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émigrants. Des hommes, soldés tout à la fois et par la cour de Rome et par les ennemis de notre Constitution, y fomentent et font mettre en avant quelquesuns de ces hommes intrigants qui ne demandent qu'à paraître; ils ont fait former par le peuple entier une assemblée de citoyens actifs qui se réunit tous les jours. Cette assemblée fait emprisonner, dénonce, décrète, gouverne enfin, et emploie l'extérieur des formes de pétitions à la municipalité trop faible pour pouvoir refuser et qui, si elle l'osait, ne s'en trouverait pas bien. L'évêque de Carpentras a fait rouvrir son officialité, et l'on veut, à ce qu'il paraît, y juger un des patriotes que d'abord on voulait tuer et à qui j'ai sauvé la vie; que la municipalité, par police correctionnelle, avait placé dans le séminaire, que le peuple a transporté dans les prisons publiques et qui est maintenant dans celles de l'évêque.

Je mets tout mon art à empêcher une explosion anticonstitutionnelle. La situation de Carpentras effraie ou dirige les villes du Comtat et cause même des mouvements dans nos villes françaises. Comme la force publique consiste en quelques détachements d'artillerie, de dragons de Penthièvre, et dans la majeure partie du régiment de Soissonnais, et que toute cette garnison et surtout M. Despeyron sont suspects, les clubs et les gardes nationales d'Orange, de Nyons, de Marseille et d'Aíx, font des motions contre le régiment et lé colonel qu'ils regardent comme un des plus fameux soutiens de l'aristocratie. Du côté de Brantes, on est sur le point de prendre les armes au moindre mouvement que fera la garde nationale avignonnaise, que l'on ne regarde de toutes parts que comme l'armée vauclusienne ressuscitée. Dans quelques villes, on ruine absolument les châteaux, on se partage les terres, l'anarchie est à son comble. J'ai arrêté quelques-uns de ces désordres; mais comment soutenir ces opérations sans forces qui les appuient? La démarche que je vous ai écrit avoir été faite à Lisle par le sieur Tyran, n'est pas telle que je vous l'avais peinte. Il ne voulait pas entièrement renvoyer les Minimes et prendre leurs biens au nom de l'assemblée électorale; mais il demandait que trois d'entre eux, qui ont des pensions comme religieux français, ne vinssent pas encore prendre part aux biens des Minimes de Lisle. Il voulait ensuite, sans que la France eût rien prononcé, borner la pension des Minimes restants au taux fixé par ses décrets et faire verser le reste des biens dans la caisse de l'assemblée électorale; je crains bien que cette caisse ne soit le tonneau des Danaïdes.

Il n'y a pas dans le Comtat que ces trois seuls religieux pensionnés en France: il y en a a Carpentras, à Aubignan. Je vais faire une recherche sur cet abus, d'autant plus criant, que ces religieux n'ont pas encore des sentiments bien patriotiques.

Tous les détails que je vous donne, Monsieur, vous prouvent combien il est essentiel que l'Assemblée nationale prononce la réunion.

Signé : MULOT.

Efforts pour empêcher une explosion anti-constitutionnelle.

M. Despeyron et les Soissonnais suspects.

Dénonciation des re

ligieux qui touchaient des pensions en France et partageaient encore avec leurs confrères dans le Comtat.

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Peut-être, au moment où vous recevrez ma lettre, il y aura quelque chose de décidé sur Avignon et le Comtat. Oh! si je pouvais apprendre que le décret de réunion a été prononcé! comme c'est le seul remède à tous les maux de ce pays, je ne saurais vous peindre la joie que je ressentirais. En attendant cette heureuse nouvelle, permettez que je vous rende compte de la position du pays Carpentras pour Arles. et de la mienne propre.

(Suivant les détails sur Avignon et sur ce qui s'y passait à cette époque, sur le Thor, sur Lisle et sur Cavaillon, etc., l'annonce des vexations commises par les sieurs Peytavin, etc., à Sorgues.)

