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[Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 novembre 1791.]

la plus convenable. A cet effet, l'archiviste et les commis au secrétariat des procès-verbaux lui remettront chacun à leur égard, les pièces à ce nécessaires. » (Adopté.)

L'ordre du jour est la discussion du projet de décret sur les examens pour l'admission au grade d'enseigne non entretenu (1).

M. Coppens, au nom du comité de marine, fait lecture de ce projet de décret qui est ainsi conçu:

1er PROJET DE décret.

« L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 10 août dernier, concernant les écoles de mathématiques et d'hydrographie et les examens pour l'admission au grade d'enseigne non entretenu n'a pas fixé un intervalle entre sa publication et son exécution; que les marins aspirants à ce grade, qui n'en ont eu aucune connaissance, par son défaut de publicité et de notoriété, n'ont pu se conformer aux dispositions qu'elle renferme; que les nouvelles écoles, dans lesquelles on doit enseigner les sciences sur lesquelles les navigateurs devront être interrogés, ne sont pas encore en activité; considérant qu'une loi ne peut avoir un effet rétroactif, et que celle du 10 août produirait cet effet, si elle frappait sur les élèves qui, dans ce moment, ont les qualités requises pour être promus d'après le règlement du 1er janvier 1786; considérant qu'il est encore très intéressant pour les marins et le commerce, que les réceptions au grade d'enseigne non entretenu ne soient pas différées.

Décrète, qu'il y a lieu à urgence. »

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« Seront admis à cet examen les navigateurs qui, ayant rempli toutes les autres conditions exigées par la loi du 10 août dernier, n'auraient fait que 9 mois de service sur les vaisseaux de l'Etat.

Art. 3.

« Ceux qui, après avoir subi l'examen, auront été reconnus suffisamment instruits sur la théorie et la pratique de la navigation, ne pourront obtenir le brevet d'enseigne non entretenu, qu'après qu'ils auront complété les 12 mois sur les vaisseaux de l'Etat; et il sera expédié des ordres du roi pour les autoriser provisoirement à commander des navires de commerce.

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que tous les brevets d'enseignes non entretenus puissent être expédiés.

Art. 5.

« Les dispositions du présent décret auront lieu pour l'examen de la fin de cette année, et pour le premier de l'année 1792. »

M. Seranne. Voici un projet de décret que j'aurai l'honneur de vous proposer en place de celui du comité:

« L'Assemblée nationale, sur la représentation faite relativement à l'examen exigé par la loi du 1er août dernier, pour les aspirants au grade d'enseigne non entretenu, grade qui correspond et se confond avec le grade de capitaine de vaisseau dans la nouvelle organisation de la marine; considérant que les écoles de navigation nouvellement instituées ne sont pas encore en pleine activité; que les conditions exigées par loi du 10 août dernier n'ont été connues que depuis un mois dans différentes parties du royaume; et qu'en conséquence, tous les élèves aspirants non entretenus, n'ont pu acquérir, dans ce court espace, des connaissances théoriques et pratiques dans la navigation, ni faire, sur les vaisseaux de l'Etat, le supplément de service nécessaire pour arriver à ce grade; interprétant la loi du 10 août, déclare que les examens qui ont été annoncés pour le mois de mars prochain, se feront conformément à ce qui avait été précédemment ordonné par l'ordonnance du mois de janvier 1786. En conséquence, les marins qui se présenteront à cet examen, et qui satisferont aux conditions prescrites par ladíte ordonnance de 1786, seront admis au grade d'enseigne non entretenu; déclare, en outre, que la loi du 10 août sera observée, quant au surplus, et qu'elle aura sa pleine et entière exécution après l'époque du second examen, fixé ci-dessus, au 1er mars prochain. »

Voix diverses: Aux voix, le projet du comité !
- Aux voix! le décret d'urgence!

Après une discussion relative et quelques
amendements proposés et adoptés par le rappor-
teur du comité, l'Assemblée nationale rend les
décrets suivants :

Premier décret.

