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M. Genson né. Ce serait bien vainement que vous vous occuperiez des moyens de répression contre les prêtres séditieux et perturbateurs, si Vous ne rappeliez en même temps à l'exécution de la loi les fonctionnaires publics qui ont la bassesse de se déshonorer par une lâche connivence avec eux. Des avis sùrs m'ont annoncé que les troubles qui ont agité le département de la Vendée étaient prêts à recommencer et à reprendre une nouvelle énergie.

Un membre: Ils n'ont point cessé.

M. Gensonné. Déjà, dans plusieurs paroisses, l'indifférence des corps administratifs est telle que des paysans attroupés ont dissipé les assemblées primaires, ont désarmé la garde nationale, désarmé des sentinelles de troupes de ligne, et chassé les prêtres constitutionnels.

Je provoque une juste sévérité contre la municipalité de Montaigu, dans le même département. Cette municipalité entière a donné sa démission la veille du jour où le curé constitutionnel devait être installé, pour ne pas concourir à la prestation de son serment. Cette installation a été accompagnée d'une foule de faits qui annoncent à quel point le fanatisme est exalté dans cette ville; les assemblées des citoyens actifs se sont formées pour la réélection des officiers municipaux; et, vous aurez peine à le croire, on a renommé ceux qui avaient donné leur démission quelques jours auparavant, et ils ont accepté.

Messieurs, si vous ne mandez pas, sur-le-champ, à la barre le maire et le procureur de la commune de cette municipalité, je demande au moins que l'Assemblée décrète que le directoire du district où ressortit la commune de Montaigu, lui enverra le procès-verbal de la démission de ces officiers municipaux, le procès-verbal de l'installation du curé, et ceux de la réélection et de l'acceptation de ces mêmes officiers municipaux, pour, sur le vu de ces pièces, être statué ce qu'il appartiendra. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé !

M. Goupilleau. Je suis de Montaigu, Messieurs. J'ai des faits particuliers à vous dire, et je puis vous assurer que les détails que vous a donnés M. Gensonné sont de la plus exacte vérité.

Je puis vous assurer que des 48 municipalités qui composent le district, celle de Montaigu, pendant 15 mois que j'ai été procureur-syndic du district, m'a donné le plus de peines, que c'est elle qui m'a le plus contrarié dans l'exécution des lois, et qui a manifesté le plus d'opposition aux principes de la Constitution.

Le maire de Montaigu, à cette qualité, réunit celle de principal du collège il était tenu au serment prescrit par la loi du 27 novembre 1790; il ne m'a pas été possible de l'y contraindre.

Le procureur de la commune réunissait à cette qualité celle de secrétaire du district, et jamais homme plus inconstitutionnel ne pouvait remplir une place si constitutionnelle; aussi, vient-on de lui ôter cette place, qu'il était indigne de remplir.

C'est ce maire, c'est ce procureur de la commune qui devaient donner l'exemple de la soumission à la loi, et qui, la veille de l'installation du curé, donnent leur démission, pour se dispenser de faire un acte de civisme... Ce sont eux qui se font réélire après, qui font élire avec eux un régisseur, un hommé à gage, d'un ci-devant grand seigneur, un autre jeune homme qui, tous deux, n'ont pas un pouce de terrain et qui ne sont

ni l'un ni l'autre citoyens actifs. Mais pourquoi les ont-ils fait élire ? parce qu'ils sont sûrs de les trouver d'accord avec leurs principes.

Croyez-vous, Messieurs, que des officiers municipaux qui donnent ainsi au peuple un exemple aussi scandaleux, soient amis de notre Constitution; croyez-vous que s'ils restent dans leurs places, ce soit pour prêcher l'obéissance aux lois, pour protéger le curé constitutionnel dont l'installation les a fait démettre, pour le garantir des insultes journalières qu'on se plaît à lui faire.

Non, Messieurs, c'est pour prêcher la révolte. aux lois; c'est pour outrager ce vertueux curé, c'est pour le harceler, pour le forcer de céder sa place au curé inconstitutionnel, qu'ils protègent au mépris de la loi.

Certainement, ils sont indignes de la confiance publique, ils l'ont usurpée, à l'aide de leurs fonctions, ils doivent en être destitués; mais avant tout, il est de la justice de les entendre, de leur faire rendre compte de leur conduite, et je fais la motion qu'ils soient mandés à la barre.

