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présentées pour base de leur conduite et des dispositions qu'ils auront à faire dans les différentes circonstances qui pourront se présenter. A Avignon, le 3 juillet 1791.

Signé DE FERRIER,

Maréchal de camp, commandant général des troupes françaises réparties dans l'Etat d'Avignon et le Comtat Venaissin.

No II.

MÉDIATEURS DE LA FRANCE, entre les peuples d'Avignon et du Comtat Venaissin, députés par le roi.

Préliminaires de paix et de conciliation arrêtés et signés par MM. les députés de l'assemblée électorale, des municipalités d'Avignon et de Carpentras et de l'armée de Vaucluse, pardevant MM. les médiateurs de la France, députés par le roi.

PROCÈS-VERBAL.

Cejourd'hui quatorze juin mil sept cent quatrevingt-onze, MM. les députés de l'assemblée électorale des municipalités d'Avignon et de Carpentras et de l'armée de Vaucluse étant réunis en présence de MM. les médiateurs de la France, députés par le roi, sont convenus de ce qui suit, et en ont pris l'engagement formel pour ce qui concerne leurs commettants respectifs envers MM. les médiateurs de la France.

Art. 1er.

Chaque députation s'engage en droit foi à suspendre dès à présent toute hostilité, à licencier toutes les forces qui ont été armées pour la guerre, à établir et à protéger la liberté, lâ sûreté des campagnes et de la récolte des moissons.

Art. 2.

Il est convenu entre toutes les parties contractantes que l'assemblée électorale se réunira dans un lieu qui ne soit soupçonné d'aucune influence de parti, le plus propre à la liberté des suffrages, et qui sera choisi par MM. les médiateurs.

Art. 3.

Pour hâter le succès des intentions bienfaisantes de l'Assemblée nationale de France, les députés de l'assemblée électorale arrêtent qu'elle ne s'occupera que d'objets relatifs à la médiation, pendant tout le temps de sa durée.

Art. 4.

Il a été arrêté par toutes les parties que, pendant tout le temps que l'assemblée électorale s'occupera de la décision de l'état politique du pays, tous les corps administratifs seront circonscrits dans les droits qui sont de leur essence, et qu'ils ne s'attribueront aucun de ceux qui appartiennent exclusivement au corps représentatif de la nation.

Art. 5.

Pour assurer l'exécution des présents préliminaires, pour rendre à ceux qui auraient pu être violentés ou intimidés par la force, leur liberté entière et absolue, enfin pour prévenir les désordres de ceux qui, après le licenciement de l'armée, pourraient se répandre dans les campagnes pour y exercer des vexations, MM. les députés de l'assemblée électorale, des munici

palités d'Avignon et de Carpentras demandent unanimement à MM. les médiateurs de la France:

1o De se porter pour garants envers et contre chacun des contractants, comme aussi contre toute association ou attroupement faits dans le Comtat pour s'opposer à l'ordre public, de tous les engagements ci-dessus mentionnés;"

2o De placer dans les deux villes d'Avignon et de Carpentras, et dans tous les autres lieux où besoin serait, des troupes françaises pour prévenir les maux prévus dans le présent article, bien entendu que les armées ne seront licenciées qu'après qu'on aura pris lesdites sûretés pour établir l'ordre.

Art. 6.

Il a été convenu entre toutes les parties que les présents préliminaires seront envoyés à toutes les communes de l'Etat d'Avignon et du Comtat Venaissin, à l'effet de nommer chacun un député, muni de pouvoirs suffisants pour contracter et souscrire les présents engagements.

Art. 7.

Il a été arrêté enfin que tous les prisonniers respectivement faits seront rendus mutuellement sans rançon, et à l'instant du licenciement des armées.

Les présents préliminaires ont été arrêtés et signés par les députés ci-dessus désignés, pour être exécutés aussitôt après la ratification des commettants respectifs de chaque députation en présence de MM. les médiateurs de la France, députés par le roi, lesquels ont signé avec les contractants, comme garants et témoins des présentes.

Fait à Orange, les jour et an que dessus. Signé Duprat, président de l'assemblée élec

torale du département de Vaucluse, séante à Cavaillon; J.-S. Rovère, lieutenant général; Rovère, prêtre, électeur; Waton, électeur; Lescuyer, électeur; Laugier, électeur; Sabin-Tournal, aide de camp; Minvielle, lieutenant général; Richard, maire d'Avignon; Eydoux, député de Carpentras; Guillaume, officier municipal d'Avignon; Barjavel le jeune, député de Carpentras; Escoffier, député de Carpen

tras.

