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à portée d'être à la tête des paroisses et de ressaisir l'esprit du peuple qu'ils mèneront au but où ils voudront arriver?

Encore un coup, ne considérez pas les prêtres non-assermentés comme des fanatiques, ils ne le sont pas, ce sont des factieux. C'est un ci-devant ordre qui est réuni à celui de la noblesse pour détruire la Constitution. Et tous ceux qui, sous le nom de philosophie, ne s'occupent que du fanatisme, et ne veulent pas voir ce point que je vous dévoile, se trompent nécessairement. Oui, la philosophie est belle, mais la raison dit qu'il faut s'en servir en temps et lieu, et qu'il faut prendre garde qu'elle ne détourne nos yeux des remèdes que réclament des maux très pressants. Je demande que cet article que je ne développe que très rapidement, de crainte de vous fatiguer, soit admis, parce que je le crois très bon.

M. Fressenel. Je distingue, dans la proposition qui vous est faite par le préopinant, deux classes très différentes :l'une est relative à l'emploi des édifices convenables au culte religieux. A cet égard, Messieurs, je ne crois et je ne pense pas que la chose soit susceptible de difficulté, je pense que toutes les sociétés particulières qui voudront professer un culte différent que celui dont les ministres sont salariés par la nation, doivent acheter ou louer des églises; je ne crois pas, disje, qu'il puisse y avoir de difficulté à cet égard.

Je passe donc à la seconde branche de la proposition qui vous est faite par le préopinant. Elle regarde la liberté de tout culte; elle regarde la concession donnée à toutes les sociétés d'ouvrir telles églises ou maisons qu'elles jugeront à propos pour y professer le culte qu'elles auront adopté. Il me semble que, par le décret que vous avez rendu, vous avez seulement décrété les moyens de découvrir et de punir quelques perturbateurs; et je crois que vous devez vous occuper des moyens de prévenir les troubles. Je m'explique: Je crois que, remontant à la source des troubles religieux, vous devez vous occuper d'éteindre cette rivalité qui donne entrée à deux partis, dont l'un tend à la dominance et l'autre à l'insurrection. Eh bien! Messieurs, je crois que vous n'avez pas d'autres moyens pour éteindre cette rivalité, que de donner toute l'extension possible à la liberté des cultes.

Je sais bien que cette liberté est garantie par la Constitution; je sais bien.que tout Français a le droit de professer le culte qu'il juge à propos et même de choisir ses ministres; mais je dis que jusqu'à présent cette garantie portée par la Constitution n'a été qu'à peu près qu'illusoire, je dis encore que les pouvoirs constitués ne sont point d'accord sur l'étendue de cette liberté. En effet, ici, le département fait ouvrir les églises, et là, les municipalités les font fermer; là, c'est la municipalité quí en permet l'ouverture, et là, c'est le district qui la prohibe; or, cette diversité d'opinion et de régime de la part des corps administratifs nécessite impérieusement une foi qui ramène, qui établisse l'uniformité d'exécution. Je dis plus je dis que, dans tous les cas, la garantie portée par la Constitution en fait de liberté du culte est insuffisante.

Qu'est-ce, en effet, qu'une garantie ? C'est une simple promesse de faire jouir. Or, je dis qu'une simple promesse de faire jouir, nécessite impérieusement des lois subséquentes pour régler dans ses détails cette jouissance. Ne croyez pas que l'œuvre du législateur est consommée lorsqu'il a simplement décrété un principe. Pour le

commun des hommes, le principe n'est en luimême qu'une pure abstraction, si je puis m'exprimer ainsi; il n'existe réellement que par le développement matériel de ses conséquences. Or, la liberté des cultes est décrétée, cela est vrai, mais ses conséquences ne le sont pas; et je dis que c'est un ouvrage qui nous reste à faire, et un ouvrage vraiment essentiel. Car, lorsque vous l'aurez fait, vous aurez posé pour la liberté des cultes, des limites sensibles à tous les partis; vous aurez fixé invariablement cette liberté, et alors vous aurez empêché, les uns de la trop restreindre, les autres de la trop étendre, et tous de se disputer à son sujet. Vous aurez enfin, Messieurs, réalisé cette liberté qui ne sera qu'une chimère, tant qu'elle ne sera pas développée par des lois de détails; qui ne sera même qu'un germe de discorde, tant que vous ne l'aurez pas invariablement fixée.