«L'Assemblée nationale, considérant que la loi
du 10 août dernier, concernant les écoles de
mathématiques et d'hydrographie et les exa-
mens pour l'admission au grade d'enseigne non
entretenu, n'a pas fixé un intervalle entre sa
publication et son exécution; que les marins
aspirants à ce grade, qui n'en ont eu aucune
connaissance, par son défaut de publicité et de
notoriété, n'ont pu se conformer aux dispositions
qu'elle renferme; que les nouvelles écoles dans
lesquelles on doit enseigner les sciences sur
lesquelles les navigateurs devront être inter-
rogés ne sont pas encore en activité; considé
rant qu'une loi ne peut avoir un effet rétroactif,
et que celle du 10 août produirait cet effet, si
elle frappait sur les élèves qui, dans ce moment,
ont les qualités requises pour être promus d'après
le règlement du 1 janvier 1786; considérant
qu'il est encore très intéressant pour les marins
et le commerce, que les réceptions au grade
d'enseigne non entretenu ne soient pas dif-
férées;

« Décrète qu'il y a lieu à urgence: »

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Le présent décret sera envoyé, dans le jour, à la sanction. »>

M. le Président. Voici une lettre d'une femme âgée de 61 ans et enceinte, qui est dans la misère, et réclame des secours de l'Assemblée. (Rires prolongés.)

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des secours.)

Un membre: Je demande la parole pour une motion d'ordre. Les sections de Paris doivent s'assembler demain pour procéder à l'élection d'un maire. Plusieurs de nos collègues, députés de Paris, se proposent d'aller voter dans ces assemblées. Je voudrais que l'Assemblée décidât s'ils en ont le droit. (Non! non!)

Un membre: Ce droit me paraît incontestable. Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Viénot-Vaublane, vice-président, s'asseoit à la place de M. le président Vergniaud.'

PRÉSIDENCE DE M. VIENOT-VAUBLANC,
vice-président.

M. Basire jeune. Je demande la parole pour dénoncer un fait très important.

Voici une lettre écrite par M. Varnier, ancien receveur général des fermes à Paris. Elle est adressée à l'un des receveurs particuliers de mon département; elle m'a été envoyée en original. La date en est encore toute fraiche, elle est du 30 octobre dernier. En voici la teneur :

Paris, le 30 octobre 1791.

"Continuez, Monsieur et cher ami, à mettre la même adresse pour le passage de nos employés chez les émigrants; surtout n'en faites

pas partir de ceux qui sont mariés, ce serait un moyen d'éventer la mêche et de perdre tout le fruit de nos soins. Ils écriraient à leurs femmes, qui ne manqueraient pas de dire leur véritable destination. Les 63 que vous avez déjà fait partir sont arrivés à Coblentz. On est fort content; ce sont des hommes vigoureux, faits pour tenir à la fatigue. Par la lettre que l'on m'a communiquée, ils ont promis de ne point écrire en France, afin que nous ayons le temps de faire partir tous les employés de Dijon et des environs, en leur faisant toujours croire, par le moyen de la fausse commission que vous leur remettrez, qu'ils vont aux frontières, pour y empêcher l'entrée de la contrebande. Comme il faut à ces gens-là un appât, dites-leur que l'on y fait de bonnes prises, que la vente est entièrement pour les employés, que les fermiers généraux ne prennent plus rien.

« On est aussi content de M. Tardy. Quand ils arrivent à la frontière, il les fait passer avec beaucoup d'adresse à l'étranger, et ne leur donne de l'argent que lorsqu'ils en manquent absolument pour aller jusqu'à Coblentz.