Et MM. les médiateurs de la France: Le Scènedes-Maisons, Mulot, de Verninac-SaintMaur.

Certifié conforme à l'original, resté aux Archives de la médiation de la France. A Orange, ce 14 juin 1791.

Signé FORLAIR, docteur en médecine, secrétaire de la médiation.

N° III.

Lettre de M. l'abbé Mulot à M. l'abbé Pochi, à Sorgues.

Vous devez croire, Monsieur, que je ne me fais pas un jeu de votre captivité. Votre caractère de prêtre m'aurait porté sans doute à l'indulgence, si vous n'aviez pas été si violemment accusé. Jé vous aurais rendu aux instances des patriotes Orangeois, si je n'avais pas attendu réponse des ministres à qui j'ai écrit pour ce qui concerne tous les prisonniers. Votre élargissement dépend d'eux. Aussitôt qu'ils auront parlé, vos fers pour

222 [Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1791.]

ront tomber; mais je ne puis les rompre avant
qu'ils l'ordonnent. Les commissaires civils vous
apporteront peut-être l'amnistie; je le souhaite
pour vous; et ce serait un plaisir pour moi de
Vous l'annoncer. J'ignore s'il manque quelque
chose aux prisonniers; je l'ai demandé plusieurs
fois au maire, il m'a dit qu'il pourvoyait à
tout; et même les offres que j'ai faites ont été
refusées.

Signé L'abbé MULOT, député à l'Assem-
blée nationale.

Ce 8 octobre 1791.

A M. l'abbé Pochi, à Sorgues.

TROISIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGIS-
LATIVE DU SAMEDI 19 NOVEMBRE 1791, AU
SOIR.

SUPPLÉMENT NÉCESSAIRE au compte rendu par
M. Mulot (1), comme commissaire du roi à
Avignon (2)

Messieurs,

J'apprends, à l'instant où se termine l'impression de mon compte rendu à l'Assemblée nationale, que le sieur Rovère, se disant faussement député d'un corps qui n'existe plus, conformément et au pacté fédératif et à la loi du 23 septembre dernier, a fait paraître un mémoire contre moi; qu'il m'y prodigue des injures que son éducation devrait lui interdire (3) et dont la défense de sa cause, si cette cause était bonne, n'aurait pas besoin; qu'il m'y compare aux ministres des Phalaris, des Néron, des Heliogabale, des Brunehaut et des Louis XI; qu'il m'y met au nombre des bas intrigants qui connaissent les routes tortueuses qui conduisent au crime, sans arriver à l'échafaud; et qu'enfin, dans cet écrit délicat, il s'écrie éloquemment que CARTOUCHE et DESRUES m'ont précédé dans la carrière des crimes, mais qu'ils ne m'ont pas surpassé.

Le sieur Rovère n'obtiendra pas de moi une réponse dans son style: je n'ai jamais cru qu'une injure fut une raison. Mais je vais dire quelques mots sur diverses allégations calomnieuses qu'il a froidement combinées avec les grossièretés dont sa plume s'est souillée.

Croyant que ses calomnies doivent faire effet sur mon cœur, il ose donner d'abord pour preuve de la réalité de ses assertions, le peu de cas que j'en ai fait, et mon silence sur le défi qu'il m'a proposé de paraitre devant un tribunal. Sieur Rovère, écoutez et pesez ma réponse : je méprise des calomnies dont vous n'êtes en partie que l'écho il me suffit d'avoir prouvé que ce sont des calomnies, et je vous abandonne à votre honte. Chez une nation régénérée, l'opprobre du crime en est la plus forte punition. Je ne suis pas descendu dans l'arène pour vous combattre corps à corps, devant un tribunal : je ne suis

(1) Voir ci-dessus, même séance, page 169, ce compte rendu.

(2) Bibliothèque de la Chambre des députés: Révolution française, Bf. in-8°, 164, tome 334, no 5 bis.

