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nationale législative.] ARCHIVES

: Elle n'est point officielle

M. Rouyer. Je demande qu'on envoie à la municipalité, pour la requérir de mettre les scellés sur les papiers de l'accusé, et en même temps que le pouvoir exécutif soit tenu d'envoyer le signalement de l'accusé de brigade en brigade.

M. Couthon. Je ne crois point que l'Assemblée puisse avoir de correspondance avec les municipalités, mais je crois que l'Assemblée nationale, bien convaincue maintenant et par la lettre qui a été déposée sur le bureau, et par la fuite du sieur Varnier, doit porter le décret d'accusation. (Murmures.) Ce ne sera et ne peut être, d'après la Constitution, qu'en suite d'un décret portant accusation, que l'Assemblée nationale peut donner l'ordre de faire arrêter un particulier. Il faut donc exécuter la Constitution à la lettre. Je demande que, dès à présent, le sieur Varnier, comme prévenu d'attentat contre la Constitution, soit mis, par l'Assemblée nationale, en état d'accusation, et que le pouvoir exécutif soit chargé de faire exécuter ce décret.

Plusieurs membres: Appuyé ! appuyé !
D'autres membres: L'ordre du jour !

M. Goujon. Je suis d'accord avec le préopi-
nant sur le fait de l'arrestation; mais non sur
celui de l'accusation. Il se fonde sur deux cir-
constances la lettre déposée et ce qu'il appelle
la fuite. D'abord, un homme absent à 8 heures et
demie du matin, n'est pas censé fuir (Murmures
à gauche.); nous avons tous fui ce matin, si l'ab-
sence doit être regardée comme une fuite. Je
passe à la lettre. Il existe sur le bureau un pa-
pier écrit en forme de lettre, un papier qui ter-
mine par une signature, qui s'applique à l'indi-
vidu que vous cherchez; mais qui vous dit, et
quelle raison avez-vous de présumer même que
cette signature ait été apposée par la main de
l'individu, que cette signature soit vraie? (Mur-
mures à gauche.) Et si vous ne pouvez pas même
le présumer, sur quoi fonderez-vous votre décret
d'accusation? Je conclus à la question préalable,
quant à présent.

Voix diverses: L'ordre du jour! sion fermée !

La discus

M. Delacroix. Je m'oppose à ce que l'on ferme la discussion, elle n'est pas encore ouverte.

Plusieurs membres parlent au milieu du bruit. M. Tartanac. Un décret a mandé M. Varnier à la barre; je demande qu'on l'exécute, et en attendant je propose l'ordre du jour.

M. Delacroix. Je réponds à l'observation de M. Goujon. Il demande à l'Assemblée qui est-ce qui l'assurera que la signature apposée au bas de cette lettre est celle du particulier qui y est nommé? Et je demande à M. Goujon qui est-ce qui lui assure que ce n'est pas celle du particulier? (Mumures à droite.) Je la considère non seulement comme un commencement de preuve, mais encore comme une preuve légale. Je suppose que cet homme, le même jour qu'il sera mis en état d'arrestation, se justifie, il en résultera qu'il lui sera dû des dommages et intérêts. (Murmures.) Si vous ne décrétez pas maintenant qu'il y a lieu à accusation, si vous attendez que Vous ayez d'autres preuves qu'il vous est impossible de vous procurer, alors vous allez laisser évader un chef de conjuration, ou au moins un homme prévenu comme tel. Il y a donc moins d'inconvénients de prononcer contre lui le décret d'accusation, que de le laisser aller c'est 1re SERIE. T. XXXV.

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pourquoi j'appuie la motion de M. Couthon, qui tend à décréter qu'il y a lieu à accusation.

Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Guadet. Au milieu des complots, au milieu des attentats qui paraissent formés contre la Constitution, l'Assemblée nationale doit au moins, sous peine de devenir aux yeux du peuple français, complice elle-même de ces attentats... (Oui! oui ! Applaudissements dans les tribunes.)

On est tombé dans une grande erreur, lorsqu'on a prétendu qu'il fallait à l'Assemblée nationale des preuves convaincantes du délit. (Murmures.)

Plusieurs membres: A l'ordre! à l'ordre!