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Carpentras est toujours agité un incident survenu avant-hier paraît tourmenter les administrateurs de cette municipalité. On est venu y chercher de la poudre pour Arles, où vous savez, Monsieur, que se forme un noyau de discordes civiles, qui pourra peut-être occasionner la guerre dans nos départements du Midi. La municipalité m'a écrit: je connais le fait, et j'avais requis les dispositions nécessaires pour empêcher le passage de la Durance dans toute l'étendue du territoire de Cavaillon, où je me trouve, à toute personne suspecte et porteuse de poudre, sans avoir les permis et les déclarations exigées par les décrets. Nos précautions ne paraissent pas avoir réussi. La municipalité de Carpentras a découvert l'envoyé d'Arles, l'a mis en état d'arrestation, et m'a demandé comment elle devait se conduíre? Je lui ai répondu que l'état d'arrestation me semblait devoir durer jusqu'à ce que le département des Bouchesdu-Rhône, à qui j'en écrivais, eût prononcé sur cet homme, et je l'ai prévenu que je vous faisais part de l'événement. J'ai l'honneur de vous le présenter, Monsieur, j'ai peine à croire Carpentras de connivence avec Arles; mais lé fonds des deux villes est à peu près le même, et je n'ai pas tort quand je crains que le foyer où se forge le fer de nos contre-révolutionnaires ne soit en cette 1re SÉRIE. T. XXXV.

Poudres vendues à

16

réunion.

Instances pour la contrée. L'ardeur des Marseillais, gardes nationales, peut accélérer l'explosion. La réunion, la réunion, voilà mon vou, parce qu'elle peut opérer le plus grand bien pour la France et pour ce pauvre peuple vers qui vous nous avez envoyés.

Quant à ma position personnelle, elle est cruelle; ma santé se détruit, et voilà trois jours que je suis presque incapable de travailler...

Signé MULOT.

Au même.

Joie de la nouvelle de la réunion.

Demande de hâter

saires.

Monsieur,

Courthezon, le 19 septembre 1791.

A peine ma lettre du 17 était-elle arrivée au bureau, qu'un courrier m'a apporté des lettres et les nouvelles du décret de réunion. Ma joie a été à son comble.

(Suit la nouvelle des signes de joie donnés à Cavaillon, au Thor et à Bédarrides.) Une lettre de Carpentras m'a annoncé la joie que cette ville avait de voir son vœu couronné; mais elle se flatte que dans l'administration provisoire, l'Assemblée nationale ne laissera pas subsister une assemblée électorale contré laquelle elle a été forcée de faire la guerre, et qui, comme l'a fort bien dit M. Le Scène dans son rapport, est l'objet de la haine d'une grande partie du Comtat...

(Suivent les détails sur la dévastation des biens d'Eglise à Avignon, sur l'établissement d'une compagnie, armée de nerfs de bœufs, sur la conduite despotique des sieurs Jourdan, Tournal, etc., et sur la nécessité de former des tribunaux provisoires, et de ne pas accorder une amnistie qui comprenne les crimes particu liers distincts de ceux de la guerre.)

Je vous renouvelle le témoignage de ma joie sur l'arrivée du décret, ou du l'arrivée des commis- moins sur la nouvelle que l'Assemblée l'a rendu; je crois sincèrement que nos travaux pour le bonheur de ce pays ne seront pas inutiles. Maintenant, je vous prie de hâter l'arrivée des commissaires décrétés, et au moins l'organisation provisoire. L'entrée des troupes dans Avignon est aussi très urgente..... Je ne puis mieux vous peindre mes sentiments pour vous, qu'en consacrant, jusqu'à mon rappel, mes travaux à l'affaire dont vous m'avez chargé.

Arrestation de la

patrouille, annoncée au ministre, etc. Ordres demandes à cet égard.