Rien, Messieurs, ne peut suspendre votre décision; il faut qu'elle soit aussi prompte que sévère, je crains qu'elle soit trop tardive.

Nous apprenons qu'à l'occasion d'un renouvellement de municipalité, les prêtres réfractaires ont soulevé les habitants de la campagne du Boisde-Cené, à 4 ou 5 lieues de Montaigu, que les gardes nationales et les troupes de ligne, sentinelles à la porte des assemblées primaires ont été désarmées et assommées par eux, et il est à craindre que, dans ce moment, le sang ne coule à grands flots.

D'un autre côté, M. Dumourier, que nous avons le bonheur d'avoir pour général dans le département de la Vendée, dont rien ne surpasse le zèle, l'activité et le patriotisme, marque que sa patience est à bout, qu'il n'a plus d'espérance de maintenir la paix, et qu'il est à la veille de faire le coup de fusil.

Il est donc pressant de prendre un parti sévère, ou c'en est fait de la Constitution et de la liberté dans le département de la Vendée. (Applaudissements.)

M. Saladin. Les faits qui viennent de vous être présentés par M. Gensonné et par M. Goupilleau déterminent sans doute, de la part du Corps législatif, un acte de sévérité nécessaire; mais cet acte de sévérité ne doit être porté que lorsque le Corps législatif sera parfaitement instruit des faits. (Murmures.) C'est peut-être parce que je ne propose pas de suite un moyen violent, qu'on se permet de m'interrompre. Je ne m'oppose pas à des mesures sévères et même violentes, mais il faut qu'elles soient justes. (Des murmures prolongés couvrent la voix de l'orateur.)

M. Musset. Je demande à faire lecture d'une lettre qui m'a été écrite par M. Boursier; procureur syndic du district de Challans, dans le même département.

Le canon du district de Challans marche, au moment où je vous écris, contre les rebelles de Bois-de-Cené, qui, hier, ont dissout à main armée l'assemblée dont le but était le renouvellement des officiers municipaux. Ces citoyens égarés ont désarmé les sentinelles des troupes de ligne posées à la porte de la chapelle où se tenait l'assemblée. Les délits commis par cette troupe effrénée sont majeurs escalader les murs du presbytère pour assassiner le curé constitutionnel qui, heureusement, s'était absenté, spolier les registres des délibérations, assassiner des sentinelles, les désarmer avec des coups meurtriers.

« Nous voilà aux prises; mais ce qui nous console, c'est qu'il nous reste encore quelques patriotes pour nous défendre dans chaque paroisse.

« Je vous écris à la hâte, pour vous prévenir de notre situation, et combien il serait intéressant que nos représentants prissent un parti définitif contre les prêtres réfractaires. Jeudi prochain, vous recevrez tous les procès-verbaux et autres pièces annexées. »>

M. Saladin. Avant de prononcer, il faut savoir si les corps administratifs ont fait ce que la Constitution leur prescrivait. Ainsi, Messieurs, en demandant la priorité pour le projet de M. Gensonné, pour que le Corps législatif se fasse remettre, par le district, toutes les pièces, je crois, Messieurs, qu'il n'est pas possible de mander, dès à présent, à la barre, la municipalité de Montaigu.

Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Voici quel est l'état de la délibération. M. Gensonné demande que le directoire de district soit chargé d'envoyer à l'Assemblée les procès-verbaux de la démission et de la réélection des officiers municipaux de Montaigu, ainsi que celui de l'installation du curé constitutionnel; M. Goupilleau a demandé que la municipalité soit traduite à la barre, et M. Saladin réclame la priorité pour la motion de M. Gensonné. Je mets aux voix cette priorité.

M. Fauchet. Il n'y a pas lieu de demander la priorité sur deux motions qui peuvent être décrétées en même temps. On peut à la fois réclamer les procès-verbaux et mander la municipalité à la barre.

M. Goupilleau. Tous les officiers municipaux ne peuvent pas être mandés à la barre, parce que l'un d'eux, M. Richard, médecin, officier municipal, n'a point donné sa démission. Il n'y a de coupable dans cette municipalité, Messieurs, que le maire et le procureur-syndic de la com

mune.

