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nous avons les lettres remises à l'Assemblée nationale soit par les députés de Bordeaux, soit par la municipalité de la même ville, que le comité colonial fasse, le premier décembre prochain, un rapport sur le dernier état de cette colonie, sur les moyens les plus propres à y ramener la paix et d'empêcher que, par les manoeuvres des contrerévolutionnaires de France, la contre-révolution ne s'opère dans la colonie. En effet, Messieurs, ne vous le dissimulez pas, toutes les lettres sont uniformes sur ce point. Le foyer des troubles de Saint-Domingue est au delà du Rhin et dans Paris. (Oui! oui! Applaudissements.)

Ainsi j'appuie la motion de M. Brissot, et surtout je prie l'Assemblée nationale de considérer que ce député prenant l'engagement de faire le rapport au premier décembre, l'Assemblée nationale pourra en ajourner le résultat si elle pense que l'ouvrage de notre collègue ne lui fournisse pas toutes les lumières qu'elle est en droit d'attendre, ou statuer définitivement, si elle le regarde comme complet. J'appuie donc la motion de M. Brissot.

M. Cambon. Le comité colonial a paru désirer un délai plus long pour vous faire un rapport sur toutes les colonies et pour vous découvrir le fil de tout ce qui s'y est passé. Je désire, comme vous, connaître tout ce qui s'est passé dans les colonies; il est important que la nation ait une connaissance exacte de toutes les manœuvres qu'on a employées; mais cette connaissance ne nécessite pas le retard particulier de l'affaire de Saint-Domingue. Il y a une insurrection désastreuse, le commerce de la France se ressentira de cette insurrection. Il y a eu un concordat entre les gens de couleur et les blancs. Nous savons qu'il y a un décret qui anéantit l'effet de ce concordat, qu'il y a des commissaires civils envoyés à Saint-Domingue, que nous avons des forces qui sont à la veille d'arriver à Saint-Domingue. Craignons, Messieurs, que ce décret du Corps législatif n'apporte de nouveaux troubles dans cette colonie; craignons que les commissaires qui sont chargés d'exécuter la loi, qui auront des forces, ne soient la cause indirecte de cette insurrection.

C'est sur ces détails, Messieurs, que je demande que l'Assemblée soit instruite, et, en conséquence, que, sur les concordats qui vous ont été envoyés, par M. Blanchelande, et sur toutes les pièces qui y sont jointes, il y ait un rapport particulier, pour que nous puissions prendre cet objet en considération, et que la perte de nos colonies ne soit pas entraînée par l'exécution qui est peutêtre désastreuse. Je demande ce rapport pour le premier décembre.

M. Aubert-Dubayet. Il n'est pas douteux que la grande question des colonies ne tienne absolument à la prospérité publique; il y va du commerce de la France entière, et il est digne de l'Assemblée nationale de la prendre en très grande considération. Je vois d'ailleurs, dans la motion qui a été faite de présenter un rapport le 1er décembre, et que j'appuie, un moyen sûr d'arriver à un résultat. Il n'est pas douteux que M. Brissot, par la disposition où il se trouve de faire un prompt rapport, a des correspondances actives dans les colonies, et qu'il peut vous faire connaître un côté de la vérité couverte par un rideau encore très obscur. D'autre part, il n'est pas douteux que les députés de l'assemblée coloniale qui arrivent de Saint-Malo, apportent aussi une portion de lumière, puisque déjà, par un

certain murmure que j'ai entendu, on semblait craindre leur esprit de prévention. En adjoignant M. Brissot au comité des colonies pour cette affaire seulement, il nous communiquera toutes les lumières qu'il aura reçues et comblera le déficit; on jugera alors la solidité de créance que l'on peut accorder à ce qu'il fait. Il n'est pas douteux encore que, dans le comité, lorsqu'on aura écouté les députés extraordinaires, on ne soit conduit, par des comparaisons et des dissertations contradictoires à des résultats satisfaisants.

