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. [23 novembre 1791.

vent être réduites en raison de la mort des pensionnaires de l'Etat. Vous ne pouvez pas imposer sur le peuple d'une part pour donner à d'autres citoyens. Il est nécessaire que les secours attribués à l'indigence diminuent en raison du principe d'où ces secours doivent dériver. Il faut une réduction proportionnelle. L'amendement, tel qu'il a été proposé par M. Lagrévol, ne me paraît pas encore rédigé convenablement; mais j'en demande l'ajournement, ou qu'on le décrète, sauf rédaction.

Plusieurs membres: La question préalable sur l'amendement !

Un membre: J'adopte le mode proposé par M. Lagrévol, mais il en est encore un autre. Vous n'entendez pas punir toujours un homme que l'erreur d'un moment..... (Exclamations et murmures.)

Plusieurs membres: La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion sur l'amendement.)

M. Thuriot. M. Lemontey a fondu l'amendement avec l'article: j'en demande une nouvelle lecture.

M. Lemontey. Voici, en tenant compte dans une certaine mesure des observations qui ont été faites, comment je propose de rédiger l'article:

"

Il sera composé tous les ans une masse de pensions, dont, en conséquence de l'article 4, les ecclésiastiques auront été privés par leur refus de prêter le serment civique, laquelle somme sera répartie dans la proportion des impositions foncière et mobilière entre les 83 départements, pour être employée par les conseils généraux des communes, soit aux travaux de charité pour les indigents valides, soit en secours pour les indigents invalides. »

Plusieurs membres: Aux voix! aux voix ! (L'Assemblée, consultée, décrète l'article de M. Lemontey.)

Plusieurs membres réclament contre la substitution de cet article, comme d'une mesure exclusivement propre à éclairer, à l'article 16 du comité. La discussion sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés est interrompue.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui annonce que M. d'Orléans, commandant de la frégate l'Embuscade, a été forcé par son équipage de revenir en France, et que le roi a donné des ordres pour que l'équipage soit jugé et puni suivant la rigueur des fois; cette lettre est ainsi congue :

"Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous envoyer copie d'une lettre du commandant du port de Rochefort qui m'informe de l'arrivée de la frégate l'Embuscade, l'une de celles qui composaient la station des iles du Vent. Elle était à la Martinique le 23 août. M. Béagues la destina à aller prendre à la Guadeloupe les commissaires du roi pour les transporter à Sainte-Lucie où leur présence était absolument nécessaire. L'équipage de la frégate s'est opposé à cette destination et a forcé le capitaine à abandonner la station et à revenir en France. Cette résolution n'a pas même cédé aux représentations qui ont été faites par les capitaines sur le défaut de vivres dont ils auraient manqué pendant cette traversée, si l'on n'eût

d'acheter du biscuit d'un bâtiment que la frégate a rencontré en mer.

Lorsqu'elle est arrivée à l'ile d'Aix, l'équipage a retenu à bord le capitaine et l'état-major et envoyé des députés au commandant du port de Rochefort pour lui remettre une délibération prise et signée de tout l'équipage, le 30 septembre, en mer. Ils expriment l'intention de revenir en France et en expliquent les motifs. J'ai l'honneur de vous envoyer une copie de cette pièce ainsi qu'une lettre que M. d'Orléans, capitaine de l'Embuscade a trouvé moyen de me faire parvenir, quoique toujours retenu à bord. Il rend compte de ce qui s'est passé dans cette circonstance, et cette lettre renferme aussi des détails intéressants sur la situation actuelle des îles du Vent. Le roi m'a chargé d'expédier un courrier à Rochefort pour empêcher de désarmer la frégate et prendre les mesures nécessaires pour faire juger, suivant les formes légales, la conduite de cet équipage. Sa Majesté a pensé qu'il était très important de prévenir les suites funestes d'un exemple d'insubordination aussi marqué. Il deviendrait impossible de porter des secours aux colonies et de faire aucun usage des forces navales, si de pareils désordres n'étaient pas réprimés de la manière la plus éclatante.