M. Guadet. Quel acte fait l'Assemblée natio-
nale, lorsqu'elle porte un décret d'accusation?
L'Assemblée nationale fait acte d'accusateur pu-
blic de la nation. Je demande si on ne regarde-
rait pas comme coupable un accusateur public
qui, sur la dénonciation d'un citoyen, et sur une
lettre telle que celle qui est déposée sur le bureau,
négligerait de poursuivre le dénoncé ? C'est une
erreur de croire qu'il faut qu'un individu soit
presque convaincu d'attentat contre la sûreté
générale de l'Etat, pour être accusé par l'Assem-
blée nationale. D'après l'article 10 de la section
première du chapitre III de l'acte constitutionnel,
il suffit qu'il soit prévenu, et le sieur Varnier l'est
d'après les pièces déposées sur le bureau. Je sais
bien qu'on va me répondre que votre décret d'ac-
cusation emporte le décret de prise de corps, et
qu'au contraire la plainte de l'accusateur public
laisse encore l'accusé dans tous ses droits; mais
remarquez à votre tour, que si le décret d'accu-
sation de l'Assemblée nationale emporte le décret
de prise de corps, ce n'est qu'à cause de la na-
ture du crime, à cause de l'intérêt général de la
nation, qui veut que l'on mette sous la main de
la justice, celui qui est prévenu d'un crime qui
intéresse la sûreté générale de l'Etat. Je demande
donc que le décret d'accusation soit porté. (Vifs
applaudissements dans les tribunes.)

Plusieurs membres: Aux voix! aux voix!
M. Dumolard parle au milieu du bruit; il n'a
pas été entendu.

Plusieurs membres demandent que la discussion
soit fermée.

(L'Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Je vais mettre aux voix le décret d'accusation.

Plusieurs membres à gauche demandent la parole.

M. Léopold, à la tribune. Je propose la question préalable... (Les cris couvrent sa voix.) Je réclame la liberté des opinions... Je demande à motiver la question préalable... (Le tumulte l'em

pêche de parler.)

M. Barris fils. L'Assemblée a ordonné que
M. Varnier sera mandé à la barre. Depuis le dé-
j'appuie la question préalable.
cret, la situation n'a pas changé. En conséquence,

M. Basire jeune. Je demande la parole pour
relever un fait. Le préopinant a dit que l'Assem-
blée n'avait rien vu dans la lettre qui compromit
l'individu que j'accuse.

Plusieurs membres: On n'a pas dit cela.

M. Basire jeune. La pièce a été déposée; l'Assemblée l'a jugée suffisante pour le mander à la barre. S'il n'a pas pu s'y rendre, je demande qu'il soit mis en état d'accusation.

3

Plusieurs membres : La discussion fermée sur la demande de question préalable!

M. Lacretelle. Je demande la parole pour une motion d'ordre. Puisque l'Assemblée a ordonné que M. Varnier paraîtra à la barre, il faut charger le pouvoir exécutif... (Le bruit ne lui a pas permis de continuer.)

Plusieurs membres: La discussion fermée sur la question préalable!

(L'Assemblée ferme la discussion sur la question préalable.)

M. le Président. Je mets aux voix la question préalable.

Plusieurs membres : Monsieur le Président, ajoutez quant à présent.

M. le Président. Alors, je mets aux voix la question préalable sur la demande du décret d'accusation quant à présent.

M. le Président. Le bureau est d'avis que l'épreuve est douteuse.

Voix diverses: L'appel nominal! Une seconde épreuve !

(Une seconde épreuve a lieu.)

(L'Assemblée rejette la question péalable.)

M. Chabot. Aux voix le décret!

M. Robin. Je demande que M. Basire certifie que la lettre déposée est de M. Varnier.

M. Basire jeune. Je demande la parole. M. le Président. J'observe à M. Robin que sa proposition n'est pas un amendement.

Un membre: Je demande la parole pour un autre amendement.

Un membre: Quelque assurance que M. Basire ait mise dans sa dénonciation, il n'a pas osé... (Le tumulte l'empêche de parler.)