« Sur ce que vous me marquez, il me paraît que nous pourrons avoir beaucoup d'employés. La rigueur de la saison et la misère les décideront à passer dans l'armée des princes. Je suis chargé de vous dire que s'il se trouvait de beaux hommes qui ne manquassent que d'argent, vous pourrez leur faire quelques avances, en le marquant sur leur commission, afin qu'on puisse les leur retenir. Je viens d'obtenir 500 livres, que je vous envoie en 7 assignats. Accusez-m'en réception, afin que je justifie de l'emploi. Tenez aussi une note du partage que vous en ferez; n'en donnez pas que vous n'ayiez porté sur la commission la somme que vous aurez remise à celui qui en sera charge.

« Si l'on parvient à réunir une armée de 25,000 hommes bien déterminés, les connaisseurs assurent que l'armée des gardes nationales aura bientôt fui jusqu'à Paris, où les mécontents, qui sont en grand nombre, les étrilleront pendant que l'armée des princes soumettra nos provinces, qui sont toutes prêtes à rentrer sous la protection du roi. L'Assemblée nationale est dans le plus grand discrédit; elle n'attendrait pas pour se diviser, qu'on la chassât. Vous voyez que nous serons bientôt les maitres. Je ne vous demande pas de discrétion, vous y êtes aussi intéressé que moi.

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Je suis, pour la vie, votre ami,

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J'aurais pu faire de cette lettre un tout autre usage sans doute, et la remettre à des officiers de justice, mais l'instruction eût été lente et mystérieuse jusqu'au décret. Le résultat n'eût produit que la punition d'un mauvais citoyen, et le mal qu'il se proposait aurait pu faire, pendant ce temps, de grands progrès. J'ai mieux aimé donner à un coupable les moyens d'échapper au châtiment, que d'exposer beaucoup d'hommes abusés à devenir ses complices.

On cherche à faire partir les employés en leur faisant croire qu'ils marchent à la défense des frontières. J'ai cru que publier ces manoeuvres, c'était le moyen le plus sûr de les déjouer, et qu'il n'y avait pas d'autre manière de les livrer à une grande publicité que de les dévoiler dans le sein même de l'Assemblée.

Je dépose la lettre que j'ai entre les mains sur le bureau; mais comme il n'est plus possible

de douter que les ennemis de la Révolution ne prennent plus conseil que de leur désespoir et forment des projets extravagants, je demande l'établissement d'un comité de surveillance (Murmures.) chargé spécialement de recueillir tous les renseignements qui pourraient lui être fournis, tant par les députés que par les citoyens, relativement aux faits indiqués par cette lettre. Ensuite je prends l'engagement de dire, lorsqu'il en serà besoin, comment et par qui cette lettre m'est parvenue. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. Goujon. Je demande que M. Basire veuille bien faire part à l'Assemblée de la voie par laquelle cette lettre lui est parvenue, et de tout ce qui peut garantir la certitude et l'authenticité de la lettre et de la signature. (Murmures à gauche.)

M. Basire jeune. J'observe à l'Assemblée que je n'ai pas besoin de dire par quelle voie la lettre m'est parvenue. (Exclamations.) La justice a des moyens assurés pour obtenir la vérification que l'on demande. Il suffit actuellement que j'en dépose l'original sur le bureau. Je déclaré qu'elle est écrite et signée par M. Varnier. C'est une opération toujours facile à faire, que celle de la reconnaissance des écritures. Lorsqu'il en sera temps, et si l'on plaide cette affaire, je pourrai donner alors les détails nécessaires. Dans le moment actuel, il suffit que je dépose l'original, comme pièce de conviction, sur le bureau. Ceux qui doutent de la vérité de l'existence de cette lettre et de son authenticité sont les maîtres d'employer tous les moyens possibles pour s'en convaincre. Il y a des jurés-experts; qu'ils examinent, au moyen des registres où se trouve la signature de M. Varnier, si la signature qui est au bas de cette lettre n'est pas la sienne. Quant à moi, il me suffit de déposer la lettre sur le bureau pour être parfaitement en règle. (Applaudissements.)

Un membre: Je demande qu'au moins la lettre soit paraphée par M. Basire.

M. Delacroix. J'appuie la proposition de M. Lagrévol, mais je demande pour motion d'ordre qu'on amène de suite M. Varnier à la barre. On discutera après.