Demande de l'organisation provisoire.

Au même.

Signé : MULOT

Brantes-lès-Sorgues, le 23 septembre 1791.

(Détails de ce qui s'est passé à Sorgues et de ce qui se passait à Avignon, arrestation de la patrouille avignonnaise.)

Comme la majeure partie de cette patrouille est composée de déserteurs, j'ai cru devoir les placer dans la tour de Sorgues (en état d'arrestation, jusqu'à ce que je vous en eusse rendu compte, et que vous eussiez pu en conférer avec le ministre de la guerre, pour savoir comment je devais me comporter).

Je vous avoue, Monsieur, qu'il m'eût été impossible de m'écarter de cette mesure, tant étaient animés contre eux les habitants, qui reconnaissent en quelques-uns les exacteurs dont on s'était servi pour les désarmer et percevoir les amendes injustes qu'on leur avait imposées. D'après tous ces détails, vous pouvez juger, Monsieur, combien critique est ma position, combien instant est le décret qui réglera ma conduite et celle de mes successeurs au sujet d'Avignon. J'allais vous envoyer un courrier extraordinaire qui put me rapporter à l'instant une instruction ministérielle, lorsque l'un de MM. les commissaires des guerres, qui va de jour et de nuit à Paris, a bien voulu se charger de ma dépêche et vous la remettre. J'ose me flatter que par un courrier chargé d'ordres exprès, vous voudrez bien m'instruire et me guider..... Les haines sont toujours en vigueur, les rivalités toujours actives, rien de plus urgent que l'organisation provisoire. Hâtez-la donc, Monsieur, autant qu'il est en vous accelerez le bonheur d'un pays régénéré à la France, et faites y régner les lois, vous qui en êtes le premier dépositaire, et qui en connaissez si bien la bénigne influence.

Quant à moi qui, seul de mes collègues, me trouve dans les moments les plus chauds de la mission qui nous était confiée; qui seul me vois forcé d'employer un reste de pouvoir pour contrebalancer celui des factions dissidentes, qui seul témoin des maux que versent sur leur patrie des monstres qu'elle a nourris, que les gâteaux de la Sibylle ne sauraient endormir..... qui seul me trouve au milieu d'une armée qu'il faut retenir, et près d'un général qu'il faudrait guider, je ne sais où trouver en moi les ressources que le moment exige. L'idée de ma responsabilité étouffe souvent le germe de mes actions, et j'ai eu plus d'une fois à soutenir le choc de deux volontés contraires. Ne m'abandonnez donc point entièrement, tirez-moi de l'embarras dans lequel les

circonstances les plus délicates me jettent, et qu'un courrier promptement expédié, promptement arrivé, m'apporte l'instruction nécessaire pour empêcher le vice de tourmenter les âmes honnêtes, et qui mette la médiation de la France à l'abri de l'avilissement et du mépris que lui prodiguent des êtres qu'elle a peut-être trop ménagés. Je vous réponds jusqu'à la fin de mon zèle, se soutiendra tant que durera ma mission..... Signé: MULOT.

Au même.

Gentilly-lès-Sorgues, le 2 octobre 1791.

Le courrier extraordinaire doit être arrivé depuis près de 10 jours, et je n'ai aucunes nouvelles; cependant je vous peignais d'une manière bien vraie la cruelle position dans laquelle je me trouvais....... Déjà la tourbe de ces gens, dont vous avez à Paris deux chefs dans les personnes des sieurs Duprat et Fonvielle Rovère, ont fait imprimer et distribuer avec profusion un libelle atroce intitulé: Dénonciation de l'abbé Mulot et de son complot contre les patriotes. Cet écrit absurde a circulé dans les clubs des villes voisines... etc., quoique je n'en craigne point l'effet auprès des gens sensés, il n'en est pas moins bien dur de voir payer mes peines et mes travaux par cette noire ingratitude.