Je reviens donc, Messieurs, et j'appuie la partie de l'article de M. Albitte qui a pour objet d'autoriser l'exercice d'un culte quelconque, et je dis que vous devez décréter que toute société, toute agrégation, tout citoyen, qui voudront avoir un temple, un oratoire, une église, seront libres de le faire, d'y exercer le culte qu'ils jugeront à propos par le ministre qu'ils voudront choisir, Sous la surveillance des officiers de police, auxquels il sera enjoint de veiller à ce qu'il ne se passe rien, dans ce lieu, de contraire à l'ordre public, et de protéger le culte quelconque qu'on y exercera. Si vous ne vous déterminez pas à adopter cela comme loi, je demanderais au moins que vous décrétassiez une adresse dont le but serait de développer, chez les gens de bonne foi, l'esprit de la Constitution et les conséquences naturelles de la liberté. (Applaudissements.) Alors la liberté du culte sera un bienfait; alors vous n'encourrez plus le reproche de donner d'une main en retenant de l'autre; alors le fanatisme n'aura plus d'aliment; les contributions publiques seront payées et vous comblerez les désirs patriotiques de M. de Wimpffen, dont vous venez d'applaudir les vues et les principes. (Applaudissements.)

M. Beugnot. Je respecte autant que le préopinant le principe sacré de la liberté des cultes; mais je crois qu'il s'est évidemment trompé dans les conséquences qu'il en a tirées. Ce n'est pas par des lois de détails que l'on pourra parvenir au but que l'on se propose. Tout ce que l'on peut exiger du législateur, c'est qu'il établisse le principe, et qu'il abandonne après, les moyens d'exé cution, qu'il est impossible de rendre uniformes dans un Empire tel que le nôtre.

Je soutiens donc qu'il faut abandonner aux autorités constituées l'exécution de ce principe, si vous ne voulez pas tomber dans les plus graves inconvénients.

Tout le monde reconnait que toute association a le droit d'exercer paisiblement son culte; dès lors, je crois qu'il est inutile de l'établir par une loi. Si vous croyez qu'il soit indispensable d'établir, par une loi, l'ouverture des églises, je vous demande si vous ne reconnaîtrez pas aussi qu'il est indispensable d'établir, par une loi, la manière de s'y réunir. (Murmures.)

Alors, vous tomberez dans un luxe de législation: M. Albitte vous a fait deux propositions inutiles; or, une loi inutile est une loi dangereuse. Ce sont de bonnes lois qu'il faut faire, et leur trop grand nombre n'annonce pas le perfectionnement de la législation; il en annonce l'abus.

ministres d'un culte dont l'essence est la recherche des moyens de renverser la Constitution. (Applaudissements dans les tribunes..)

M. Basire jeune. Les questions de schisme sont des questions théologiques, dont nous ne pouvons, ni ne voulons connaître.

Il arrivera un moment où tous les Français se-
ront réunis dans une même opinion religieuse,
comme dans une même opinion politique, mais
ce moment n'est pas encore venu. Lorsque
les yeux sont encore faibles, ne faisons pas jail-
lir tant de traits de lumière. C'est par les pro-
grès de la raison et de la morale publique, que
vous parviendrez à ce but, le seul que vous deviez
ambitionner d'atteindre: mais j'estime que, dans
la circonstance, cette mesure serait essentielle-je
ment dangereuse et je demande la question préa-
lable sur l'article de M. Albitte.

Un membre: J'appuie l'article de M. Albitte, qui me paraît extrêmement sage. Il me suffit de rappeler les paroles qui ont été dites par M. Gensonné, dans le département de la Vendée, pour obtenir la conservation de leurs anciens pasteurs. Je demande aussi que vous y ajoutiez, par article additionnel, que les corps administratifs et les municipalités sont spécialement tenus de faire jouir tout citoyen de la liberté d'exercer le culte religieux auquel il est attaché; en conséquence, que tous les citoyens, quelle que soit leur croyance, puissent se choisir un temple dans lequel ils célébreront leur culte, à la charge d'en prévenir la municipalité du lieu, afin d'être surveillés par elle, de ne rien dire, ni professer de contraire à la liberté et à la sûreté de l'Etat.