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Je renvoie au commandant de Rochefort l'acte original de la délibération de l'équipage qui est formellement contraire à l'article 12, titre IV de la Constitution: cette pièce est indispensable pour l'instruction de l'affaire.

« Je n'ai encore d'autres nouvelles officielles des îles du Vent que celles qui sont contenues dans la lettre de M. d'Orléans; dès qu'il m'en parviendra, j'aurai l'honneur de vous les transmettre.

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Signé BERTRAND. "

Un membre: Je demande le renvoi aux comités de marine et des colonies. (Murmures.) Plusieurs membres : La lecture! (L'Assemblée décrète qu'il sera donné lecture des pièces.)

Copie d'une lettre de M. d'Orléans, capitaine de la frégate l'Embuscade, en rade de l'ile de Ré.

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Monsieur,

« J'ai l'honneur de vous rendre compte de mon arrivée sur la frégate l'Embuscade et des raisons qui ont déterminé aussi promptement qu'inopinément le retour de cette frégate destinée à la station des îles du Vent, où je suis arrivé en décembre de l'année dernière. Vous savez quelle été ma conduite et celle des officiers et de l'équipage servant sous mes ordres pendant les troubles de la Martinique : elle a eu les suffrages de tous les honnêtes gens et des commissaires envoyés pour la juger. L'Assemblée nationale et vous, lui avez donné des éloges; nous attestons que nous avons fait notre devoir; cette conviction intime ne devrait laisser aucun doute, aucune incertitude dans les esprits. J'ai cependant été occupé dans tout le cours de la campagne à calmer les inquiétudes de mon équipage, et à détruire ou du moins atténuer l'effet des mauvais conseils et insinuations perfides des ennemis de l'ordre et de la paix pour parler aux yeux et à la raison des hommes que je commandais. L'appareil imposant des forces envoyées par la nation pour dompter les rebelles, une colonie entière qui les nommait leur sau

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veur, l'approbation et les éloges donnés à leur | conduite par ceux qui venaient la juger, que de motifs pour rester dans la voie de la subordination et du devoir qu'ils avaient essentiellement suivie dans les temps les plus critiques!

«L'hivernage a rassemblé au Fort-Royal les vaisseaux de l'Etat et ceux du commerce. L'inaction, l'oisiveté, une communication libre et quotidienne avec la terre, tout a favorisé les projets de séduction et de corruption des malintentionnés principalement attachés aux équipages de la Ferme et de l'Embuscade qui s'étaient montrés fidèles à leur devoir et paraissaient inébranlables.

Le 23 août, j'eus ordre de porter à la Guadeloupe MM. les commissaires qui ne manquèrent pas, dans le trajet, d'encourager et de fortifier l'esprit de subordination et d'obéissance dans lequel ils croyaient encore l'équipage de l'Embuscade; il y était effectivement à cette époque, puisque notre retour dans le cul-de-sac de Fort-Royal se fit le 26 du même mois, avec autant d'ordre que de célérité. Le temps s'avançait et l'hivernage approchait de sa fin; les moyens de corruption prenaient plus d'activité, des lettres vraies où simulées avaient renouvelé des doutes sur l'équipage et sur sa conduite passée, et on m'exprimait le désir d'aller chercher en France des éclaircissements.

"Toutes mes objections portaient sur l'impossibilité d'accéder à leur demande, vu l'obligation où j'étais d'obéir à mes chefs et de leur en donner l'exemple. Je ne les ai pas convaincus puisqu'ils ont tramé sourdement le projet qu'ils ont exécuté le 30 septembre.