(Suivent des détails sur les spoliations des biens nationaux, sur les ventes qui s'en faisaient à vil prix.)

Les articles (de l'organisation provisoire) sont parvenus je ne sais par qui à Avignon; j'en ai une copie, et je vois avec plaisir que le premier est la suppression de l'assemblée électorale; mais j'ai vu avec peine qu'on n'ait point fait un article spécial de ce qui regarde la garnison qu'il est indispensable de placer dans Avignon, et la reddition du fort ou du palais entre les mains de cette garnison. Ces gens-là feront quelques scènes, s'il n'y a pas de décret précis, et je crains que le sang ne coule...

(Détails sur l'esprit des troupes, discipline exacte des hussards; patriotisme des Boulonnais, mais crainte de séductions par les Monteuxiens; Languedoc presque sans officiers; diversité de penser entre les deux bataillons de Soissonnais; position affreuse des troupes à Sorgues.)

Pour moi, j'attends avec la plus grande impatience l'arrivée des décrets et des commissaires civils: on ne veut pas me laisser partir qu'ils ne paraissent; je suis néanmoins tellement fatigué, mon sang est tellement enflammé, que je ne puis plus y tenir; et comme on me dispute mon autorité, et que je ne puis faire du bien qu'avec elle, j'ai l'honneur de vous déclarer que si d'ici au 12 ou 13 de ce mois je ne reçois pas des pouvoirs tels que je puisse, avec eux, arrêter le mal et faire le bien, où si je ne reçois pas des nouvelles, je regarderai ma mission comme terminée par votre silence, et que je me rendrai à Paris comme l'ont fait mes collègues, pour peindre à l'Assemblée nationale la situation horrible de ce pays et la mienne qu'il n'est plus possible de supporter... Ceux qui ont été arrêtés, faisant patrouille sur le terrain de Sorgues, sont toujours en état d'arrestation. Je vous ai prié, ainsi que M. Duportail, de me faire connaitre vos intentions. Je désire que la réponse arrive bientôt, afin de faire cesser leur détention.

Monsieur,

Au même.

Signé : MULOT.

Gentilly-lès-Sorgues, ce 6 octobre 1791.

Si j'en crois les bruits publics, les commissaires civils sont en route pour arriver. Leur présence est de toute nécessité, et je ne doute pas que, munis d'instructions et de pouvoirs, bien secondés par les troupes françaises, ils ne parviennent à réduire enfin le caractère barbare, la propension au pillage et l'indiscipline des factieux Avignonnais, ainsi que la duplicité de la majeure partie des Carpentrassiens.

(Suivent des détails sur la spoliation du collège de Saint-Nicolas, et l'assassinat du sieur Bertrand.)

... Les préparatifs hostiles des Avignonnais sont toujours les mêmes; mais il faut espérer que l'arrivée des commissaires civils les fera disparaître, et que l'on ne verra plus une ville, devenue française, d'après son propre vœu, méconnaître les députés de la France, mépriser leurs pouvoirs, s'armer contre les troupes de la nation qui la protège et l'adopte, et commettre enfin, sous les yeux de ses envoyés, toutes les horreurs et tous les crimes.

(Plaintes sur la perfidie avec laquelle l'affaire de Sorgues est dénaturée dans les papiers publics.)

Signé: MULOT.

P. S.... Une lettre de Paris, me dit-on, annonce qu'une rivalité de nomina

Plaintes de silence gardé par le ministre.

tion a suspendu celle des commissaires civils. Je tiendrai ma parole, Monsieur, et je me rendrai à Paris le 13, s'il n'y a rien de nouveau. J'écrirai, pour prévenir l'Assemblée nationale de mon retour et des moyens que j'aurai pris pour assurer la tranquillité publique en partant.

Au même.

Gentilly-lès-Sorgues, ce 7 octobre 1791.

