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gislation pour que lundi matin il nous fasse son rapport.

M. Basire jeune. Nous sommes environnés de conspirateurs, partout des trames se préparent et sans cesse ou vous dénonce des faits particuliers qui se lient à la grande conspiration sur l'existence de laquelle aucun de nous ne peut avoir de doutes. Ces faits sont tous isolés, et s'ils étaient réunis, ils formeraient un corps de délit qui jetterait enfin un grand jour sur les intentions de nos enuemis. Vous renvoyez sans cesse au comité de législation tous ces petits faits particuliers, et vous détournez ce comité du but de son institution, qui est le Code civil.

Je demande, moi, l'établissement d'un comité de surveillance, chargé de recueillir tous les faits particuliers de tous les citoyens qui pourraient en découvrir quelques-uns, pour vous faire là-dessus un prompt rapport, et vous éclairer enfin sur une matière de cette importance. (L'Assemblée ferme la discussion générale.) Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Basire.

M. Hua. Le comité de surveillance que l'on vous propose n'est en fait qu'un comité des recherches. Je pense que cette motion mérite d'être examinée et ne doit pas être décrétée si précipitamment. Quant à présent, vous devez vous contenter des comités de législation et diplomatique, et ne revenir à la création d'un comité des recherches qu'à la dernière extrémité. Je demande que vos comités, qui, jusqu'à présent, ne sont pas en retard, contínuent à faire la besogne dont ils sont chargés, et qu'on ajourne à un temps indéterminé le comité de surveillance.

M. Chabot. Par les raisons du préopinant, j'appuie la motion qui vous a été présentée, et je crois qu'il est important d'établir un comité de surveillance. Les mots ne font rien à la chose. Le préopinant vous a dit que ce serait un comité des recherches. Or, selon lui, le comité de législation et le comité diplomatique en font les fonctions donc, il est inutile, dit-il, d'établir un comité de surveillance. Mais je lui demande, puisque dans son esprit les comités de législation et diplomatique ne sont autre chose qu'un comité des recherches, ne faudrait-il pas les détruire, d'après la propre base qu'il a établie ? Ce mot de comité des recherches ne doit pas tant alarmer l'Assemblée nationale puisqu'il existe dans son sein.

Mais j'ajoute, Messieurs, deux raisons bien. péremptoires. La Constitution est confiée principalement au Corps législatif, et le roi semble s'attribuer le maintien et la surveillance de cette Constitution. Vos commettants ne vous demanderaient-ils pas compte de votre négligence à cet égard? Ne vous diraient-ils pas : Pourquoi le roi semble-t-il le seul surveillant de la Constitution? Pourquoi n'établissez-vous pas vous-mêmes un comité de surveillance pour le maintien de cette Constitution qui doit faire notre bonheur ? Le roi, Messieurs, peut vouloir maintenir la Constitution, et s'il connaît ses propres intérêts, il doit y être attaché; mais nous avons aussi, et le peuple français a un intérêt immédiat au maintien de la Constitution et à la surveillance de tous les articles.

Il faut donc, en ce moment, établir ce comité de surveillance; et si jamais le pouvoir exécutif ose faire des proclamations inconstitutionnelles où il vous traduit au tribunal de l'opinion comme manquant à cette Constitution, votre comité de

surveillance vous y rappellera mieux qu'un conseil de ministres. Je conclus donc à l'établissement d'un comité de surveillance, composé de la manière dont l'Assemblée le jugera convenable.

M. Audrein. Vous ne pouvez vous dispenser d'établir un comité chargé uniquement de connaître des crimes de conjuration. Le comité de législation a déjà une foule d'objets dont vous le chargez tous les jours. Je demande l'établissement d'un nouveau comité, soit que vous le nommiez comité de sûreté ou comité de surveillance.

M. Guadet. J'appuie la proposition de M. Chabot; car il est constant qu'il se fait des enrôlements dans Paris.

Plusieurs membres: La discussion fermée sur la motion du comité de surveillance.

(L'Assemblée ferme la discussion sur la motion du comité de surveillance.)

Plusieurs membres réclament contre cette décision, disant qu'il y a doute.

(L'épreuve est renouvelée, et l'Assemblée ferme définitivement la discussion.)