(3) Le sieur Rovère a porté longtemps le nom de marquis de Fonvielle, et a été quelque temps mousquetaire.

plus maître de ma personne, pour accepter cette
espèce de cartel; j'appartiens à la France entière,
et il ne vous est pas libre de me faire descendre
du siège où m'a placé la nation, pour obéir à vos
lubies mais en dédaignant vos caprices, je n'ai
point fui l'œil de la loi. Si j'eusse été coupable,
je ne serais point revenu en France; j'aurais été
me réfugier chez cet évêque de Rome, dont vous
prétendez que j'ai favorisé les vues: j'aurais eu
même des espérances en faisant cette démarche;
et celui qui récompense d'une manière si écla-
tante, l'abbé qui a seulement défendu, par son
éloquence, ses droits prétendus sur le Comtat et
sur Avignon, n'eût pas pu mal accueillir l'autre
abbé qui aurait voulu remettre ces terres entre
ses mains.

Je n'ai point fui l'oeil de la loi; et j'ai remis
au comité des pétitions toutes les pièces qui
attestent mon innocence et votre noirceur. Je
n'ai point fui l'œil de la loi... Il est actuelle-
ment en activité, ce tribunal d'Avignon où doi-
vent être vengés les crimes qui ont affligé cette
ville malheureuse; ces crimes dont vous de-
mandez avec impudeur l'impunité, et que votre
âme froidement atroce rejette sur moi. Eh bien!
si les juges me trouvent coupable, comme vous
le dites, de la moindre complicité avec les assas-
sins du sieur Lescuyer, du moindre complot de
contre-révolution, du plus petit projet criminel
sur Sorgues et sur Avignon; d'avoir voulu re-
mettre dans les mains du pape des terres que la
nation venait de reconnaitre pour françaises; d'a-
voir trempé mes mains, doublement sacrilèges, dans
le sang d'un seul homme; s'ils reconnaissent que
j'ai renversé les lois, empêché des tribunaux
légalement constitués et généralement reconnus,
de rendre la justice; s'ils voient que j'ai tyran-
niquement abusé de mes pouvoirs : conformé-
ment à l'article 8 de la section 5 du chapitre ler
du titre Ill de la Constitution française, ils lan-
ceront contre moi le mandat d'arrêt, et l'Assem-
blée nationale, en reconnaissant par un décret
qu'il y a lieu à accusation, m'enverra devant
eux si c'est d'un crime privé que je suis pré-
venu; ou devant la haute cour nationale, si
c'est d'une crime de haute trahison. Mais, en
attendant, je resterai dans son sein, j'y devoi-
lerai ce cœur patriote que vous peignez en vain
gangrené d'aristocratie; et j'y ferai enfin enten-
dre cette voix pure que j'ai peut-être à me
reprocher d'avoir trop longtemps condamnée au
silence. Je laisserai japper autour de moi la
haine, la vengeance et l'envie, sans redouter leur
morsure; et si je prends la peine de répondre
quelques mots à votre nouvelle diatribe, sieur
Rovère, ne vous enorgueillissez pas de má con-
descendance: ce n'est point pour vous que
j'écris; c'est pour consoler de bons citoyens, de
bons patriotes qui prennent intérêt à moi, et qui
pourraient s'alarmer sur ma personne, en me
croyant blessé de vos traits.

Y pensez-vous, sieur Rovère, en me reprochant d'avoir été moine de Saint-Victor? Apprenez que c'est mon éloge que vous faites; sachez que j'ai honoré cet habit monastique qui m'honorait; sachez que c'est sous cet habit, qu'au jour du réveil de la liberté, ma section a trouvé un patriote; sachez que c'est sous cet habit que seuf j'ai soutenu le choc de 500 furieux, dont le chef me tenait la pointe de son épée sur le cœur ; sachez que c'est sous cet habit que, par trois élections différentes, j'ai présidé la commune provisoire de Paris, dont j'ai partagé tous les dangers; sachez que c'est sous cet habit

que j'ai, le premier, au nom de cette même commune, accueilli, le juif et le comédien, et prouvé que la tolérance civile était une vertu essentielle de l'homme dégagé de l'esclavage des tyrans et des préjugés; sachez enfin que cet habit monastique, je ne l'ai changé qu'au moment où la dissolution de ma maison s'est opérée, et contre l'écharpe municipale que je ne devais pas à l'intrigue, mais à la confiance de mes concitoyens, et que je leur ai remise sans tache, pour m'asseoir sur le siège des législateurs, où ils m'avaient placé pendant mon ab

sence.