Vous ne devez pas être en peine de savoir pourquoi les colonies sont dans un état aussi douloureux pour les vrais amis de la France. Dabord, Messieurs, les lois longtemps attendues par les colonies ont été contradictoires; elles ont jeté une grande fluctuation dans les esprits; le commerce s'est effarouché; les propriétaires ont craint. De ces divers sentiments, devaient nécessairement résulter une grande irrésolution dans la marche du commerce. Enfin, un décret arrive, et c'était, je crois, le 28 septembre 1791. Ce décret porte des promesses satisfaisantes pour les propriétaires. Les véritables amis de l'humanité ont pu en gémir; je n'entre point dans cette discussion philanthropique, et mon cœur a senti ce sentiment comme tout autre. Bref, arrive un décret qui dit qu'on ne toucherait point aux personnes; arrivé un autre décret, grande fluctuation dans les esprits.....

M. Garran-de-Coulon. Je demande qu'on rappelle à l'ordre l'opinant; ce n'est pas là la question.

M. Aubert-Dubayet. J'arrive, et d'un pas très actif. Bref, les lois qui refusaient, et ensuite qui rendaient certains droits, ont dû néessairement laisser une grande irrésolution dans les esprits; ensuite, de l'aristocratie, du patriotisme raisonnable, du patriotisme exagéré, tout enfin a pu mettre en fermentation des têtes qui sont sous la zone torride. J'arrive maintenant, Messieurs, à la nécessité de tout connaître, et, d'après cette nécessité sur laquelle j'appuie fortement, je désire que M. Brissot soit adjoint au comité colonial, pour préparer son rapport.

M. Basire jeune. Je demande que la discussion soit fermée; peut-être sans s'en apercevoir....

Plusieurs membres: Vous n'avez pas la parole.

M. Aubert-Dubayet. Il n'est pas douteux que M. Brissot n'ait de grandes lumières à répandre sur cette question, et je ne vois pas pourquoi M. Brissot ne serait pas invité à faire connaître tout ce qu'il sait au comité colonial. Je demande donc qu'on attende l'arrivée des députés de Saint-Malo, et que M. Brissot donne connaissance de ce qu'il sait au comité. (Applaudissements.)

M. Garran-de-Coulon. C'est quand le sang coule de tous côtés à Saint-Domingue, dans la plus belle de nos colonies, que l'on vous demande un ajournement prolongé que l'on ne demanderait pas pour le plus petit objet qui serait sous vos yeux. Vous savez, Messieurs, que c'est par les lenteurs affectées qui ont eu lieu relativement à l'exécution du décret du 15 mai 1791, que les troubles des colonies ont éclatés. (Applaudissements.) Nous serons responsables envers la France, envers les colonies, envers l'humanité entière, des délais que nous apporterions dans une affaire de cette importance, nous le serions

comme ceux qui ont été les auteurs des mêmes retards dans l'Assemblée constituante sont responsables envers la nation et envers l'humanité des troubles qui ont lieu en ce moment. Je demande donc que, sans s'arrêter aux motions incidentes relatives à M. Brissot, on fixe au plus tard au 1er décembre le rapport du comité, ou, à défaut de rapport, la discussion de la question.

Plusieurs membres: La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Léopold. Je demande que l'on mette aux voix la proposition de M. Aubert-Dubayet, d'adjoindre M. Brissot au comité colonial. (Non! non!)

M. Delacroix. Je demande la question préalable sur la motion de M. Aubert-Dubayet.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Aubert-Dubayet.)

M. Brissot de Warville. Je propose d'ajouter à la proposition, d'ajourner le rapport au 1er décembre, que si le comité ne fait pas son rapport à cette époque, il me soit permis de le faire moi-même. (Non! non !)

M. Tarbé Quand vous aurez décrété que votre comité fera un rapport à jour fixe, vous ne pouvez pas dire, sans l'injurier, que s'il ne le fait pas, M. Brissot le fera."