« Les troubles survenus à Sainte-Lucie exigeaient la présence de MM. les commissaires du roi. J'eus ordre, en conséquence, de quitter l'hivernage et d'aller les chercher à la Guadeloupe pour les porter à Sainte-Lucie ou au Fort-Royal. J'appareillai le 29 septembre à six heures du soir. A huit heures et demie, l'équipage assemblé sur le gaillard d'arrière me fit demander dans ma chambre, où j'étais alors. Je sortis, et il me signifia, aussi impérativement que tumultueusement la violation de nos serments et de tous nos devoirs, l'importance de la mission dont nous étions chargés, notre pénurie de vivres, voiles et autres effets; mes efforts pendant une heure et demie pour persuader l'équipage et le ramener, furent inutiles. Les hommes qui le composaient étaient sourds à la voix du devoir et de la raison et je ne pus obtenir d'eux que ces mots : Nous voulons aller en France; les pilotes nous y conduiront.

« On mit un matelot en faction à la porte de ma chambre, et quand j'y fus entré on m'y fit demander mes armes. Je donnai mes pistolets. Tout l'état-major fut également désarmé. On fit arriver la frégate malgré moi, et l'on gouverna toute la nuit pour ne pas approcher de la Guadeloupe. Le lendemain 30, croyant le premier mouvement d'effervescence passé, j'assemblai l'équipage; je fis de nouvelles représentations; je vis qu'elles aigrissaient au lieu de calmer les esprits; et alors la volonté générale d'aller en France fut plus fortement prononcée que la veille. L'impossibilité de rien changer à cette détermination me décida à m'engager à les y conduire, et je le leur promis. J'insistai pour aller chercher des vivres, cet avis fut rejeté; cependant on ôta la sentinelle de la porte de ma chambre, et je repris le commandement, voulant diminuer leurs torts, s'il était possible, par l'apparence de l'ordre et de l'obéissance jusqu'en France. Il était indispensable de ranger de près la Guadeloupe; je

dirigeai ma route en conséquence. A deux heures après midi, j'étais en calme à une lieue et demie de cette île, et je voulais mettre à terre un habitant de Sainte-Lucie, dépêché vers les commissaires pour leur exposer la situation de la colonie et un mulâtre pilote-côtier; j'éprouvai beaucoup de difficultés; cependant après bien des contestations, la majorité fut d'avis d'y consentir, et je les envoyai à terre dans un canot dont j'attendis le retour.

« Dès le lendemain, nous nous mîmes tous à 10 onces de pain; nous n'avions de vivres que pour 16 jours à ration complète, en 36 cases de farine; mais un four qui menaçait ruine. Le 7 octobre je fis porter sur un bateau américain qui se trouvait avoir des biscuits en cargaison. J'en fis prendre 60 quintaux qui nous donnèrent 35 jours de pain. Le capitaine américain prit en échange une lettre de change sur M. Vaucression, négociant de cette ville. Il sera remboursé par l'ordonnateur de la Martinique. Le lendemain, notre demi-ration de pain fut augmentée de deux onces de biscuit le soir. Ce secours est venu d'autant plus à propos, que déjà la traversée s'allongeait par le calme.

« Revenons à la position dans laquelle j'ai laissé les îles du Vent; elle est inquiétante et l'événement dont je viens de vous rendre compte peut avoir les suites les plus dangereuses. Le vaisseau la Ferme, lors de sa sortie à la fin de l'hivernage qui devait suivre la même marche que l'Embuscade, se proposait au moins l'inaction dans les cas du renouvellement des troubles. Il est visible qu'il se tramait quelque chose, et que le poison de la corruption s'était glissé partout.

« Les commissaires du roi étaient à la Guadeloupe pour y amener l'ordre. Leur présence n'a pas arrêté la compagnie des grenadiers du régiment de Forez, en garnison à la Pointe-à-Pitre, de s'emparer d'un fort désarmé. Le gouverneur, l'état-major et les citoyens, y ont marché l'épée à la main, et malgré quelques coups de fusil, ils ont fait mettre bas les armes à cette compagnie que l'on a emprisonnée en attendant son retour en France.