Plusieurs membres: La discussion fermée ! (L'Assemblée décide, au milieu du trouble, que la discussion est fermée.)

M. le Président. Je vais mettre aux voix la motion de M. Lagrévol tendant à mettre M. Varnier en état d'arrestation.

Plusieurs membres demandent la parole. D'autres membres les rappellent à l'ordre. M. Delacroix. Monsieur le Président, je demande que vous mettiez ma motion aux voix.

M. le Président. Laissez-moi établir l'état de la délibération. M. Lagrévol fait la motion de mettre M. Varnier en état d'arrestation. M. Delacroix appuie la motion de M. Lagrévol, mais propose comme motion d'ordre de le traduire auparavant à la barre.

Un membre: La question préalable sur toutes les motions!

M. Couthon. Je demande que l'on rappelle à l'ordre celui qui demande la question préalable. M. Delacroix. C'est une honte!

M. le Président. Je mets aux voix la question préalable qui a la priorité.

(L'Assemblée rejette la question préalable à une immense majorité. — Vifs applaudissements dans les tribunes.)

M. le Président. Je mets aux voix la proposition de M. Lagrévol, tendant à mettre M. Varnier en état d'arrestation.

(L'épreuve a lieu.)

Plusieurs membres réclament au milieu de l'épreuve, disant qu'ils n'ont pas entendu.

Un membre: Je demande que l'Assemblée décide, avant tout, si elle peut constituer en état d'arrestation, avant d'avoir constitué en état d'accusation.

M. Isnard, secrétaire. Comme cette lettre doit rester entre mes mains comme chargé du procèsverbal d'aujourd'hui, je demande qu'elle soit pa

M. Lagrévol. Si la lettre est véritable, comme je n'en doute pas, puisqu'elle est rapportée en original, je demande que celui qui l'a écrite soit à l'instant constitué en état d'arrestation. (Ap-raphée par M. le président et par MM. les secré

puyé! appuyé!) J'aurais pu dire qu'il fût constitué en état d'accusation; mais je crois que d'après le décret que nous avons rendu très sagement hier, et qui consiste à ne décréter l'accusation qu'après que nous aurons des preuves convaincantes, il suffit pour le moment de décréter l'arrestation. Je demande donc que cet homme soit amené, de municipalité en municipalité, à la barre de l'Assemblée...

Plusieurs membres : Il est à Paris.

M. Lagrévol. Eh bien, je demande qu'il soit arrêté à l'instant. (Oui! oui!) (Applaudissements dans une partie de l'Assemblée et dans les tribunes. — Murmures dans la partie droite.)

Plusieurs membres demandent la parole. (Bruit prolongé.)

M. le Président. Monsieur Lagrévol, attendez que le calme soit rétabli pour continuer votre opinion. (Le calme se rétablit.)

M. Lagrévol. La seconde chose la plus importante que je remarque dans cette lettre, c'est la manière criminelle par laquelle on cherche à éloigner la confiance due à l'Assemblée nationale... (Murmures prolongés.)

taires.

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M. le Président. Je vais mettre aux voix la proposition de M. Lagrévol, tendant à mettre M. Varnier en état d'arrestation.

Plusieurs membres élèvent des réclamations.

Le membre qui a demandé la question préalable: J'ai demandé la question préalable parce que la proposition de M. Lagrévol est inconstitutionnelle.

Un membre: Je demande la priorité pour la motion de M. Delacroix, tendant à ce que M. Varnier soit mandé à la barre.

(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Delacroix.)

M. le Président. Je mets aux voix la proposition de M. Delacroix, tendant à ce que M. Varnier soit mandé à la barre. (Bruit prolongé!)

M. Albitte ainé. Vous allez encore faire une faute.

M. Gérardin. Je demande la parole.

M. Chabot. Vous violez la Constitution; je demande à la lire. (Murmures!) (L'Assemblée, consultée, décide que M. Varnier sera mandé de suite à la barre. Vifs applaudissements!)

