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de ces crimes au tribunal du district d'Orange, ou de composer un tribunal particulier pour cet objet, auquel seraient appelés des juges pris dans les tribunaux environnant le pays d'Avignon. Vous avez renvoyé cet objet à votre comité de législation; il m'a chargé de vous faire le rapport d'un projet d'un décret et des motifs sur lesquels il est établi.

Les premiers effets de l'anarchie sont de faire disparaître la justice. Les anciens juges d'Avignon avaient été destitués sans forfaiture jugée, la municipalité en avait nommé de nouveaux; méconnus par une partie des citoyens, ils ont été sans force et sans pouvoir contre les autres.

Le décret du 23 septembre dernier ordonne l'établissement provisoire des autorités civiles, judiciaires et administratives qui doivent régir les deux pays réunis d'Avignon et du comtat Venaissin jusqu'à leur organisation définitive. Cette loi supprime les corps civils et judiciaires qui y avaient été établis depuis le mois de septembre 1789; elle ordonne qu'il sera créé dans chacun des deux nouveaux districts, dont les chefs-lieux sont Avignon et Carpentras, une administration et un tribunal, dont la composition sera conforme à ce qui est prescrit par les décrets de l'Assemblée. Plus les forfaits outragent la nature et la société, plus il est difficile d'en avoir les preuves, si on ne les recherche et si on ne les rassemble promptement. Les commissaires ont senti cette nécessité; la formation du tribunal exigeait d'abord la tenue des assemblées primaires, et ensuite celle du corps électoral. Ils ont vu qu'un long délai s'écoulerait avant que l'on pùt commencer l'information: ils ont cru ne pas s'écarter des bases de la Constitution en faisant assembler les sections, et en leur proposant de nommer trois juges enquêteurs qui, en présence de deux notables, recevraient provisoirement les dépositions. Ils ont pensé que cette nomination par le peuple donnerait à ces juges momentanés un caractère suffisant ils ont voulu éviter l'inconvénient de laisser les prisonniers en état d'arrestation sans accusation régulière.

Les circonstances peuvent seules excuser cette démarche des commissaires, elle aura même des effets utiles mais leur opération n'est pas conforme aux lois sur la nomination des juges. Cette nomination est confiée, par délégation du peuple, aux assemblées électorales. Vous ne pouvez donc pas reconnaître ni maintenir comme juges les citoyens que les habitants d'Avignon, rassemblés en sections, auraient nommés. Il sera indispensable que les procédures faites par ces citoyens soient de nouveau commencées: elles ne peuvent même pas être jointes à la procédure. Une instruction, à laquelle tiennent l'honneur et la vie des hommes, ne peut se former par des juges et par des actes dont la légalité pourrait ensuite être contestée, et que la Constitution ne vous permet pas de légitimer.

Dans la classe des actes réguliers seront les procès-verbaux qui auront été dressés par les gens de l'art sur l'état des cadavres et par les officiers publics légalement nommés. Les actes faits par les citoyens élus comme juges dans les sections, seront, entre les mains de l'accusateur public, des renseignements utiles.

En reconnaissant la nécessité d'un tribunal régulier, le comité a partagé votre empressement pour qu'il fût formé sans délai, Avignon est sans juges, et les airs y retentissent des cris de citoyens, sans nombre, qui réclament la justice

et elle sera inefficace si elle n'est sur-le-champ mise en activité.

Il s'agit aussi de calmer et de punir les fureurs d'une guerre civile; ne doit-on pas désirer que des juges étrangers à tous les partis, leur inspire à tous le respect et la crainte? Ces deux motifs ont déterminé votre comité à vous proposer de convoquer, pour la formation du tribunal de premier ressort, des juges pris dans des tribunaux, à une certaine distance d'Avignon.

La Constitution défend de distraire les citoyens des juges que la loi leur assigne, par aucune commission ni par d'autres attributions et évocations que celles qui sont déterminées par les

lois.

Si Avignon avait des juges il faudrait sans doute que leur récusation précédât le renvoi à des juges étrangers, et cette partie de l'ordre judiciaire est attribuée au tribunal de cassation. Mais la réunion de cette ville à la France n'a été prononcée que par la loi du 14 septembre: elle n'a été effectuée que par l'acte de possession, des commissaires civils du 8 du présent mois. Cet acte ne vous est connu que depuis quelques jours. Les corps administratifs et judiciaires n'y sont point encore constitués. Il est un intervalle de temps pendant lequel ces autorités ne pourront être opposées à l'anarchie; un état plus affreux que celui d'un pays qui, au milieu des haines et des factions, ne peut implorer ni la perfection, ni la vengeance de la justice.

