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[Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 novembre 1791.]

confiance, prix de son salaire, et que le receveur ne peut point recevoir.

Je proposerais donc de décréter la fabrication de 100 millions en assignats de 10 sous; 100 millions en assignats de 50 sous; 300 millions en assignats de 10 livres; 300 millions en assignats de 25 livres; par ce moyen, la somme qui se trouverait en circulation le premier janvier 1793, serait composée de 100 millions de 10 sous, 100 millions de 50 sous, 500 millions de 5 livres, 300 millions de 10 livres, 300 millions de 25 livres, et 200 millions de 50 livres; ceux de plus forte somme, qui sont actuellement en circulation, seraient annulés et remplacés à fur et mesure de la fabrication.

Peut-être s'écriera-t-on de la proposition que je fais de fabriquer des assignats de 10 et 25 livres; mais cette mesure me paraît réunir plusieurs avantages; elle permet d'abord l'établissement de 4 nouvelles fabriques, puisque la fabrication décrétée comprendrait 4 sortes de valeurs; elle procurerait plutôt l'anéantissement des assignats de plus forte somme : enfin, si cette division est jugée insuffisante, on pourra encore la subdiviser, et peut-être est-il prudent de renouveler souvent la nature et la forme des assignats. Mon projet de décret est le résultat des vues que je viens de développer:

PROJET DE DÉCRET.

L'Assemblée nationale, voulant se procurer une connaissance exacte des besoins et des ressources de l'Etat, afin d'établir un ordre immuable dans les finances; considérant que la somme d'assignats, actuellement en circulation, excède celle qui avait été fixée par le décret du 29 septembre 1790; que les 600 millions affectés par le décret du 7 novembre 1790, au remboursement de la dette exigible, y ont été employés;

Qu'il est de son devoir, d'après les décrets des 30 octobre et 7 novembre 1790, d'établir un ordre dans les remboursements; qu'il est d'ailleurs urgent de pourvoir aux besoins du Trésor public, décrète ce qui suit:

« Art. 1er Les directoires de district enverront, d'ici au 15 janvier prochain, aux directoires de département, un état qui comprendra :

"10 L'estimation et le produit des biens nationaux qui seront vendus à l'époque du 1er janvier prochain;

«2° La désignation et l'estimation des biens nationaux qui resteront invendus à la même époque;

« 3° La désignation et l'estimation des biens nationaux dont la vente est suspendue ou réservée;

« 4° L'état des sommes qui auront été reçues, ou qui resteront à recouvrer à l'époque du 1er janvier prochain.

« Art. 2. Les directoires de district pourront nommer une ou plusieurs personnes pour se procurer les renseignements nécessaires, pour dresser les états qui leur sont demandés; ils sont autorisés à dépenser jusqu'à 400 livres desquelles ils rendront compte aux directoires de département, et qui seront acquittées par le receveur du district, sur l'arrêté du département, qui sera reçu pour comptant par le trésorier dé la caisse de l'extraordinaire.

« Art. 3. Les directoires de département enverront, le 15 janvier prochain, un ou plusieurs commissaires auprès des directoires de district qui seraient en retard; lesquels seront autorisés

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à prendre tel nombre de commis qu'ils jugeront
convenable, afin de terminer et d'envoyer dans
un mois, du jour de leur nomination et au plus
tard le 15 février prochain, aux directoires de
département, les états qui sont demandés.

Art. 4. Les dépenses et indemnités qui seront
allouées aux commissaires et à leurs commis,
par les directoires de département, seront sup-
portées et payées par les administrateurs et
procureur-syndic en retard.

"Art. 5. Les directoires de département enverront au plus tard, d'ici au 1er mars prochain, aux commissaires du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire, les états qu'ils auront reçus des directoires de district ou des commissaires qu'ils auront nommés, après néanmoins qu'ils les auront vérifiés; ils y joindront leurs avis et observations.

« Art. 6. Le commissaire du roi enverra, le 10 mars prochain, un ou plusieurs commis auprès des directoires de département, en retard; ils seront autorisés à prendre tel nombre de personnes qui leur seront nécessaires, afin de se procurer et porter dans un mois, et au plus tard le 10 avril prochain, au commissaire du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire, les états qui sont demandés.

