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mai dernier, des plaintes en ont été portées par ce directoire à M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, qui n'a répondu qu'en termes vagues, et sans que les citoyens de Strasbourg aient jamais pu obtenir aucune réparation des insultes qui leur ont été faites.

Il est, Messieurs, de la dignité de la nation française de ne pas souffrir plus longtemps de pareilles vexations, qui se commettent au mépris des droits les plus saints de l'hospitalité et du bon voisinage.

Le comité diplomatique, en délibérant sur l'objet des différents renvois, que vous lui avez faits, s'est posé les questions:

1o Les attroupements, les enrôlements et les violences qui se commettent sur le territoire de l'Empire ne doivent-ils pas être envisagés comme une lésion du droit des gens et des lois publiques de l'Empire germanique?

2. Quels moyens conviendrait-il d'employer pour dissiper ces attroupements et pour réprimer ces violences?

Je dois d'abord vous observer, Messieurs, que le comité se bornera, quant à présent, à vous entretenir de ce qui concerne les puissances germaniques, et quant aux torts et outrages, que des Français citoyens ont reçus dans les autres parties de l'Europe, il se propose d'en faire l'objet d'un rapport particulier.

C'est en vain, Messieurs, qu'on chercherait à concilier avec les principes du droit des gens, ces rassemblements, ces enrôlements et ces violences, que quelques princes d'Empire tolèrent sur leurs territoires; ils se réduisent en dernière analyse à une lésion de ce même droit, que toutes les nations policées ont constamment respecté entre elles.

En effet, les Français transfuges n'affichent-ils pas, du fond de leur retraite et à la face de toute l'Europe, des desseins hostiles contre nous? Est-ce à leur modération, ou bien à leur impuissance et à celle de leurs protecteurs, que nous devons nous en prendre, s'ils n'ont pas déjà porté le flambeau de la guerre au sein de leur patrie!

Ces attroupements et ces enrôlements ne nous ont-ils pas mis dans la nécessité de faire de grands et puissants efforts pour mettre notre frontière en état de défense? Quelles sommes n'avons-nous pas prodiguées pour la fortification de nos places, pour la marche de nos troupes de ligne et des gardes nationaux, pour approvisionner nos magasins, et pour les pourvoir d'armes et de munitions de guerre ?

Mais quelles sont donc les puissances, qui nous présentent ce simulacre de guerres qui nous causent toutes ces alarmes? Sont-ce des princes qui, dépositaires d'une souveraineté indépendante, ne connaissent d'autres lois que cette raison d'Etat, dont les gouvernements ont si longtemps abusé, d'autres arbitres que le sort de la guerre? Non, Messieurs, ce sont trois prélats, trois membres, trois vassaux du corps germanique; les archevêques de Mayence et de Trèves et le ci-devant évêque de Strasbourg; connus tous par leur aversion pour la nouvelle Constitution française, et n'ayant d'autre prétexte pour colorer leurs démarches que la perte de quelques droits hiérarchiques ou féodaux.

Mais, ces princes peuvent-ils permettre ces attroupements et ces enrôlements à des rebelles, en contravention manifeste des lois sacrées du droit des gens? Non la Constitution de l'Empire leur refuse cette triste prérogative.

Les lois de l'Empire, Messieurs, ont fixé d'une

manière positive les bornes du droit de guerre et de paix dont jouissent les membres de l'association germanique.

Tout traité, toute alliance, qui tendrait à entraîner la France dans une guerre étrangère, leur est sévèrement interdit, ce n'est qu'à des princes souverains qu'ils peuvent permettre de faire des recrues dans leurs territoires respectifs. Il y a plus par la capitulation de l'empereur actuellement régnant, ainsi que par les capitulations précédentes, cette faculté ne peut être accordée qu'à des princes qui possèdent en Allemagne de grands territoires immédiats.