Son retour dans cette malheureuse cité, ne doit donc pas être retardé par les lenteurs de la formation d'un tribunal ordinaire. Il ne s'agit point de distraire les citoyens d'Avignon des juges que la loi leur assigne; ils n'en ont point encore, et ils demandent que la loi, qui va être prononcée, leur en donne provisoirement. La Constitution autorise les évocations et les attributions qui sont déterminées par les lois. Jamais l'Assemblée nationale n'aura d'attribution plus importante à prononcer la loi sera celle de la nécessité.

Le décret du 23 juin porte: que les commissaires du roi feront exécuter, dès à présent, celles des lois françaises que comporte l'état actuel des deux pays réunis. La loi qui vous est proposée est celle que comporte et qu'exige cet état actuel.

Il faut donc écarter toute idée d'atteinte à la Constitution. Elle ne pourrait être violée que par l'interruption de la justice et par l'impunité des plus grands forfaits.

Votre comité a vu dans un temps prochain l'établissement des jurés. L'intervalle très court qui se trouve entre cette époque et celle où nous sommes, eût pu faire regarder comme convenable de ne pas établir dans ce pays deux régimes dont l'un doit succéder presqu'immédiatement à l'autre. Mais des obstacles insurmontables s'opposent à ce que les procédures criminelles dont il s'agit soient faites par des jurés. Leur établissement est subordonné à des opérations qui seront de longue durée et qui ne sont point encore faites. Il est décidé, par le décret du 23 septembre, que les deux districts d'Avignon et de Carpentras ne pourront former un quatre-vingtquatrième département, et qu'ils seront divisés entre les départements environnants. Cette division n'a point encore été déterminée, et elle doit l'être avant que l'on puisse former le juré. Il serait d'ailleurs imprudent de recommencer, au milieu des convulsions politiques, et avant que l'esprit de parti soit calmé, l'essai d'un établis

.

sement qui est une des bases de la Constitution.

Votre comité n'a pas cru convenable d'attribuer au tribunal d'Orange la connaissance des crimes commis dans la ville d'Avignon. Si les juges de ce tribunal étaient chargés d'une aussi grande instruction, il serait possible que tout leur temps y fut employé; les citoyens du district d'Orange auraient à se plaindre d'être privés de la justice. Vous préféreriez, sans doute, un parti avec lequel vous remplissez le vœu des Avignonnais sans que le cours de la justice soit ailleurs interrompu. Peut-être même le voisinage de la ville d'Orange vous laisserait-il encore de l'inquiétude sur des rapports de famille, d'intérêt ou de parti. Il est de votre dignité d'écarter jusqu'à la possibilité des méfiances, surtout lorsque vous donnez des juges d'attribution.

C'est ce désir de concilier les esprits par votre scrupuleuse attention à chercher tous les moyens d'inspirer la confiance qui a déterminé votre comité à ne prendre les juges, soit de premier ressort, soit d'appel, qu'à une certaine distance d'Avignon. Il lui a paru convenable que l'Assemblée nationale fût instruite des résultats de la procécédure lorsque les informations seront faites, afin de connaitre quelles sont la nature et l'origine des attentats dont on vous a présenté le tableau. C'est un compte que le ministre de la justice vous rendra aux époques qui seront fixées.

Il restait encore à déterminer la compétence du tribunal que vous allez ériger. Le décret du 23 septembre porte que l'amnistie prononcée le 13 du même mois par l'Assemblée nationale aura son effet dans les territoires d'Avignon et du comtat Venaissin; l'époque du 23 mars a paru à votre comité celle où l'amnistie défend pour ce pays la recherche des crimes antérieurs et relatifs à la Révolution.

Il vous propose les décrets suivants (1) :

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« L'Assemblée nationale, voulant pourvoir à ce que les procédures sur les crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon, depuis le 23 septembre dernier, soient commencées et poursuivies sans aucun délai, décrète ce qui suit :

« Art. 1°. Il sera établi à Beaucaire un tribunal composé de cinq juges, un accusateur public, un commissaire du roi et un greffier pour instruire et juger les procédures sur les crimes qui ont pu être commis dans la ville et le territoire d'Avignon, depuis le 23 septembre dernier.