« Art. 7. Les dépenses et traitements des commis et des personnes qu'ils emploieront, seront supportés et payés par les administrateurs et procureur général syndic en retard.

« Art. 8. Tous greffiers et dépositaires de titres relatifs aux biens nationaux, seront tenus de les remettre à la première réquisition, et sur le chargement des personnes nommées ou choisies pour dresser lesdits états; faute d'y satisfaire, le juge de paix du canton décernera contre eux la contrainte par corps.

"

Art. 9. Il sera donné des ordres par le pouvoir exécutif aux préposés tant à l'administration des droits d'enregistrement qu'à l'administration forestière, afin qu'ils fournissent tous les renseignements qui pourront faciliter les opérations des directoires de district, commissaires ou commis, et qu'ils coopèrent de tout leur pouvoir à l'exécution du présent décret.

«Art. 10. Le commissaire du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire présentera à l'Assemblée, le 15 avril prochain, sous peine de responsabilité et de destitution de sa place, un état général divisé par districts et départements, lequel comprendra :

«1°L'estimation et le produit des biens nationaux qui auront été vendus à la date du 1er janvier prochain;

« 2o La désignation et l'estimation des biens nationaux qui seront invendus à la même époque;

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3° La désignation et l'estimation des biens nationaux dont la vente est suspendue ou réservée; 4° Les sommes qui auront été reçues ou qui resteront à recouvrer à l'époque du 1er janvier 1792.

Art. 11. Le ministre des contributions publiques présentera, sous quinzaine, à l'Assemblée, l'état expositif et le montant de toutes les recettes arriérées, avec l'indication des départements, la nature des impôts non perçus jusques et compris l'année 1790.

"

Il y joindra le produit des contributions et revenus publics affectés à l'année 1791, et le montant des sommes qui resteront à rentrer, avec les motifs de leur retard.

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"Art. 12. Les commissaires de la Trésorerie nationale présenteront, sous quinzaine, à l'Assemblée, la liste des reprises du Trésor national sur les débiteurs arriérés ou à échoir, laquelle contiendra le nom des débiteurs, le montant et les motifs de leur dette, les causes du retard de payement, et des annotations sur leur valeur.

Art. 13. Les commissaires du roi, formant le bureau de comptabilité, présenteront, sous quinzaine, à l'Assemblée, leurs vues sur les moyens à prendre pour accélérer la reddition et l'apurement des comptes arriérés.

Art. 14. Le comité de la Trésorerie nationale fera incessamment son rapport sur les créances arriérées et les reprises à exercer par le Trésor national; il proposera un projet de décret pour en procurer la rentrée.

«Art. 15. Les commissaires de la Trésorerie nationale présenteront, sous quinzaine, à l'Assemblée, l'état de la dette publique qu'ils ont dù dresser conformément à l'article 8 du décret du 8 août dernier.

Art 16. Le commissaire-liquidateur présentera aussi, d'ici au 15 décembre prochain, l'état de la dette qui a été liquidée, et des demandes qui lui ont été faites en exécution du décret du 17 juillet 1790, ainsi que des titres qui lui ont été présentés à l'appui des dites demandes.

« Art. 17. L'état de la dette arriérée, dont la liquidation avait été ordonnée par le décret du 17 juillet 1790, sera clôturé le 15 décembre prochain, et les créanciers qui ne se seront pas présentés dans les délais prescrits, ou avant le 15 décembre, seront déchus de toute répétition envers le Trésor public, conformément à l'article 7 dudit décret.

Art. 18. Les propriétaires des offices, charges et emplois supprimés, ensemble les propriétaires des dimes inféodées, des droits féodaux, et généralement tous les créanciers dont les titres sont déclarés faire partie de la dette exigible, présenteront leurs titres au commissaire-liquidateur; savoir:

"

1° Ceux qui habitent en Europe, d'ici au premier mars prochain;

"2 Ceux qui habitent dans les colonies, en deçà du cap de Bonne-Espérance, d'ici au premier mars 1793;

3° Ceux qui habitent au delà du cap de BonneEspérance, d'ici au premier mars 1795.