(Un long tumulte a suivi ce décret; plusieurs membres parlaient à la fois de divers côtés; le bruit n'a pas permis de les entendre.)

Un officier de la gendarmerie nationale monte au bureau pour prendre les ordres du Président.

M. Isnard. Je demande que l'on mette les scellés sur ses papiers... (Le bruit ne permet plus d'entendre l'orateur.)

M. le Président. Je prie l'Assemblée de se rappeler que, dans une circonstance autrement importante, l'Assemblée constituante a passé froidement à l'ordre du jour. Je la prie de rentrer dans l'ordre.

(Le calme se rétablit.)

M. Tartanac fils. Il n'est aucun de nous qui ne soit affligé du trouble et du désordre qui règnent depuis quelques jours dans nos séances. Nous portons tous une opinion ferme et libre; rien ne doit la gêner. L'Assemblée se doit à ellemême de délibérer dans le calme. Je fais la motion expresse que tout membre qui aura été convaincu d'avoir suscité ou favorisé le trouble soit aussitôt censuré.

(Cette motion n'a pas de suite.)

M. le Président. Je mets aux voix la motion de M. Isnard et celle de plusieurs membres tendant à faire parapher la lettre par le président, les secrétaires et M. Basire.

(L'Assemblée décide que la lettre sera paraphée par le président, les secrétaires et M. Basire.)

M. Basire jeune monte au bureau pour signer la lettre et annonce que M. Varnier loge à l'hôtel de Louis-le-Grand, rue Grenelle-SaintHonoré.

M. Brua. Je demande que l'on entende les députés des départements de Haut et Bas-Rhin qui ont des détails intéressants sur de nouveaux troubles causés par les prêtres non assermentés.

(L'Assemblée décide qu'elle entendra ces députés.)

M. Gertoux (Brice), député des Hautes-Pyré nées, prête le serment individuel prescrit par la Constitution.

Un membre: Je demande que les maîtres de quai concourent aux places de capitaines de port avec les officiers de la marine du commerce, qui est le grade d'enseigne entretenu, correspondant avec celui de capitaine de navire.

(L'Assemblée renvoie cette motion au comité de marine.)

M. Brua. Les députés du Haut-Rhin viennent de recevoir une lettre instructive sur ce qui se passe à présent dans ce département, avec un arrêté particulier sur les mesures que le directoire de département a cru devoir prendre pour empêcher l'incendie de se propager dans ce département. Voici la lettre :"

Colmar, le 6 novembre 1791. La tranquillité publique est troublée dans le

département par les prêtres non assermentés, qui, sous le masque d'une religion sainte, qu'ils insinuent être en danger, ne cherchent, en alarmant les consciences, qu'à détacher de la Constitution un peuple bon, mais ignorant. La contagion commençant à gagner de proche en proche, il devenait bien urgent que l'administration majeure, malgré l'esprit de tolérance religieuse et politique qui l'aniine, prît un parti énergique et assez efficace pour arrêter le mal dans sa course rapide, et en même temps forcer en quelque sorte les malveillants à démasquer leur incivisme pour paraître tels qu'ils sont, aux yeux de la multitude égarée par leurs fourberies; c'est ce que nous croyons qui résultera de l'arrêté que nous venons de prendre, après les plus mûres réflexions, et dont nous vous envoyons une cinquantaine d'exemplaires.

«Quelques moyens généraux que puisse employer l'Assemblée nationale législative pour réprimer les désordres qui règnent dans plusieurs départements, par la fermentation que l'ancien clergé et les ci-devant nobles y ont élevée, il est indubitable que si le décret qui interviendra pouvait contrarier trop notre arrêté adopté d'après les localités, ces moyens nous exposeront à des maux graves et particuliers à notre département; et il ne nous serait plus possible de répondre du salut public à l'égard de nos administrés. Voilà ce que nous vous prions instamment de faire connaître, aussitôt le reçu de la présente, à l'Assemblée nationale et au ministre, à qui nous faisons part, par ce courrier, et de notre arrêté et des motifs qui l'ont déterminé. Nous ajouterons que nous ne pouvons que nous décharger, sur leur responsabilité, des suites qu'auraient les ordres qui pourraient suivre, pour entraver ou anéantir l'effet de nos mesures, suites dont les dangers sont incalculables pour les départements des frontières comme les nôtres.