M. Basire jeune. J'ai déposé une lettre sur le bureau; j'ai attesté à l'Assemblée que cette lettre était écrite par M. Varnier; qu'elle était signée par lui. Ce n'est plus à vous à prononcer si la lettre est, ou non, de M. Varnier. C'est à la justice à déclarer si je suis un calomniateur ou un vrai dénonciateur. J'attends, en me dépouillant de mon caractère actuel de député, tout ce que les tribunaux peuvent prononcer sur l'acte que je fais. (Applaudissements.) Enfin, Messieurs, puisqu'il faut fermer toutes les bouches qui demandent sans cesse la question préalable lorsqu'il s'agit d'arrêter des complots contre la patrie, j'affirme que la lettre est de M. Varnier. (Vifs applaudissements.)

Un grand nombre de membres: Aux voix le décret d'accusation!

M. Basire jeune. Je demande une seconde lecture de la lettre.

Un de MM. les secrétaires fait une seconde lecture de la lettre de M. Varnier.

Un grand nombre de membres: Aux voix! aux voix !

(L'Assemblée, à l'unanimité, décrète qu'il y a lieu à accusation.)

M. le Président. Un membre demande la parole pour faire comprendre, dans le décret, un second individu.

M. Navier. Vous avez jugé à propos de rendre un décret d'accusation contre l'individu qui signé cette lettre; il me paraît juste de le rendre aussi contre celui qui l'a reçue. (Murmures prolongés.) En décrétant que le signataire de la lettre doit être mis en état d'accusation autant de

preuves sont acquises contre celui à qui elle est adressée. Cette lettre annonce, en effet, que celui à qui elle est adressée a déjà fait passer des employés hors des frontières. M. Basire connaît cet homme. Je demande qu'il le nomme et je crois qu'il ne refusera pas de le faire.

M. Delacroix. Pourquoi donc cela?

Plusieurs membres : Non! non! c'est inutile! L'ordre du jour!

M. Basire jeune. Lorsque j'ai demandé le dé cret d'accusation contre M. Varnier, j'offrais à l'Assemblée une pièce de conviction, une lettre signée de lui. Son correspondant m'est parfaitement connu (Ah! ah!), mais comme je ne pourrais pas prouver sa culpabilité d'une manière aussi forte et aussi péremptoire, je demande que le décret d'accusation ne porte que sur M. Var

nier.

M. Couthon, secrétaire. Voici la rédaction du décret d'accusation :

"

L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture d'une lettre signée Varnier, ci-devant receveur général des fermes à Toulouse, datée de Paris du 30 octobre 1791.

Décrète qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Varnier, logé à l'hôtel de Louis-le-Grand, rue Grenelle-Saint-Honoré, prévenu d'attentat contre la sûreté générale et de complot contre la Constitution.

« Décrète, en conséquence, que le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus prompts pour que ledit Varnier soit arrêté et conduit dans les prisons du lieu le plus prochain de celui où il sera saisi, pour y être détenu jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statué, conformément à la Constitution, sur la convocation de la haute cour nationale.

Un membre: Le décret doit porter aussi sur tous les Français rassemblés sur les frontières. Un autre membre: Je demande que le décret d'accusation porte généralement sur les complices de M. Varnier.

M. Pastoret. J'appuie la rédaction lue par M. Couthon.

Plusieurs membres : La question préalable sur les amendements!

(L'Assemblée, consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.)

M. Dumolard. J'observe que ce n'est pas tant la preuve matérielle du délit que l'affirmation de M. Basire qui a déterminé le décret. Je demande qu'il en soit fait mention dans le considérant du décret.

Voix diverses: Non! non! La question préalable! A l'ordre! Monsieur Dumolard!

(L'Assemblée, consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Dumolard.) Plusieurs membres Aux voix! aux voix ! la rédaction de M. Couthon!

M. le Président. Il m'est impossible de recueillir les suffrages lorsque plus de cinquante membres parlent à la fois.

M. Blanchon. Et quand vous causez avec vos voisins.....

M. Pastoret. Pour la dignité de l'Assemblée, je demande que M. Blanchon soit rappelé à l'ordre et que son nom soit inscrit dans le procès-ver

bal.

Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Pastoret!

(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable.)