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Presque au même instant il se passait une scène du même genre, mais plus conséquente. « Un bataillon d'Aunis et trois compagnies détachées à Tabago, s'étaient emparés du morne

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Fortuné » et s'y maintenaient, parce que le fort était armé et qu'ils étaient renforcés de quantité de gens sans aveu. M. le gouverneur de cette île était détenu dans le fort. C'est cette malheureuse circonstance qui fit envoyer le particulier de Sainte-Lucie à la Guadeloupe, pour en prévenir MM. les commissaires du roi et les porter à.....

«En usant des voies de conciliation, de persuasion, ils auraient pu arrêter les progrès du mal. C'était la manière de voir de M. de Vernaye, si distingué par son patriotisme et son humanité. Ce général fixé à la Martinique pour la préserver de nouveaux désordres et pour tenir dans le devoir une garnison environnée de tous les pièges et souvent ébranlée par la subornation.

« La précaution prise de désarmer les forts, rendra les tentatives plus difficiles; une nombreuse milice sur pied en imposera aux malintentionnés. Mais à quels maux peuvent se trouver exposées les îles du Vent, si l'esprit d'indisciplíne, déjà manifesté sur mer, vient à y gagner. Quand on parviendrait à entretenir un calme apparent à la Martinique, quels seraient les moyens de communication avec les îles voisines,

sans l'activité de la marine, et comment y arrêter les progrès de l'insurrection, sans les moyens de communication.

» Ce tableau pénible à tracer, n'est cependant que trop rigoureusement vrai. La faute de l'Embuscade peut servir utilement la cause de la discipline.

"Le prompt retour de l'Embuscade à la Martinique, prouverait à tous les bâtiments stationnaires qu'on ne quitte pas sans ordre son poste impunément. Cette leçon ramènerait au devoir ceux qui s'en serait écartés, ou auraient envie de le faire.

« Croyez, Monsieur, qu'il faut de l'énergie et du patriotisme pour vous proposer et vous prouver la nécessité de continuer une campagne que nous avons faite avec autant de fatigue que de dangers et des désagréments de tout genre; je vois bien que je me sacrifie pour l'opérer; c'est l'esprit de mon état-major, qui, dans les différents événements, a montré autant de courage que de fermeté.

« Il est plus d'un objet de détail intéressant que ne comportent point les bornes d'une lettre : je demanderai à l'officier qui commande à Rochefort, la permission de partir sur-le-champ pour Paris, et l'engagerai, la campagne n'étant pas terminée, à laisser la frégate armée jusqu'à ce que vous ayez fait passer des ordres sur l'examen et le jugement de cette affaire. C'est pour aller vers vous et vers l'Assemblée nationale, où je serai à portée de recevoir immédiatement des ordres et de faire juger authentiquement une conduite sans reproche et exempte du plus léger blâme que j'agis ainsi. J'ai mouillé à l'île de Ré hier au soir, je n'ai pas eu la liberté d'envoyer un officier rendre compte de mon arrivée; ainsi, comme je l'avais prévu, je suis constitué prisonnier à bord avec tout mon étatmajor.

J'espère, Monsieur, que vous voudrez bien prendre des mesures pour faire cesser cette prison.

"

Je suis, etc.

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Extrait du procès-verbal des délibérations de l'équipage l'Embuscade.

Ce jourd'hui, 30 septembre 1791, nous étant réunis à la Basse-Terre, et ayant fait mander le capitaine, nous lui avons communiqué d'une voix unanime notre volonté d'aller en France plutôt qu'à la Basse-Terre Guadeloupe, vu que nous étions incertains sur notre mission, relativement aux troubles qui règnent actuellement, tant à la Pointe-à-Pitre que dans l'ile SainteLucie, et que nous ne voulons point commettre les mêmes hostilités contre nos frères que celles qu'on nous reproche d'avoir déjà commises envers eux, d'après des lettres datées du 15 juillet, où l'on nous reproche notre conduite passée et qui font mention que nous sommes dénoncés dans tous les clubs du royaume comme criminels de lèse-nation, ce qui nous a déterminés à faire route pour la France. En foi de quoi nous avons dressé le présent procès-verbal pour nous servir et valoir ce que de raison.