« Signé Les ADMINISTRATEURS du Directoire du département du Haut-Rhin et REWBELL, procureur général syndic. »

Voici en même temps l'arrêté du directoire du département que nous avons reçu; il contient des faits si intéressants, que vous croirez essentiel d'en être instruits. (Oui! oui!)

Le directoire, considérant que l'amnistie, au lieu de faire rentrer en eux-mêmes les prêtres non assermentés, n'a fait qu'irriter la haine de plusieurs d'entre eux, que ceux du département du Haut-Rhin manifestent plus que jamais leur aversion contre la Constitution, ce qui n'est que la suite des protestations publiques qu'ils ont déjà faites; considérant que l'effet de ces manœuvres est de leur donner partout des partisans nombreux, de soulever les enfants contre leur père, de fortifier le parti des mécontents, de décourager la garde nationale, de retarder le payement des impositions, de produire des insurrections journalières, des insultes contre les prêtres salariés; considérant que les émigrés, avec lesquels ces prêtres disent hautement qu'ils ont une correspondance suivie, profitent de ces troubles pour inspirer de coupables espérances aux mécontents; considérant que l'effet de ces machinations est l'anarchie la plus effrayante; que rien n'est plus dangereux dans un département frontière, où le peuple, divisé par la différence du langage, peut être plus facilement égaré, et toujours éclairé plus difficilement; considérant que les recherches faites jusqu'à présent ont bien constaté les délits, mais non pas les auteurs; ce

qui résulte du préjugé dont on a aveuglé les habitants des campagnes, que ce serait un crime devant Dieu que de déposer contre un prêtre non assermenté; considérant... »

M. le Président. Monsieur Brua, est-ce que la lecture de l'arrêté sera longue?

M. Brua. Non, Monsieur le Président.

M. le Président. C'est que je dois prévenir l'Assemblée que le ministre de la justice, accompagné des autres ministres, demandé au nom du roi à être introduit.

Un huissier annonce que les ministres demandent à être introduits, comme chargés d'un message du roi.

(Les ministres entrent dans la salle.)

M. Duport, ministre de la justice. Messieurs, le roi m'a chargé de venir vous lire la note des décrets auxquels il a donné sa sanction. La voici :

« Décret du 27 septembre 1791, relatif à la réunion du pays d'Enrichemont à l'Empire français, sanctionné le 4 novembre.

« Décret du 27 septembre, portant réunion de la commune de Beaucourt au département du Haut-Rhin, sanctionné le 30 octobre.

« Décret du 7 novembre, portant que la trésorerie nationale versera provisoirement 500,000 livres dans la caisse de l'hôtel des Invalides, sanctionné le 9 novembre.

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« Décret du 11 novembre, qui autorise la caisse de l'extraordinaire à verser la somme de 21,720,643 livres à la caisse de la Trésorerie nationale, sanctionné le 11 novembre. »

Je dois ajouter, Messieurs, que le décret portant que Louis-Stanislas-Xavier sera tenu de rentrer dans le royaume, et celui contenant la proclamation sont sanctionnés. Quant au décret du 9 novembre, sur les émigrants, Sa Majesté examinera. (On entend quelques murmures.)

(Le ministre s'avance vers le bureau dés secrétaires et y dépose l'extrait collationné du décret sur les émigrants, tel qu'il a été envoyé au roi, et en marge duquel se trouvent ces mots : "Le roi examinera, 12 novembre 1791. Signé : LOUIS, et plus bas, M. L. F. DUPORT. »)

(Quelques instants se passent dans un grand silence.)