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Les termes de la capitulation sont formels à cet égard: « Nous ne permettrons nullement, y est-il dit, aux puissances qui n'ont pas elles-mêmes «de grandes possessions dans l'Empire, d'y faire des levées sans notre concession et le consen"tement des électeurs, princes et États. »

Cependant, les Français transfuges, sans être avoués par aucune autorité légitime, recrutent publiquement et avec une audace inouïe, pour ce qu'ils appellent l'armée des princes, dans les villes impériales d'Offembourg et Gengenbach, ainsi qu'a Kehl; ils se répandent de là dans les terres des évêchés de Strasbourg et de Spire et dans plusieurs principautés voisines.

Et, chose inconcevable, ils obtiennent, dans ces différents territoires, pour le recrutement de leur prétendue armée, des facilités auxquelles la France elle-même ne saurait prétendre.

Il n'est pas douteux, Messieurs, que ces désordres, ne soient contraires aux lois qui régissent les États qui forment l'Empire germanique; et quant aux violences que plusieurs de ces princes tolèrent, dans leurs territoires, contre des citoyens français patriotes, il est, sans doute, inutile d'observer qu'elles sont diametralement opposées à la loi de la paix publique, qui fait une des principales bases de la Constitution germanique.

Les lois publiques de l'empire d'Allemagne coincident donc avec les lois éternelles du droit des gens pour condamner la conduite que tiennent, à notre égard, les princes chez qui les ennemis de notre Constitution ont obtenu accueil.

Et quels sont les moyens qu'il conviendrait d'employer pour dissiper ces attroupements et pour réprimer ces violences?

Nous venons de le démontrer, Messieurs; ces rassemblements, ces enrôlements et ces violences sont une infraction au droit des gens, et des contraventions manifestes aux lois publiques de l'empire.

Ne serait-il donc pas de la dignité de notre gouvernement de faire, par le ministre des affaires étrangères, des démarches vigoureuses auprès de ces princes qui persistent à vouloir accorder leur protection à des ennemis de la chose publique, à l'effet de faire cesser ces attroupements scandaleux, et d'obtenir des réparations convenables des violences exercées contre nos concitoyens? serait-il donc si difficile de faire comprendre à ces princes, qu'il est de leur intérêt et de leur propre gloire de ne pas souffrir plus longtemps ces attentats ni de préférer des liaisons qui finalement leur deviendraient funestes, aux justes égards qu'ils doivent à une grande nation et aux devoirs que leur imposent les lois de l'Empire dont ils sont membres?

Cette première mesure ne devrait-elle pas être soutenue par des réquisitions formelles et officielles que ferait le ministère auprès des princes qui composent les cercles du Haut et du BasRhin, et celui de Souabe, par les ministres qui

sont accrédités auprès d'eux, afin de dissiper, par l'autorité des cercles et en exécution des fois de l'Empire, les attroupements, les rassemblements et les enrôlements, dont nous sommes fondés à nous plaindre, et de prévenir ainsi toute violation du territoire de l'Empire qui en serait une suite inévitable? Les princes d'Empire ne sont-ils pas subordonnés à la police générale des cercles, dont ils font partie? et le plus grand nombre des membres du corps germanique, n'est-il pas visiblement intéressé au maintien du bon ordre et à la conservation de la paix et la bonne intelligence avec la France?

Enfin, ne conviendrait-il pas aussi de faire des déclarations authentiques à la cour impériale et à la diète de Ratisbonne, par lesquelles, en protestant de notre désir de maintenir la paix et l'union avec l'Empire germanique, nous exposerions nos justes griefs contre les princes, qui, pour satisfaire à des ressentiments particuliers, tolèrent des désordres qui ne peuvent qu'altérer le bon voisinage, et faire craindre une guerre que le corps germanique a le plus grand intérêt d'éviter?

Et pourrait-on douter un instant de la sincérité d'un pareil aveu, puisque notre heureuse Constitution nous impose l'obligation de n'entreprendre jamais aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes? mais elle ne nous empêche pas de venger les outrages faits aux droits sacrés des nations; elle ne nous commande pas de souffirir sur nos frontières des armées de traîtres qui nous menacent, qui insultent, qui maltraitent nos concitoyens, et qui s'avouent publiquement ennemis d'une Constitution que nous avons tous juré de défendre jusqu'à la dernière goutte de notre sang.