Plusieurs membres : Quelles seront les fonctions de ce comité?

M. Basire jeune. Il sera chargé de recueillir toutes les pièces qui ont rapport aux faits qui pourraient troubler la tranquillité publique.

Un membre: Je demande qu'il soit dit que ce comité ne pourra pas faire d'arrestations. (Murmures.)

Un membre: Cette disposition est inutile. L'idée seule qu'elle peut être nécessaire, est odieuse et injurieuse pour l'Assemblée.

M. Léopold. Puisqu'on veut absolument la chose, il ne faut pas que le nom répugne. Je demande qu'on ne se serve pas du mot insignifiant de comité de surveillance et que sans biaiser on lui donne le nom très signifiant de comité des recherches. (Murmures.)

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. Delacroix. Je demande que ce comité s'appelle comité de sûreté publique.

M. Basire jeune. Le mot de comité des recherches n'a rien d'odieux que pour les ennemis de la Révolution.

(L'Assemblée, consultée, décrète successivement: 1°qu'il y aura un comité chargé de recueillir les faits qui lui seront renvoyés par l'Assemblée nationale et qui seront capables d'attaquer le maintien de la Constitution; 2° qu'il portera le nom de comité de surveillance; 3° qu'il sera composé de douze membres, qui seront renouvelés par moitié tous les trois mois.)

M. Dumolard. Je demande qu'en exécution de votre règlement, le comité de surveillance soit ouvert à tous les membres de l'Assemblée. (Oui! oui! Non! non!)

M. Thuriot. Avant de vous occuper du comité de surveillance, il s'agissait de savoir s'il y aurait lieu à accusation contre les chefs des émigrants. Je demande qu'on renvoie la lettre et la motion de M. Merlin au comité diplomatique.

Plusieurs membres : Non! non! le renvoi au comité de surveillance!

M. Delacroix. Les comités sont tous composés de législateurs, et il n'y a pas de motif déterminant pour renvoyer une affaire quelconque à un comité plutôt qu'à un autre. (Applaudissements.)

M. Hua. J'observe que l'Assemblée, dans la liste officielle de ces commissaires. (Applaudisdivision et la dénomination de ses comités, a enn-sements.) tendu préparer et débrouiller ainsi à l'avance toutes les parties de ses travaux. (Murmures.)

(L'Assemblée décrète que la lettre de l'officier autrichien sera renvoyée au comité de surveillance et décrète, en outre, que ce comité lui présentera incessamment un projet de décret sur les mesures définitives à prendre contre la conjuration des ennemis de la patrie.)

M. Guadet. Il ne faut pas différer de former ce comité. Partout des enrôlements se font avec la plus grande activité; des départements entiers s'alarment, je demande que nous nous retirions sur-le-champ dans les bureaux pour nommer les membres.

[L'Assemblée adopte la motion de M. Guadet et se retire à midi dans les bureaux pour la nomination des membres du comité de surveillance. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)]

(L'Assemblée rentre en séance à midi et demi.) M. le Président. Messieurs, la séance va continuer.

M. François de Neufchâteau. Je dois prier l'Assemblée de s'occuper un moment d'un objet qui a quelque importance. On a assigné hier la séance de dimanche pour que les commissaires de la comptabilité présentent leurs hommages à l'Assemblée. Cependant la nomination de ces commissaires n'a pas été préalablement notifiée à l'Assemblée. Le bureau de comptabilité a été établi par décret de l'Assemblée nationale constituante du 15 septembre dernier. Ses fonctions sont de la plus haute importance puisqu'il ne s'agit pas moins que de remplacer toutes les cidevant chambres des comptes; il suffit pour s'en convaincre de se rappeler la loi de leur création.

Par le premier article il est dit qu'il sera établi un bureau de comptabilité composé de 15 personnes qui seront nommées par le roi, sans néanmoins qu'elles puissent être destituées, si ce n'est sur la demande des législatures et après avoir été préalablement entendues. L'article 2 du décret dit que ces commissaires recevront les comptes tant de la Trésorerie que de la Caisse de l'extraordinaire, qu'ils apureront les comptes et qu'ils en dresseront les rapports.