J'ai, dites-vous, déployé un faste asiatique dans le Comtat, où je suis entré plutôt en conquérant qu'en médiateur. Sieur Rovère, vous confondez avec le faste ce qu'exigeait la nécessité et vous ne prenez pas garde que, sans le vouloir, vous inculpez avec moi, celui des trois médiateurs qui a conservé votre amitié; il ne fut ni moins ni plus fastueux que moi : lorsque l'on se porte dans les villes où la division règne, où les habitants se fusillent, pour y apaiser ces désordres, ce n'est pas par une garde personnelle, cen'est pas par une fastueuse escorte dont on s'environne, c'est une force protectrice que l'on conduit.

Vous me reprochez d'avoir demandé la liberté des deux frères Sainte-Croix, sieur Rovère, nous avons signé tous les trois cette demande; et celui des médiateurs que vous dites n'avoir jamais été ni l'ami ni le protecteur des ennemis du bien public, a signé la lettre qui, en exécution de l'article dernier des préliminaires, contenait la demande de ces prisonniers sans rançon; ainsi, ces prétendus meurtriers d'Anselme et de Lavillasse, qui ne pouvaient, suivant vous, être protégés que par des assassins, ont trouvé cette protection dans celui dont vous vantez les vertus. Ne vous aveuglez donc pas au point de m'attribuer comme crimes des actes que s'est permis l'homme vertueux, et qui n'étaient que l'exécution de vos propres conventions.

Dans les remarques essentielles qui suivent mon compte rendu, j'ai répondu à vos inculpations sur ma conduite à l'égard des prisonniers de Caromb. Consultez cette réponse, et vous verrez que, fidèle à la loi, j'ai fait tout ce que je devais faire, et que mes précautions me mettent à l'abri de vos reproches. J'ai déposé au comité les preuves de la conduite commune des médiateurs, les procès-verbaux de Carpentras, les pétitions des habitants de Caromb, et j'ai, par un simple exposé, mis en évidence la pureté de ma conduite particulière. Le dépôt que vous avez fait vous-même au comité, des réquisitions pour le transport de ces prisonniers à Sorgues et à Lisle donne un démenti formel à la plupart de vos assertions, et ce que vous présentez comme une preuve du zèle et du patriotisme des gardes d'Aix, se démontre, par vos propres soins, être l'effet dé mes précautions, que, dans une autre circonstance, vous appeliez abus tyrannique du pouvoir. J'ai renvoyé, suivant vous, le détachement d'Aix, dont le zèle, le patriotisme et la vigilance me fatiguaient. Je vais déposer au comité la lettre du commandant de ce détachement, qui me demande son départ. J'interpelle de plus ici solennellement M. Pellouvier, qui le commandait, de dire que lui-même m'a demandé la liberté de l'un de ces prisonniers qu'il regardait comme innocent, qui l'était en effet, qui n'était point chargé dans les déclarations qui avaient été faites; et que, cette liberté, il la considérait comme une récom

pense accordée à son détachement. Il en a porté lui-même la réquisition à la municipalité et ça a été une fête pour ces braves gardes nationales, de faire tomber les fers d'un citoyen innocent. Rougissez donc une fois, sieur Rovère, de l'impudence de vos mensonges.

Vous prétendez que nous avons paralysé les tribunaux. Je le sais, nous n'avons pas cru devoir livrer un seul citoyen à votre cour criminelle, formée au milieu de vos camps, qui n'était reconnue de personne, et dans laquelle les accusés ne voyaient que des ennemis particuliers; si c'est un crime à vos yeux, c'est un acte d'équité et de médiation aux yeux de tout homme juste; et le vertueux médiateur, votre ami, en est le complice. Une preuve bien évidente que je n'ai point paralysé les tribunaux, c'est la réintégration du sieur Raphel, que j'ai signée, ainsi que MM. Le Scène et de Verninac.

Quant à ce que vous me reprochez sur ma conduite à l'égard de l'abbé Escoffier, peu m'importent vos déclamations, j'ai la conscience de lui avoir sauvé la vie. Les procès-verbaux, mes lettres, mes réquisitions déposées au comité, prouveront que je n'ai point voulu l'abandonner au pouvoir arbitraire de l'officialité épiscopale, et que je ne trouvais pas bien ni fait par mon ordre, ce qu'on lui faisait approuver.