(L'Assemblée, consultée, décrète que le comité colonial fera son rapport au 1er décembre prochain.)

M. Grangeneuve. Je demande, qu'indépendamment du rapport du comité, la discussion sur les troubles des colonies soit ajournée à la

même date.

M. Basire jeune. J'appuie la motion de M. Grangeneuve, car on n'a ajourné que le rapport.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

M. Léopold. Je soutiens que cet amendement n'est pas raisonnable puisqu'il est impossible de présenter le rapport sans qu'il y ait une discussion subséquente.

Un membre: Il est possible que d'ici le premier décembre, le comité ne puisse faire son rapport, et alors l'Assemblée ne doit pas se priver de recevoir les recherches faites par chacun de ses membres.

(L'Assemblée, consultée, ajourne au premier décembre la discussion sur les troubles des colonies et renvoie au comité colonial les pièces qui viennent d'être lues.)

M. Carlier, au nom du comité de législation, fait un rapport sur la mise en arrestation des sieurs Tardi et Noireau; il s'exprime ainsi.

Messieurs, le 12 de ce mois, l'Assemblée nationale a mis en état d'accusation les sieurs Tardi et Noireau, désignés dans l'article de M. Varnier. Dans l'exécution de ce décret est arrivée une méprise bien douloureuse; les sieurs Tardi père et fils, et un sieur Noireau, ont été arrêtés et constitués prisonniers à Dijon, et il se trouve qu'ils ne sont point coupables. Les coupables sont évadés, et les innocents en prison. Les dispositions trop vagues du décret ont donné lieu à cette erreur. D'après la lecture des pièces adressées par le procureur général syndic du département de la Côte-d'Or, vous avez renvoyé au comité de législation le projet de décret à rendre pour mettre en liberté les sieurs Tardi et Noireau, qui sont actuellement détenus dans les prisons de Dijon.

Votre comité de législation s'est occupé de ce décret, et m'a chargé de vous le présenter :

"

« L'Assemblée nationale déclare que, par son décret du 12 de ce mois, elle n'a entendu mettre en état d'accusation, que le sieur Tardi, de Dijon, receveur des douanes nationales aux frontières, et le sieur Noireau, ci-devant receveur du grenier à sel d'Auxonne;

"En conséquence décrète que les sieurs Tardi, père et fils, et le sieur Noireau, actuellement détenus dans les prisons de Dijon, en vertu du décret dudit jour 12, seront mis en liberté, et que les scellés apposés chez eux seront brisés; qu'il sera remis, par le procureur général syndic du département de la Côte-d'Or, auxdits sieurs Tardi, père et fils et Noireau, à l'instant de leur sortie des prisons, une expédition du présent décret, auquel l'Assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de donner la plus prompte exécution. M. Lemontey. Et publicité.

M. Lacombe-Saint-Michel. Je désirerais que la réparation faite à ces citoyens soit authentique et je voudrais, puisqu'ils ont été obligés de faire momentanément le sacrifice de leur liberté, que M. le Président leur écrivit une lettre de satisfaction de la part de l'Assemblée nationale.

Un membre: Je demande que le décret soit imprimé à Dijon et dans le département de la Côte-d'Or.

Un membre: Je demande qu'il soit envoyé un courrier extraordinaire. Toute minute qu'ils souffrent doit être affreuse pour nous.

M. Léopold. J'observe que tout cela n'est que la suite d'une faute de l'Assemblée et que, par conséquent, il faut que les frais soient supportés par ses membres. En conséquence, je propose d'en prélever le montant sur nos mandats. (Murmures.)

M. Delacroix. Je crois que la motion de M. Léopold est une mauvaise plaisanterie. Je demande qu'il en soit fait mention au procèsverbal et qu'elle soit mise aux voix; je l'appuie.

M. Gérardin. Il me semble qu'on ne peut pas mettre aux voix une motion qui tend à improuver la conduite de l'Assemblée nationale; mais on peut rappeler à l'ordre l'homme qui fait une pareille motion, et voilà la mienne.