M. Garran-de-Coulon. Je pense que cette expression est échappée très légèrement. Au milieu des grandes occupations de l'Assemblée, il est étonnant qu'elle prenne un semblable objet en considération. Je demande que l'on ne rappelle point nominativement M. Blanchon à l'ordre.

Un membre: Je demande à déclarer que la signature annoncée dans le décret pour être celle de M. Varnier, ci-devant receveur général des fermes, demeurant à Toulouse, n'est point celle de M. Varnier.

M. Couthon, secrétaire. Je n'ai mis cette qualification que parce qu'un membre est venu me le dire au bureau, j'ai cru devoir l'ajouter.

M. Basire jeune. Je n'ai point énoncé cette qualification. J'ai dit que la lettre était de M. Varnier, ci-devant receveur général, à Paris. C'est enfin celui dont j'ai donné l'adresse à l'hôtel de Louis-le-Grand, rue Grenelle-Saint-Honoré, celui chez qui on est déjà allé en exécution de votre premier décret, qui était hier résidant à Paris. Je propose que l'on ne le désigne dans le décret que par sa demeure.

(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Basire.)

Un membre: Je demande que le sieur Tardy soit mis en état d'accusation.

Un membre: Je demande que les scellés soient apposés sur les papiers des sieurs Varnier et Tardi.

Plusieurs membres : La question préalable sur les amendements!

(L'Assemblée rejette les amendements par la question préalable et adopte le projet de décret.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture d'une lettre signée Varnier, datée de Paris du 30 octobre 1791,

« Décrète qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Varnier, logé à l'hôtel de Louis-le-Grand, rue Grenelle-Saint-Honoré, prévenu d'attentat contre la sûreté générale et de complot contre la Constitution;

Décrète, en conséquence, que le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus prompts pour que ledit Varnier soit arrêté et conduit dans les prisons du lieu le plus prochain de celui où il sera saisi, pour y être détenu jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statué, conformément à la Constitution, sur la convocation de la haute cour nationale. »

(A peine ce décret est-il rendu qu'un mouvement se produit dans l'Assemblée. Plusieurs membres entrent dans la salle et annoncent que M. Varnier est arrêté. Quelque agitation suit.)

M. le Président. J'annonce à l'Assemblée que M. Varnier est arrêté. Veut-elle qu'il soit introduit à la barre?

Un membre: Depuis que M. Varnier est en état d'accusation, il ne peut plus être entendu par l'Assemblée nationale. Il faut que le décret reçoive

son exécution.

M. Delacroix. Je demande à faire une observation. Vous avez décrété, au commencement de la séance, que M. Varnier serait entendu à la barre. Il n'a point été trouvé. Depuis, il a été mis en état d'accusation. Je pense que ce décret ne détruit pas l'autre. Je propose de ne recevoir M. Varnier

à la barre qu'autant qu'il demandera lui-même à y être admis.

M. Cambon. J'observe que la Constitution porte que l'Assemblée pourra entendre des témoins pour recevoir de nouveaux éclaircissements. Je conclus à ce que M. Varnier soit entendu, ne fût-ce que pour acquérir des renseignements qui mettront l'Assemblée à même de porter d'autres décrets d'accusation s'il y a lieu.

Un membre: J'appuie la proposition de M. Cambon par un autre motif. Je prétends que le dernier décret n'empêche l'exécution du premier qu'autant que le dernier sera exécuté lui-même.

Un membre: Vous n'êtes pas des juges. L'accusé doit être traduit au tribunal. Je demande donc la question préalable sur la motion de M. Dela

croix.

(L'Assemblée, consultée, décide qu'il y a lieu à délibérer, et décrète que M. Varnier sera entendu.)

M. le Président. Il est nécessaire que vous fixiez de quelle manière M. Varnier sera entendu : sera-t-il entendu sur l'objet de la lettre dénoncée ? ou sera-t-il interrogé ?

Un membre, ironiquement: Oui! délibérez pendant quatre heures maintenant. (Murmures.)

M. Couthon. L'acte constitutionnel, dans l'article relatif à la haute cour nationale, a eu grand soin de dire que vous ne pouvez entendre la personne dénoncée qu'avant d'avoir porté le décret d'accusation. Et pourquoi ? Parce qu'une fois le décret d'accusation rendu, l'homme appartient à la justice. (Murmures prolongés et quelques applaudissements.)

