

D'autres membres: La question préalable sur tous les amendements! La division de la question préalable!

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(L'Assemblée, consultée, adopte la division et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Delacroix.)

M. Carnot-Feuleins jeune. Je fais remarquer à l'Assemblée qu'il y a des communes qui ont toujours une force armée à leur disposition; il y en a d'autres qui n'en ont pas. Il en résulterait, si on laissait subsister la rédaction de l'article 9, que les premières ne seraient jamais punies, quoi qu'il arrive dans leur sein...

Plusieurs membres Aux voix! aux voix l'article!

M. Carnot-Feuleins jeune. Je propose, en conséquence, de dire que la commune qui aura une force armée et où il se produira des troubles sera imposée à une double contribution foncière et mobilière pendant une année.

Plusieurs membres: La question préalable!

M. Garran de Coulon. Je demande à relever un fait qui a été avancé à cette tribune. M. le rapporteur vous a cité la loi martiale comme contenant un article semblable à celui qu'on vous propose... (Murmures.)

Plusieurs membres: La discussion est fermée! - Aux voix! aux voix l'article!

M. le Président. De tous côtés, on me crie: aux voix l'article; mais j'observe à l'Assemblée que je ne m'acquitterais pas de mon devoir si je n'accordais pas la parole lorsqu'on me la démande pour des amendements seulement; toutefois l'Assemblée décidera si elle veut les entendre. Quant à M. Garran, je lui ai accordé la parole d'après le règlement qui porte qu'on ne pourra la refuser pour un fait.

M. Garran de Coulon. Ce fait est d'autant plus important, que M. le rapporteur l'a cité pour justifier l'article. Il vous a dit qu'il y avait dans la loi martiale une disposition semblable, et qu'en Angleterre on suivait la même loi d'une manière plus sévère encore. J'observe qu'en Angleterre c'est tout le comté, c'est-à-dire la représentation d'un de nos départements ou de plusieurs districts qui supporte les frais de déplacement de la force publique. Cela est si vrai qu'il est obligé d'employer, pour réprimer les émeutes, ce qu'on appelle en loi anglaise hosce comitatus. On a senti qu'une commune ne pou

vait pas seule arrêter une émeute qui pouvait être très considérable, et que, par conséquent, elle ne devait pas en être responsable. En Angleterre, c'est donc le comté. En France, la loi martiale porte seulement, si je ne me trompe, que ceux qui refuseront le service à la réquisition des of ficiers municipaux, seront dégradés et punis d'un an de prison. Il est un autre article qui porte que les officiers municipaux seront responsables de leur négligence, mais qui ne charge pas les habitants de cette responsabilité.

En conséquence, j'invoque la question préalable contre l'article.

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Je réponds que, soit dans la loi martiale, soit dans les articles additionnels qui ont été décrétés depuis le 8 mai ou le 3 août, il y a un article qui établit la responsabilité graduelle. (Oui! oui!)

Plusieurs membres: La discussion fermée sur les amendements!

(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)

Plusieurs membres : La question préalable sur l'article!

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'article.)

M. Crestin. Puisqu'il y a lieu à délibérer, je demande que l'on mette aux voix mon amendement que je regarde comme essentiel; il consiste à ce qu'aux mots de commune, on substitue ceux de citoyens domiciliés dans la com

mune.

Un membre: Je m'oppose à cet amendement, qui favoriserait les ci-devant grands propriétaires féodaux, qui sont précisément les auteurs de toutes les séditions.

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Dans le cas où les propriétaires non domiciliés auraient été les instigateurs de l'émeute, les domiciliés pourront exercer le recours contre eux. J'adopte donc l'amendement de l'antepréopinant. Quant à ce qui a été dit de la garantie contre les municipalités qui auraient négligé les moyens de rétablir la tranquillité publique, j'observe qu'il y a une loi qui établit la responsabilité graduelle des corps adminis

tratifs.

Je prie l'Assemblée de statuer sur l'amendement de M. Crestin que j'adopte, et qui consiste à mettre au lieu de ces mots : « seront supportés par la commune » ceux-ci : « seront supportés par les citoyens domiciliés dans la commune. »

Plusieurs membres : Mais il a été rejeté par la question préalable!

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Cet amendement n'a été ni adopté ni rejeté. M. le Président l'a excepté de la question préalable, lors du vote sur l'amendement de M. Delacroix, parce que j'avais déclaré l'adopter.

Plusieurs membres: Alors nous demandons la question préalable sur l'amendement de M. Crestin.

(L'Assemblée, consultée, rejette la question. préalable et adopte l'amendement.)