De l'importance de ces fonctions, il résulte que ceux qui en seront chargés doivent joindre aux lumières de l'expérience, un cœur pur, inaccessible à la séduction; qu'ils doivent de plus ne pas craindre les ministres, ni leurs créatures avouées. Il était d'usage que le pouvoir exécutif avertit l'Assemblée de la nomination de ses agents. Or, Messieurs, nous ne connaissons pas la nomination de ces commissaires, nous ne les connaissons que par l'opinion publique, par la rumeur sourde qui s'est élevée contre le choix de certains d'entre eux. On prétend que la plupart de ceux qui sont compris dans cette liste ne sont point de la catégorie de ceux que leur expérience, leurs talents personnels, leur amour pour la Constitution devaient y appeler; et cependant, Messieurs, il a été proposé de les admettre dimanche prochain à la barre de l'Assemblée nationale où ils prononceront un discours, où M. le Président leur répondra, leur offrira peut-être les honneurs de la séance, sans savoir véritablement à qui l'Assemblée parlera.

En conséquence, je demande qu'avant que les commissaires de la comptabilité puissent être admis à présenter leurs hommages, le Pouvoir exécutif soit tenu d'envoyer à l'Assemblée la

(L'Assemblée, consultée, adopte cette motion.)

M. Basire jeune, au nom du comité de l'inspection de l'imprimerie nationale. Messieurs, l'imprimerie de l'Assemblée nationale est en cé moment paralysée. Il y a eu hier une insurrection dans les ateliers de M. Baudouin, parce qu'il avait renvoyé 5 ouvriers qui cherchaient à soulever les autres. Les révoltés sont revenus en nombre, armés de bâtons, sont entrés dans l'imprimerie et ont renversé les balles et les cases. Ces désordres pourraient se lier à ceux qui agitent l'Empire; il est temps que l'Assemblée nationale en prenne connaissance. Les commissaires inspecteurs de la salle en ont dressé procèsverbal hier au soir à 8 heures et demie.

Il y a ici, Messieurs, une retraite combinée des ouvriers et abandon d'un travail dont l'interruption nuirait à la chose publique. Tout dans cette affaire porte le caractère d'un délit contre les lois de police; il y a eu d'ailleurs des actes de violence. Vous avez la police dans votre enceinte, il est important de remédier à d'aussi grands désordres, à des désordres qui tiennent à la sûreté publique, puisque cela arrête les impressions décrétées par l'Assemblée nationale. Votre comité d'inspection croit que ces délits ne pouvant être poursuivis que sur votre autorisation, il doit vous présenter le projet de décret suivant:

« Art. 1or. L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'inspection, enjoint aux compagnons imprimeurs de l'Imprimerie nationale, qui n'ont été qu'abusés ou intimidés, de retourner sur-le-champ à leur atelier.

« Art. 2. Décrète qu'expédition des deux procès-verbaux dressés par ses commissaires de l'Imprimerie nationale, dans l'après-dîner du jour d'hier et ce matin, sera envoyée dans le jour au procureur de la commune de Paris, à l'effet de poursuivre, par voie de police correctionnelle, ou même de dénoncer à l'accusateur public, s'il y a lieu, les auteurs de l'insurrection arrivée hier parmi les compagnons imprimeurs à la presse, employés au service de l'Imprimerie nationale.

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Décrète, en outre, que le procureur de la commune rendra compte, dans 3 jours, des diligences qu'il aura faites à ce sujet. ».

Un membre: Je demande la question préalable sur le projet de décret; il n'est pas possible que l'Assemblée s'occupe d'un objet semblable. Il y a des lois de police contre les ouvriers qui abandonnent leurs ateliers. C'est à M. Baudouin à faire maintenir la police dans son atelier.

M. Basire jeune, rapporteur. Nous ne vous avons proposé ce décret qu'en vertu de l'article de la Constitution qui donne au Corps législatif la police de la salle et des bâtiments qui en dépendent. Aucun tribunal ne peut s'y immiscer sans une autorisation expresse. Cependant, si vous n'adoptez pas le décret entier, il faut au moins investir la municipalité de Paris de la connaissance de cette affaire.

(L'Assemblée, consultée, rejette l'article premier et adopte l'article 2 sauf rédaction.)