On nous objectera, vraisemblablement, à la diète germanique, l'infraction des traités à l'égard des princes d'Empire, qui, par une suite naturelle et indispensable de notre Révolution, se croient lésés dans leurs droits dans la ci-devant province d'Alsace; mais la nation, en faisant valoir les droits imprescriptibles de la souveraineté, n'a-telle témoigné son respect pour les traités, et pas ne s'est-elle pas offerte à indemniser les princes de leurs pertes? Ces princes n'auraient-ils pas dù profiter de ces offres généreuses, loin de chercher à allumer une guerre qui, injuste dans son principe, ne ferait que tourner à leur propre préjudice? L'engagement, d'ailleurs, que nous avons contracté à la face de l'univers de cultiver la paix avec tous nos voisins renonçant à tout système de conquête, ne serait-il pas déjà une compensation plus que suffisante de la perte de ces droits féodaux, qu'on fait aujourd'hui sonner

si haut?

Et les États d'Empire, éclairés sur leurs vrais intérêts, verraient-ils donc à regret les Français adopter une Constitution libre et paisible, qui, par la protection qu'elle accorde à tous les étrangers, par les avantages inappréciables qu'elle leur présente, ne peut que cimenter l'union entre les deux nations, en assurant leur repos et leur prospérité réciproques?

Ces considérations nous font croire que les mesures dont nous venons de parler, si elles étaient déployées avec force et avec énergie, ne laisseraient pas de produire leur effet; et qu'en prenant enfin une attitude fière et conforme à fa dignité de la nation et à la majesté du peuple français, l'on parviendrait à défoger les emigrés de leurs retraites, et à dissiper leurs attroupements.

Déjà, Messieurs, les principales puissances de l'Europe repoussent loin d'elles ces projets insensés de contre-révolution, que la rage impuissante des ennemis de la Constitution cherche en vain à nous faire redouter.

Que nos voisins apprennent donc à respecter notre indépendance, comme notre intention est de respecter la leur; que des vassaux de l'Empire cessent d'enfreindre les lois de leur patrie pour combattre celles de la nôtre; et qu'ils préfèrent, au désir insensé de renverser notre Constitution, l'amitié d'une nation généreuse qui a été le plus ferme appui de leur liberté et le garant de leur bonheur.

Votre comité diplomatique me charge, Messieurs, de vous proposer le décret suivant :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité diplomatique, considérant que les rassemblements, les attroupements et les enrôlement des fugitifs français, que favorisent des princes d'Empire, dans les cercles du Haut et Bas-Rhin, de même que les violences exercées en différents temps contre des citoyens français sur le territoire de l'évêché de Strasbourg, au delà du Rhin, sont des attentats contre le droit des gens, et des contraventions manifestes aux lois publiques de l'Empire, qu'ils ne sauraient non plus se concilier avec l'amitié et le bon voisinage que la nation française désirerait d'entretenir avec tout le corps germanique, décrète que le pouvoir exécutif sera invité de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces visà-vis les puissances étrangères pour faire cesser ces désordres, rétablir la tranquillité sur la frontière, et obtenir des réparations convenables des outrages dont les citoyens de Strasbourg ont été plus particulièrement les victimes. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : L'impression et l'ajournement à vendredi !

(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à vendredi prochain.)

M. le Président. J'annonce à l'Assemblée que personne n'a réuni la pluralité absolue des suffrages pour les les plus grands procurateurs de la nation et qu'il y aura lieu de procéder à un deuxième tour de scrutin.