M. Taillefer. Je pense comme M. Gérardin, et je regarde comme une insulte à l'Assemblée la motion qui a été faite.

M. Léopold. Je viens d'être inculpé. Je déclare à la face de l'Assemblée nationale que je n'ai eu que des intentions de justice en faisant la motion que j'ai soumise à l'Assemblée, et que je crois essentiellement juste. Si je mérite d'ètre rappelé à l'ordre, je me soumets la censure de l'Assemblée.

Un membre: Je demande l'ordre du jour sur la motion de M. Léopold et sur les motions incidentes.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Léopold.)

M. le Président. Je mets aux voix l'amendement de M. Lemontey et un autre membre tendant à donner la plus grande publicité au décret et à l'imprimer dans le département de la Côted'Or.

(L'Assemblée adopte cet amendement.)

M. le Président. Je mets aux voix l'amendement de M. Lacombe-Saint-Michel tendant à ce que le Président soit chargé d'écrire une lettre

aux sieurs Tardi, père et fils et au sieur Noireau, arrêtés et détenus à Dijon.

(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Lacombe-Saint-Michel.)

Un membre: Il est inutile de décréter l'envoi d'un courrier extraordinaire; le ministre de la justice prendra sans doute les mesures les plus promptes pour faire parvenir le décret.

Un membre: Il ne faut point parler d'économie quand il s'agit de rendre la liberté à un citoyen innocent. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète l'envoi d'un courrier extraordinaire.)

M. Carlier, rapporteur. Voici, en tenant compte des amendements, la rédaction que je propose :

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L'Assemblée nationale déclare que par son décret du 12 de ce mois, elle n'a entendu mettre en état d'accusation que le sieur Tardi, de Dijon, receveur des douanes nationales aux frontières, et le sieur Noireau, ci-devant receveur du grenier à sel d'Auxonne; en conséquence, décrète que les sieurs Tardi père et fils et Noireau actuellement détenus dans les prisons de Dijon, en vertu du décret dudit jour 12, seront mis en liberté, et que les scellés apposés chez eux seront brisés; qu'il sera remis par le procureur général syndic du département de la Côte-d'Or, auxdits sieurs Tardi et Noireau, à l'instant de leur sortie des prisons, une expédition du présent décret, auquel l'Assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de donner la plus prompte exécution; pourquoi il sera envoyé un courrier extraordinaire à Dijon.

L'Assemblée nationale décrète, en outre, qu'il sera écrit par son président aux sieurs Tardi et Noireau, qui ont été constitués prisonniers, et que le présent décret sera publié et affiché dans tout le département de la Côte-d'Or.

(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
(La séance est levée à quatre heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du samedi 21 novembre 1791.

PRÉSIDENCE DE M. VIENOT-VAUBLANC.

La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Couthon, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 20 novembre.

Un membre: J'observe à l'Assemblée que c'est avec beaucoup de raison que la pétition des citoyens de la section des Lombards a excité des réclamations. J'ai remarqué qu'elle est signée du président et des secrétaires. Or, la Constitution prohibe toute espèce d'adresses ou de pétitions faites en nom collectif. Je demande donc qu'on supprime du procès-verbal les mots : Adresse de la section des Lombards » et qu'on les remplace par ceux-ci: « Des citoyens de la section des Lombards ont offert leurs hommages à l'Assemblée. (Murmures.)

Plusieurs membres à gauche: Non! non!

M. Thuriot. On ne cesse d'attaquer ici le droit sacré de pétition. Il a été fait hier une vive opposition à la demande faite de la mention

honorable de l'adresse de la section des Lombards. L'Assemblée n'y a eu aucun égard et a décrété cette mention. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour. (Applaudissements.)

Un membre: L'Assemblée n'a décrété qu'il serait fait mention honorable de cette adresse que parce qu'elle a cru, sans doute, qu'elle était signée individuellement. Je soutiens qu'elle est signée par un président et des secrétaires; je demande à vérifier le fait.