Art. 19. Ceux qui ne se seront pas présentés dans les délais prescrits par l'article précédent, ne pourront faire liquider leurs créances, que d'après un décret du Corps législatif, auquel ils s'adresseront par voie de pétition, laquelle sera lue dans l'Assemblée nationale.

«Art. 20. Les créances qui seront liquidées d'après les dispositions de l'article ci-dessus, ne pourront être comprises dans l'état de la dette déclarée exigible; mais elles seront portées dans l'état de la dette constituée, et il leur sera alloué un intérêt annuel, fixé à 3 0/0.

Art. 21. Les propriétaires d'offices comptables sont soumis aux dispositions des articles ci-dessus; mais il ne pourra leur être délivré aucune reconnaissance de liquidation, qu'après qu'ils auront justifié de l'acquit et apurement définitifs de leurs comptes.

« Art. 22. Les villes et communes enverront, d'ici au premier mars prochain, au commissaireliquidateur, l'état de situation de leurs créances et de leurs ressources faute par elles d'y satisfaire, elles seront déchues de l'avantage qui leur est promis par le décret du 5 août dernier, les

maires et officiers municipaux demeurant responsables du dommage qu'ils auront occasionné.

"Art. 23. Le commissaire-liquidateur est spécialement chargé d'accélérer le travail qui lui est confié, afin qu'il soit terminé d'ici au 15 mars prochain; et le comité de liquidation fera chaque semaine le rapport des créances qui auront été liquidées.

Art. 24. Le commissaire-liquidateur présentera, le premier avril prochain, à l'Assemblée, sous peine de responsabilité, un état des titres qui auront été liquidés ou présentés, afin de constater, d'une manière positive et immuable, le montant de la dette de l'Etat déclarée exigible.

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Il y joindra l'aperçu des états de situation des villes et communês qu'il aura reçus.

«Art. 25. Le remboursement des titres liquidés continuera de se faire en reconnaissance de liquidation; mais il ne pourra plus être expédié des reconnaissances provisoires pour les titres non liquidés.

«Art. 26. Les reconnaissances de liquidation comprendront le montant du capital du titre liquidé et de l'intérêt alloué par les précédents décrets, lequel commencera du jour de la présentation du titre, jusqu'au jour que la reconnaissance sera expédiée.

«Art 27. Les reconnaissances de liquidation ne porteront aucun intérêt; elles ne seront point reçues dans le payement des biens nationaux, mais elles seront payables à vue à la caisse de l'extraordinaire.

« Art. 28. Le payement des reconnaissances de liquidation se fera à la caisse de l'extraordinaire, en rescriptions au porteur, dont le terme sera fixé au 1er janvier 1793; lesquelles seront remboursées d'après le mode et l'ordre qui seront établis par l'Assemblée, lorsque le montant de la dette exigible sera connu; elles seront divisées suivant le désir des porteurs, mais elles ne pourront être au-dessous de 1,000 livres.

« Art. 29. Il sera expédié au porteur des reconnaissances, un coupon d'intérêt à raison de 4 0/0 l'an, du jour de sa présentation à la caisse de l'extraordinaire, jusqu'au terme fixé pour les rescriptions; lequel sera payable le 1er janvier 1793 à la caisse de la Trésorerie nationale, et dont le montant sera compris dans les dépenses ordinaires.

Art. 30. Les rescriptions au porteur seront admises au payement du rachat des mouvances féodales, tant du domaine de la Couronne que de celui du clergé et des rentes dues au domaine; l'Assemblée se réservant de statuer, le 1er mai prochain, si elles seront reçues au payement des

autres biens nationaux.

« Art. 31. Seront cependant admis les créanciers de l'Etat qui auront reçu des rescriptions en remboursement de leurs offices, etc., à les affecter au payement des annuités, échéant dans l'année 1792, pour les biens nationaux qu'ils auront acquis avant le présent décret.

Art. 32. Sont exceptées des dispositions contenues dans l'article 28, les créances dont le capital ne se montera pas à 1,000 livres, ainsi que les brevets des maîtrises et jurandes, les offices des perruquiers à quelque somme qu'ils puissent monter; lesquels objets continueront d'être remboursés dans la forme et de la même manière actuellement usitées.