M. Brua a la parole pour fait de subornation de la part des princes émigrés.

M. Brua. Messieurs, une proposition a été faite à un général français de la part des princes émigrés, pour qu'il leur assurât Neufbrisac, ville frontière, que l'on peut regarder comme une des clefs du royaume. Ce général en a fait sa déclaration au directoire du département: il en a écrit au commandant en chef, et lui a communiqué la réponse qu'il a faite à ces propositions. (Applaudissements.) Voici, Messieurs, ce que les administrateurs du directoire du département du Haut-Rhin en écrivent à la députation, dans une lettre qui contient encore d'autres détails :

«Par surcroit d'inquiétude, M. de Wimpffen, général, nous a dit hier (c'était le 14 novembre) en plein directoire, qu'on lui avait fait, de la part des princes français émigrés, la proposition de livrer Neufbrisac, et qu'il avait fait part de cette proposition et de sa réponse à M. le général Luckner.

« Nous ne pouvons donc plus douter que les troubles de l'intérieur se fassent de concert avec des traitres qui nous menacent de l'extérieur.

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Le directoire du département du Haut-Rhin soupçonne, et il a les plus grandes raisons pour le croire, que les princes ne sont pas sans partisans dans ce département; il a même la douleur de voir que des administrateurs se refusent dans certaines occasions de concourir à l'exécution des lois relatives à la constitution civile du clergé, notamment sur l'aliénation et la vente des biens nationaux. En conséquence, le département du Haut-Rhin regarde, non point comme une affaire particulière de prendre et d'adopter une mesure à l'égard de ceux qui ont l'audace de déclarer de ne pas vouloir concourir à la loi, mais il regarde comme indispensable de proposer une loi générale à l'Assemblée nationale.

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Voici, Messieurs, la lettre que ce directoire a écrite à l'Assemblée nationale, et je suis surpris qu'elle ne lui soit point encore parvenue, elle est du 15 novembre 1791.

M. Koechlin, membre du directoire du district de Colmar, ayant déclaré ne vouloir pas participer aux délibérations relatives à l'exécution des lois concernant la constitution civile du clergé, le conseil général de district a invité, le 16 du courant, d'enjoindre à tous les administrateurs inférieurs de coopérer avec tous les membres de leur corps à l'exécution soit de la loi ou des arrêtés du département, sous peine de suspension.

«Le directoire du département n'a pas cru devoir prendre sur lui de déférer à cette invitation, quoique bien fondée qu'elle lui paraisse, parce que le sieur Koechlin était muni d'une lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, en date du 26 juillet dernier, qui, selon lui, a décidé le cas en sa faveur, et voici à quelle occasion: il y avait eu de violents troubles à Colmar, au mois de mai dernier; les membres des différents corps administratifs avaient tenu une conduite plus propre à les favoriser qu'à les réprimer. L'Assemblée nationale, après avoir suspendu quelques membres du directoire du département, et après avoir autorisé les membres restants à s'adjoindre aux autres administrateurs pris dans le conseil à leur choix, pour se compléter; ordonné par l'article 3 du 1er juin, qu'aussitôt que le directoire ainsi formé serait réuni, il s'occuperait de l'examen de la conduite du directoire de district et de la municipalité de Colmar et qu'il suspendrait ceux des membres de ces administrations dont la conduite aurait compromis la sûreté publique. Le directoire du département suspendit en conséquence de cette loi quelques officiers municipaux; mais ayant hésité de suspendre le sieur Koechlin, membre du directoire de district, quoiqu'il eût déclaré positivement qu'il avait refusé à vouloir continuer de participer aux délibérations relatives à l'exécution des fois concernant la constitution civile du clergé, M. Delessart, informé de la difficulté, répondit qu'on avait pensé avec raison que le sieur Koechlin n'avait pas encouru la peine de suspension, qu'en effet la loi du 1er juin ne la prononçait que contre ceux qui compromettaient la sûreté publique; et c'est en conséquence de cette opinion du ministre de l'intérieur que le sieur Koechlin est resté et veut rester en place.