L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Gensonné et la décrète en ces termes : «L'Assemblée nationale décrète que le district de Montaigu enverra, dans le plus bref délai :

1o Le procès-verbal de la démission des officiers municipaux;

2o Le procès-verbal de l'installation du curé constitutionnel de la ville de Montaigu;

3o Le procès-verbal de la nomination des nouveaux officiers municipaux.

M. Merlin. Aux voix la motion de M. Goupilleau

M. le Président. Je vais mettre aux voix la motion de M. Goupilleau de mander à la barre le maire et le procureur-syndic de la commune de Montaigu. (Oui! oui!)

M. Gérardin. Je demande la question préalable sur la motion très inconstitutionnelle de M. Goupilleau. Il serait étrange que sur la dénonciation d'un fait, l'Assemblée nationale mandat à la barre des officiers municipaux. Pour punir, il faut des preuves. (Murmures.)

Plusieurs membres: La discussion est fermée. M. Gérardin. Je demande, en conséquence, la question préalable sur cette motion, jusqu'au moment où les pièces seront parvenues. Je remarque qu'il est extraordinaire que les agents du pouvoir exécutif ne rendent jamais compte à l'Assemblée des troubles excités par les prêtres

il est temps de faire cesser leur inaction. Je demande que M. le ministre de l'intérieur soit tenu de vous donner des renseignements sur les troubles qui ont eu lieu dans le département de la Vendée et sur les moyens pris pour les répri

mer.

Plusieurs membres Aux voix la question préalable sur la motion de M. Goupilleau !

(L'Assemblée, consultée, décrète qn'il y a lieu à délibérer sur la motion de M. Goupilleau.)

Un membre: Je demande l'ajournement de la motion de M. Goupilleau jusqu'à ce qu'il vous soit fait un rapport sur ce sujet. (Appuyé ! appuyé!)

Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement!

(L'Assemblée est consultée; la première épreuve est douteuse.)

(Après une seconde épreuve, l'Assemblée rejette la question préalable sur l'ajournement et adopte l'ajournement jusqu'au moment où les pièces seront produites.)

M. Chéron-La-Bruyère. Je demande qu'on ajoute au décret rendu sur la proposition de M. Gensonné: « et attendu qu'il s'agit de troubles concernant l'ordre public, le pouvoir exécutif sera chargé d'employer tous les moyens de répression et d'en rendre compte. »

M. Delacroix. La Constitution le charge de cela; il est inutile de faire des lois qu'on n'exécute pas; il est paralysé, votre pouvoir exécutif! M. Chéron-La-Bruyère. C'est que nous le paralysons nous-mêmes.

M. Richard. Je demande que le comité de législation fasse son rapport à jour fixe sur le mode d'exercer la responsabilité contre les ministres et les fonctionnaires publics. Il est temps enfin que cette inaction dans l'administration cesse il est temps que la tranquillité publique soit rassurée, et elle ne le sera pas, tant que vous n'aurez pas contre le pouvoir exécutif un moyen coercitif.

M, le Président. Je mets aux voix la motion de M. Chéron-La-Bruyère.

Plusieurs membres à l'extrême gauche réclament à grands cris la question préalable.

M. le Président (s'adressant à l'extrême gauche). Permettez-moi de vous observer, Messieurs, qu'il est hors de la dignité de l'Assemblée et hors de toute honnêteté d'interrompre sans cesse le président lorsqu'il rappelle l'état de la délibération. Je vais mettre aux voix la question préalable sur la motion de M. Chéron-La-Bruyère.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Chéron-La-Bruyère.)

M. le Président. Je mets maintenant aux voix la motion de M. Gérardin tendant à ce que le ministre soit tenu de venir, demain, rendre compte des troubles de la Vendée.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Gérardin.)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés (1).

M. François de Neufchâteau, rapporteur, donne lecture de l'article 10 qui est ainsi conçu :

(1) Voy. ci-dessus, séance du 19 novembre 1791, au matin, page 160.