Plusieurs membres : Mais vous parlez contre un décret rendu!

M. Couthon. Je demande pardon à l'Assemblée si je m'élève contre le décret qu'elle vient de rendre, mais j'ai juré de maintenir la Constitution et je remplirai mon serment. Je m'élève contre le mot d'interrogation. (Murmures prolongés.)

Un membre: Il est bien étonnant que les personnes qui ont été les plus empressées à faire rendre le décret d'accusation ne veuillent pas maintenant entendre M. Varnier. (Nouveaux murmures.)

M. Navier. Je crois qu'il est aisé de nous mettre tous d'accord. Il est incontestable que nous venons de remplir les fonctions de jurés d'accusation, et que ces fonctions sont absolument terminées. Nous ne pouvons donc plus entendre l'accusé comme jurés; nous ne pouvons pas l'interroger. Si cet homme demande à être entendu, entendez-le, mais ne l'interrogez pas. De cette manière vous ne blesserez pas la Constitution.

Un membre: Je soutiens l'opinion contraire, au nom de l'intérêt public, et je dis que nous avons le droit d'interroger M. Varnier. L'Assemblée a bien rendu un décret d'accusation, mais il est faux qu'il puisse être exécuté et avoir aucun effet quelconque avant qu'il soit revêtu de toutes les formes, c'est-à-dire, avant qu'il soit signé et expédié. Si vous accusez, si vous arrêtez un citoyen sans l'entendre lorsqu'il demande à être entendu, vous attentez à la liberté individuelle.

Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)

Plusieurs membres proposent de suspendre le

décret d'accusation et demandent l'exécution du premier décret.

D'autres membres : La question préalable!

M. le Président. On demande que le décret d'accusation soit suspendu, et que le premier soit exécuté.

M. Delacroix. L'Assemblée ne doit pas se mettre en contradiction avec elle-même. Elle a décrété que M. Varnier serait entendu; puis elle a rendu le décret d'accusation, enfin elle a encore jugé, décrété qu'il serait entendu. Donc elle par cela même, que le décret d'accusation et l'audition de l'accusé n'étaient pas incompatibles. La discussion ne s'est ouverte que sur la manière dont il serait entendu. L'Assemblée ne doit donc s'occuper que de ce mode.

M. Basire jeune. J'ai une observation à faire à la société..... (Rires.) Je réclame de l'Assemblée la permission d'être entendu un seul instant; je ne serai pas long. Il est indispensable d'entendre M. Varnier; il est indispensable encore, avant de l'entendre, de suspendre le décret d'accusation.

:

Je m'explique il peut y avoir erreur dans l'arrestation qui a été faite. Je sais même que celui qu'on amène est fort jeune, et qu'il est probable qu'il n'est pas employé dans les fermes, tandis que celui dont il s'agit est certainement un employé dans les fermes. (Murmures.)

M. le Président. Il s'agit du salut de la patrie, du salut d'un individu. Je demande le silence.

M. Basire jeune. Je sais bien que j'ai fait moimême le dépôt de cette lettre, et qu'il faudra que je prouve dans les tribunaux d'où la lettre me vient; mais il peut y avoir équivoque dans l'arrestation, à cause du grand nombre de personnes qui portent le nom de Varnier. (Murmures.)

Je demande que vous m'entendiez dans une affaire où je suis intéressé. Il est incontestable que le décret d'accusation n'a été rendu que parce que le citoyen qui avait été mandé à la barre, ne s'y est pas trouvé; que l'on avait présumé qu'il s'était évadé et que l'on a regardé cela comme une preuve nouvelle contre lui. Il est certain que s'il eût été admis auparavant, le décret d'accusation eût pu n'être pas rendu.

Il y a encore une considération puissante en faveur du rapport du décret : il est certain que s'il est admis à la barre sans que vous ayez rapporté le décret d'accusation, cette circonstance est effrayante pour lui. Il faut mettre un homme que l'on entend dans le calme, pour qu'il puisse s'expliquer. Il faut qu'il soit en possession de tout son sang-froid et de toute sa fermeté.