"Nous n'avons pas besoin de vous faire remarquer qu'il était question alors de troubles religieux, que son inaction pour les réprimer n'était que trop bien exprimée par son refus à remplir une partie de ses fonctions, quoiqu'il en ait contracté par serment l'obligation, quelles que fussent d'ailleurs ses opinions religieuses,

que c'était précisément cette inaction qui avait pu enhardir les séditieux, qu'ainsi elle aurait pu compromettre la sûreté publique; et, ce qui est encore d'une plus grande importance, c'est que les membres du conseil général du district ont observé, que s'il était permis à un membre de directoire de refuser de coopérer à l'exécution des lois relatives au clergé, ce qui s'étend jusqu'à l'administration et à la vente des biens ecclésiastiques; les autres membres du directoire, ainsi que tous ceux des directoires des départements et districts du royaume pourraient tenir la même conduite; qu'ainsi le salut de l'Empire serait évidemment compromis.

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Malgré ces observations décisives, le directoire de département du Haut-Rhin se ressouvenant avec quelle sévérité M. Delessart s'était porté à faire casser par le roi l'arrêté du département du Bas-Rhin, qui avait ordonné aux moines d'ôter leur froc, parce qu'il était le signe de ralliement des mécontents, n'a pas voulu, en prononçant un arrêté contraire à l'opinion du ministre de l'intérieur, s'opposer à une proclamation...

Un membre: Ce n'est pas pour cet objet-là que vous avez la parole.

Plusieurs membres : Continuez!

M. Brua ...qui, dans les circonstances difficiles où se trouve la France, aurait atténué son autorité, à un point qu'il aurait été obligé d'en abandonner les rênes.

« C'est donc à vous qu'il s'adresse pour obtenir que tout membre de corps administratif qui refusera de coopérer à l'exécution des lois et arrêtés relatifs au clergé, est censé avoir renoncé à ses fonctions, et doit être remplacé. Cette décision doit être d'autant plus prompte, que le même ministre vient de nous adresser une lettre en date du 31 octobre, par laquelle il demande à être informé particulièrement des dispositions des esprits, par tout ce qui est relatif à la constitution civile du clergé.

«Si vous daignez, Messieurs, seconder notre zèle nous pourrons lui répondre que nous ne comptons pas les factieux, et que force restera à la loi. »

:

D'après cette lettre et le résumé de celle qui a été écrite en particulier à la députation, je remarquerai trois objets essentiels le premier est la déclaration faite au directoire par le général de Wimpffen, des propositions qui lui ont été faites de la part des princes émigrés. Cette déclaration, Messieurs, n'est peut être pas prouvée dans ce moment, comme elle devrait l'être. Je demanderais donc à cet égard, que cette lettre soit renvoyée à votre comité diplomatique, pour prendre sur le département du Haut-Rhin, des renseignements nécessaires; le comité, ensuite, présentera à l'Assemblée, ce qu'il croira convenable sans doute aussi. Ce sera le moment où votre comité diplomatique s'occupera de vous faire un rapport sur une motion qui avait été faite d'envoyer des commis pris dans le sein de l'Assemblée nationale, pour prévenir les désordres.

Le second objet dont je n'ai pas cru devoir parler, est une réclamation faite par le directoire du Haut-Rhin, pour avoir une caisse d'échange de petits assignats, qui perdent considérablement. Je demanderais le renvoi de cette lettre également au comité des assignats et monnaies.

Enfin, je fais la motion expresse, que tous membres des corps administratifs, municipalités et tribunaux qui refuseraient de coopérer à l'exé

cution des lois relatives à la constitution civile du clergé... (Murmures.)

Plusieurs membres: Dites de toutes les lois !

M. Brua... qui refuseraient de concourir à l'exécution des lois, notamment de celle... (Non! non !)

Plusieurs membres : L'ordre du jour! (Le bruit couvre la voix de l'orateur.)