«Fait et arrêté à bord de la frégate l'Embuscade étant au travers de l'ile Saint-Domingue, à une heure après minuit, le 30 septembre 1791. »

(Suivent les signatures. Pour copie conforme: BERTRAND.

Un membre: Je demande le renvoi aux comités réunis des colonies de la marine.

M. Forfait. Je m'oppose formellement au renvoi aux comités. Cela ne regarde ni le comité de la marine, ni celui des colonies à qui l'on veut renvoyer cette affaire. Il y a délit commis dans la marine, c'est au ministre de la marine à le faire poursuivre, suivant les formes juridiques. Il existe des lois qui doivent être exécutées. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif.

M. Thuriot. Je ne vois nulle nécessité de renvoyer au pouvoir exécutif, puisque c'est le pouvoir exécutif lui-même qui nous envoie cette affaire. Il est très bon que le comité ait tous les renseignements de manière que si le pouvoir exécutif ne fait pas ce qu'il doit faire, alors le comité, chargé spécialement de la surveillance, vous présente les mesures nécessaires, et alors vous statuerez. Ainsi, j'insiste pour le renvoi aux comités qui ne nuit point à l'activité du pouvoir exécutif.

(L'Assemblée renvoie les pièces aux comités réunis des colonies et de la marine.)

La suite de la discussion du projet de décret sur les troubles occasionnés par les prêtres non assermentés est reprise.

M. François de Neufchâteau, rapporteur, fait une seconde lecture de l'article 16 du projet de décret du comité:

Art. 16.

« Au moyen des dispositions précédentes, il ne pourra plus y avoir lieu à aucune dissidence réelle en ce royaume dans l'exercice du culte catholique; et comme il importe surtout d'éclairer le peuple sur les pièges qu'on ne cesse de lui tendre à ce sujet, l'Assemblée nationale exhorte tous les bons esprits à renouveler leurs efforts et à multiplier leurs instructions contre le fanatisme. Elle déclare qu'elle regardera comme un bienfait public, les bons ouvrages à la portée des citoyens des campagnes, qui lui seront adressés sur cette matière importante; et d'après le rapport qui lui en sera fait, elle fera imprimer et distribuer ces ouvrages aux frais de l'Etat, et récompensera leurs auteurs. » (L'Assemblée décrète l'article 16.)

Plusieurs membres La lecture du préambule. du décret!

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Le préambule devant annoncer l'ensemble des dispositions du décret, et plusieurs membres ayant à proposer des articles additionnels, il est nécessaire d'attendre le parti définitif de l'Assemblée pour faire cette lecture.

Un grand nombre de membres affluent à la tribune pour proposer des amendements ou des articles additionnels à l'ensemble du décret.

M. Thuriot. Je demande qu'on nous lise tous les articles qu'on veut nous proposer, nous les discuterons demain.

(L'Assemblée, consultée, décide que ces articles seront ajournés à demain, immédiatement après leur présentation.)

Tous les opinants appelés successivement dans l'ordre de leur inscription, proposent par anticipation leurs projets.

M. Becquey propose une exception en faveur des vieillards et infirmes, et un article relatif à la liberté des cultes.

Un autre membre propose l'envoi de commis

saires pacificateurs, pris dans les conseils généraux du département, pour porter des lumières dans les campagnes.

M. Lamourette demande l'extension de la formule du serment civique, à l'obligation de maintenir de tout son pouvoir la paix intérieure.

Un membre demande la publication et l'exécution simultanée du décret dans toutes les parties du royaume, comme moyen de prévenir les coalitions.

M. l'évêque... propose l'extension de l'amendement de M. Becquey, aux imbéciles.

M. Basire jeune demande la suppression des costumes distinctifs des différents cultes.

Un grand nombre de membres lisent d'autres articles plus ou moins excentriques de l'objet d'une loi répressive.