(Affaire du sieur Bertrand, dont il est parlé, page 72, du compte-rendu; sa sortie de prison; instances faites pour que je ne sorte point du pays; vente des effets nationaux continuée à Avignon.)

...Il y a près d'un mois que le décret de réunion est rendu; il y a 15 jours que le décret d'organisation provisoire est adopté. Du même jour 23 septembre, j'ai eu l'honneur de vous écrire par mon courrier extraordinaire, pour vous annoncer ma position, celle des troupes, celle d'Avignon, celle de Sorgues, celle de tout ce pays. J'ai écrit à M. le ministre de la guerre pour ce qui le concerne et relativement aux prisonniers dont je vous ai parlé. J'ai eu hier une réponse de M. Duportail qui me promet de demander au roi des troupes et ne me parle point des prisonniers. Je n'ai pas reçu un mot des bureaux mêmes; cet oubli, dans lequel je suis laissé, ajoute au poids des calomnies dont on m'accable, et double encore mon impuissance. Cette impuissance, opposée aux promesses de la France de garantir efficacement tous les biens et les individus, donne de la force aux ennemis de la Constitution, sous quelque nom qu'ils se cachent, et je suis réduit à voir sous mes yeux le meurtre et le pillage sans pouvoir y porter aucun remède; je ne puis sauver que de petits villages, et 25,000 Avignonnais gémissent de ne pouvoir obtenir de moi que des vœux stériles.

Non, Monsieur, il ne m'est plus possible de voir la France promettre une garantie qu'elle ne donne pas; laisser se déchirer, se voler des hommes qu'elle vient d'agréer au nombre de ses enfants, et me forcer d'être son agent impuissant et le témoin de ses malheurs. J'attends donc au moins une réponse. J'ose dire que vous me la devez, à raison surtout de mon dévouement. Puisse-t-elle m'apprendre, et l'arrivée de mes successeurs, et mon retour à Paris.

P. S. Comme j'allais fermer ma lettre, j'en reçois une de Paris, qui m'apprend que l'on a crié dans toutes les rues: la grande trahison de l'abbé Mulot. Il est donc indispensable que je revienne pour rappeler l'opinion publique sur moi: j'en ai plus besoin dans la nouvelle carrière que j'ai à parcourir. Je voudrais écrire à l'Assemblée nationale; je ne me retiens que dans l'espérance que je vais repartir c'est une grâce que vous m'accorderez en m'accordant mon retour.

Au même.

Gentilly-lès-Sorgues, le 10 octobre 1791.

Monsieur,

(Différents détails sur Avignon; annonce de la perfidie avec laquelle on fait donner à un prisonnier une signature contre le sieur Gérard : soupçon de la même conduite à mon égard; le maire de Sørgues; copie de la procédure contre le sieur Pochi, etc., envoyée; envoi d'une lettre à l'Assemblée nationale et communication de cette lettre; Boulonnais tourne à la séduction; détails sur Lisle.)

J'attends avec la plus vive impatience l'ordre de mon retour. Ah! dans quel pays vous m'avez envoyé! C'est la terre de la duplicité. L'italianisme y a poussé de longues racines, et je crains qu'elles ne soient vivaces.

Signé MULOT.

Nota. J'ai passé la lettre du 11 octobre 1791, comme peu importante. Elle ne contient que quelques détails sur l'affaire du sieur Molin, à Sorgues, dont il est parlé dans le compte rendu et quelques indications sur le peu de sûreté des grandes routes.

Au même.

Gentilly-lès-Sorgues, le 14 octobre 1791.
Monsieur,

J'ai reçu hier la lettre que vous avez eu la

Signé MULOT.

bonté de m'écrire, et qui était nécessaire à mon âme attristée de tous les rapports qui m'arrivaient de Paris. Les marques d'intérêt que vous m'y donnez, me consolent. Enfin, aussitôt que MM. Le Scène-des-Maisons et Champion de Villeneuve seront arrivés et que j'aurai pu leur faire connaitre l'état actuel du pays, qui est bien différent de celui dans lequel M. Le Scène l'a laissé, je repartirai pour la capitale, où il est nécessaire que j'arrive et que je fasse tomber tous les nuages dont la calomnie a voulu me couvrir pendant mon absence.