M. Cambon. Lorsque nous nous occupions des émigrés, on nous disait qu'il n'y avait de rassemblé au delà du Rhin que quelques aventuriers sans culottes et sans argent. (Rires.) Aujourd'hui les craintes augmentent, les rapports se multiplient et prennent de la consistance. Les inquiétudes populaires annoncent des attaques très prochaines; le comité nous annonce des armements, des attroupements. Dans le même moment, le département du Haut-Rhin nous fait une dénonciation relative à la subornation d'un officier général commandant une de nos places. Ce dernier délit est prévu par le Code pénal. Nous n'avons rien à prononcer, il faut exécuter la loi. Nous n'avons pas à la vérité de preuves certaines pour porter l'accusation, mais nous avons des indices, et nous serions coupables si nous les négligions et si nous ne donnions pas suite à cette affaire. Le département nous dénonce un fait, il nous dit qu'il n'a pas de preuves authentiques, mais il ajoute que M. de Wimpffen l'a communiqué à son général. M. Luckner n'a pas dû garder le silence sur un objet de cette importance. Il a dù en rendre compte au ministre de la guerre et le ministre, comme premier agent du pouvoir exécutif, devait en rendre compte à l'Assemblée nationale, puisque, s'il y a des preuves, c'est vous seuls qui devez porter l'accusation contre les coupables.

Si le ministre a eu connaissance de cet objet, il est coupable lui-même du silence. Si M. Luckner ne lui en a pas rendu compte, c'est lui qui est coupable. Voilà, Messieurs, des séries naturelles; il faut qu'enfin la responsabilité s'exécute, il faut que nous montrions qu'elle n'est pas une chimère. Ne nous le dissimulons pas, Messieurs, on paralyse le gouvernement; on veut faire voir que la machine politique ne peut aller pour que le pouvoir du roi soit accru. On veut que nous transgressions la Constitution. Sur ce point, Messieurs, apportons un terme à ce projet. Par conséquent, je me résume et je demande que le directoire du département du Haut-Rhin prenne les informations relatives à la dénonciation qu'il vous a faite et qu'il vous envoie un procès-verbal de la déclaration du général de Wimpffen; qu'en attendant, M. le ministre de la guerre soit tenu de vous rendre compte, et séance tenante, des nouvelles qu'il doit avoir reçues sur cette affaire. (Applaudissements.)

M. Lasource. Il est temps enfin que l'Assemblée nationale prenne des mesures efficaces pour rompre la chaine qui unit les rebelles du dedans et ceux du dehors. Voici ce que j'en pense: Vous ne devez pas craindre d'invasión, tant que les prêtres du dedans ne seront pas parvenus à gagner les habitants des départements frontières. Mais prenez-y garde, quand ils seront parvenus à égarer la majorité des citoyens, il ne sera plus nécessaire de suborner les généraux pour s'emparer des places fortes. Vous savez qu'il n'existe plus qu'un petit nombre d'armes dans vos magasins. C'est des arsenaux qui les renferment qu'on s'emparera; et comme vos arsenaux de l'intérieur sont vides, vous serez sans défense. Il est donc

nécessaire que vous proclamiez votre loi sur les prêtres. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. Briche. J'appuie la motion de M. Cambon qui tend à demander au ministre de la guerre un compte de ce qu'il aura appris par sa correspondance avec le général Luckner; mais j'ai une observation à vous faire. M. le général de Wimpffen ne peut avoir été sollicité de livrer Neufbrisach aux princes que de deux manières : ou de vive voix par des envoyés, ou par lettres. Je trouve fort étonnant que dans le premier cas, M. de Wimpffen n'ait pas fait arrêter sur-le-champ l'homme qui lui aurait été envoyé par les princes pour le suborner. Je trouve encore plus étonnant que, dans le second cas, M. de Wimpffen n'ait pas donné au général Luckner, auquel il est subordonné, ou au directoire du département du Haut-Rhin, les originaux des lettres par lesquelles on a tenté de le rendre traitre.

Je demande donc par addition que le général de Wimpffen soit tenu de déclarer si c'est par des envoyés qu'on lui a fait cette proposition ou par écrit, et que, dans ce second cas, il soit tenu de remettre les lettres au directoire du département du Haut-Rhin.

Plusieurs membres L'ajournement de cette proposition à vendredi lors de la discussion du rapport de M. Koch!