M. François de Neufchâteau, rapporteur. En conséquence, voici quelle serait la rédaction de l'article 9:

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cessitent le déplacement de la force armée, les frais avancés par le Trésor public pour cet objet, seront supportés par les citoyens domiciliés dans la commune, sauf leur recours contre les chefs, instigateurs et complices des émeutes. »

(L'Assemblée, consultée, adopte cette rédaction de l'article 9.)

M. Merlin. L'exception que j'ai à proposer à l'Assemblée est si juste que je ne doute pas qu'elle l'adopte. Je demande qu'un article additionnel excepte les citoyens qui auront pris les armes et employé tous les moyens qui étaient en leur pouvoir pour faire cesser la sédition et le désordre. Il n'est pas besoin de prouver la justice de cet article; mais au milieu de l'enthousiasme règne dans l'Assemblée, il est peut-être bon qui d'observer que la politique vous commande d'intéresser le citoyen à prêter force à la loi. (Murmures.)

Plusieurs membres: La question préalable! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la propostion de M. Merlin.)

(La séance est levée à trois heures et demie.)

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU SAMEDI 19 NOVEMBRE 1791, AU MATIN.

RAPPORT fait à l'Assemblée nationale, au nom du comité de l'examen des comptes, par M. Boisrotde-Lacour (1) et dont la discussion a été ajournée au mardi 22 novembre.

Messieurs, vous avez décrété, le 13 octobre dernier, l'établissement du comité de l'examen des comptes.

Vous avez décrété le 14 que ce comité ne commencerait son travail qu'après vous en avoir présenté le plan.

Ce plan est, Messieurs, dans les lois déjà faites; il ne s'agit donc que dé vous les remettre sous les yeux.

Ces lois sont elles-mêmes de deux espèces. Les unes déterminent les différents comptes qui doivent être présentés au Corps législatif pour être jugés et arrêtés par lui.

Les autres déterminent le mode de la présentation et de l'examen de ces comptes qui doivent lui être rendus.

J'entre, Messieurs, dans l'énumération des lois qui déterminent la nature et l'espèce des comptes soumis à l'examen du Corps législatif.

Dès le 30 janvier 1790, l'Assemblée constituante avait décrété que les trésoriers ou receyeurs généraux remettraient à la vérification leurs comptes définitifs tant de l'exercice de 1790

que des années antérieures, devant qui, et ainsi

qu'il serait ordonné par l'Assemblée nationale.

Le 21 juin de la même année, l'Assemblée décréta: 1 que le ministre des finances remettrait, le 15 juillet prochain au plus tard, le compte détaillé des recettes et dépenses du Trésor public, depuis le 1 mai 1789 jusqu'au 1er mai de l'année 1790;

2. Qu'il fournirait, dans la huitaine, un état dé

(1) Bibliothèque nationale Assemblée législative, Comptabilité, n° 1.

taillé et précis des dépenses auxquelles étaient destinés tant les 30 millions accordés par le décret du 19 juin, que les revenus provenant des autres recettes, et qu'il fournirait aussi, dans le cours de juillet, l'état détaillé de l'emploi de ces

sommes;

3° Qu'il en serait usé de même de mois en mois, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale eût déterminé le nouvel ordre qu'elle se proposait d'établir dans la comptabilité du Trésor public;

4° Que les états des dépenses de chaque mois seraient imprimés et distribués à tous les membres de l'Assemblée.

Le 22 décembre 1790, un autre décret suspendit toutes présentations aux chambres des comptes. Par celui du 31 de ce même mois de décembre, il fut sursis au jugement des comptes de l'année 1789, qui pouvaient avoir été présentés aux chambres, jusqu'à l'organisation de la comptabi

lité.

Enfin, Messieurs, le 4 juillet 1791, l'Assemblée constituante a supprimé toutes les chambres des comptes du royaume.

Le même jour, elle a décrété, comme principe constitutionnel, que le corps législatif verrait et apurerait par lui-même définitivement les comptes des finances de la nation.

Il résulte évidemment, Messieurs, de ces différents décrets, non seulement que les comptes des finances de la nation devaient être définitivement arrêtés par le Corps législatif, mais encore qu'ils devaient être arrêtés et vérifiés par lui, d'après un mode de comptabilité qui n'était pas encore établi.

Mais, Messieurs, ces comptes sont de deux espèces :

Les premiers sont les comptes anciens non encore jugés ni apurés;

Les seconds sont les comptes de l'année courante:

Ces comptes anciens, non encore jugés ni apurés, ne sont pas seulement ceux de MM. Necker et Dufresne, depuis le 15 mai 1789, jusqu'au premier janvier 1791; et ceux rendus par la caisse de l'extraordinaire ou la Trésorerie nationale, jusqu'au premier septembre de la même année.