Plusieurs membres: L'ordre du jour!

M. le Président. Aux termes du règlement, je ne peux refuser la demande faite de vérifier un fait.

(L'Assemblée, consultée, décide qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour.)

Un membre: Ces messieurs ont beau faire, ils n'empêcheront pas la nation d'énoncer un vou. (Applaudissements à gauche.)

M. le Président. Personne dans l'Assemblée ne peut vouloir et ne peut empêcher la nation d'énoncer un vou.

M. Dubois de Bellegarde. Ce sont de pures chicanes qu'on soulève.

M. Lacretelle. Nous ne demandons que le maintien de la Constitution que tous nous avons juré de défendre.

M. Audrein. Sans doute, il faut respecter la Constitution; sans doute, il faut fléchir devant elle, mais l'intention de la Constitution n'a jamais été de fermer l'entrée... (Murmures.) ni de fermer tout accès auprès de l'Assemblée. Ce serait manquer son but. Je demande que les citoyens puissent librement et facilement rendre leurs hommages à l'Assemblée et protester de leur respect à la loi. Je réclame l'ordre du jour.

M. Pastoret. Monsieur le Secrétaire, je demande que vous lisiez les premières lignes de l'adresse, ainsi que les signatures.

M. Couthon, secrétaire, relit l'adresse en entier; elle se termine par ces mots : « Pour extrait conforme à la délibération de la section des Lombards, réunie en assemblée générale, signé: Poulur, secrétaire. »

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

Un membre à droite: On ne peut passer à l'ordre du jour sur une infraction faite à la Constitution.

M. Goujon. Je demande le rapport du décret: l'Assemblée n'aurait pas décrété la mention honorable si elle avait su que l'adresse était signée en nom collectif.

M. Thuriot. Qu'on lise le procès-verbal pour faire connaître la vérité à ces messieurs.

M. Lecointe-Puyraveau: Un membre de l'Assemblée constituante qu'on a regardé comme célèbre, comme un des plus fermes appuis de notre liberté naissante, a dit une fois dans cette tribune: « Lorsqu'ici on parle de nation et de liberté, il semble que l'on répande l'eau à grands flots sur des hydrophobes.» (Vifs applaudissements dans les tribunes et à gauche de l'Assemblée.) Peut-être serait-ce ici l'occasion de dire que dans cette Assemblée, lorsqu'on parle d'amis de la Constitution, lorsqu'on parle de citoyens qui manifestent leur vœu pour le bonheur et la prospérité publiques, on répand à grands flots l'eau sur les hydrophobes. (Murmures à droite.)

Les murmures qui se manifestent sont sans doute l'effet d'une fausse interprétation de mon

opinion. Hier, quand on a lu une lettre signée par des citoyens de Bordeaux se disant amis de la Constitution, on a entendu, de je ne sais quelle part, ce cri: Ah! Ah! (Applaudissements et murmures.) Oui, Messieurs, je soutiens que ces sociétés patriotiques, connues sous le nom de Sociétés d'Amis de la Constitution, ont répandu et propagé, dans tout l'Empire, les principes de liberté.

L'Acte constitutionnel à la main, je vais maintenant vous prouver la grande différence qu'il y a entre les adresses et les pétitions, et que les citoyens ont le droit d'offrir des hommages de félicitation.

L'Acte constitutionnel porte que les citoyens ne pourront présenter que des pétitions individuelles; mais il porte aussi au titre Ier qu'ils pourront s'assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police. Eh bien, ce droit de s'assembler paisiblement et sans armes pourrait-il être mis à exécution, si, lorsque les citoyens sont assemblés, ils ne nommaient pas un chef, et que deviendrait ce droit s'ils ne pouvaient pas faire un travail quelconque, prendre une délibération, manifester un vou? L'Assemblée législative qui doit exprimer le vœu de la nation ne doit-elle pas recevoir des hommes qui viennent lui dire: Nous formons une partie considérable du peuple souverain, et nous vous annonçons que ceux qui nous envoient, reconnaissent que vous avez parfaitement rempli votre mission et vous félicitent de ce que vous avez fait. (Murmures à droite. Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

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Plusieurs membres: L'ordre du jour!