M. Ducos. J'adopte l'article de M. Albitte, mais j'attaque sa rédaction, qui présente une contradiction manifeste. La première disposition porte que les édifices nationaux ne pourront être employés qu'au culte salarié. La seconde, qu'ils pourront être vendus pour l'exercice d'un culte particulier. En supprimant la première disposition, la contradiction disparaîtra. Voici comme je propose de la rédiger:

Toute association religieuse quelconque pourra acheter ou prendre à loyer tous ceux des édifices nationaux non employés au culte salarié par la nation, pour y exercer publiquement le sien et sous la surveillance, etc.... >>

Un membre: Tâchez d'avoir mille cultes, et ils se respecteront et se protégeront mutuellement. si vous n'en avez que deux, ils se déchireront

sans cesse.

M. Lamourette, évêque de Lyon. On s'est écarté de la question. Il y a plus de 50 ans que la philosophie a décidé que la loi doit la liberté du culte à toutes les sectes et à toutes les croyances. Nous ne sommes point ici pour confirmer une décision philosophique, mais pour prendre des mesures qui soient législatives. Or, de quoi s'agit-il? Il s'agit de décider si les prétres qui se refusent au serment que la loi leur impose, doivent avoir un édifice où ils puissent exercer librement les fonctions de leur culte; c'est-à-dire qu'il s'agit de savoir si l'Assemblée nationale veut qu'il y ait 2 cultes dans un culte...

Plusieurs membres: A l'ordre! à l'ordre! (Bruit.)

M. Lamourette. C'est-à-dire qu'on demande à l'Assemblée de sanctionner le schisme de l'Eglise catholique... (Murmures.)

Un membre: M. l'évêque attaque des principes constitutionnels.

M. Lamourette. Voici donc l'état précis de la question: c'est de savoir si l'Assemblée doit attribuer des églises particulières aux ministres d'un culte qui consiste dans la haine de la Constitution. (Murmures prolongés.) Il s'agit de savoir si l'on doit des temples et des sanctuaires aux

M. Lamourette. Pour rendre sensible et péremptoire la proposition que je viens d'avancer, fais cette supposition:

་་

En vertu de la loi, les protestants ont, à Paris et dans les autres villes du royaume, des temples culte. Je suppose qu'une division survienne entre où ils exercent librement et publiquement leur les membres de cette association, et que la cause de cette division soit qu'une partie des membres de cette Eglise est devenue aristocrate et contrerévolutionnaire; je suppose que cette section aristocrate et contre-révolutionnaire vous adresse une pétition à l'effet d'avoir une autre église protestante et vienne vous dire : « Nous sommes maintenant opposés avec nos anciens frères, parce qu'ils sont les défenseurs et les panégyristes de la Constitution; et nous, tout c'est le contraire : nous haïssons la Constitution, et nous la regardons comme contraire à nos principes religieux; nous demandons un temple dans lequel nous puissions professer à notre aise un culte qui consiste dans la recherche des moyens de prévenir le peuple contre la Constitution. » Accorderez-vous un temple à cette nouvelle section de l'Eglise protestante?

Plusieurs membres : Oui! oui! (Murmures.)

M. Lamourette. La conclusion naturelle et vraiment législative des considérations que je viens d'exposer à l'Assemblée nationale, c'est qu'il soit loisible à tout ecclésiastique non-assermenté d'aller dans les églises nationales y exercer ses fonctions de prêtre, sans que les pasteurs élus puissent y apporter aucun empêchement. Quant à l'attribution d'églises particulières, je regarde cette mesure comme une source intarissable de dissensions et de désordres. (Murmures prolongés.)

M. Guadet. Je conçois bien que, dans une chaire de Sorbonne ou dans un concile, on puisse sérieusement examiner la question de savoir si deux cultes différents peuvent subsister ensemble, si ces deux cultes n'en font à la vérité qu'un seul; mais que dans une assemblée de législateurs, on propose l'examen d'une pareille question, c'est, à mon sens, le comble de la déraison et le dernier effort des préjugés théologiques. (Applaudissements.)