Il en existait d'autres, non moins intéressants, soumis au jugement des chambres des comptes, lors de leur suppression.

Nous vous citons, par exemple, Messieurs, les comptes des payeurs des rentes et ceux des recettes générales des finances des exercices 1786 et 1787, qui devaient être présentés le dernier décembre 1790. Nous vous citons les comptes de ces exercices pour les années 1788 et les premiers mois de 1789.

On distingue encore, Messieurs, parmi les comptes anciens, ceux sur livres et registres, de ceux sur pièces.

Dans les premiers, il ne s'agit que de comparer les registres ou journaux de recettes et dépers entre eux, et de présenter le résultat de

penses

leur différence;

Dans les seconds, il s'agit de vérifier, sur les pièces, si tout ce qui est porté en dépense sur les registres des payeurs se trouve réellement justifié par le rapport des quittances.

Les comptes sur livres et registres sont plus particulièrement ceux des ordonnateurs; ceux sur pièces concernent les comptables en sousordre.

Mais il est évident, Messieurs, que pour acquérir une connaissance exacte sur la comptabilité des finances de la nation, il faut absolument

comparer entre eux les résultats des vérifications sur livres et registres, avec les résultats des vérifications sur pièces.

Si donc, Messieurs, par votre décret du 13 octobre dernier, vous n'avez établi votre comité de l'examen des comptes que pour vérifier sur registres et journaux les seuls comptes du 15 mai 1789 au 1er septembre 1791, il s'ensuit, ou que vous devez étendre ses fonctions à l'examen des comptes antérieurs au 1er mai 1789 non encore jugés ni apurés, ou que vous devez établir un autre comité chargé de l'examen de ces autres comptes.

Vous ne pouvez en effet, Messieurs, avoir eu l'intention de ne pas vérifier et juger tous les comptes anciens qui sont arriérés; et il en est un très grand nombre.

Vous concevrez facilement de quelle importance il est pour la nation que l'apurement et la vérification de ces comptes arriérés soient promptement effectués. Considérez, d'abord, qu'ils présentent très probablement de gros débets.

En second lieu, par un décret du 18 février dernier, qui fixe les sommes à verser au Trésor public pour les dépenses de 1791, l'Assemblée constituante a ordonné qu'il serait fait à la caisse de l'extraordinaire un fonds de vingt millions, pour suppléer aux dépenses résultant, y est-il dit, de l'apurement de tous les comptes. Or, Messieurs, plus tôt ces comptes arriérés seront jugés, plus tôt on pourra disposer du bénéfice, sans doute très considérable, qui va se trouver sur cette réserve de 20 millions.

Les comptes anciens antérieurs au 15 mai 1789, et ceux du 15 mai 1789 jusqu'au premier septembre 1791, ne sont pas encore les seuls soumis à la vérification définitive du Corps législatif.

Il doit aussi vérifier ceux des 4 derniers mois de cette année, à une époque qui n'est pas bien éloignée.

Il faut donc encore, Messieurs, que vous preniez des mesures à cet égard : votre comité vous proposera bientôt celles qu'il a jugées convenables.

Mais il faut qu'avant de vous lire son projet de décret, je vous rappelle encore les dispositions de quelques lois qui déterminent le mode d'après lequel les comptes au moins ceux sur pièces doivent être présentés à l'examen et à la vérification du Corps législatif.

C'est, Messieurs, le 15 septembre seulement (1) que l'Assemblée constituante a décrété ce mode.

(1) Il est bon d'observer ici que les articles suivants, décrétés le 15 septembre, faisaient partie du decret du 4 juillet 1791. Ils en composaient le titre second, qui fut ajourné pour la discussion à ce jour 15 septembre. Ainsi le décret du 4 juillet, rapporté dans le seizième volume de la collection des décrets, ne présente pas ces articles décrétés le 15 septembre. Pour les trouver l faut lire le procès-verbal de l'Assemblée nationale de ce dernier jour. Cette particularité, et tant d'autres qu'on pourrait citer, prouvent de quelle importance serait une collection exacte des décrets par ordre de matières. Il faudrait, au moins, que ces décrets fussent déposés divisément dans chaque comité; cela serait très facile en retirant des exemplaires de chacun d'eux de l'Imprimerie royale, où ils ont été imprimés exactement, à mesure qu'ils paraissaient, pour être envoyés dans les départements. Faute de cette précaution qui faciliterait singulièrement les travaux des différents comités, on est obligé d'avoir quelquefois sous les yeux 16 volumes de décrets, et d'y chercher souvent au hasard, et toujours avec beaucoup de difficultés, ceux dont a besoin.