Art. 33. Sont aussi exceptées des dispositions contenues en l'article 28, les créances provenant de l'arriéré des différents départements de l'année 1790, pour fournitures faites par des ou

vriers; lesquelles seront payées par les commissaires de la Trésorerie nationale, qui en dresseront chaque mois un état; lequel, appuyé des pièces justificatives, sera présenté au commissaire de la caisse de l'extraordinaire, qui en remboursera le montant.

Art. 34. Le remboursement des capitaux de la dette exigible à terme fixe, se fera à la caisse de l'extraordinaire, ainsi et de la même manière qu'il est déterminé par les articles 28, 29 et 30 pour le remboursement des reconnaissances de liquidation.

Art. 35. Le commissaire du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire, présentera å l'Assemblée, le 1er avril prochain, l'état des sommes qu'il aura payées, celui des rescriptions et des coupons d'intérêt qu'il aura délivrés.

"Art. 36. La somme d'assignats en circulation, qui se monte à 1,400 millions de livres, sera portée à 1,500 millions de livres à fur et mesure des besoins du Trésor public.

Art 37. Les assignats provenant de l'augmentation ci-dessus, et ceux qui seront mis en émission en remplacement de ceux qui seront brûlés, seront employés :

"

1o Au payement des créances dont le remboursement doit être continué suivant les articles 32 et 33;

"

2° Au payement des secours qui ont été ou qui pourront être accordés aux villes et aux hôpitaux;

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36 Au payement du seizième accordé aux municipalités sur la vente des biens nationaux.

"Art 38. Ils pourront être aussi employés au payement des besoins extraordinaires et au supplément des impôts, dont l'avance sera faite par la Trésorerie nationale, qui en sera remboursée par la caisse de l'extraordinaire, d'après un décret du Corps législatif.

«Art. 39. Il sera procédé de suite à la fabrication et impression du papier nécessaire pour 100 millions de livres en assignats de 10 sous, 100 millions de livres en assignats de 50 sous, 300 millions de livres en assignats de 10 livres et 300 millions en assignats de 25 livres, lesquels ne pourront être mis en circulation qu'en échange ou remplacement des assignats actuellement en émission, et d'après le mode qui en sera déterminé. (Applaudissements.)

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Plusieurs membres : L'impression du discours et du projet de décret!

Quelques membres : La division de la motion! D'autres membres : La question préalable sur la division!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la division et ordonne l'impression du discours et du projet de décret de M. Cambon.) M. le Président. Voici une lettre du roi, contresignée par M. de Bertrand, ministre de la marine; on va vous en donner lecture.

M. Isnard, secrétaire. Lettre du ministre de la marine :

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Lettre du roi au Président de l'Assemblée nationale (1).

Paris, ce 24 novembre 1791.

« Je suis informé, Monsieur le Président, que l'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique sur la proposition contenue dans la lettre du ministre de la marine, en date du 31 octobre dernier, concernant les demandes du dey d'Alger, et les sommes à voter pour l'armement ordonné à Toulon, a décrété, le 15 de ce mois, qu'il n'y avait lieu à délibérer, quant à présent, sur cette proposition, attendu qu'elle n'était pas dans la forme constitutionnelle.

« Je vous ai déjà marqué, relativement aux fonds extraordinaires destinés à la dépense qu'exigent les armements qui doivent porter des secours à Saint-Domingue, que la Constitution ne prescrivait pas une forme différente de celle que le ministre de la marine avait suivie, en faisant, par mon ordre, la demande de ces fonds sous sa responsabilité; mais puisque la même difficulté se renouvelle aujourd'hui à l'occasion de l'armement de prévoyance sollicité par le commerce de Marseille, l'obligation que j'ai contractée d'employer tout le pouvoir qui m'est confié à maintenir la Constitution, m'impose le devoir d'en rappeler ici les principes.