M. Lamourette me paraît avoir absolument dénaturé la question et l'article proposé par M. Abbitte. Il a raisonné comme s'il s'agissait d'ouvrir des temples exclusivement aux prêtres qui refuseront le serment civique, et vous les montrant, par ce refus, comme constitués en état de révolte contre la loi; il a saisi le moment où vos âmes indignées prononceraient un refus à l'égard de lorsque vous n'en voulez qu'aux séditieux. Ce ces prêtres, pour l'étendre à tous leurs sectateurs, n'est pas là le sens de l'article, ce n'est pas là la question qui est proposée à l'Assemblée.

Il ne faut point se dissimuler que les citoyens français sont divisés d'opinions religieuses. Les ci-devant catholiques romains veulent maintenant exercer un culte à part dans les campagnes : j'en appelle sur ce point à la bonne foi de tous ceux qui m'écoutent. Il y a dans les campagnes une infinité de bons laboureurs, crédules et

simples, qui croient véritablement que le salut de leur âme tient à l'exercice de leur culte, qu'ils jugent différent du nôtre. Il n'y a évidemment que deux partis à prendre; il faut nécessairement leur dire ou vous n'exercerez pas votre culte, ou vous l'exercerez librement. Or, quoi qu'on en ait dit, ce n'est pas avec les yeux de la théologie qu'il faut examiner cette question, c'est avec les yeux de la philosophie et de la raison; car la théologie passera, et la philosophie et la raison resteront. (Vifs applaudissements.)

De ces considérations générales, si je passe à des vues particulières, je vois, comme l'a très bien observé l'un des préopinants, que pour n'avoir pas développé suffisamment le principe éternel de la liberté des cultes, il règne dans toutes les administrations une incertitude telle qu'on peut dire que la loi n'est nulle part exécutée de la même manière. Or, le plus grand vice de toutes les lois, c'est qu'étant sujettes à diverses interprétations, tous les citoyens ne jouissent pas d'une manière uniforme de ses bienfaits. Il s'en est suivi que les citoyens n'ont pas joui de la liberté de leurs cultes, ni par conséquent de la plénitude de leurs droits.

Si une municipalité croit, et elle en a le droit, d'après les décrets, ne pas pouvoir s'opposer à l'exercice d'un culte, elle peut penser que si elle a des bâtiments nationaux libres elle pourra les affermer ou les vendre à des associations religieuses. Cependant, tandis que des administrations se conduisent ainsi, d'autres croient qu'il est d'une sage politique de ne pas donner aux principes du Corps constituant toute la latitude que la philosophie leur donne. En conséquence, les citoyens à qui la loi garantit la liberté dé leur culte et qui la réclament avec instance, ne peuvent l'obtenir.

De là nait la diversité des interprétations faites par les administrations, lorsque toutes devraient se guider uniquement par le flambeau de la loi; de là l'inquiétude et l'agitation des citoyens; de là encore les divisions, les haines, les rivalités et les malheurs qui menacent l'Empire.

Je sais bien que dans divers départements, et notamment dans le mien, de mauvais citoyens abusent de la religion pour rassembler le peuple dans des édifices particuliers, sous le prétexte d'y exercer librement un culte religieux; je sais bien que les coryphées de ce parti se signalaient auparavant par leur irreligion et leur impiété; mais je sais aussi que la loi doit planer sur tous les cultes possibles pour les protéger d'une manière égale et uniforme. Or, je dis que le citoyen, quelles que soient ses opinions politiques, par cela seul qu'il est manifeste que ses opinions religieuses sont différentes, doit être protégé, et que la loi ne peut le saisir qu'au moment où abusant des prétextes qu'il a donnés, il trouble la tranquillité publique.

C'est en vous accoutumant à séparer une bonne fois la Constitution de la religion; c'est en vous accoutumant à dominer sur tous les cultes, pour les protéger tous, mais aucun exclusivement aux autres, que vous écarterez toutes ces misérables querelles théologiques qui, dans ce moment, désolent l'Empire français. (Applaudissements.)

Je réclame donc, au nom de la philosophie et de la raison, au nom d'une sage et prudente politique dans les circonstances où nous sommes, l'adoption de l'article proposé par M. Albitte et amendé par M. Ducos. (Vifs applaudissements.) (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Je mets aux voix la question préalable demandée par M. Beugnot sur l'article additionnel.

(L'Assemblée rejette la question préalable.) Un membre: Je demande l'ajournement de la question. (Appuyé! appuyé!)