Je vous lirai, Si vous le jugez à propos, tout le titre second du décret; mais plusieurs articles ne sont pas relatifs à la discussion actuelle. Pour économiser un temps qui vous est précieux, je pense qu'il vaut mieux vous lire les seuls qui s'y rapportent voici, Messieurs, l'article 1er.

Art. 1°r.

"Il sera établi un bureau de comptabilité composé de 15 personnes, qui seront nommées par le roi. Ces 15 commissaires seront divisés en 5 sections composées de 3 membres chacune, lesquelles alterneront tous les ans, sauf à augmenter leur nombre si l'accélération des travaux et l'utilité publique l'exigent.

Art. 2.

«Lesdits commissaires recevront tous les comptes dont il va être fait mention ci-après, et en prépareront le rapport.

Chaque rapport sera signé par 3 commissaires qui demeureront responsables des faits qu'ils auront attestés.

Art. 7.

« Le caissier général, les payeurs principaux de la trésorerie nationale, le trésorier de Textraordinaire, les administrateurs des domaines, ceux des douanes, ceux de la régie des droits d'enregistrement et de timbre, ainsi que tous préposés généraux à la recette de droits perçus dans toutes les parties du royaume, présenteront les comptes de l'universalité des recettes qu'ils auront faites ou dù faire, et de l'emploi qu'ils en auront fait au bureau de comptabilité, pour être, lesdits comptes, après l'examen qui en aura été fait au bureau de comptabilité, vus et apurés définitivement par l'Assemblée nationale législative, aux termes du décret du 4 juillet.

Art. 8.

"Si, en procédant à l'apurement dudit compte, l'Assemblée nationale législative reconnaît que quelques articles sont sujets à contestation, elle ordonnera la communication des comptes à l'agent du Trésor public.

Art. 10.

"Tous receveurs particuliers comptables à la Trésorerie nationale ou à la Trésorerie de l'extraordinaire, pour des objets postérieurs au premier janvier 1791, seront tenus, sous les peines portées par l'article 6 du titre 3 du décret du 4 juillet dernier, de remettre leurs comptes auxdits trésoriers au premier juin de chaque année au plus tard, pour l'année qui aura fini au 31 décembre précédent. A l'égard des objets antérieurs au premier janvier 1791, lesdits comptes seront remis dans les délais et de la manière exprimés au décret du 4 juillet dernier. »

Il est indispensable que je vous rapporte ici, Messieurs, la partie du titre III de ce décret sur les délais et là présentation de ces comptes antérieurs au 1er janvier 1791:

Art. 1er.

"Dans le délai d'un mois après l'organisation du bureau de comptabilité, tous individus ou compagnies qui comptaient de la recette ou dépense des deniers publics, soit pardevant les chambres des comptes, soit pardevant le conseil du roi; tous héritiers et ayants cause d'individus comptables, comme aussi les receveurs, économes, séquestres, régisseurs ou administrateurs

tenus de rendre compte pardevant le Corps législatif, aux termes des décrets, adresseront au bureau de comptabilité un état de situation de leur comptabilité, contenant :

«La date de leur dernier compte jugé, apuré, et corrigé avec le certificat de quitus ou décharge à l'appui ;

«2 La date de leurs comptes jugés, mais non encore apurés, ni corrigés, avec copie des jugements;

3o La date des comptes par eux présentés et qui n'ont pas encore été jugés;

4° La date des années de leur exercice dont ils n'ont pas encore présenté le compte, jusques et compris l'année 1790. »

Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 du même titre prononcent seulement des peines contre les coupables qui seraient en retard de produire leurs comptes et leurs états au bureau de comptabilité.