« Le directoire de chaque département fera dresser deux listes : la première, comprenant les noms et demeures des ministres du culte catholique sermentés, avec la note de ceux qui seront sans emploi, et qui voudront se rendre utiles; la seconde, comprenant les noms et demeures de ceux qui auront refusé de prêter le serment civique, avec les plaintes et les procès-verbaux qui auront été dressés contre eux. Ces deux listes seront arrêtées incessamment de manière à être présentées, s'il est possible, aux conseils généraux de département, avant la fin de leur session actuelle. »

M. Avelines. L'article 10 du projet du comité de législation ne présente aucun intérêt ni présent ni futur. Je propose un amendement et une nouvelle rédaction ainsi conçue :

« Le directoire de chaque département fera dresser deux listes des tableaux mentionnés en l'article 2.

«La première, contenant les noms et demeures de ceux qui ont refusé de prêter le serment civique, avec les plaintes et les procès-verbaux qui auront été dressés contre eux.

"

La seconde, comprenant les noms, âges et demeures des ministres du culte catholique qui auront satisfait à l'obligation du serment, ainsi que des prêtres sermentés sans emploi.

«Cette dernière liste sera déposée dans chaque district, pour que les curés et vicaires à remplacer y soient choisis avec la liste de ceux audessus de l'âge de soixante ans et valides. »

Par ce moyen, ceux qui auront traitement ou pension sur le Trésor public, et qui se trouveront choisis, seront tenus d'opter.

Plusieurs membres : Ce n'est pas là la question! M. François de Neufchâteau, rapporteur. Cet article additionnel n'est qu'une répétition de l'article.

M. Thuriot. Je demande qu'au lieu des mots : « ministres du culte catholique » on mette: « ecclésiastiques. »

M. Delacroix. Il y a des clercs qui ne sont pas dans les ordres et qui ont déjà des pensions." Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion, puis adopte l'amendement de M. Thuriot.)

Un membre: Je demande que l'on introduise dans l'article les mots : « ou qui l'auront rétracté après l'avoir prété.

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M. François de Neufchâteau, rapporteur. C'est juste. J'ajouterai après les mots : « le serment civique » ceux-ci« et de ceux qui l'ont retracté après l'avoir prété. »

(L'Assemblée, consultée, décrète l'article 10 avec l'amendement.)

(Suit la teneur de l'article 10 tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal):

Art. 10.

« Le directoire de chaque département fera dresser deux listes: la première, comprenant les noms et demeures des ecclésiastiques sermentés avec la note de ceux qui seront sans emploi, et qui voudront se rendre utiles; la seconde, comprenant les noms et demeures de ceux qui auront refusé de prêter le serment civique, et de ceux qui l'auront retracté après l'avoir prêté, avec les plaintes et les procès-verbaux qui auront été dressés contre eux. Ces deux listes seront arrêtées incessamment de manière à être présentées, s'il 1re SÉRIE. T. XXXV.

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A la suite de ces listes, les procureurs généraux syndics rendront compte auxdits conseils de département, des diligences qui ont été faites dans leur ressort, pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale constituante, des 12, 24 juil let et 27 novembre 1790, concernant l'exercice du culte catholique, salarié par la nation. Ce compte rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, et la dénonciation de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, ou les ont favorisés, par prévarication ou par négligence. "

M. Regnault-Beaucaron. Messieurs, parmi ses différentes dispositions, l'article 11 porte : « Ce compte rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, et la dénonciatiou de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, ou les ont favorisés par prévarication ou par négligence »; mais ceux qui ont apporté ces obstacles ne se divisent qu'en deux classes, savoir en prêtres factieux ou intrigants, et en administrateurs modérés ou aristocrates. Vous avez tout prévu par l'article précédent pour la première classe; et à l'égard de la seconde, je regrette bien que votre comité de législation ne vous ait pas proposé un meilleur moyen que de charger des administrateurs de se dénoncer eux-mêmes. Certainement la dénonciation du procureur général du Calvados, ou, si vous le voulez, celle du procureur général de la Moselle, ne vous apportera pas des renseignements fort étendus, à moins que ces messieurs n'aient la générosité de parler d'eux-mêmes (Applaudissements); mais, puisque la série des articles du projet du comité est telle que, sans rompre quelques-uns des anneaux quí en forment l'enchaînement, il n'est pas possible de confier cette dénonciation à d'autres qu'aux procureurs généraux syndics de départements, je demande que l'obligation où ils seront de faire cette dénonciation soit expresse, qu'ils sachent que les administrateurs eux-mêmes n'en seront pas exceptés, et qu'il soit, en conséquence, ajouté que le compte rendu présentera le détail qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, la dénonciation de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, et des administrateurs qui les ont favorisés par prévarication ou par négligence. Il n'est personne de versé dans les détails de l'administration qui ignore qu'on peut attribuer pour beaucoup, et la faiblesse des prêtres assermentés, et l'insolence de leurs adversaires, à la faveur que des administrateurs ont donnéé aux uns, et à l'espèce d'insouciance, pour ne rien dire de plus, qu'ils ont gardée envers les autres. Je propose donc la rédaction suivante :