J'ai prouvé, dans mon compte rendu, que je m'étais opposé à tous les arrêtés de l'assemblée électorale, pris en contravention aux préliminaires de paix; et j'aurais mis ma gloire à en empêcher partout les effets, j'étais garant des préliminaires, et je n'étais pas, comme vous, un parjure.

Vous m'accusez d'avoir voulu faire entrer des Soissonnais dans Avignon, d'avoir été confondu par ma propre réquisition, d'avoir juré la perte de ceux qui m'avaient ainsi prouvé clairement ma démarche. Oui, d'après un conseil tenu entre les trois médiateurs, nous avions jugé nécessaire de faire rentrer dans Avignon des troupes, conformément à l'article 5 des préliminaires pour y remplacer les Suisses et La Fère. Nous avions écrit à MM. de Coincy et d'Albignac pour en avoir: nous ne pûmes en obtenir; et sur la demande qui nous fut faite par vous-même, de ne pas laisser entrer les Soissonnais, vous savez que nous leur donnâmes contreordre... Je n'ai donc pas pu me regarder comme confondu par cette représentation de ma réquisition, ní jurer votre perte.

Vous vous servez d'une lettre favorable, écrite pour vous, afin de m'attaquer plus fortement, et de détruire ce que j'ai pu dire contre l'armée de Monteux. Quelle lâcheté! Nous voulions vous soustraire au couteau de la vengeance, et nous vous placions sous la protection de la loi. L'estime et la considération que nous disions que vous méritiez, vous la mériteriez encore si vous aviez toujours été fidèle aux préliminaires de paix, comme vous l'étiez alors. Nous avions tiré un voile sur votre conduite passée. Nous n'avions considéré que le motif que vous aviez mis en avant pour faire la guerre; mais vous n'étiez pas sans reproche, même d'après le témoignage du médiateur que vous chérissez. Et certes! n'en eût-on eu aucun à faire à l'armée dont vous étiez l'un des généraux, les assassinats dont ses chefs et ses membres se sont rendus coupables, leur feraient perdre cette estime que vous réclamez en vain pour eux. Vous regardez comme des calomnies ce que j'ai dit sur cette armée; faites donc taire les crís de ceux qu'elle a ruinés, et

jusqu'à la voix du sang des victimes qu'elle a égorgées hors du champ de bataille.

Je ne parlerai pas ici de ma conduite à Sorgues, elle est mise dans tout son jour par mon mémoire publié à Sorgues même, et par mon compte rendu, ferez-vous paraitre, pour m'accuser, les soi-disant patriotes échappés de Sorgues, et que vous dites estropiés pour la vie? leurs propres déclarations déposent contre vous; il y est constaté qu'ils ne peuvent plus trouver les traces des coups qu'ils ont

reçus.

Demanderez-vous si, parmi les signatures qui attestent ce qui s'est passé, dans la nuit, à Sorgues, se trouve celle de M. de Ferrier? Il ne pouvait pas me la donner, puisqu'il n'était pas cette nuit-là, à Sorgues, et malgré tout ce que Blayer, d'Orange, dans une certaine déclaration que vous avez déposée au comité, lui a fait dire contre moi, je n'aurais qu'à lui demander sa signature, pour détruire cette même déclaration : son honneur lui défendant de me la refuser. Blayer a pu, dans cette lâche déclaration, compromettre ce général jusqu'à lui attribuer une correspondance secrète avec certains chefs des factieux d'Avignon dont il se disait le porteur. Le général ne pourrait que nier cette affreuse conduite qu'il lui prête, et me rendre, à moi, la justice qu'il me doít.

Vous prétendez, sieur Rovère, que la commission étant indivisible dans ses opérations, je ne

pouvais rien faire seul. Pourquoi donc l'Assemblée électorale entière se contentait-elle de la présence de M. de Verninac seul, si elle la croyait indivisible, pourquoi voulut-elle faire partir M. de Verninac seul pour Paris? Pourquoi, lorsque j'étais seul, les administrateurs provisoires d'Avignon me requéraient-ils de faire arrêter des fuyards? Pourquoi tout le pays me venait-il demånder des actes de médiation? Comment le ministre lui-même, qui connaissait sans doute l'étendue de mes pouvoirs, m'écrivait-il comme à un médiateur, lorsque j'étais seul, et comment pouvait-il fixer la fin de ma mission à l'arrivée de mes successeurs?