«En déterminant de la manière la plus précise les différentes relations du roi avec le Corps législatif, la Constitution a essentiellement attaché à la prérogative royale le droit de proposer des lois sur certains objets, et celui d'inviter le Corps législatif à en prendre d'autres en considération. L'acte par lequel le roi juge à propos d'exercer l'un ou l'autre de ces droits, étant toujours un acte purement royal, de la même nature que la sanction, n'exige, comme elle, le contre-seing d'un ministre que pour attester la signature du roi, et n'emporte aucune responsablité; au lieu que les demandes de fonds pour les dépenses ordinaires ou extraordinaires du gouvernement, étant évidemment des actes purement exécutifs, doivent toujours émaner directement des ministres du roi, pour avoir la garantie de leur responsabilité.

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Tel est l'esprit et le système général de la Constitution; les dispositions suivantes en ont posé les bases:

«Le roi peut seulement inviter le Corps législatif à prendre un objet en considération. (Chapitre III, section Ire, article 1er.) J'userai de cette faculté toutes les fois que la gloire, le bonheur ou les intérêts de la nation l'exigeront.

« Le paragraphe 8 du même article délégue au Corps législatif le droit de statuer annuellement, après la proposition du roi, sur le nombre d'hommes et de vaisseaux dont les armées de terre et de mer seront composées, sur la solde et le nombre d'individus de chaque grade, etc., etc. Je me conformerai à cet article dans les états généraux que j'adresserai, au commencement de chaque année, au Corps législatif, et dans les propositions particulières de la même nature, que des circonstances extraordinaires pourraient exiger dans le cours de l'année.

« La guerre ne peut être décidée que par un

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, L. 34, n. 17.

décret du Corps législatif, rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et sanctionné par lui. (Chap. III, section Ire, article 2.) J'espère que je ne serai jamais dans le cas d'adresser une semblable proposition au Corps législatif. La paix est trop nécessaire au bonheur de la France pour que je n'emploie pas à la maintenir tous les moyens qui pourront se concilier avec l'hon

neur de la nation.

"La disposition suivante du même article porte que, dans le cas d'hostilités imminentes ou commencées, d'un allié à soutenir, ou d'un droit à conserver par la force des armes, le roi en donnera, sans aucun délai, la notification au Corps législatif, et en fera connaître les motifs. Je me conformerai toujours à cette disposition, avec l'extrême circonspection qu'exige l'intérêt de l'Etat. Ce serait s'en écarter d'une manière bien dangereuse, que de notifier au Corps législatif comme hostilités imminentes de simples doutes sur les dispositions d'une puissance étrangère. Cette notification inconsidérée serait bien plus propre à déterminer une rupture qu'à la prévenir. Il suffit, en pareil cas, de prendre les mesures de prévoyance qu'exige la sûreté extérieure du royaume, et c'est au roi que la Constitution a exclusivement délégué ce soin important. (Chap. II, art. 1or).

«Je m'en suis occupé et m'en occuperai toujours avec la vigilance la plus active et les fonds extraordinaires qu'ont exigés jusqu'à ce moment les différents armements et les mouvements de troupes que j'ai jugés nécessaires, ont toujours été ordonnés sur la simple demande des ministres de la guerre et de la marine, faite par mes ordres, parce qu'au terme de la Constitution, (chap. II, sect. IV, art. 7), c'est sur l'aperçu des dépenses à faire dans leurs départements respectifs que le Corps législatif doit en ordonner les fonds. Cet article ne fait mention que des dépenses ordinaires, mais il est impossible de ne point l'appliquer aux dépenses extraordinaires de la même nature.

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La Constitution ne me prescrivant pas une forme différente relativement à ces dépenses, les a nécessairement rangées dans la même classe, en leur assurant la même responsabilité par l'article 5 de la même section; ce qui ne pourrait pas être, si elles émanaient immédiatement du roi, au lieu d'être faites par ses ministres, qui sont les agents que la Constitution lui a donnés pour tous les actes purement exécutifs.