D'autres membres: La question préalable sur l'ajournement.

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement et adopte l'article additionnel de M. Álbitte sauf rédaction.) (Applaudissements.)

M. Albitte demande à lire une nouvelle rédaction de son article additionnel.

M. Reboul. Je demande que la rédaction soit renvoyée au comité de législation; il serait dangereux de livrer à la publicité une rédaction défectueuse.

(L'Assemblée adopte la motion de M. Reboul.) M. Briche. Je propose un amendement à cet article dont je demande également le renvoi au comité de législation; le voici :

"Seront néanmoins conservés dans leurs droits, les protestants de la confession d'Augsbourg, dans les départements du Haut et Bas-Rhin et du Doubs, qui ont été jusqu'ici en possession des églises catholiques destinées à l'exercice du culte appelé simultané; et cela, conformément au décret du 17 août 1790, auquel, par le présent article, il ne sera rien dérogé. » (Oui! oui!)

M. Broussonnet. Je demande que tous les articles additionnels à l'article de M. Albitte soient, avec celui de M. Briche, renvoyés au comité de législation.

(L'Assemblée adopte la motion de M. Brousson

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M. Basire jeune. La loi que vous avez faite sur les prêtres réfractaires doit être regardée comme complète, et il est important d'accélérer la promulgation de cette loi. Je demande la question préalable sur tous les articles additionnels qu'on voudrait proposer, car s'ils étaient de même nature que celui qui vient d'être adopté, ils seraient trop incohérents avec le reste du projet.

M. Lemontey. Il en est un du moins que l'on exceptera de cette proposition, c'est celui qui a été proposé par M. Fauchet et qui a pour but de ne pas étendre le décret aux prêtres infirmes ou septuagénaires. (Applaudissements.)

Plusieurs membres de l'extrême gauche : Non! non!

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M. le Président. On demande, d'un côté, la question préalable sur les articles additionnels et, d'un autre côté, l'ajournement à jour fixe. Je vais mettre aux voix l'ajournement. (Murmures.)

M. Garran-de-Coulon. Monsieur le Président, le trouble vient de ce que vous insistez à mettre aux voix un ajournement qui n'est pas la question première dans l'ordre de celles qui ont été proposées. Je suis d'avis, moi, que l'on ne peut pas rejeter par la question préalable des propositions qu'on ne connaît pas; mais je crois que la première question est de savoir s'il y a lieu à délibérer.

M. le Président. Eh bien, je mets aux voix la question préalable sur tous les articles additionnels.

(L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer, et qu'en conséquence l'ordre du jour de demain sera ouvert aux articles additionnels.)

M. le Président. Je donne la parole à M. Delessart, ministre de l'intérieur, pour lire deux mémoires: l'un, sur les établissements des écoles vétérinaires dé Lyon et d'Alfort; l'autre, sur la conservation des monuments des arts qui existaient dans les édifices religieux de Paris, déclarés propriétés nationales.

M. Delessart, ministre de l'intérieur. C'est comme ministre de l'intérieur que je dois rendre compte à l'Assemblée nationale de deux objets qui paraissent mériter son attention et qui sont urgents.

Il existe en France deux écoles vétérinaires, une à Lyon, l'autre à Alfort, près Charenton; ces deux établissements dont l'utilité est reconnue depuis longtemps servent à former des artistes qui vont s'établir dans les campagnes pour y traiter les maladies des bestiaux. Il y a encore à l'école de Lyon 25 ou 30 élèves et 90 à 100 à l'école d'Alfort, qui sont entretenus aux frais du département.

La pension de chaque élève est d'environ 500 livres par an, y compris l'habillement et la fourniture des livres et instruments. Les dépenses fixes et extraordinaires de l'école de la ville de Lyon montent annuellement à environ 15,000 livres; elles étaient prélevées ci-devant sur le produit des fermes, qui ne subsistent plus aujourd'hui.