Je me tairai, sieur Rovère, sur ce barbouillage sanguinolent d'une statue de Vierge que vous me prêtez; sur ces clefs des portes d'Avignon, que vous dites m'avoir remises; je vous ferais le défi de donner des preuves de ces faits, si je ne croyais pas m'avilir en me mesurant avec vous; mais encore un instant, et le flambeau de la justice va percer les ténèbres qui couvrent les scélérats auteurs de ces faits, et toute la France verra que je ne suis pas de leur nombre.

Cette réponse, sieur Rovère, est ma dernière à toutes vos diatribes; et je les dédaignerai désormais comme le sifflement des serpents.

Signé: MULOT.

QUATRIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU 19 NOVEMBRE 1791,
AU SOIR.

EXTRAIT DE LA CORRESPONDANCE de F. V. Mulot AVEC LES MINISTRES,
pendant le cours de sa mission à Avignon et dans le Comtat (1).

Je crois avoir, dans mon compte rendu (2), évidemment, établi mon inno-
cence contre les inculpations accumulées sur moi par les sieurs Duprat et Rovère.
Comme, cependant, je me suis aperçu qu'il restait encore dans quelques esprits
des ténèbres qui les empêchaient de me voir tel que je suis, j'ai cru devoir ne
pas m'en tenir seulement aux témoignages étrangers que j'ai apportés, aux
raisonnements que j'ai faits, quelque concluants qu'ils puissent être, et j'ai
voulu qu'on lut dans mon cœur. J'ai pris ma correspondance avec les minis-
tres; j'ai fait l'extrait de mes propres lettres, de ces lettres que je leur avais
écrites depuis le 21 août, et dans lesquelles je leur parlais, non pas en style
diplomatique, mais avec cette effusion qui caractérise l'âme honnête, avec
cette énergie qui convient à l'homme libre; avec cette franchise, enfin, que
n'etouffait point la crainte de la publicité, puisque je ne pouvais pas croire
qu'elles vissent jamais le jour. J'ai communiqué cet extrait aux comites chargés
de l'examen de l'affaire d'Avignon. Ses membres en ont paru satisfaits, mais
ont désiré que je reprisse plus haut ma correspondance, et qu'à mes lettres je
joignisse les réponses. Je remplis leurs désirs. Puissent-ils être tous comple-
⚫tement éclairés sur mes vrais sentiments! Puissent-ils ne voir en moi qu'un
patriote zélé, qui n'a jamais dévié dans la route que lui traçait la Constitution;
qui, loin de partager ou de favoriser des projets de contre-révolution, les
dévoilait, qui désignait avec courage les lieux, les personnes suspectes, et
découvrait les antres où le fanatisme et l'aristocratie combinaient et prépa-
raient leurs poisons; qui demandait de tous côtés des secours promis ou auto-
risés, et ne les obtenait pas, ou ne pouvait pas les conserver; qui n'avait
d'autre boussole que la loi, et qui n'agissait jamais qu'avec elle; qui, aban-
donné des uns, menacé par les autres, est toujours resté néanmoins inviolable
ami de la liberté et de la Constitution, pour lesquelles il a juré de mourir!

Signé: MULOT.

(1) Bibliothèque de la Chambre des Députés: Révolution française, Bf in-8°; 164, tome 354, no 6. Voir ci-dessus même seance pages 169 et suiv.

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Arrivés à Orange, sans y rencontrer le général Luckner, sans pouvoir Les médiateurs se recueillir des connaissances certaines sur les forces portées dans les environs fixent à Orange pour du Comtat, voyant d'ailleurs l'anarchie et les haines qui divisent et déchirent éviter les rivalités. cette contrée, nous crùmes qu'il serait imprudent peut-être, et contraire au succès de notre négociation, de nous rendre dans l'une des villes ennemies, puisque c'eût été leur fournir une nouvelle cause de rivalité et d'envie.