M. Delacroix. Il s'élève tous les jours, à la lecture du procès-verbal, des réclamations contre les délibérations qui ont été prises la veille. Aujourd'hui on renouvelle encore la question de savoir si une délibération qui a été prise à une très grande et très absolue majorité, doit subsister dans le procès-verbal.

Un membre: On ne prescrit pas contre l'er

reur.

M. Delacroix. Hier, après la lecture de cette adresse, M. Goujon et ses voisins s'opposèrent à ce qu'il en fut fait mention au procès-verbal. L'Assemblée décréta que cette mention serait faite malgré toutes les réclamations. L'Assemblée a fait, par là, une grande différence entre les adresses et les pétitions, et je demande qu'il soit passé à l'ordre du jour.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) (Applaudissements dans les tribunes.)

Un membre: J'observe à l'Assemblée que la suppression du traitement des employés de la gabelle a eu lieu dans plusieurs parties le premier avril 1790, et qué cependant le décret du 31 juillet 1791 ne leur accorde leurs pensions et indemnités qu'à compter du premier juillet 1791, d'où il résulte qu'ils sont restés sans traitement pendant 15 mois. Je demande, en conséquence, le renvoi de cette affaire au comité de liquidation. (L'Assemblée renvoie cette affaire au comité de liquidation.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. de Bertrand, ministre de la marine sur divers objets relatifs à la marine; cette lettre est ainsi conçue ·

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« J'ai l'honneur de vous adresser un mémoire relatif à un des objets dont j'ai fait mention dans le compte que j'ai rendu à l'Assemblée nationale le 31 octobre. Ce mémoire concerne l'exécution de la loi du 31 août, relative à la police de la navigation, et au pacté de commerce, ainsi que le projet de décret présenté par le comité de marine de l'Assemblée constituante, sur les droits de navigation établis en remplacement de ceux de l'amirauté.

« J'ai l'honneur de vous envoyer aussi un projet de congé ou passeport national, qui devra être donné dorénavant aux bâtiments de commerce, conformément à la loi du 13 août. J'observerai, Monsieur le Président, qu'il serait à désirer que l'Assemblée voulut bien prononcer sans délai sur la forme de ce congé. C'est la pièce qui établit pour les navires de commerce la qualité de Français, et qui leur donne le droit de porter le pavillon national. Il sert encore à les faire reconnaître dans les ports étrangers, et à la mer. Les modèles des anciens congés, qui étaient délivrés par l'amiral de France, sont joints aux traités de paix avec les puissances étrangères auxquelles il est par conséquent nécessaire de notifier le changement de forme.

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Je dois, Messieurs, ajouter que la loi du 15 mai dernier a déterminé que les anciens congés continueraient à être expédiés jusqu'au 1er janvier dernier; mais en supposant que la nouvelle forme fùt incessamment décidée, le travail de la gravure et du tirage de ces congés exigera quelque temps, et il faudra encore, pour les notifier à toutes les puissances maritimes, donner le délai nécessaire pour qu'elles puissent faire passer des ordres dans tous les ports, et aux commandants de leurs bâtiments de guerre, afin que ces congés soient reconnus. En précipitant trop cette mesure, on risquerait d'exposer quelques bâtiments français à des difficultés embarrassantes, et de compromettre le pavillon national. Ces motifs me déterminent à demander à l'Assemblée nationale de vouloir bien prolonger de 6 mois le délai porté par l'article 6 de la loi du 15 mai, relatif au code de la marine. « Je suis, etc.