Suit la teneur de ce décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'inspection, décrète qu'expedition des deux procès-verbaux dressés

par ses commissaires inspecteurs de l'imprimerie nationale, dans l'après-dîner du jour d'hier et ce matin, sera envoyée dans le jour au procureur de la commune de Paris, à l'effet de poursuivre, par voie de police correctionnelle, ou même de dénoncer à l'accusateur public, s'il y a lieu, les auteurs de la mutinerie arrivée hier parmi les compagnons imprimeurs employés au service de l'Assemblée nationale. »

Un de MM. les secrétaires. Voici le certificat du concierge de la prison de l'abbaye de Saint-Germaindes-Prés, qui atteste avoir reçu M. Delattre et l'avoir mis au secret.

Voici maintenant une lettre de M. Durousseau, juge de paix de la section de Sainte-Geneviève, qui a procédé cette nuit à l'apposition des scellés sur les papiers du sieur Delattre, mis en état d'accusation par décret de l'Assemblée nationale.

M. Durousseau explique que, s'étant transporté hier, en vertu du décret de l'Assemblée, dans la maison du sieur Delattre, la dame, son épouse, ne fit aucune difficulté de lui remettre toutes les clefs du sieur son mari; qu'ayant procédé à l'inventaire des papiers, il avait trouvé des mémoires de fournitures d'ouvriers, et des papiers relatifs à une tutelle dont le sieur Delattre était chargé; il demande si ces divers papiers doivent être distraits de l'inventaire ou bien doivent y être compris et déposés aux archives.

Un membre: Je fais la motion de distraire ces divers papiers.

(L'Assemblée décrète que les papiers concernant la tutelle dont le sieur Delattre est chargé, et ceux relatifs à ses affaires domestiques et particulières seront exceptés de l'inventaire que le juge de paix a été chargé de dresser.)

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, qui envoie à l'Assemblée deux lettres: l'une du général Luckner, l'autre du général de Wimpffen au général Luckner; ces lettres sont ainsi conçues :

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Ayant été interrompu hier au soir dans ma correspondance, qu'il me soit permis de la continuer aujourd'hui, et de ne vous envoyer, au lieu d'une copie littérale de la lettre que j'ai reçue, que la substance de son contenu et celle de ma réponse.

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N'ayant ni aide de camp, ni secrétaire, je suis forcé d'être laconique, d'écrire de mémoire et de suite, sans faire de minute et sans pouvoir garder de copie d'aucune de mes lettres; je me répèterai donc quelquefois dans les choses où je croirai qu'il est essentiel d'être bien compris.

«La lettre de l'émigrant porte sur mon premier serment d'être fidèle au roi, et croyant sans doute, en se plaisant à le supposer, que Sa Majesté n'a pas accepté de bonne foi la Constitution, il essaye de me disposer à livrer dans l'occasion Neufbrisach aux princes au nom desquels il me parle; et pour me déterminer à cette horrible trahison, il me dit qu'en suivant la route de l'honneur par ma fidélité à mon premier serment, je travaillerai efficacement au bien-être de ma famille (1).

«Cet homme sait que j'ai douze enfants, et nulle autre fortune que les bienfaits de la nation; mais il ignore qu'ayant inspiré mes sentiments à mes enfants, ils aimeraient mieux se voir dans l'abandon et le malheur, que de devoir leur bien être à l'infamie de leur père. (Vifs applaudissements.) J'ai répondu avec franchise que je tenais à mon serment plus qu'à la vie. (Vifs applaudissements.), et que je suis prêt à mourir à chaque instant pour la patrie (Applaudissements); que les princes, au nom desquels il m'écrit, auraient abandonné il y a longtemps leurs espérances, si tous ceux dont le devoir est de combattre pour le maintien d'une Constitution que le roi vient d'accepter, étaient pénétrés des mêmes principes que moi, principes d'honneur et de fidélité, qui, ne m'ayant jamais abandonné dans le cours de la carrière la plus traversée par des vicissitudes sans nombre m'animeront jusqu'à mon dernier soupir (Applaudissements); et afin d'ôter à cet aventurier tout espoir que l'invasion dont il semble me menacer puisse jamais s'effectuer impunément, et lui montrer que son projet est un projet purement romanesque, je lui fais entendre qu'il y a, prêt à marcher et à agir en masse, partout où les circonstances l'exigeraient, plus de 10,000 hommes à qui j'ai inspiré les mêmes sentiments que je manifeste (Applaudissements.) et que je consens qu'il fasse connaître aux princes, s'il est vrai, comme il l'avance, qu'il me parle en leur nom.