Signé: MULOT.

Les autres lettres ne contiennent que les détails successifs des affaires d'Avignon, et la dernière n'est, pour ainsi dire, que la table des pièces envoyées sur la terrible nuit du 16 octobre à Avignon.

Copie des lettres de M. Duport,
ministre de la justice.

Nota. Comme je n'ai point tous les papiers de la médiation entre les mains, je ne puis que citer les deux lettres suivantes, et je remarquerai que celle dont nous parle M. le ministre de la justice, dans le cours de la première des deux, ne nous est pas parvenue. Je crois encore devoir faire observer que les reproches qui nous sont faits par ce ministre, sont les suites des inculpations que

le département du Gard, en refusant de reconnaitre la loi faisait contre nous, ainsi que l'aristocratie du pays, jalouse de la protection de la France, que nous accordions, en vertu de la loi, à l'armée de Monteux, comme nous l'accordions à tous les partis en vertu de la même loi.

Paris, le 14 juillet 1791.

J'ai reçu, Messieurs, votre lettre en date du 6 de ce mois, dépêchée par un courrier extraordinaire, et à laquelle vous me demandez une prompté réponse. Vous l'auriez reçue plus tôt, si, au milieu des circonstances importantes, et des grandes discussions qui absorbent aujourd'hui l'attention et les moments de l'Assemblée nationale, au milieu des occupations dont je suis surchargé, ainsi que mes collègues, il m'eût été possible réunir, aussi promptement que je l'aurais voulu, les comités, ou de consulter directement l'Assemblée nationale, tant sur l'objet des reproches qu'on vous fait ici, et vos réponses à ces reproches, que sur votre position, l'état actuelle de médiation qui vous a été confiée, et les déterminations ultérieures qu'il convient de prendre.

Quant aux reproches, les voici : ils se divisent en trois classes: ceux que vous font une partie des habitants d'Avignon et du Comtat.

Ceux des corps administratifs des départements voisins; ceux que le ministre ne croit pas pouvoir s'empêcher de vous faire.

Les premiers vous accusent d'une partialité ouverte en faveur des principaux auteurs des troubles d'Avignon et du Comtat; d'une prédilection indiscrètement manifestée pour les chefs de cette armée de Vaucluse, qui n'a pas craint de s'intituler, sous vos yeux, les Braves Brigands; d'avoir toléré l'oppression exercée par ce parti contre ceux qui avaient été, depuis le commencement de la Révolution, les victimes de ces brigandages, d'avoir constamment oublié le véritable objet de votre mission, et de ne vous être occupés que des moyens de forcer la réunion à la France, au lieu de chercher à calmer les esprits, à rapprocher des partis violemment aigrís les uns contre les autres, à donner aux émigrants les moyens et le désir de rentrer dans leur pays pacifié et rappelé à l'ordre, pour y émettre ensuite un vœu libre sur la Constitution politique. Je ne puis croire à toutes ces inculpations. Il est clair qu'il y a de l'exagération dans ces plaintes ; mais il est difficile de les croire aussi absolument dénuées de fondement; et, comme je le disais dans ma dernière lettre, votre correspondance tout entière annonce, d'une manière beaucoup trop prononcée, l'envie absolue d'opérer la réunion, et une véritable partialité pour ces mêmes hommes, dont, vous remarquez, dans plusieurs passages de votre lettre, les vues ambitieuses et intéressées; pour ces hommes qui ne veulent pas se laisser dépouiller de leur puissance, qui ont intrigué pour se défaire de vos troupes de ligne, qui ont séduit les Marseillais, qui ont manqué les mettre aux prises avec nos régiments, et faire verser dans Avignon le sang français par des mains françaises; le tout afin de parvenir à faire seuls la réunion, et à provoquer une organisation qui leur procurera, par les choix qu'ils attendent, la récompense qu'ils prétendent leur être due solennellement pour leurs travaux dans la Révolution. Il me paraît clair, Messieurs, que voyant la difficulté de pacifier un pays depuis longtemps en proie à la