M. Taillefer. Deux propositions vous sont faites. La première, qui est celle de M. Cambon, doit être adoptée sur-le-champ. Quant à la seconde, comme il est question d'une affaire relative à la sûreté de l'Etat, et que, si l'on avait des preuves, il y aurait véritablement lieu à accusation contre ceux qui ont tenté de suborner M. de Wimpffen, je demande, Messieurs, que pour réfléchir sur cet objet et obtenir un résultat qui soit digne de vous et qui ne compromette point le salut de la patrie, on renvoie au comité.

Un membre: Il est temps enfin de prendre cette attitude imposante qui convient à des hommes libres, de prouver que la souveraineté du peuple français n'est pas une chimère. Il est temps enfin de faire mordre la poussière à ces vils conspirateurs (Bah! bah!) qui veulent percer le sein d'une patrie qui les a comblés d'honneurs et de biens. En conséquence, je fais la motion, pour le moment qui suivra la discussion du rapport du comité diplomatique, de mettre en question quels sont les grands criminels qui doivent à l'instant être mis en état d'accusation.

Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Cambon. Je renouvelle ma motion et je prie l'Assemblée de statuer sur les deux points suivants l'un tendant à ce que le directoire du département du Haut-Rhin soit tenu de prendre toutes espèces de renseignements sur cette affaire, et l'autre, tendant à mander sur-le-champ le ministre pour rendre compte séance tenante.

M. Rouyer. J'appuie la motion de M. Cambon, mais je demande à y faire une addition. Il est important que le ministre de la guerre vous rende également compte de l'état des négociations qu'il doit avoir faites pour les armes. Il vous a annoncé qu'il n'y avait pas plus de 60,000 fusils dans les arsenaux de France, et je demande à tous les militaires de cette Assemblée, si ce nombre est suffisant pour soutenir une guerre. Il est essentiel aussi qu'il vous rende compte du prix de ses achats. (Murmures.) Je ne m'explique pas davantage; j'ai des pièces en mains pour le confondre

lorsqu'il nous aura rendu ce compte. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. Dumas. J'appuie la partie de la motion de M. Cambon, tendant à ce que le département du Haut-Rhin fasse, le plus tôt possible, parvenir à l'Assemblée nationale, le procès-verbal et tous les renseignements qu'il pourra ajouter à l'avis qu'il a donné; mais ce que je trouve de plus instant, c'est que le ministre de la guerre soit, dès ce moment, chargé de recueillir tous les renseignements relatifs à la subornation qui a été tentée vis-à-vis du général de Wimpffen. L'Assemblée nationale recueillera ces indices, et je suis d'avis qu'elle y donne suite, parce que rien n'est plus important. (Applaudissements.)

M. Reboul. Je demande la division des propositions qui vous sont faites. Je crois qu'il est indispensable que le ministre soit mandé sur-lechamp; et, sur le reste, je demande l'ajournement à vendredi.

M. Lagrévol. Je suis étonné que les préopinants n'aient remarqué que l'affaire de M. de Wimpffen et ce qui regarde le ministre de la guerre.

J'ai remarqué encore, dans la lettre du directoire du département du Haut-Rhin dont on a donné lecture, deux choses bien importantes : La première est une lettre écrite par le ministre de l'intérieur pour connaître l'intention de ceux qui s'opposent à l'exécution du décret contre les prêtres. Les citoyens de ce pays sans doute sauront exécuter la loi et sauront la faire exécuter; mais nous devons particulièrement connaître si les intentions du ministre ne sont pas équivoques et si elles n'ont pas un autre but que celui que le ministre a paru leur donner. En conséquence, je demande que le département soit tenu de vous envoyer cette lettre.