« Ces émigrants isolés ne seront redoutables que dans le moment où, nos forces, employées

(1) Le général François de Wimpffen, sollicité plus tard de faire connaitre l'auteur de cette lettre, dont il avait rayé la signature, s'y refusa en disant qu'il répugnait à ses principes de se constituer délateur.

à réprimer les soulèvements de l'intérieur qui s'augmentent de jour en jour, on ne pourra tourner les armes contre eux, et que nos troupes se trouvant entre deux corps ennemis également désespérés, les uns par l'ambition et les autres par le fanatisme, ils ne sauraient de quel côté tourner.

« Si donc les législateurs ne se hâtent pas de donner un décret qui établira une liberté de culte sans bornes et sans réserve, tel que la saine philosophie l'enseigne, cette législature aura un soulèvement universel à se reprocher et tous les désordres qui en seront les suites (Quelques applaudissements.); car dès ce moment les assignats n'ayant plus de valeur et les caisses étant exposées à être pillées par ceux qui seront dans la souffrance, les ennemis de la Constitution auront été secondés plus utilement par l'inexplicable raideur des départements à donner des églises aux prêtres non-assermentés et à leurs nombreux partisans, que ne l'aurait pu faire la plus formidable armée de l'Europe. Je suis inconsolable, mon général, de voir que la chose publique soit en danger pour des affaires de purs préjugés, et qu'on risque ainsi à perdre les fruits de tant de travaux et de sueurs pour ne pas se prêter à des convenances naturelles; coopérez, je vous supplie, à déterminer l'Assemblée nationale à laisser des églises aux non-conformistes et vous aurez rendu un plus grand service à la nation que par le gain de plusieurs batailles. (Vifs applaudissements.)

«Je suis avec respect, mon général, votre très humble et très obéissant serviteur.

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« Signé François DE WIMPFFEN. »

Plusieurs membres demandent la mention honorable et l'insertion de la lettre du général de Wimpffen au procès-verbal.

Un membre: La question préalable!

M. Crublier-d'Optère. Sans doute, la tentative faite pour séduire un brave militaire doit exciter votre indignation; mais elle ne vous donner aucune inquiétude, quand bien peut même le général se serait déterminé à livrer la place, il n'aurait pu y réussir.

Le régiment, ci-devant Bourbonnais, qui est à Neufbrisach, est commandé par M. Victor Broglie, et le patriotisme de ce corps et de son chef rassurerait pleinement sur une pareille entreprise. Je vais plus loin, je suppose, que Neufbrisach soit pris par 5, 6, ou 7,000 émigrants; ayant le Rhin devant eux qui leur couperait une retraite, ils seraient bientôt réduits à une honteuse capitulation, et je le prouve. Il suffirait de faire cerner la ville par les garnisons voisines pour affamer les émigrés qui ne pourraient plus être dégagés que par une armée de 100,000 hommes. Je maintiens que la proposition de livrer Neufbrisach, qui a été faite réellement, n'a pas été faite sérieusement par les émigrés : ce serait une folie. De semblables propositions n'ont pour objet que d'entretenir les agitations intérieures en ranimant l'espoir des mécontents; il y a des gens qui emploient pour cela toute espèce de moyens...

Un membre: C'est un endormeur!

Un membre: Monsieur le Président, s'il y a ici des membres qui puissent en appeler d'autres endormeurs, il doit nous être permis aussi d'en qualifier quelques-uns de factieux.

M. Crublier-d'Optère. Les émigrés, à moins qu'ils ne soient soutenus par les puissances étrangères, ne viendraient pas se renfermer dans vos places, quand même vous leur en ouvririez les portes. Cependant il n'en est pas moins instant de réprimer des projets coupables. Je demande la mention honorable de la lettre de M. François de Wimpffen, et que cette lettre soit jointe aux autres pièces qui doivent être envoyées par le département du Haut-Rhin.