Je reprends, Messieurs, la suite des articles décrétés le 15 septembre dernier, et je vous ne rappelle toujours que ceux relatifs au mode de comptabilité établis par l'Assemblée constituante. L'article 12 est ainsi conçu :

Le caissier général de la trésorerie nationale et autres comptables dénommés en l'article 7 cidessus (1), seront tenus, sous la même peine, de remettre au bureau de comptabilité le compte de chaque année, le 1er octobre au plus tard de l'année suivante. »

Enfin, Messieurs, l'article 14 est ainsi conçu : « Dans le cas où, lors de l'examen des comptes, il paraîtrait qu'il y a lieu à exercer l'action dé responsabilité contre quelques-uns des ministres ou autres agents du pouvoir exécutif, le bureau de comptabilité en rendra compte à l'Assemblée nationale législative, et lui proposera, s'il y a lieu, les éclaircissements préalables qu'il paraitra convenable de prendre, même la vérification sur les lieux par des commissaires nommés à cet effet. L'Assemblée nationale décidera, après la vérification des faits par le bureau de comptabilité, s'il y a lieu à l'action de responsabilité alors cette action sera intentée à la requête de l'agent du Trésor public, devant le tribunal dans le territoire duquel le ministre ou agent du pouvoir exécutif sera domicilié. »

Les différentes natures de comptabilité soumises à la vérification définitive du Corps législatif, le mode de leur présentation et de leur examen sont donc déterminés, Messieurs, par les différentes lois que j'ai eu l'honneur de vous rappeler.

Le roi doit établir un bureau de comptabilité composé de 15 personnes, qui seront chargées de vous présenter au moins tous les comptes sur pièces des finances de la nation, après qu'elles les auront précédemment vérifiées.

Votre commission, Messieurs, a pensé ne pouvoir examiner aucuns comptes, avant qu'ils eussent passé par le bureau de comptabilité. Il s'est empressé de savoir s'il était formé. Il a écrit à ce sujet, le 4 de ce mois, au ministre des contributions publiques.

Voici, Messieurs. la réponse qu'il a faite au président du comité:

Paris, ce 4 novembre 1791.

« Je m'empresse, Monsieur, de vous procurer

(1) Ces autres comptables dénommés en l'article 7 sont des trésoriers de l'extraordinaire, et, en un mot, tous préposés généraux à la recette de droits perçus dans tout le royaume.

les éclaircissements que vous désirez sur la formation du bureau de comptabilité.

« Le décret de l'Assemblée nationale, du 15 septembre 1791, ayant été présenté très tard à la sanction du roi, n'a été sanctionné que le 23 octobre dernier. Sa Majesté s'est occupée ensuite du choix des 15 commissaires-vérificateurs. Ils ont été nommés le 2 de ce mois. M. Delessart leur a annoncé leur nomination le 3; et je les réunis chez moi, demain samedi, à 7 heures du soir, pour leur donner connaissance des nouvelles lois relatives à la comptabilité, et pour fixer leurs idées sur les premiers objets dont ils ont à s'occuper sur-le-champ, pour le mettre en état d'entrer sous très peu de jours en activité. Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien transmettre ces éclaircissements à Messieurs du comité de l'examen des comptes.

« Le ministre des contributions publiques,
« TARBÉ. »

Les comptables, comme vous l'avez vu, Messieurs, ont le délai d'un mois, à compter de l'organisation du bureau de comptabilité, pour présenter les états que le décret les astreint å fournir. Il est, par conséquent, infiniment intéressant qu'elle soit bientôt complète. Votre comité donnera tous les soins à cet objet.

Je me résume, Messieurs, avant de vous lire le projet de décret arrêté par votre comité de l'examen des comptes.

J'ai eu l'honneur de vous prouver par le texte et les conséquences des lois faites jusqu'à ce jour sur la comptabilité:

1° Que c'était au Corps législatif à arrêter définitivement tous les comptes des finances de la nation;

2o Qu'il existait des comptes à vérifier sur pièces, et qu'il y en avait à vérifier sur livres et registres;

Qu'au moins ceux à vérifier sur pièces devaient passer, avant tout, au bureau de comptabilité établi par la loi du 15 septembre dernier.

Je vous ai démontré qu'il existait des comptes non jugés, antérieurs au 15 mai 1789;

Qu'il y en avait d'années échues; qu'il y aurait bientôt ceux de l'année courante;

Qu'il y en avait de définitifs, qu'il y en avait de partiels;

Que tous étaient également soumis à la vérification et au jugement du Corps législatif;

Que cependant votre décret du 13 octobre dernier n'avait établi le comité de l'examen des comptes que pour vérifier sur registres tous ceux rendus depuis le 15 mai 1789 jusqu'au 1er septembre 1791;

Qu'il était, par conséquent, nécessaire que vous prissiez des mesures ultérieures sur ces différents objets.

J'ai eu l'honneur de vous annoncer que votre comité vous proposerait celles qui lui auraient paru convenables.

Voici donc, Messieurs, son projet de décret qui, si vous l'agréez, lui tracera, pour l'avenir, le plan de son travail:

PROJET DE DÉCRET.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'examen des comptes, décrète ce qui suit :

Art. 1er.

Les fonctions du comité de l'examen des

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