Á l'égard des dépenses de l'école d'Alfort, elles avaient été fixées, lors de son établissement en 1765, à 60,000 livres; savoir: 44,000 livres pour les dépenses ordinaires et 16,000 livres environ pour les dépenses imprévues. Le comité des finances, dans le rapport qu'il a fait à l'Assemblée constituante en 1790, sur les réductions à opérer dans les dépenses publiques, n'a pas cru devoir s'occuper de l'école de Lyon, qu'il a considérée comme devant appartenir à une municipalité ou à un département particulier. Celle d'Alfort lui a parù d'une utilité plus générale. Il a remarqué que ces travaux journaliers ont pour objet principalement d'éclairer les habitants des campagnes, sur les moyens de conserver les bestiaux, et de prévenir les maladies auxquelles ils sont sujets. On avait proposé de porter cet établissement à Paris, mais le comité à pensé qu'il fallait le laisser où il était. Sa position qui, en effet, est éloignée de la capitale, contribue à conserver la pureté des âmes des élèves, et à les préserver des dangers d'une grande ville.

Les dépenses de cette école ont paru considérables au comité. Il a proposé de les diminuer 1re SÉRIE. T. XXXV.

de 33,000 livres et de les réduire à 28,700 livres.

Cette réduction a eu lieu depuis le premier janvier. Les commissaires de la Trésorerie nationale ont cru devoir n'ordonner que provisoirement le payement du douzième de cette somme à la fin de chaque mois, et ils demandent que le total de la dépense soit fixé définitivement par un décret de l'Assemblée nationale. D'un autre côté, le département de Rhône-et-Loire m'observe que l'arriéré de l'école de Lyon montait,

au mois de juin 1791,à 19,681 livres et qu'il a été obligé de lui faire une avance de 6,000 livres, dont il demande le remboursement. Si ce département ne veut pas faire de nouvelles avances et si l'Assemblée nationale ne pourvoit promptement au payement de cette somme de 19,681 livres et aux dépenses courantes, l'établissement est absolument nul.

Le département de Rhône-et-Loire demande, en conséquence:

1° Qu'il soit assigné sur le Trésor public une somme de 15,000 livres pour les dépenses annuelles de cette école ;

2° Qu'il soit ajouté à cette somme 3 ou 4,000 livres pendant les trois premières années pour réparer les meubles et effets de l'école qui sont depuis deux ans dans un état de dépérissement absolu ;

3o Que les 19,000 livres dues à différents ouvriers et fournisseurs soient acquittées;

4. Enfin que la nation fasse l'acquisition des bâtiments et terrains qu'occupe l'école, pour qu'elle n'en soit pas évincée dans le cas où ils seraient vendus. Ces bâtiments appartiennent à l'hôpital de Lyon, et les administrateurs de cet hôpital ont offert en 1789 d'en céder la propriété moyennant 34,000 livres.

L'avantage que présenterait cette acquisition serait d'assurer la stabilité de l'école dans un lieu favorablement situé et d'opérer une économie de 367 livres sur les frais annuels de location.

Le même département observe en outre que l'école de Lyon étant utile à une grande partie des départements du royaume, la dépense de son entretien doit être à la charge du Trésor public. Il paraît en effet que cette école n'est pas moins essentielle que celle d'Alfort, et sans doute l'Assemblée nationale regardera l'école de Lyon comme un établissement d'utilité générale et non particulier au département de Rhône-et-Loire qui n'en jouit pas exclusivement. Au surplus, la dépense de cet établissement formera un objet de 15,000 livres lorsque sa dette arriérée sera acquittée.

J'ai l'honneur de soumettre ces diverses demandes à l'Assemblée et je la supplie de vouloir bien me faire connaître son intention à cet égard.

Un membre: Ces écoles sont infiniment utiles. Je propose le renvoi des propositions du ministre au comité des secours publics.

Un autre membre: Je demande le renvoi aux comités d'agriculture, d'instruction publique et des domaines réunis.

(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre de l'intérieur aux comités d'agriculture, d'instruction publique et domaines réunis.)