« Art. 2. Pour former ce tribunal, les tribunaux des districts de Montpellier, Sommières, Saint-Hippolyte, Montélimart, Valence et Romans enverront chacun un juge, lesquels se rendront

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Législation, tome II, C.

à Beaucaire. Ces six juges choisiront entre eux celui qui fera fonctions d'accusateur public.

«Art. 3. Le roi sera invité à nommer un commissaire pour servir près ce tribunal.

Art. 4. Les cinq juges nommeront entre eux celui qui fera fonctions de président, et ils choisiront leur greffier.

«Art. 5. Ce tribunal entrera en fonctions, au plus tard le 10 décembre prochain, et il sera installé par le conseil général de la commune de Beaucaire.

« Art. 6. Les actes d'instruction dressés par les citoyens qui auraient été élus comme juges dans la section de la ville d'Avignon, ne feront point partie de la procédure.

« Art. 7. L'indemnité accordée aux juges, à l'accusateur public et au commissaire du roi sera, y compris leur traitement ordinaire, de 300 francs par mois; et celle du greffier sera des deux tiers.

«Art. 8. L'appel des jugements rendus par ce tribunal, sera porté, dans les formes prescrites par les décrets, à l'un des sept tribunaux ci-après nommés, savoir: ceux des districts de Die, Villeneuve-de-Berg, Privas, Annonay, Alais, Vienne et Béziers. Les suppléants, et à leur défaut des gradués, seront appelés pour juger en dernier ressort.

« Art. 9. Le ministre de la justice rendra compte à l'Assemblée nationale de l'état de la procédure aussitôt que les informations seront faites. »

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet et ajourne la discussion à mercredi prochain.)

Un membre, au nom du comité de législation, fait un rapport sur les moyens de mettre en activité la haute cour nationale; il s'exprime ainsi :

Messieurs, vous avez chargé votre comité de législation de vous proposer les moyens les plus prompts de mettre en activité la haute cour nationale qui doit connaître des délits de lèse-nation, dont sont prévenus les sieurs Varnier, Tardi et Noireau contre lesquels l'Assemblée nationale a rendu un décret d'accusation. La loi relative aux jurés porte que chaque nouvelle législature fera dresser la liste des hauts jurés nommés dans chaque département. Vous vous êtes déjà occupés, Messieurs, de la formation de cette liste, mais 13 départements n'ayant pas envoyé les noms des hauts jurés qu'ils ont dû nommer, vous avez ordonné, le 15 de ce mois, que l'état des départements en retard serait envoyé au pouvoir exécutif. Vous l'avez chargé de faire les diligences nécessaires pour que ces nominations fussent promptement effectuées, et vous avez ajourné l'impression et la distribution de la liste, jusqu'à ce qu'elle ait pu être complétée.

Cependant, Messieurs, le décret d'accusation rendu contre le sieur Varnier, la juste demande qu'il fait pour avoir promptement des juges, vous forcent de mettre la haute cour nationale en activité. Le comité a pensé que la négligence des départements à envoyer les noms de leurs jurés, ne devait point arrêter le cours de la justice dans une affaire surtout où l'Etat paraît intéressé; mais ensuite, il a considéré que les accusés ne pouvaient être privés d'aucun de leurs avantages, et qu'ils auraient le droit de se plaindre, si l'on restreignait le nombre des jurés parmi lesquels leurs juges doivent être tirés au sort. Cette dernière considération a fait penser à votre comité, qu'avant de dresser la liste des jurés,

il était indispensable d'attendre effet des diligences que le pouvoir exécutif a été chargé de faire pour rendre cette liste aussi complète qu'elle pourra l'être. Lorsqu'elle sera faite, elle sera envoyée au pouvoir exécutif, pour qu'il en fasse faire l'envoi et la publication dans tous les départements.

Votre comité vous propose ce mode d'exécution comme le plus simple et le plus naturel, mais il est persuadé que le Corps législatif a le droit de faire exécuter par lui-même, et sans intermédiaire, les actes qui lui sont propres et que la Constitution lui défère. Quant au lieu où doit résider la haute cour nationale, votre comité est d'avis que ce soit la ville d'Orléans, parce que tous les arrangements nécessaires à cet établissement y ont déjà été faits à l'occasion du tribunal provisoire qui y a tenu ses séances, parce que sa communication est facile avec toutes les parties du royaume, et parce que cette ville réunit encore dans son sein une force publique suffisante, et plusieurs autres avantages très utiles pour cet établissement.