Signé de Bertrand. »

A cette lettre sont joints un mémoire concernant la police de la navigation et des ports de commerce, en ce qui concerne l'expédition des navires et la délivrance des congés, et des observations sur le projet de décret du comité de la marine, relativement aux droits de navigation en remplacement des droits d'amirauté.

(L'Assemblée renvoie toutes ces pièces au comité de marine.)

M. le secrétaire donne lecture de trois lettres de M. Delessart, ministre de l'intérieur, dont la teneur suit :

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Plusieurs membres : Le renvoi des pièces au comité de division !

D'autres membres: Le renvoi au comité des domaines!

Un membre: Je demande le renvoi au comité des domaines à charge de se concerter avec le comité de division.

L'Assemblée ferme la discussion, accorde la priorité à la demande de renvoi au comité des domaines, renvoie les pièces à ce comité, et rend le décret suivant:

«L'Assemblée nationale décrète que toutes les demandes des corps administratifs et tribunaux relatives à des emplacements, qui avaient été présentées à l'Assemblée nationale constituante et qui pourraient l'être par la suite, seront définitívement attribuées au comité des domaines. >>

Un membre, au nom du comité de division, propose et l'Assemblée décrète le projet de décret suivant, pour la vérification des pouvoirs des députés du département de la Corse:"

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, décrète qu'elle tient pour valables et vérifiées les nominations faites par le procès-verbal de l'assemblée électorale du département de la Corse du 13 septembre dernier et jours suivants, des personnes de MM. Félix-Antoine Léonetti, François-Marie Pietri, Charles-André Pozzo-di-Borgo, Don PierreJean-Thomas Boërio, Barthelemi Arena, et Marius Peraldi, pour députés à cette législature, et qu'en conséquence ils seront admis au serment requis par la loi. »

M. Lemontey, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Patrin, qui demande à être admis à la barre pour faire hommage à l'Assemblée d'une collection de minéraux; cette lettre est ainsi conçue :

"Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de demander à faire hommage à l'Assemblée nationale d'une collection de minéraux de Sibérie, que j'ai formée moi-même à grands frais, et que M. Daubenton et d'autres minéralogistes ont jugée d'une grande importance. Daignez, Monsieur le Président, m'accorder la faveur de m'admettre à la barre de l'Assemblée nationale dimanche prochain ou tel autre jour qu'il vous plaira de me prescrire, pour y présenter l'adresse ci-jointe. « Je suis avec respect, etc.

"

:

Signé PATRIN. » Plusieurs membres: A dimanche!

(L'Assemblée décrète que M. Patrin sera admis, dimanche, à la barre.)

M. Lacuée jeune, au nom du comité militaire, demande qu'il y ait,demain soir, une séance extraordinaire pour présenter un rapport sur l'organisation de la garde nationale.

(L'Assemblée décide qu'il y aura demain soir une séance extraordinaire.)

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre écrite à M. le Président par M. Lavoisier, l'un des commissaires de la Trésorerie nationale, qui, pour s'acquitter du devoir qui lui est imposé par l'article 11 du titre II du décret d'organisation de cette Trésorerie et de l'article 20 de la loi du 30 mars 1791, présente à l'Assemblée le bordereau sommaire des recettes et des dépenses faites pendant les 15 premiers jours du mois de novembre 1791.

(L'Assemblée renvoie ce compte au comité de la Trésorerie nationale.)

M. Bigot de Préameneu, au nom du comité de législation, fait un rapport sur l'établissement à Beaucaire d'un tribunal chargé de connaltre des crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon; il s'exprime ainsi :

Messieurs, le ministre de l'intérieur vous a communiqué, le 17 de ce mois, une dépêche des commissaires envoyés dans le pays d'Avignon et dans le comtat Venaissin, pour l'exécution de la loi du 14 septembre dernier, qui prononce la réunion de ce pays à la France.

Vous ressentez encore cette consternation profonde, ces déchirements que vous fit éprouver le tableau des attentats commis dans la ville d'Avignon.

On vous proposa d'attribuer la connaissance

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