Je répète qu'il est possible qu'il y ait eu une équivoque de nom; mais il ne peut y avoir d'équivoque sur l'existence... (Le bruit couvre la voix de l'orateur.)

Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.) Plusieurs membres: La question préalable sur la suspension du décret d'accusation. (L'Assemblée rejette la question préalable et décrète que le décret d'accusation est suspendu et que M. Varnier sera entendu sur-le-champ.) Un membre: Je demande que M. le Président interroge, puisque le décret est suspendu.

M. Tarbé. Je crois que l'Assemblée ne devrait éprouver d'embarras sur la marche qu'elle a à tenir à présent, que si elle avait la conviction

que le citoyen arrêté est le véritable coupable; mais rien, Messieurs, jusqu'à présent ne l'annonce. M. Basire pense même qu'il y a erreur de personne à cause de la conformité de nom. Il faut donc avant de lui parler de la lettre, lui demander son nom, son état, son adresse.

Un membre: Rapportons-nous-en à M. le Président pour la manière dont les interrogations seront faites.

M. le Président. On fait la motion de s'en rapporter à moi pour les interrogations qui devront lui être faites. Je mets cette motion aux voix.

(L'Assemblée adopte cette proposition.)

M. Lacretelle. Je prie M. le Président de recommander le silence à l'Assemblée.

M. Varnier est introduit à la barre.
M. le Président. D'où êtes-vous?
M. Varnier. Je suis de Saint-Dizier, en Cham-
pagne.

M. le Président. Y a-t-il longtemps que vous êtes à Paris ?

M. Varnier. Il y a six mois, j'y suis du 14 mai.
M. le Président. Où résidez-vous ?

M. Varnier. Dans Paris, à présent, Monsieur, à l'hôtel du Grand-Louis, rue de Grenelle-SaintHonoré!

M. le Président. Votre nom?

M. Varnier. Claude Varnier.

M. le Président. Comment écrivez-vous votre nom?

M. Varnier. V.A.R.N.I.E.R.
M. le Président. Votre état ?

M. Varnier. J'étais receveur principal des traites à Auxonne.

M. le Président. Quel est votre état à Paris? M. Varnier. Je n'en ai aucun, Monsieur. J'étais venu à Paris y solliciter mon remplacement auprès de l'administration des douanes nationales.

M. le Président. Connaissez-vous M. Tardy?
M. Varnier. Non, Monsieur.

M. le Président, s'adressant à M. Basire. Voudriez-vous vous approcher un moment du bu

reau?

M. Basire se place à côté de M. le Président. M. le Président, s'adressant à M. Varnier. Connaissez-vous M. Noireau, de Pontailler?

M. Varnier. Oui, Monsieur, je connais M. Noireau, je suis même lié avec lui. Il demeure à Auxonne. Il était receveur des gabelles, et entreposeur de tabac.

M. le Président. Reconnaissez-vous que la lettre qui vous est présentée et que la signature qui est au bas est également la vôtre?

Plusieurs membres: Monsieur le président, faites écrire et signer auparavant.

(M. Varnier se met en devoir d'écrire debout à la barre, ayant pour point d'appui un livre.)

Un membre: Il faut qu'il écrive à son aise, il y a une table près la porte de la barre, il faut la transporter.

(Les huissiers exécutent cet ordre et M. Varnier écrit et signe. Cette pièce est remise sur le bureau.)

M. Hilaire. Je demande que l'on fasse écrire

une seconde fois, Monsieur, et qu'on lui donne une autre plume.

M. Delacroix. Je demande qu'on laisse à la sagesse et à la prudence de M. le Président de prendre toutes les mesures et les précautions qu'il croira convenables.

M. le Président. Avez-vous sur vous de votre écriture?

M. Varnier. Je ne crois pas, mais, en sortant de mon hôtel, j'ai donné la clef de ma chambre à l'officier de garde, qui l'a.

M. le Président. Avez-vous de votre écriture dans votre chambre?

M. Varnier. Oui, Monsieur.

M. le Président. Etes-vous seul de votre nom dans l'hôtel ?

M. Varnier. Je crois que oui, Monsieur.

M. le Président. Voulez-vous bien écrire? M. Varnier. Mon écriture sera très tremblée, car je ne suis pas bien tranquille.