Votre comité croit devoir vous proposer quelques moyens d'exécution sur la nomination des deux grands procurateurs de la nation, et des quatre grands juges. L'article 11 de la loi du 15 mai 1791 semble présenter quelque obscurité dans sa rédaction. Cet article n'explique pas si le tirage au sort des quatre grands juges doit être fait non seulement dans la salle des séances de la législature, mais encore dans l'Assemblée même. Il ne dit point s'il est nécessaire d'appeler dans le sein de l'Assemblée nationale.

Des membres qui composent le tribunal de cassation, parmi lesquels les quatre grands juges doivent être pris, l'article dit que le plus ancien d'âge sera président. Quelques personnes croyaient voir une désorganisation momentanée du Corps législatif, réduit pour cette opération à une espèce de comité général, sous la présidence de son doyen d'âge, et enfin on doutait si les deux commissaires du roi, dont il est parlé, étaient pour assister au tirage au sort, ou s'ils devaient remplir quelques fonctions auprès de la haute cour nationale. Tous ces doutes se sont aisément résolus par l'examen plus approfondi de la loi, par la comparaison de ses différents articles, et par l'analogie de cette loi avec celle qui a institué les jurés ordinaires, dont la haute cour nationale est une application, à un genre de délit d'une espèce particulière. En conséquence, votre comité s'est convaincu que les quatre grands juges doivent être tirés au sort dans une séance ordinaire de l'Assemblée nationale, en présence de deux commissaires envoyés par le roi, et que le plus ancien d'âge dont parle la loi, est le plus ancien des grands juges, qui doit les présider lorsqu'il sera en fonctions.

Quant à la formation de la liste, composée de 24 membres aux termes de l'article 12 de la même loi, elle sera faite dans les formes indiquées par la loi, et par le titre XI de celle sur l'institution du juré ordinaire. Ces deux lois ayant réglé tous les moyens d'exécution à cet égard, l'Assemblée nationale n'a plus à s'en occuper. D'après ces réflexions, votre comité va vous proposer quelques articles qui lui ont paru nécessaires pour mettre en activité la haute cour nationale.

«L'Assemblée nationale, voulant mettre promptement en activité la haute cour nationale, pour juger les sieurs Varnier, Tardi et Noireau, contre lesquels elle a rendu son décret d'accusation le 12 de mois, décrète ce qui suit :

« Art. 1o. Aussitôt que l'Assemblée nationale

aura pu recevoir les noms des jurés qui n'ont pas encore été envoyés, et qu'elle a fait demander par son décret du 15 de ce mois, elle dressera la liste des hauts jurés élus par les départements. Cette liste sera sur-le-champ envoyée au pouvoir exécutif, pour la faire imprimer et publier dans tous les départements du royaume.

Art. 2. L'Assemblée nationale charge son comité de législation de rédiger et de lui présenter, demain, la proclamation solennelle qu'elle doit faire pour annoncer la formation de la haute cour nationale, ainsi que l'acte d'accusation contre le sieur Varnier et ses complices; conformément à la loi du 15 mai, relative à la haute cour nationale.

« Art. 3. A l'issue de la présente séance, les membres de l'Assemblée se retireront dans les bureaux, pour nommer au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages, les deux grands procurateurs de la nation pris dans le sein de l'Assemblée, pour faire, auprès de la haute-cour nationale, la poursuite de l'accusation aux termes de l'article 10 de la loi du 15 mai 1791.

"Art. 4. Il sera, dans la séance de demain, procédé à l'élection par la voie du sort, et parmi les membres du tribunal de cassation, des quatre grands juges qui doivent présider à l'instruction. Le roi sera invité à envoyer deux commissaires pour assister à cette opération.

Art. 5. La haute cour nationale se réunira dans la ville d'Orléans; les quatre grands juges, les deux grands procurateurs de la nation seront tenus de s'y rendre aussitôt après leur élection. Le sieur Varnier, ou ceux de ses complices décrétés d'accusation, ou qui le seraient par la suite, y seront transférés sur-le-champ pour y subir le premier interrogatoire.

«Art. 6. Le présent décret sera envoyé, dans le jour, au pouvoir exécutif, pour le mettre à exécution en ce qui le concerne. »>

Plusieurs membres: L'impression et l'ajournement de ce projet !