Un membre annonce que depuis 6 semaines il demande la parole pour proposer l'arrestation provisoire, en cas d'invasion hostile, de tous les prêtres non sermentés du royaume.

(L'Assemblée arrête ici toute présentation d'amendements et articles additionnels, et mets les articles déjà proposés à l'ordre du jour de demain.)

(La séance est levée à quatre heures.)

PREMIÈRE ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU MERCREDI 23 NOVEMBRE 1791.

Observations sur la pétition de M. CLAVIÈRE (1), PAR M. LAFRETÉ.

Encouragé par l'invitation de l'Assemblée nationale, je lui ai présenté, il y a quelques jours, un plan de travail sur les finances, et j'ai mis sous ses yeux quelques observations :

Sur la nécessité absolue d'assurer, de préférence à tout, le service ordinaire du Trésor public, qui ne saurait supporter la plus légère încertitude, ni le plus petit délai;

Sur la manière la plus simple de faire connaître à la nation sa situation sur la dette publique;

Enfin, sur la nécessité indispensable d'établir un ordre de remboursements, mesuré sur la nature, la quotité et les époques des différentes parties à recevoir, et des différentes parties à payer.

Depuis, M. Clavière a traité cette matière avec plus d'étendue et de lumières, dans sa pétition à l'Assemblée nationale. Il a approfondi et développé ce que je n'avais fait qu'indiquer; mais il a été bien plus loin que moi. J'ai proposé simplement un nouvel ordre de remboursements; il propose d'en suspendre une grande partie, et c'est sur quoi je fixerai un moment l'attention de l'Assemblée nationale.

M. Clavière observe, avec raison, qu'on a ouvert un champ trop vaste aux remboursements, et qu'il est temps d'y mettre des bornes. Je suis parfaitement de son avis; mais l'exclusion absolue d'une classe de créanciers est bien diffé

(1) Voir cette pétition aux Archives parlementaires, 1 série, tome XXXIV, page 642.

rente d'un ordre de remboursements que sollicite, à beaucoup d'égards, l'intérêt public. On ne peut pas se dissimuler que ce projet de suspension n'ait répandu de vives inquiétudes, et sans examiner si elles sont bien ou mal fondées, il suffit qu'elles existent pour que l'Assemblée nationale s'empresse à les dissiper et à tranquilliser le public, en déclarant l'intention où elle est, d'acquitter, avec toute l'exactitude possible, et autant que cela pourra se concilier avec le service du Trésor public, toutes les créances sur l'Etat, de quelque espèce qu'elles soient, dont la légitimité aura été reconnue et constatée; et peutêtre trouvera-t-elle convenable de rendre un décret qui ne laisse aucune crainte aux créanciers de l'Etat, ni aux malintentionnés aucun prétexte pour semer dans les esprits le trouble et la défiance.

Comme cet objet a infiniment de rapport avec ceux que j'ai traités dans mon dernier mémoire, me sera-t-il permis d'y ajouter quelques réflexions rapides sur les circonstances du moment? Je discuterai ensuite quelques opinions de M. Clavière.

Il n'est pas question aujourd'hui d'approfondir la situation générale des finances; il n'est pas question non plus d'un plan de liquidation: il est question seulement de prendre des mesures promptes et adaptées au moment. Il est évident que dans l'état actuel des choses, la caisse de l'extraordinaire, forcée d'alimenter le Trésor public et de pourvoir aux dépenses extraordinaires et imprévues, ne saurait suffire à des remboursements illimités, et on tomberait infailliblement dans le plus grand désordre et le plus grand embarras, si on ne s'empressait de fixer la masse et la nature des remboursements à faire, du moins d'ici à la fin de l'année, en l'alignant sur les fonds qui peuvent être libres. Il faut donc tâcher de connaître ses besoins et ses forces. L'Assemblée nationale aura senti, sans doute, cette nécessité; elle se sera fait rendre compte:

1° De la masse d'assignats fabriqués jusqu'à ce jour, acompte des 1,800 millions décrétés par l'Assemblée nationale;

2o De ceux qui restent libres sur les 1,400 milions qui peuvent être mis en circulation, en y comprenant le remplacement de ceux qui ont été brûlés;

3o Des besoins du Trésor public, en novembre et décembre, avec une latitude assez étendue pour les dépenses extraordinaires et imprévues; 4o Des divers payements à faire à la caisse de l'extraordinaire, dans les mêmes mois de novembre et décembre, et particulièrement de ceux à époques fixes.