M. Lecointe-Puyraveau. Outre l'insertion et la mention honorable de la lettre, j'en demande le renvoi au comité de surveillance et je fais la motion très expresse que le directoire du département invite M. de Wimpffen à faire passer la lettre originale.

M. Dumas. J'appuie la motion tendant à ce que le général de Wimpffen produise l'original de la lettre et le renvoi des pièces au comité de surveillance pour l'examen ultérieur de cette affaire; mais j'insiste particulièrement sur l'insertion et la mention honorable de la lettre du général de Wimpffen. Que la lettre qu'il a reçue soit vraie ou fausse, que la proposition qu'on lui a faite soit sérieuse ou dérisoire, il n'en est pas moins certain qu'elle a donné occasion au général de Wimpffen, non seulement de faire son devoir, mais de manifester des sentiments qui l'honorent, qu'il est fort utile de faire connaître et auxquels il est du devoir de l'Assemblée nationale d'applaudir. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète, à la presque unanimité, l'insertion au procès-verbal et la mention honorable de la lettre du général de Wimpffen et rejette par la question préalable les autres motions incidentes.) (Applaudissements.)

M. Lemontey, secrétaire. Voici une lettre de M. Formentin, l'un des juges de paix de la ville de Paris, qui déclare que plusieurs de ses justiciables, en exécution de l'article de la Constitution, qui ne considère le mariage que comme contrat civil, se présentent à lui et veulent absoment être mariés par lui. (Applaudissements.) Il expose le vœu d'une foule de personnes, de pouvoir faire constater les actes de naissance, de décès et de mariage, par des formes purement civiles, et il sollicite l'attention de l'Assemblée sur cet objet.

M. Goujon. Je demande que le comité de législation nous présente demain son projet de décret sur les moyens de constater les actes de naissance, de décès et de mariage.

(L'Assemblée décide que le comité de législation présentera demain le projet de décret qu'il a été chargé de rédiger à cet égard.)

M. Lemontey, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, qui adresse à l'Assemblée l'état des adjudications des biens nationaux le produit de la vente s'élève à la somme de 997,257,193 livres.

M. le Président. Messieurs, l'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret relatif aux troubles occasionnés par les prêtres

non-assermentés.

M. Rouyer. J'ai à faire une motion d'ordre. Vous avez rendu un décret sur les prêtres, vous avez posé dans votre sagesse les articles qui sont déjà décrétés; vous allez vous jeter dans une très longue discussion sur les articles additionnels, alors que pour les besoins du moment vous êtes convaincus que votre décret est bien

suffisant et très bon. (Non! non!) Vous allez vous jeter dans des articles additionnels qui retarderont la sanction. Il n'est rien de plus urgent que de porter ce décret à la sanction du roi et de le mettre à exécution. Vous aurez toujours le temps de proposer des articles additionnels, si Vous pensez que le décret que vous avez rendu n'est pas suffisant. En conséquence, je demande que préalablement les articles du projet qui ont été décrétés par l'Assemblée, soient portés dans le jour à la sanction. (Applaudissements.)

M. Delacroix. J'appuie la motion de M. Rouyer. Il serait en effet dangereux de retarder l'exécution d'une loi dont vous avez senti l'urgence; les articles additionnels ne retarderont pas l'exécution de la loi ils ne sont que des exceptions: vous les présenterez séparément à la sanction.

M. Albitte aîné combat la motion de M. Rouyer. M. Vergniaud. Il est important sans doute que la loi soit exécutée promptement, et l'Assemblée doit désirer qu'on porte à la sanction un

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Les églises ou édifices nationaux ne pourront être employés à l'usage gratuit d'aucun autre culte, que celui qui est entretenu aux frais de la nation. Pourra néanmoins toute association religieuse acheter celles desdites églises non employées audit culte, pour y exercer publiquement le sien, sous la surveillance des autorités constituées, en se conformant aux lois de police et d'ordre public. »

Plusieurs membres: La question préalable! M. Albitte ainé. Je demande à exposer les raisons qui me font repousser la question préa

décret sur lequel vous fondez l'espoir du rétablis-jable. (Les murmures couvrent la voix de l'orateur.)