Un membre: Je prie l'Assemblée d'observer que M. Varnier n'a pas subi l'interrogatoire, qu'il demande des juges. L'Assemblée avait décrété que le comité de législation lui présenterait hier son rapport, il ne le présente qu'aujourd'hui ; on en demande l'impression, ce qui produira un nouveau retard. Je prie l'Assemblée d'aller aux voix sur le projet du comité.

Plusieurs membres: La question préalable sur la demande d'impression et d'ajournement!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande d'impression et que le projet de décret sera discuté sur-le-champ.)

M. le rapporteur donne lecture du préambule qui est ainsi conçu:

L'Assemblée nationale, voulant mettre promp tement en activité la haute cour nationale, pour juger les sieurs Varnier, Tardi et Noireau, contre lesquels elle a rendu son décret d'accusation le 12 de ce mois, décrète ce qui suit:

(L'Assemblée adopte le préambule.)

M. le rapporteur donne lecture de l'article 1er qui est ainsi conçu:

Aussitôt que l'Assemblée nationale aura pu recevoir les noms des jurés qui n'ont pas encore été envoyés, et qu'elle a fait demander par son décret du 15 de ce mois, elle dressera la liste des hauts jurés élus par les départements. Cette liste sera sur-le-champ envoyée au pouvoir exé

cutif, pour le faire imprimer et publier dans tous les départements du royaume.

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M. Chéron-La-Bruyère. Le comité vous propose de ne faire le tirage au sort qu'au moment où l'Assemblée aura tous les noms des hauts jurés; moi, je propose qu'on le fasse de suite. (Murmures.)

Quoique les procès-verbaux de tous les départements ne soient pas arrivés, il y aurait un moyen d'éviter la lenteur que ce retard peut apporter à la formation de la haute cour nationale et de faire concourir cependant au tirage au sort les 83 départements. En conséquence, je propose que l'on tire au sort, sans délai, les hauts jurés, et que, pour les départements qui n'ont pas encore envoyé leurs procès-verbaux, on mette dans l'urne des numéros, par exemple, premier ou second juré de tel département. De cette façon, tous les départements concourront à la nomination, et la formation de la haute cour nationale n'éprouvera point de retard.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. Delacroix. Je demande la question préalable sur la proposition. Elle est impraticable, parce qu'avant de procéder à la nomination des hauts jurés, il faut vérifier leurs pouvoirs.

M. Lagrévol. J'ajoute que ce que dit M. Chéron est contraire à la loi, et pour le prouver, il suffit d'en faire lecture. La voici: « Chaque nouvelle législature, après avoir vérifié les pouvoirs de ses membres, dressera la liste des jurés élus par les départements du royaume, et elle la fera publier. Il faut donc que la vérification des pouvoirs précède la publication, et c'est dans l'ordre des choses, comme l'a dit M. Delacroix, parce qu'il pourrait très bien arriver que ceux qui sortiront au tirage, ne soient pas éligibles; peut-être même seraient-ils morts.

D'ailleurs les hauts jurés appartiennent de droit à l'accusé; tous ces hauts jurés doivent donc nécessairement concourir pour le tirage, afin de former le jury, si vous élaguez certains départements parce qu'ils n'ont pas envoyé leurs procès-verbaux, vous contrevenez à la loi, et Vous enlevez à l'accusé des personnes qui doivent nécessairement entrer dans la liste de ceux qui doivent le juger. Je dis donc que vous ne pouvez prendre ce parti, et que celui qui est proposé par le comité est le seul acceptable.

....

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M. Thuriot. Je fais une observation sur la rédaction. L'article porte: « Aussitôt que... Je demande que l'on mette: « Au reçu des noms...» M. Albitte aîné. Il me semble que l'on devrait dire que les départements dont les procèsverbaux d'élection des jurés ne sont pas parvenus à l'Assemblée nationale, seront tenus de les faire parvenir dans un délaí.

M. Jollivet. Du moment où il y a une loi rendue, il n'est sûrement pas dans votre intention d'en rendre une différente. Or, la loi sur la convocation de la haute cour nationale porte textuellement que la publication de la liste des hauts jurés sera l'ouvrage de l'Assemblée nationale, et non pas du pouvoir exécutif. En conséquence, je demande que l'on supprime dans l'article proposé la disposition par laquelle on laisse au pouvoir exécutif le soin de faire cette publication qu'il pourrait retarder et que, conformément à la loi déjà rendue, la publication soit faite par le Corps législatif.