violence, au brigandage et à l'anarchie, et de l'amener par la voie lente et peut-être impossible de la conciliation, à un état de choses qui lui permettrait enfin d'émettre un vœu libre, et trop pleins de ce système de réunion, qui n'était cependant ni dans les décrets, ni dans vos instructions verbales, vous avez voulu marcher vite à cette réunion, et que, pour y parvenir, vous avez trop favorísé le parti qui avait intérêt à la brusquer. Ce système vous met aujourd'hui dans une position embarrassante. Vous avez éloigné les troupes de ligne et les régiments que vous croyiez trop favorables au parti opposé à celui qui entrait le mieux dans vos vues de réunion. Il a fallu leur substituer d'autres forces, et vous avez appelé les gardes nationales du département du Gard et de celui des Bouches-duRhône; c'est-à-dire que vous avez remplacé des troupes dont on pouvait diriger l'action par des hommes qu'il vous était impossible de maîtriser. Aussi, qu'est-il arrivé? Le parti qui veut trouver dans les élections la récompense de ses travaux pour la Révolution, a cherché à vous priver du peu de troupes qui vous restaient, et dont la protection assurée faisait rentrer les émigrants, qui affaiblissaient d'autant la puissance dont ce parti ne voulait pas qu'on le dépouillat; ila travaillé la garde nationale marseillaise. Ces patriotes intolérants, que vous avez indépendamment appelés, vous ont forcés à éloigner les troupes de ligne. Le parti est resté le maître, et, aujourd'hui, il veut forcer la réunion sans le vœu des émigrants; il veut organiser le pays lui-même; et pour s'emparer de tous les avantages de l'organisation, il vous force à demander la réunion et l'organisation prompte pour les prévenir; il vous a mis hors de mesure; il vous a enlevé votre caractère de médiateurs et de pacificateurs; il vous fait la loi, il la fait à ses concitoyens; il vous mène à son but, non par le chemin qui vous convient, mais par celui qu'il vous a tracé, et tout cela pour vous être écartés de cette impartialité ferme et noble qui convenait à votre mission, et qui lui aurait donné un si beau caractère. Telles sont, Messieurs, les réflexions que je puise dans votre correspondance même. Je désire me tromper, je vous aime, je vous estime, et il m'est dur de désapprouver.

Je n'entrerai pas dans de longs détails sur les plaintes des départements. Je m'en réfère à cet égard à la lettre que vous a écrite M. le ministre de l'intérieur. Je ne puis qu'être entièrement de son avis. Si vous aviez absolument besoin de ces nombreux détachements de gardes nationales, il fallait les demander aux corps administratifs supérieurs; mais la réquisition directe à telles ou telles municipalités est absolument contraire aux principes. M. Delessart écrit au reste pour que vous n'éprouviez pas d'obstacles pour toutes les réquisitions que vous pourrez faire conformément à la loi. Il donne en même temps des ordres pour l'acquit des dépenses de la garde nationale faites et à faire, quand elles seront réglées.

Au total, le conseil croit avoir besoin d'éclaircissements sur la marche de votre négociation, pour pouvoir apprécier au juste votre conduite. Il désire, Messieurs, être dans le cas de lui donner toute son approbation. Mais il a reçu beaucoup de plaintes qui, à la vérité, ne sont pas assez nettement articulées! Mais chacun de nous en particulier, dans les choses qui ont des rapports avec son département, croit apercevoir des erreurs

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