M. Delessart, ministre de l'intérieur. Le directoire du département de Paris s'est adressé à moi pour obtenir les moyens de pourvoir aux frais de déplacement et de transport, dans un lieu de dépôt, de divers monuments dont la con

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servation a été jugée intéressante, et qui sont répandus dans plusieurs maisons religieuses et établissements ecclésiastiques. Il a été formé une commission d'artistes pour la recherche et l'examen des monuments et pour en assurer la conservation. La commission a exposé au directoire que, pour que les monuments des différents édifices n'éprouvassent point de dégradation, il serait nécessaire qu'elle indiquât un dépôt provisoire où ils pourraient être placés. Le directoire de département a destiné à cet usage l'église des Petits-Augustins et celle de Saint-Martin-desChamps, et jugeant qu'il était utile de débarrasser d'avance les maisons qui sont en vente, d'un mobilier qu'il vaut mieux transporter à loisir que précipitamment, il a cru concourir au double intérêt de la nation et des arts en autorisant la commission à faire faire les déplacements et dépenses nécessaires; mais en m'informant de cette disposition, le directoire me demande de l'autoriser à prendre les frais de ce transport sur les fonds affectés aux frais d'administration des biens nationaux, ou bien de lui faire remettre les fonds. Pour y pourvoir, je ne pense pas qu'il convienne de faire acquitter ces dépenses par les fonds provenant de la vente des biens nationaux; il n'y a aucune difficulté contre la dernière proposition; cependant je ne peux l'admettre sans l'autorisation de l'Assemblée nationale, et je la prie de vouloir bien prendre cette demande en considération le plus promptement possible.

(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité d'instruction publique.)

M. le Président. Voici le résultat du scrutin pour la nomination des membres du comité de surveillance. Ceux qui ont réuni la majorité des suffrages sont :

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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du samedi 26 novembre 1791, au matin. PRÉSIDENCE DE M. VIENOT-VAUBLANC.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Torné, secrétaire, donne lecture du procèsverbal de la séance du jeudi 24 novembre, au soir. M. Lacretelle, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 25 novembre.

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des administrateurs du département du Morbihan qui demande la suspension de l'exécution d'un décret de l'Assemblée constituante, ordonnée par le ministre de la guerre, concernant le licenciement d'un régiment de marine qui se trouve à Vannes; l'adresse est ainsiconçue :

« Monsieur le Président, chargés de maintenir la paix et la tranquillité dans notre département, nous croyons devoir vous faire part d'un ordre du ministre de la guerre au sujet d'un décret de l'Assemblée nationale constituante dont l'exécution peut entrainer les suites les plus fâcheuses. Les troubles qui ont précédemment eu lieu dans les îles de la Martinique et de la Guadeloupe ont décidé M. de Béague, qui en était gouverneur, à renvoyer les troupes qui y étaient attachées, et qui sont repassées en France au mois de septembre dernier. Sur les plaintes portées contre ces militaires, l'Assemblée constituante a rendu le décret qui les a condamnés sans les entendre, et ordonné leur licenciement. Cette loi n'est pas parvenue officiellement à l'Administration. Nous pensons que le licenciement serait dangereux dans les circonstances présentes.

« Quelque convaincus que nous soyons du civisme de ces militaires d'après leur conduite, dont nous sommes journellement les témoins, nous craignons que la misère où ils seraient réduits, l'espèce de déshonneur auquel ils seraient exposés, ne les portassent à se jeter dans le premier parti qui se présenterait, sans consulter peut-être les principes dont il est animé.

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Notre département est livré aux plus terribles agitations excitées par des esprits fanatiques. Si jusqu'à présent, les troubles qui existent n'ont pas occasionné des événements fâcheux, c'est parce que nous avions des forces capables d'y résister. Dans ce moment, le département se trouve absolument dégarni de troupes de ligne; à Vannes, chef-lieu du département, il y a tout au plus 100 hommes du 90° régiment; nous connaissons leur zèle et leur amour pour la chose publique, mais ils ne sont pas assez nombreux pour résister aux efforts des ennemis de la patrie qui sont plus communs dans ce pays que partout ailleurs; les troupes des colonies serviront à différents usages; elles sont distribuées dans différentes villes où leur présence maintient le bon ordre et la tranquillité; ces villes justement alarmées de l'ordre du licenciement nous ont adressé leurs réclamations; lorsqu'elles en seront privées, elles seront dans l'impossibilité absolue de faire exécuter les lois.

Renvoyer cette troupe des colonies, c'est diminuer les forces qui nous sont si nécessaires. L'intérêt de notre département, l'estime que nous avons pour les soldats des colonies, les services qu'ils rendent chaque jour à la patrie, les dangers que produira leur licenciement nous ont décidé à solliciter l'Assemblée nationale de retirer le décret de licenciement, et la prier d'ordonner ou

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