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A la suite de ces listes les procureurs généraux syndics rendront compte, au conseil de département, des diligences qui ont été faites, dans leur ressort, pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale constituante des 12, 24 juillet et 27 novembre 1780, concernant Texercice du culte catholique, salarié par la nation. Ce compte rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, la dénonciation de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, et des administrateurs, qui les ont favorisés par prévarication ou par négligence. »

M. François de Neufchâteau, rapporteur. L'amendement du préopinant est inutile: car l'article que je vous ai proposé étant général, renferme aussi les administrateurs.

Plusieurs membres: La question préalable sur l'amendement de M. Regnault-Beaucaron.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Regnault-Baucaron et adopte l'article 11 tel qu'il a été présenté.) M. François de Neufchâteau, rapporteur, donne lecture de l'article 12, qui est ainsi conçu :

Art. 12.

• Le conseil général de chaque département prendra, sur ce sujet, un arrêté motivé, qui sera adressé sur-le-champ à l'Assemblée nationale, avec les listes des prêtres sermentés et non assermentés, et les observations du département sur la conduite individuelle de ces derniers, ou sur leur coalition séditieuse soit entre eux, soit avec les Français transfuges et déserteurs. »

M. Thorillon. Je demande qu'au lieu de renvoyer à l'Assemblée nationale, on renvoie aux tribunaux et aux accusateurs publics; j'espère qu'on écoutera mes motifs.

Plusieurs membres: La question préalable! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Thorillon, et adopte l'article 12.)

M. François de Neufchâteau, rapporteur, donne lecture de l'article 13, qui est ainsi conçu:

Le Corps législatif se formera en comité général pour examiner ces différents procès-verbaux, listes et arrêtés, et, sur le vu du tout, aviser au dernier parti qu'il doit prendre, en proportionnant ses mesures, et à l'étendue des maux qu'occasionne l'obstination des rebelles, et à la grandeur de la nation forcée de les punir. »

Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! D'autres membres : La question préalable! M. Brissot de Warville. Cet article porte que vous vous formerez en comité général pour examiner les divers procès-verbaux, les listes et les arrêtés des départements relatifs aux prêtres séditieux. Je pense, Messieurs, que cette disposition ne peut être admise. Des législateurs patriotes doivent user avec la plus grande circonspection de la ressource du comité général qui leur est accordé par la Constitution. Le comité général exclut la publicité, et si la publicité est la meilleure sauvegarde de la liberté, c'est encore la meilleure sauvegarde de la justice. On est plus juste quand on agit et qu'on discute sous les yeux du peuple. Dans les circonstances pré

sentes, que craignons-nous en délibérant sur cet objet publiquement? Craignez-vous de livrer au peuple les noms des prêtres réfractaires? Ce serait, j'ose le dire, un ménagement coupable puisque ce serait un ménagement accordé à des

coupables. (Applaudissements à l'extrémité gauche de la salle et dans les tribunes.) Craignez-vous, Messieurs, que le peuple connaissant ces prêtres réfractaires, ne se porte à des excès contre eux? Cette idée serait un outrage pour le peuple. Il respecte la loi quand elle lui promet justice. Ainsi, en demandant la question préalable sur cet article, c'est rendre hommage aux principes, et c'est écarter une insulte qu'on veut faire au peuple.

Quant à la deuxième partie de cet article, elle me parait complètement inutile. On propose que l'Assemblée nationale prononce, sur le vu de toutes les pieces, des mesures, d'après les arrétés des directoires. C'est décréter que l'on chancellera à chaque pas que l'on voudra faire. Je demande done la question préalable sur la totalité de l'article. (Murmures et applaudissements.)