M. Bouestard. Le premier devoir et le pre

mier désir de l'Assemblée nationale doit être d'assurer la justice à l'accusé; mais son dernier désir doit être encore de lui assurer une justice prompte. Je dis qu'en admettant le mode proposé par le comité d'attendre, pour présenter la liste des jurés, que vous ayez les procès-verbaux de tous les départements, vous vous exposez à différer indéfiniment le moment où vous pourrez faire obtenir justice à l'accusé.

Je dis d'ailleurs que ce mode est absolument illusoire. Sur 83 départements vous n'en avez que 13 qui n'ont pas envoyé leurs procès-verbaux. Ces 13 départements priveront donc l'accusé de pouvoir choisir parmi 26 jurés. Mais il faut considérer qu'il a le droit d'en récuser un tiers ou un quart. La loi s'explique la-dessus puisqu'elle lui laisse le double de récusations accordées par le décret sur la procédure par jurés. Donc, si sur les 24 jurés que vous lui proposez il en refuse un certain nombre, pendant ce délai, les 13 départements qui n'ont pas encore nommé les hauts jurés auront produit leur liste, et l'accusé sera maître de faire, parmi ces nouveaux jurés, le premier choix qui lui est accordé par la loi. Je demande, en conséquence, qu'on procède au tirage au sort sur la liste des départements qui ont envoyé leurs procès-ver

baux.

Un membre: On a fait l'objection que la proclamation devait être faite par le Corps législatif et non par le pouvoir exécutif, et moi je soutiens le contraire. C'est au pouvoir exécutif à faire publier la proclamation, et c'est à vous à prendre les précautions nécessaires. Vous l'avez déjà décidé pour les lois qui n'avaient pas besoin de sanction. Je demande le maintien absolu de l'article et la question préalable sur l'amendement proposé.

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

Voix diverses: La question préalable sur tous les amendements! La division des amendements!

(L'Assemblée décide qu'il y a lieu à la division des amendements.)

M. le rapporteur. Je n'ai rien adopté, Messieurs, mais c'est une autre rédaction que je vais soumettre à l'Assemblée. La voici :

Art. 1er.

« Aussitôt que les procès-verbaux d'élection des jurés qui n'ont pas encore été envoyés, seront parvenus à l'Assemblée nationale, elle dressera la liste des hauts jurés élus par les départements; cette liste sera sur-le-champ envoyée au pouvoir exécutif, pour la faire imprimer et publier dans tous les départements du royaume. (L'article 1er ainsi redigé, est mis aux voix et adopté.)

M. le rapporteur. Voici l'article 2:

"L'Assemblée nationale charge son comité de législation de rédiger et de lui présenter, demain, la proclamation solennelle qu'elle doit faire pour annoncer la formation de la haute cour nationale, ainsi que l'acte d'accusation contre sieur Vernier et ses complices, conformément à la loi du 15 mai, relative à la haute cour nationale. »

M. Saladin. Je demande la question préalable sur cet article parce qu'il est absolument inutile; c'est une mesure de police qui ne doit pas entrer dans le décret. (Oui! ̃oui!)

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(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 2.)

M. le rapporteur. Voici l'article 2 qui est l'ancien article 3:

« A l'issue de la présente séance, les membres de l'Assemblée se retireront dans les bureaux, pour nommer au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages, les deux grands procurateurs de la nation pris dans le sein de l'Assemblée, pour faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de l'accusation aux termes de l'article 10 de la loi du 15 mai 1791. »

M. Saladin. Je demande encore la question préalable; la nomination des grands procurateurs a été décrétée par l'Assemblée nationale et est absolument une mesure d'exécution.

M. Jollivet. J'avoue que l'article proposé est une mesure de police qui pourrait être également écartée par la question préalable; mais j'observe qu'il n'est peut-être pas indifférent de laisser, par un décret, la tracé du mode d'élection des deux grands procurateurs de la nation dans cette importante occasion. C'est pourquoi, Messieurs, je demande le maintien de l'article.

M. Lagrévol. En établissant le mode de nomination de deux grands procurateurs, nous ferions une disposition parfaitement inutile, et c'est le cas d'appliquer la question préalable; mais nous devons fixer seulement le temps où cette nomination doit être faite.