Ce simple aperçu suffira pour faire connaître à l'Assemblée nationale le montant des assignats dont elle pourra disposer, sans déborder les 1,400 millions; elle connaîtra ceux dont elle aura besoin pour les différents services de cette année; et d'après cela, elle fixera la somme qu'elle pourra réserver pour les besoins du mois de janvier prochain; car il est bien important d'avoir toujours en réserve une masse d'assignats fabriqués, à la disposition de l'Assemblée nationale.

Cet excédent ou fonds de réserve une fois établi, il suffirait, dans la suite, de constater soigneusement la recette et la dépense de chaque mois, tant du Trésor public que de la caisse de l'extraordinaire; et en prenant la précaution habituelle d'assurer d'avance le service de ces deux caisses pour un mois ou deux, on éviterait

ces moments de troubles et d'embarras qui nuisent si fort à la chose publique c'est par de pareilles dispositions d'ordre et de prévoyance, c'est en s'occupant beaucoup de l'avenir qu'on est toujours tranquille sur le présent.

Après cette courte digression, je reviens à M. Clavière; et en rendant toute la justice qui est due aux vues générales de sa pétition, en convenant avec lui de la nécessité de mettre de l'ordre et de la réforme dans les remboursements, je combattrai quelques-unes de ses propositions.

M. Clavière propose de suspendre, dès à présent, le remboursement de toutes sortes de dettes susceptibles de liquidation, au-dessus de 2,000 livres. Il serait, je crois, de la plus grande injustice et d'une conséquence bien dangereuse de décréter une pareille disposition; elle attaquerait une classe nombreuse et intéressante de créanciers, qui ne sont ni spéculateurs, ni agioteurs, mais des citoyens estimables et des pères de famille, déjà assez malheureux d'avoir perdu leur considération et leur état; elle menacerait les fonds d'avance des compagnies, qui pourraient être enveloppés dans cette proscription par la dénomination générale et vague de liquidations. Cette observation importante méritera, sans doute, toute l'attention et l'intérêt des représentants de la nation, d'autant plus qu'un grand nombre de ces créanciers en ont euxmêmes d'autres à qui ils doivent des remboursements, et à qui ils payent des intérêts. On pourrait seulement modérer et rallentir ces sortes de remboursements, et faire une classe séparée des liquidations des charges et offices. Quand je propose de ranger ces liquidations dans une classe séparée, je n'entends pas, il s'en faut beaucoup, les exclure du remboursement qu'elles on droit d'attendre; cette voie doit leur être toujours ouverte; mais ce genre de remboursement doit tenir plus particulièrement au plan général de liquidation dont l'Assemblée nationale s'occupera, sans doute, quand elle aura acquis les connaissances nécessaires sur la valeur des biens nationaux, et sur le montant de la dette publique. Peut-être même serait-il possible de destiner, dès à présent, au remboursement des offices liquidés, le montant des assignats brûlés de mois en mois, et qui, n'étant pas compris dans les valeurs actives, pourraient former un fonds de remboursements.

Non seulement M. Clavière propose de suspendre indéfiniment le remboursement d'un grand nombre de créanciers de l'Etat; mais de plus il insiste et conclut à ce qu'on les prive encore de la faculté qu'ils ont de placer leurs titres de créances dans l'acquisition des biens nationaux, sous le prétexte que cette concurrence pourrait nuire au crédit des assignats.