Le second point sur lequel je désire appeler l'attention de l'Assemblée est celui relatif à la lettre écrite par M. Delessart au directoire de département pour lui dire qu'il a bien fait de ne pas suspendre M. Koechlin. Je vous avoue, Messieurs, qu'il est bien étonnant que M. Delessart ignore qu'un officier municipal, qu'un administrateur qui se refuse à exécuter la loi, est par le fait privé de sa place. C'est l'exécution d'un décret rendu par l'Assemblée constituante à l'occasion du département de la Lozère. Ce décret porte expressément que tous les fonctionnaires publics qui auront refusé de prêter le serment civique seront déchus de toutes leurs places, de toutes leurs fonctions. Qui est le plus coupable de celui qui refuse de prêter le serment civique, ou de celui qui, après l'avoir prêté, le viole aussi ouvertement que l'administrateur dont il s'agit? C'est sans doute celui qui le viole après l'avoir prêté.

Je demande en conséquence que dans la motion de M. Cambon on y ajoute la demande de ces deux lettres.

M. Delacroix. Il paraît, Messieurs, que le directoire du département...

Plusieurs membres: La discussion est fermée ! M. Delacroix... que le directoire du département du Haut-Rhin a recueilli en conversation seulement la déclaration qui a été faite par le général de Wimpffen. Alors je demande à l'Assemblée nationale de décréter que le général sera invité par le directoire du département à se rendre dans le lieu de ses séances pour y passer une déclaration précise dont sera dressé procès-verbal et dont expédition sera envoyée

au Corps législatif. Cette mesure qui est indispensable ne doit pas, je crois, empêcher d'admettre la proposition qui a été faite de demander dès à présent au ministre de la guerre s'il a quelques connaissances relatives à ce fait, et pour cela, Messieurs, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de mander séance tenante le ministre de la guerre, mais qu'il suffit de lui demander une réponse par écrit. Il faut nous accoutumer à avoir des réponses écrites des ministres. Lorsqu'une fois nous aurons ces réponses, on ne pourra pas avancer qu'ils ont dit telle ou telle chose, parce que leur réponse constatera le compte qu'ils auront rendu au Corps législatif. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: La priorité pour la motion de M. Delacroix !

(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Delacroix et la décrète sauf rédaction.)

M. Grangeneuve propose un amendement qui est rejeté par la question préalable.

M. Basire jeune. Ce qui vient de se passer montre combien il est nécessaire d'organiser promptement la haute cour nationale où vraisemblablement on aura bien du monde à envoyer. Je demande qu'on procède sur-le-champ au 2o tour de scrutin pour l'élection des grands procurateurs de la nation.

Un membre demande que la motion décrétée de M. Delacroix soit précédée du décret d'urgence.

M. Garran-de-Coulon. Le décret d'urgence n'est pas nécessaire, parce qu'il ne s'agit que de demander des éclaircissements qui puissent mettre l'Assemblée à même de porter un décret d'accusation.

Plusieurs membres: La question préalable sur l'urgence!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande d'urgence.)

(Suit la teneur du décret rendu sur la motion de M. Delacroix, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal.)

« L'Assemblée nationalé décrète ce qui suit: « Immédiatement après la réception du présent décret, M. de Wimpffen, maréchal de camp, sera invité, par le directoire du département du Haut-Rhin, à se rendre dans le lieu de ses séances, pour y passer une déclaration précise des faits relatifs aux propositions de séduction qui lui ont été faites de la part des princes français émigrés, et dont il a entretenu les administrateurs du directoire du département. Il joindra à sa déclaration les lettres et autres pièces de conviction s'il en a reçu; et, dans le cas contraire, il donnera les renseignements, les instructions, même les indices capables de préparer la preuve des faits par lui avancés. Il sera, du tout, dressé par le directoire de département, un procèsverbal, dont une expédition en forme sera adressée au ministre de l'intérieur, qui la fera parvenir sur-le-champ à l'Assemblée nationale.

« Décrète, en outre, que le ministre de la guerre lui fera passer dans le jour, et par écrit, la connaissance qu'il peut avoir des faits relatifs aux propositions faites à M. de Wimpffen. »

Plusieurs membres demandent la lecture de la lettre écrite par le ministre de l'intérieur au directoire du département du Haut-Rhin, avant de passer à l'ordre du jour.

(L'Assemblée, consultée, décide que cette lettre sera lue.)

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