(Le sieur Varnier écrit et le papier est porté au bureau.)

M. le Président. Avant d'écrire de nouveau, je vous demande si vous écrivez d'une autre écriture plus fine ou plus grosse?

M. Varnier. J'écris à main tremblée. M. le Président. Vous ne répondez pas à ma question; écrivez-vous d'une écriture plus fine? M. Varnier. Oui, Monsieur.

M. le Président. Eh bien, écrivez d'une écriture plus fine.

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Plusieurs membres : Sa signature!

M. le Président. Ecrivez les mois d'octobre et septembre en abrégé. (M. Varnier écrit.) Signez encore. (M. Varnier signe.)

M. le Président. A quoi vous occupez-vous dans Paris?

M. Varnier. Ayant, pendant la Révolution, perdu mon état, j'étais venu à Paris pour solliciter mon remplacement; je viens de l'obtenir. L'administration des douanes nationales vient de me nommer à la recette principale de Cordon. Je suis sur mon départ.

M. le Président. Il y a six mois que vous êtes dans Paris?

M. Varnier. Oui, Monsieur.

M. le Président. N'y faites-vous rien?

M. Varnier. J'y suis venu solliciter mon état que je viens d'obtenir. J'ai été nommé dans cette semaine à la recette principale de Cordon par l'administration des douanes.

M. le Président. Quelles personnes connaissez-vous à Paris?

M. Varnier. Je connais M. Alotel.

M. le Président. Où demeure-t-il?

M. Varnier. Hôtel de Châtillon, passage de Valois.

M. le Président. Je demande quelles personnes vous connaissez à Paris?

M. Varnier. M. Alotel.

M. le Président. Quel est-il?

M. Varnier. Un ancien employé de la Régie générale.

M. le Président. Son état?

M. Varnier. Il a perdu son état à la Révolution.

M. le Président. Ne connaissez-vous point quelques autres personnes ?

M. Varnier. Pardonnez-moi, Monsieur, je connais M. Rollin.

M. le Président. Sa demeure?
M. Varnier. Rue du Hasard.

M. le Président. Avez-vous des arents de votre nom?

M. Varnier. Oui.

M. le Président. En avez-vous à Paris!

M. Varnier. Je n'en ai pas à Paris.
M. le Président. En avez-vous ailleurs?
M. Varnier. Oui, Monsieur.

M. le Président. Quels sont vos parents?
M. Varnier. Mon père est procureur du roi
aux eaux et forêts de Saint-Dizier. (Murmures.)
M. le Président. Avez-vous des frères?
M. Varnier. Oui, j'en ai.

M. le Président. Combien avez-vous de frères? M. Varnier. Un seul.

M. le Président. Où est-il?

M. Varnier. Attaché à la douane nationale à Colmar.

M. le Président. Votre âge?

M. Varnier. Trente ans.

M. le Président. Que fait votre frère?

M. Varnier. Mon frère est attaché aux douanes nationales.

M. le Président. Avez-vous des connaissances, des parents à Dijon, ou y connaissez-vous quelques personnes?

M. Varnier. Oui, Monsieur, j'en connais.

M. le Président. Y avez-vous des parents d'abord?

M. Varnier. Non, Monsieur; appelé, par mon état, j'y ai demeuré pendant 12 ans; j'y ai été receveur principal pendant deux ans; de là je fus envoyé receveur des traites à Auxonne.

M. le Président. Reconnaissez-vous cette lettre pour être de votre écriture, ainsi que la signature?

M. Varnier. Non, Monsieur.

M. le Président. Voyez la signature.

M. Varnier. La signature n'est pas la mienne. M. le Président. Ne connaissez-vous point cette écriture de quelque manière pour être de vos parents?

M. Varnier. Je ne la connais point du tout.
M. le Président. Vous ne la connaissez point?
M. Varnier. Non, Monsieur.

M. le Président. De vos parents, de vos amis?

M. Varnier. Il paraît que l'on a voulu faire la mienne.

M. le Président. Voulez-vous la revoir encore?

M. Varnier. Je n'en ai pas besoin; elle n'est

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