Il convient, sans doute, de connaître et de constater le montant des reconnaissances provisoires délivrées pour des liquidations, et d'y porter une attention particulière; mais je suis bien éloigné de penser qu'il faille les repousser entièrement de l'acquisition des biens nationaux je voudrais, au contraire, comme cela a été décrété par l'Assemblée nationale constituante, que toutes les créances, bien et duement liquidées, y fussent admises; et j'y trouverais le double avantage de payer une dette, et de faire une vente par la même opération. D'ailleurs, si les circonstances obligent à ralentir le remboursement des parties liquidées, il faut du moins leur conserver le débouché qui leur a été

ouvert; sans quoi on ne mettrait dans les mains des créanciers qu'une valeur stérile et frappée d'une exclusion injuste; car la première destination des biens nationaux est, sans contredit, d'éteindre la dette nationale; et si on en a détourné une partie, on y a été forcé par des besoins impérieux et pour sauver la chose publique. Aujourd'hui que la Constitution est achevée et acceptée par le monarque, que l'ordre et la confiance s'établissent, pourrait-on craindre pour des propriétés respectées dans les temps les plus orageux? Non, sans doute; l'Assemblée législative maintiendra cette sauvegarde sacrée, garantie par l'Assemblée constituante, et sur laquelle reposent l'espoir et la tranquillité des créanciers de l'Etat.

Une autre raison, prise dans l'intérêt public, et qui doit, ce me semble, faire recevoir les créances liquides, ou liquidées en payement des biens nationaux, c'est d'éteindre, avec des valeurs qui ne rapportent pas à la nation plus de 2 0/0, des dettes qui lui coûtent 5 0/0 d'intérêt; et quoi qu'on en dise, ce n'est pas un petit objet, quand il porte sur des sommes aussi considérables.

Quant à l'inconvénient qui a frappé M. Clavière sur le tort que cette concurrence pourrait faire au crédit des assignats, il se plait trop à l'exagérer; le crédit des assignats est hors de toute atteinte. Ce ne serait, d'ailleurs, qu'une simple considération, et on ne doit jamais perdre de vue que si les biens nationaux servent d'hypothèques aux assignats, ils sont également le gage des créanciers de l'Etat; et qu'ils ont le même intérêt et les mêmes droits à ces biens. Il faudrait donc tâcher de concilier l'intérêt de ces créanciers avec les égards que peut exiger le crédit des assignats, sans les sacrifier entièrement l'un à l'autre.

Je crois avoir démontré que la justice et les convenances se réunissent pour admettre les créances constatées et liquidées en payement des biens nationaux, concurremment avec les assignats. Cependant, comme il faut en faire rentrer le plus qu'il sera possible à la caisse de l'extraordinaire pour les payements dont elle est chargée, il y aurait peut-être un milieu à prendre entre nos deux opinions; ce serait de recevoir ces créances pour moitié seulement dans l'acquisition des biens nationaux on conserverait ce petit avantage aux créanciers de l'Etat, et on haterait d'autant la vente de ces biens.

Je pense entièrement comme M. Clavière sur les obligations que nous avons tous aux assignats, sur la confiance qu'ils méritent, et sur la nécessité de ménager cette importante ressource; j'ai souvent dit, écrit et répété que les assignats et la caisse d'escompte avaient sauvé le royaume, et que, sans ces deux puissants secours, la France n'aurait pas aujourd'hui une Constitution; mais je ne suis pas aussi effrayé que lui sur le sort des assignats, quand même il en resterait dans la circulation après la vente définitive des biens nationaux; et voici ce qui

me rassure:

1o Les assignats ont été créés, délivrés et garantis par une Assemblée nationale permanente, qui a toujours veillé et qui veillera sans cesse à leur emploi; c'est la dette de la nation, garantie par elle-même, et je crois qu'on peut compter cette garantie pour quelque chose;

2° Il y a tout lieu d'espérer que la valeur des biens nationaux surpassera le montant de la dette publique. M. de Montesquiou les évalue à 3,500 millions, et M. Clavière ne parait pas con

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