sement, du retour de la tranquillité publique dans plusieurs départements; mais en même temps il n'est pas moins urgent de présenter un décret digne de l'Assemblée nationale. Or, vous allez présenter à la sanction un décret incomplet et morcelé. En effet, il serait morcelé, puisqu'il est possible que vous adoptiez des articles additionnels, que vous décrétiez des exceptions; il serait morcelé, puisqu'en accordant la liberté de proposer des articles additionnels, vous avez annoncé, par ce fait même, que vous n'étiez pas bien convaincus de sa parfaite efficacité pour le rétablissement de la paix. Je crois que l'Assemblée ne doit pas mettre tant de précipitation dans ses démarches qui pourraient compromettre sa dignité. Je crois qu'elle doit apporter tout le zèle possible, qu'elle doit hâter, autant qu'elle pourra, le moment où cesseront les troubles. Mais c'est pour ne pas manquer à ce moment, c'est pour être plus sûr de l'amener, qu'il faut peut-être attendre que vous ayiez décrété les articles qui seront nécessaires. Je demande qu'on s'occupe exclusivement aujourd'hui et demain des articles additionnels et qu'on attende pour présenter le décret que les articles additionnels soient adoptés. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion et décide qu'on entendra les articles additionnels que plusieurs membres ont à présenter.)

M. Albitte ainé. Le langage de la vérité est simple et concis; je vais vous le faire entendre et vous prouver que votre décret n'est pas complet. Vous devez savoir que les prêtres ne doivent pas tant être considérés comme des fanatiques que comme un ci-devant ordre qui se soulève contre la Constitution, et sur lequel il faut frapper...

Plusieurs membres : Votre article?

Un membre: Je demande que les articles addiionnels soient présentés sans développements. M. Grangeneuve. J'appuie cette proposition, et je demande que la discussion ne soit établie que sur les articles auxquels on aura accordé la priorité.

M. Gérardin. Ce serait faire des lois à la minute, plutôt que de vouloir faire de bonnes lois. Vous voulez combattre les articles qu'on proposera, permettez donc qu'on les appuie. La raison et la liberté des opinions attaquées par cette

M. le Président. Je vais mettre la question. préalable aux voix.

M. Vergniaud. Je conjure ceux d'entre nous qui ont à cœur l'honneur de l'Assemblée...

Plusieurs membres Vous n'avez pas la parole. M. Vergniaud. Veut-on que nous délibérions sans savoir ce que nous faisons? Or, il en serait ainsi, si on nous faisait écarter ou adopter sans discussion par la question préalable, les propositions qui nous sont faites. Je prie qu'on veuille bien ménager la faiblesse de notre raison, et nous permettre de nous éclairer et de délibérer avant de déclarer même qu'il n'y a pas lieu à délibérer.

(L'Assemblée, consultée, décide que la discussion est ouverte sur l'article proposé par M. Albitte.)

M. Albitte ainé. Je propose cet article, parce que, en pesant votre décret, j'ai vu que ce serment que vous exigez ne produira aucun effet, et je vais vous le prouver. Ou les ecclésiastiques le prêteront, ou ils ne le prêteront pas s'ils ne le prêtent pas, nous n'aurons pas changé de position et nous nous trouverons au même point d'où nous sommes partis; s'ils le prêtent, que viendront dire ces hommes à la municipalité ? Ils diront: « Nous venons prêter le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi »; voilà comme ils parleront; mais il vous diront encore: « Nous y venons comme les ministres d'un culte quelconque, car nous avons dit à toute la France que nous ne reconnaissions pas la constitution civile du clergé et nous ne prêterons pas serment à cette constitution. » Ils ne suivront donc pas la loi faite au clergé par la nation puisque, s'ils consentent à prêter le serment civique, ils ne consentent pas à prêter le serment relatif au culte entretenu par l'Etat.

Eh bien! s'ils ne prêtent pas ce dernier serment, n'est-il pas contraire à la raison, à la Constitution, de donner des édifices nationaux à des hommes qui n'observent pas un culte payé par la nation? Ne serait-ce pas nuire à la nation que de leur livrer les églises pour suivre un culte qui est contraire, suivant leur idée, à celui reconnu par la constitution civile du clergé? Vous vous priveriez, par là, de la vente de beaucoup d'édifices publics, alors que vous comptez sur cette vente pour satisfaire aux besoins de l'Etat. N'est-ce pas en même temps mettre tous ces gens

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