«L'article 9, section IV, chapitre III, porte que tous les actes de la correspondance du roi avec le Corps législatif, doivent être contresignés par un ministre. Mais ce serait donner à la Constitution l'interprétation la plus contraire aux principes qui en sont la base, que de conclure de cet article qu'aucune des fonctions essentielles confiées au pouvoir exécutif, doivent nécessairement être l'objet de la correspondance personnelle du roi, avec le Corps législatif, parce qu'il en résulterait évidemment, pour toutes les fonctions qui seraient rangées dans cette classe, un défaut entier de responsabilité et une inaction absolue dans la marche de l'administration, toutes les fois qu'il plairait au roi de garder le silence. La Constitution, sans déterminer le cas où la correspondance personnelle du roi avec le Corps législatif serait nécessaire, a voulu seulement que tous les actes de cette correspondance fussent contresignés par un ministre; elle n'a pas été plus loin; je dois m'arrêter avec elle, parce qu'elle interdit formellement à tous les pouvoirs

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(Des murmures se font entendre dans la partie gauche de l'Assemblée.)

M. Carnot-Feuleins le jeune. Je demande l'impression de cette lettre.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

D'autres membres : Le renvoi au comité de législation !

M. Ducos. Il serait très dangereux de passer à l'ordre du jour. Il peut y avoir dans les précédentes décisions de l'Assemblée, ou dans la lettre du roi, de graves erreurs; il faut qu'elles soient éclaircies pour qu'elles n'arrivent plus à l'avenir. Je demande le renvoi au comité de législation et l'impression de la lettre, afin qu'après avoir été bien méditée, l'Assemblée puisse rendre une décision.

M. Crestin. Je demande le rapport à jour fixe. (L'Assemblée décrète le renvoi de la lettre du roi au comité de législation.)

MM. Chabot et Goupilleau. La question préalable sur l'impression!

M. Vergniaud. Je m'oppose à la question préalable.

M. Blanchon. Je demande que la lettre soit imprimée dès aujourd'hui; il faut que tout le monde la connaisse afin de pouvoir la discuter.

M. Couthon. Il ne faut pas répandre dans le public un préjugé défavorable à la confiance que mérite votre décision, avant que l'on connaisse votre réponse. Puisque vous avez décrété le renvoi de la lettre au comité de législation, je crois parfaitement inutile de l'imprimer dès à présent. On imprimera si l'on veut le rapport que le comité de législation vous fera sur cette lettre, et c'est sur ce rapport que vous statuerez. Je demande, en consequence, la question préalable sur l'impression de la lettre, et je me borne au renvoi pur et simple au comité de législation.

M. Delacroix. Dès lors que l'Assemblée nationale a cru nécessaire de renvoyer la lettre du roi à son comité de législation pour en faire un rapport, il faut nécessairement qu'avant ce rapport tous les membres de cette Assemblée soient en état, par un examen réfléchi et particulier qu'ils auront fait des principes contenus dans la lettre du roi, de venir discuter ces mêmes principes, que je regarde dès à présent comme des hérésies constitutionnelles; il faut que l'Assemblée soit à portée de se décider et de discuter, en connaissance de cause, le jour où le rapport sera fait. La lecture rapide qui vient de vous en être faite ne vous a laissé que de légères impressions. Une seconde lecture qui vous serait donnée par le comité de législation, lors de son rapport, serait encore insuffisante. Il faut donc, dans l'intérêt de la discussion, que la lettre soit imprimée et distribuée afin que chaque membre de l'Assemblée soit à même de combattre les principes qui y sont relatés.

MM. Fauchet et Vergniaud demandent la parole contre la question préalable.

Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Gérardin. Je demande que l'impression de

la lettre ne soit décrétée qu'après le rapport du comité.

(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et décrète l'impression de la lettre du roi.)

(M. Chabot et un autre membre se sont levés seuls pour la question préalable.)

M.JChabot. Je demande que les frais d'impression soient supportés par la liste civile. (Cette motion n'a pas de suite.)

M. Isnard, secrétaire. Voici une lettre du sieur Poupart de Beaubourg qui désavoue celle écrite hier en son nom au sujet de l'affaire Varnier; elle est ainsi conçue :

"Monsieur le Président,

« On vient de m'apporter à reconnaître une prétendue lettre écrite par moi à vous, Monsieur le Président, lue à l'Assemblée par un de MM. les secrétaires, insérée dans le Moniteur et dans toutes les feuilles publiques. Cette lettre n'est point du tout celle que j'ai eu l'honneur de vous adresser; elle est tronquée, altérée en tous sens, décomposée entièrement; et je proteste à la facé des nations, contre cette nouvelle trame et sa nombreuse publicité.