En conséquence, nous résolùmes de nous fixer à Orange, et d'inviter tous les partis opposés à nous y envoyer des députés, afin de préparer, loin du trouble et des factions, les préliminaires de la paix. En effet, les municipalités d'Avignon et de Carpentras députèrent vers nous, et nous reçûmes aussi une députation de l'assemblée électorale et de l'armée de Vaucluse dite avignon

naise.

Ici, Monsieur, nous devons dire que l'opinion, à Paris, sur cette assemblée électorale nous a paru erronée.

A l'instant où les peuples d'Avignon et du Comtat ont déclaré leur indépendance, il s'est fait une confédération des quatre-vingt-quatre communes qui composent les deux Etats; elle eut lieu le 7 février 1791. Carpentras, qui avait souscrit à cette fédération, ne tarda guère à s'en éloigner; elle n'y envoya point ses électeurs. Egarée par quelques esprits avides de pouvoirs, et partisans de systèmes opposés par l'ancien esprit de rivalité qui toujours a divisé ces deux villes, elle chercha à former un parti opposé à celui des communes, ayant Avignon à leur tête. L'armée de Sainte-Cécile en fut le résultat; puis les meurtres des sieurs Lavillasse et Anselme; puis tous les crimes publics et particuliers qui se multiplient depuis si longtemps dans cet état d'anarchie et de guerre civile. A la tête d'une armée et sans moyens, l'assemblée électorale, sans doute, a souvent abusé. Ces abus ont servi à fortifier ensuite le parti de Carpentras, qui abusait à son tour; et tout ce qu'on appelle ici les émigrants et les mécontents, c'est-à-dire les ordres privilégiés, ont profité de ces abus pour fortifier un parti qui soutenait leurs espérances.

Toutefois, malgré ces tentatives et ces oppositions de la part de Carpentras, il existait une majorité de soixante-dix-huit communes sur quatre-vingt-quatre, qui reconnaissaient l'assemblée électorale, et qui, depuis, l'ont encore confirmée, comme il conste par les procès-verbaux mis sous nos yeux et déposés à notre secrétariat.

Ainsi, devant traiter avec les parties belligérantes pour ramener la paix, et la partie principale étant cette assemblée électorale qui dirige et dispose de l'armée dite avignonnaise, il nous était impossible, et d'après les principes et d'après la position même des affaires, de ne pas reconnaitre ce corps représentatif des peuples des deux Etats réunis par l'acte de déclaration.

Nous admimes donc ces députés aux conférences, et comme il s'élevait de leur part quelque difficulté de traiter avec des corps administratifs, qui, d'aprés les principes de la fédération, leur sont soumis, nous primes le parti, pour faciliter la négociation, de faire contracter toutes les parties directement avec nous et sous notre garantie.

Après avoir passé deux jours et une nuit en discussions, nous parvinmes enfin, le 14, à arrêter et faire signer, sauf ratification, les préliminaires que nous avons l'honneur de vous adresser.

Idée de l'assemblée électorale.

Opposition de Carpentras contre elle.

Toutes les parties traitent entre les mains

des médiateurs.

Préliminaires signés.

Territoire français

Ce fut au milieu de ces négociations que nous apprîmes que le territoire de France venait d'être violé par des hommes armés et de l'association de Carpentras. Nous crùmes indispensable d'aller nous-mêmes vérifier les faits sur violé. les lieux, et nous y dressâmes le procès-verbal que nous avons l'honneur de vous adresser.

Cependant nous attendions la ratification des préliminaires que les députés étaient allé chercher auprès de leurs commettants respectifs; celle de l'assemblée électorale nous est parvenue incontinent; mais nous avons éprouvé, de la part de Carpentras, des difficultés dont le prétexte était l'ancien système de ne vouloir pas reconnaître l'assemblée électorale.

Monsieur,

Courthezon, 27 juin 1791.

Nous avons l'honneur de vous informer qu'eu égard à des considérations dont nous venons de rendre compte à M. le ministre de la justice, nous avons placé des troupes de différentes armes dans diverses communes des Etats d'Avignon et du comtat Venaissin. Nous vous envoyons ci-joint, Monsieur,

Difficulté à la rati

fication des préliminaires.

Troupes placées dans

l'état de position de ces troupes; vous verrez, en l'examinant, qu'il atteint le diverses communes. double but de faire cesser les hostilités entre les deux Etats, et de couvrir nos

1ro SERIE. T. XXXV.

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