M. Gohier. Je conviens de l'avantage de la publicité de vos séances ordinaires, et comme le préopinant, je serai toujours d'avis de la maintenir. Personne ne respecte plus que moi les droits du peuple; mais je suis bien éloigné de penser que ce soit manquer au peuple, que de Vous proposer un comité général, que d'adopter un mode de discussion établi par l'Acte constitutionnel. Des législateurs, sans doute, ne doivent pas chercher à couvrir de ténèbres leurs operations, et ce n'est qu'avec la plus grande circonspection et dans les cas extraordinaires qu'ils peuvent user de la faculté de se former en comité. Peut-être avons-nous à regretter que relativement à une matière tout à la fois si délicate et si importante, tout ce qui a été dit dans cette Assemblée ait pu être recueilli et transmis au public. Songeons que nos ennemis abusent de tout, corrompent tout dans l'intention de renverser tout. Voilà, puisqu'il faut le dire, les considérations qui nous ont suggéré l'article 13.

Votre comité de législation a pensé que, s'agissant de déterminer les grandes mesures que le salut de l'Etat prescrivait de prendre, la formation en comité général serait plus convenable, plus imposante, plus propre à effrayer des coupables déjà tourmentés par le cri de leur propre conscience; qu'elle pouvait nous fournir un plus sûr moyen de les atteindre. Qui, Messieurs, les mesures répressives auxquelles vous serez obligés de recourir, seront pour eux d'autant plus redoutables qu'ils pourront moins les prévoir,soit que vous vous déterminiez à lancer des décrets d'accusation, soit que les complots des ennemis de la chose publique exigent une disposition gé nérale qui enveloppe tous les factieux; dans tous les cas, il est intéressant que vos dernières résolutions ne soient connues qu'au moment où il faudra rendre des décrets, et qu'il faudra les mettre à exécution. Le comité de législation a considéré la mesure qu'il présente, comme un des moyens de répression les plus efficaces; en effet, Messieurs, le moyen le plus sur de réprimer les attentats contre la chose publique, est de convaincre ceux qui seraient tentés de les commettre, que ces attentats ne resteront pas impunis; or, fajournement du Corps législatif en comité général, pour aviser au parti qu'il doit prendre, est un engagement solennel que prend l'Assemblée nationale de les poursuivre, en proportionnant ces mesures à l'étendue des maur qu'occasonnerait leur obstination, et de la grandeur de la nation forcée de les punir.

Une pareille annonce qui laisse au Corps législatif toute la latitude de son pouvoir et fait connaître que la force qu'il est résolu à déployer,

sera bien autrement effrayante que la menace d'être traduits dans les tribunaux, devant la haute cour nationale même.

Des hommes qui n'agissent que par des moyens secrets et invisibles, peuvent plus facilement échapper à une conviction juridique qu'à des mesures politiques prises pour venger le pacte social méprisé; le pacte social qu'un citoyen ne peut se refuser de souscrire, qu'il ne peut méconnaître sans rompre tous les liens qui l'attachent à la société, sans la dégager de la protection même qu'elle ne lui doit qu'en vertu de ce contrat, puisque sans lui il n'y aurait pas de société.

Au reste, l'effet que la première lecture de l'article a produit dans l'Assemblée, est un sûr garant que le Corps législatif a sentí, dès le premier moment, tous les motifs qui ont déterminé le comité de législation à vous le proposer; je conclus à ce qu'il soit adopté. (Applaudissements.)

M. Albitte ainé. Proposer en ce moment que le Corps législatif s'assemblera en comité général pour aviser aux moyens à prendre pour arrêter les querelles et les coupables efforts des fanatiques, et pour mieux dire des ennemis de la Constitution,c'est déclarer aujourd'hui hautement à toute la France que les mesures que vous prenez sont inutiles. (Murmures.)

Il est contraire à la raison de dire à des hommes déjà coupables: Nous vous punissons, mais nous ne vous punissons pas de fait. Nous savons que vous irez plus loin: c'est alors que nous vous surprendrons dans le crime, et que nous verrons s'il faut vous punir. Je m'oppose formellement à ce que l'article 13 soit adopté. D'ailleurs, Messieurs, il cache un danger très grand. (Murmures.) Messieurs, si les ennemis de la chose publique ont jamais formé un souhait, c'est celui de voir l'Assemblée nationale délibérer en secret et se soustraire aux regards du peuple et à l'influence de l'opinion. (Murmures.)