« Je réclame, au nom de tout ce qu'il y a de plus sacré, comme citoyen français accusé, mais non condamné, d'être entendu par deux commissaires membres de l'Assemblée; et je vous supplie de lui manifester mon vou. Le mépris est dur et la haine est cruelle dans ses jugements, Monsieur le Président; et comme la vérité ne leur plait qu'autant qu'elle est odieuse, elle devient aussi bien rarement leur partage. Eh quoi! au règne des lumières et de l'humanité, un citoyen désespéré en serait donc réduit, pour venger la loi indignement outragée, à n'avoir plus que la liberté dans le choix des forfaits? Le crime seul a-t-il le privilège de fixer l'attention publique?...

Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Isnard, secrétaire. Voici une lettre du sieur Varnier, qui demande à l'Assemblée la permission de se procurer les papiers publics; cette lettre est ainsi conçue :

"Monsieur le Président,

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« J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il sera brûlé demain 10 millions sur les 40 millions de l'échange de 100 milions d'assignats de 5 livres; ce qui, joint aux 60 millions déjà brûlés, forme la somme de 70 millions. J'ai l'honneur de vous prévenir, en outre, que le brùlement provenant des rentrées sur les domaines nationaux, sera de 7 millions au lieu de 6 que portait ma lettre du 21 de ce mois, ce qui élèvera la totalité du brûlement sur cet objet à 337 millions. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc. « Signé AMElot. »

Lettre des commissaires de la comptabilité qui font demander à l'Assemblée d'être admis pour présenter leurs hommages.

(L'Assemblée décrète qu'ils seront admis dimanche.)

M. Guyton-Morveau. Le comité de la Trésorie nationale, conformément au règlement, a procédé hier au tirage au sort des membres de ce comité qui doivent sortir à la fin du mois. Je propose en conséquence à l'Assemblée d'ordonner qu'on se retirera dans les bureaux pour procéder à l'élection de 6 membres qui doivent compléter ce comité.

Un membre: Je demande l'ajournement de cette motion jusqu'après le rapport des comités des finances sur leur nouvelle organisation.

(L'Assemblée ajourne la motion de GuytonMorveau et décrète cependant que les membres désignés par le sort pour sortir, continueront jusqu'à leur remplacement, de faire partie du comité de la Trésorerie nationale.)

M. Albitte, l'arné. Je demande que l'on fasse lecture d'une adresse des administrateurs du dé

« Les papiers publics m'ont appris que vous avez bien voulu communiquer à l'Assemblée nationale la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire le 19, pour vous prier de me faire in-partement de Loir-et-Cher à l'Assemblée nationale.

terroger. Mes sollicitations étant restées jusqu'à ce jour, sans effet, permettez-moi de vous les renouveler. Le secret où suis toujours gardé me jette dans un désœuvrement que je ne puis plus soutenir. Ne pourrai-je pas espérer, Monsieur le Président, un adoucissement? Le concierge de l'Abbaye refuse de me donner les papiers publics, je les ai déjà demandés plusieurs fois sans avoir pu les obtenir. J'avais aussi sollicité la permission d'écrire à ma mère, ce serait pour moi une grâce infiniment précieuse.

"Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.

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Signé VARNIER. › Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) Un membre: Je demande que ces deux lettres soient portées aux archives.

(L'Assemblée décide le renvoi de ces deux let

M. Chabot. J'appuie la motion de M. Albitte. Un de MM. les secrétaires, fait lecture de cette adresse:

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« Votre décret contre les émigrants vous a couvert de gloire. Nous ne réclamons pas contre le veto apposé par le roi, puisque la Constitution permet à un seul homme de paralyser la volonté de 25 millions d'individus. (Murmures à droite. Applaudissements à gauche et dans les tribunes). Puisqu'il plait au pouvoir exécutif d'attendre que 3 législatures consécutives aient porté leur assentiment à une loi de circonstance, et qui alors n'aura plus d'objet par là même, il se charge de la responsabilité la plus terrible, et il sera coupable si le trouble se perpétue dans quelques parties de l'Empire, par les manœuvres ténébreuses de cette horde errante sur la rive

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