M. Thuriot. La nomination à demain ! Plusieurs membres: Non! non! aujourd'hui ! M. Goujon. J'observe que la proclamation doit précéder la nomination.

Un membre: M. Goujon a raison; voilà l'article 10 de la loi du 15 mai :

Lorsque le Corps législatif aura décrété qu'il se rend accusateur, il fera une proclamation solennelle pour annoncer la formation d'une haute cour nationale, et fera rédiger l'acte d'accusation de la manière la plus précise et la plus claire; et il nommera deux de ses membres pour, sous le titre de grands procurateurs de la nation, faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de l'accusation. »

Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Je mets aux voix l'article avec l'amendement qui renvoie l'élection à demain.

Plusieurs membres : La division!

M. le Président. Alors je vais mettre seulement aux voix l'amendement tendant à ce que l'élection ait lieu demain.

Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement!

(L'Assemblée rejette la question préalable, adopte l'amendement, puis l'article.)

Suit la rédaction de cet article telle qu'elle a été adoptée lors de la lecture du procès-verbal: Art. 2.

« Dans la séance de demain les membres de l'Assemblée se retireront dans les bureaux, pour nommer, au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages, les deux grands procurateurs de la nation, pris dans le sein de l'Assemblée, pour faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de l'accusation aux termes de l'article 10 de la loi du 15 mai 1791. »

Un membre: J'observe que toutes les élections faites à la sortie des séances, ne le sont qu'à une très petite majorité. Je demande que l'élection des deux grands procurateurs, ainsi que toutes les élections à venir de présidents, secré taires, membres de comités, etc... auxquelles il sera procédé par les membres de l'Assemblée, se fassent à l'heure de midi, séance tenante.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

M. le rapporteur donne lecture de l'article 3 (ancien art. 4), qui est ainsi conçu :

Art. 3.

« Il sera, dans la séance de demain, procédé à l'élection par la voie du sort, et parmi les membres du tribunal de cassation, des quatre grands juges qui doivent présider à l'instruction. Le roi sera invité à envoyer deux commissaires pour assister à cette opération. »

(Après un amendement non appuyé, l'Assemblée ferme la discussion et décrète l'article 3.) M. le rapporteur donne lecture de l'article 4 (ancien art. 5), qui est ainsi conçu :

«La haute cour nationale se réunira dans la ville d'Orléans; les quatre grands juges, les deux grands procurateurs de la nation seront tenus de s'y rendre aussitôt après leur élection. Le sieur Varnier, ou ceux de ses complices décrétés d'accusation, ou qui le seraient par la suite, y seront transférés sur-le-champ pour y subir le premier interrogatoire. »

M. Lagrévol. Le décret doit porter exclusivement sur ceux contre lesquels le décret d'accusation est rendu. Il ne faut pas laisser subsister les mots : « ses complices; il faut dire les sieurs Varnier, Tardi et Noireau, etc.» et ne point parler de complices qui ne sont pas en état d'accusation.

Un membre: J'appuie l'amendement de M. Lagrévol et je demande que l'on mette: « et les sieurs Tardi et Noireau, aussitôt qu'ils seront arrêtés,» puisque nous avons appris hier qu'il n'y en a aucun d'arrêté.

M. le rapporteur. J'adopte et voici comment je propose de rédiger l'article 4:

Art. 4.

«La haute cour nationale se réunira dans la ville d'Orléans. Les 4 grands juges, les 2 grands procurateurs de la nation seront tenus de s'y rendre aussitôt après leur élection. Le sieur Varnier y sera transféré sur-le-champ, et les sieurs Tardi et Noireau, aussitôt qu'ils seront arrêtés. »

(L'Assemblée décrète l'article 4 ainsi rédigé.) M. le rapporteur donne lecture de l'article 5 (ancien art. 6), qui est ainsi conçu :

Art. 5.

Le présent décret sera envoyé, dans le jour, au pouvoir exécutif, pour le mettre à exécution en ce qui le concerne. »

(L'Assemblée décrète l'article 5.)

M. le Président nomme les 4 commissaires qui doivent présenter le décret au pouvoir exécutif.

M. le Président. Avant de passer à l'ordre du jour, j'annonce à l'Assemblée que M. Gensonné demande la parole pour rendre compte de nouveaux troubles survenus dans le département de la Vendée.

(L'Assemblée décide que M. Gensonné sera entendu.)

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