Les plus grands intérêts de la nation sont ceux du peuple, c'est devant lui que nous devons travailler. Il ne faut pas prendre l'habitude de nous former en comité général, nous nous y formerions trop souvent. Je conclus donc à la question préalable sur l'article.

Plusieurs membres : La discussion fermée!
Voix diverses: Oui! oui!

M. Garran-de-Coulon. Comme on propose un article qui tend à violer la Constitution, je demande à parler contre la clôture de la discussion. La Constitution porte, Messieurs, que votre police intéreure dépend de vous. Or, ici, on vous propose, contre toute règle, contre toute liberté, d'insérer dans une loi sujette à la sanction un article relatif à la formation en comité général; d'où il résulterait que si la sanction était refusée, Vous vous seriez dépouillés vous-mêmes du droit que vous avez de vous former à chaque instant en comité général. (Applaudissements.) J'ai donc raison de dire que cet article est inconstitutionnel, qu'il est contraire à tous les principes, et qu'il tend à nous lier par une loi sur notre police intérieure.

Mais il est encore contraire à la Constitution qui porte que toutes nos délibérations seront publiques et qu'on ne pourra se former en comité général que sur la demande de 50 membres. Il faudra donc, toutes les fois que nous voudrons nous former en comité général, qu'il y ait 50 membres présents pour demander cette formation.

Par toutes ces considérations, et surtout par les premières que j'ai développées, qui tendent à la liberté de la nation et à la liberté de cette Assemblée, je conclus à ce que l'article soit rejeté par la question préalable. (Applaudissements.) (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Reboul. Je demande la division de la question préalable. Cet article renferme deux mesures: l'une de se former en comité général, et je demande la question préalable sur cette disposition, ainsi que les autres opinants; l'autre, que l'Assemblée nationale reçoive toutes les listes avec les notes, additions et renseignements fournis par les administrations, et qu'elle y délibère: je demande que cette partie soit mise aux voix.

Plusieurs membres: La question préalable sur la division de la question préalable!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la division de la question préalable.) M. le Président. Je mets aux voix la question préalable sur l'article 13.

Une première épreuve est douteuse. (Après une seconde épreuve, l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 13. Applaudissements dans les tribunes et dans une partie de l'Assemblée.)

(Il s'élève contre cette décision quelques réclamations qui n'ont pas de suite.)

M. François de Neufchâteau, rapporteur, donne lecture de l'ancien article 14, qui devient article 13, et qui est ainsi conçu:

« Il est enjoint expressément à tous les fonctionnaires publics du royaume, chacun en ce qui le concerne, de concourir, avec l'activité la plus soutenue, à l'exécution stricte et littérale du présent décret, et à celle des lois déjà existantes contre les perturbateurs de l'ordre public, auxquelles il n'est pas dérogé par ce même décret. »

Un membre: Je demande la question préalable sur l'article; il ne fait que rappeler les dispositions de diverses lois déjà émises.

M. Tardiveau. Messieurs, toutes les lois précédemment décrétées, et l'Acte constitutionnel lui-même, recommandent à la vigilance des pouvoirs constitués le maintien de la tranquillité publique. Ainsi, Messieurs, ou il faut rejeter cet article, ou il faut le rédiger d'une autre manière, Vous voulez rappeler à ces divers fonctionnaires publics leurs obligations, et en même temps leur remettre sous les yeux les peines qu'ils auraient encourues. Je propose la rédaction suivante, qui se trouve dans le projet de décret de l'une des sections du comité de législation:

Art. 13.

Si des corps ou des individus revêtus de fonctions publiques, négligent ou refusent d'employer les moyens que la loi leur confie pour prévenir ou pour réprimer une sédition, ils en seront personnellement responsables, et, comme tels, poursuivis et punis de la manière indiquée par la loi du 3 août 1791. »

M. François de Neufchâteau, rapporteur, J'appuie cette dernière rédaction.

Voix diverses La question préalable sur la nouvelle rédaction! La priorité pour la nouvelle rédaction!

(L'Assemblée accorde la priorité à la rédaction de M. Tardiveau; puis décrète cette rédaction qui devient l'article 13.)

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