Plusieurs membres: L'ordre du jour !

M. le Président. Messieurs, je réclame le silence.

M. Duport, ministre de la justice. Je suis chargé d'un message du roi; il ne sera pas long. Sa Majesté me charge expréssement de vous dire que, si sa sanction eût été divisible. Elle eût volontiers adopté quelques dispositions de la loi à laquelle elle se voit obligée de refuser son consentement. (Murmures prolongés.)

Un membre: Je demande à faire une motion d'ordre.

M. Delacroix. Monsieur le président.... Plusieurs membres: A l'ordre! à l'ordre! M. Delacroix... Je vous prie de vous assurer si le message est signé du roi et contresigné du ministre.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. le Président. Une motion est faite et appuyée; je vais la mettre sous les yeux de l'Assemblée. M. Delacroix demande que l'Assemblée s'assure que le message du roi, annoncé par le

ministre de la justice, est signé du roi et contresigné par le ministre.

M. Duport, ministre de la justice. Le décret non sanctionné que j'ai remis sur le bureau est signé du roi et contresigné par moi. Quant au message, il est signé de moi seulement, et il le sera du roi aujourd'hui. (Murmures.) Je crois que l'Assemblée ne sera pas fâchée de m'avoir entendu. (Bruit.)

M. le Président. Le moyen de maintenir votre dignité, c'est de garder le silence.

M. Delacroix. Je demande que si le message annoncé est dans les formes légales, le ministre soit entendu sans être interrompu. (Applaudissements.)

Un membre veut prendre la parole.

Plusieurs membres: A l'ordre! à l'ordre!

Un membre: Je demande que Monsieur soit entendu; c'est une réclamation qu'il veut faire au nom de la Constitution.

M. le Président, s'adressant au ministre. Permettez, Monsieur, parlez-vous sur un objet de votre administration?

M. Duport, ministre de la justice. C'est sur un objet relatif à mon administration.

M. le Président. Eh bien, Messieurs, je crois devoir maintenir la parole à M. le ministre.

M. Duport, ministre de la justice. Sa Majesté m'a chargé de vous dire expressément... (Murmures prolongés.)

M. Rouyer. M. le ministre de la justice parle au nom du roi. Il n'y a pas d'intermédiaire entre le roi et nous.

Plusieurs membres: L'ordre du jour!

D'autres membres: A l'ordre! à l'ordre! les interrupteurs!

M. le Président. Messieurs, je connais mon devoir en qualité de président; je sais ce que je dois à l'Assemblée; je sais ce que je dois au pouvoir exécutif, et je déclare que je maintiendrai l'un et l'autre. Je me soumets d'avance aux peines que l'Assemblée voudra décerner contre moi, si je manque à ce qui est dû à la dignité de l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)

M. Delacroix. En ce cas, je demande que vous mainteniez la parole à M. le ministre.

M. Duport, ministre de la justice, veut parler; des murmures l'interrompent de nouveau.

M. le Président. Je supplie ces Messieurs d'avoir quelque confiance dans leur Président.

M. Duport, ministre de la justice. Sa Majesté m'a chargé expressément de vous dire que si sa sanction eût été divisible...

M. le Président. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interrompre un moment. Il me paraît que vous vous annoncez comme parlant au nom du roi. Ceci présente une difficulté. Si vous venez ici faire lecture d'un message au nom du roi, l'Assemblée nationale jugera peutêtre que le message doit être signé du roi. Je ne peux donc pas, monsieur, vous continuer la parole, à moins que l'Assemblée l'ait décidé. (Quelques applaudissements.)

M. Reboul. J'avais demandé la parole à l'Assemblée, parce que sur l'énoncé du premier mot qu'avait prononcé le ministre de la justice, j'avais cru m'apercevoir que le discours qu'il allait vous faire, était l'explication du refus qu'a fait le roi de sanctionner votre décret. Certainement,

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