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que cette troupe soit formée en régiments parti-
culiers, ou qu'on l'incorpore dans d'autres régi-
ments; par là l'Assemblée nationale rendra justice
à son patriotisme, et délivrera les bons citoyens
et les administrateurs du département des in-
quiétudes que l'ordre de ce licenciement a fait
naître. »
(Suivent les signatures.)

M. Audrein. Le licenciement de ce régiment va laisser le département sans défense et sans moyens de réprimer les troubles qui ont éclaté plusieurs fois. Je demande la suspension provisoire du licenciement et le renvoi de la lettre du département du Morbihan au comité militaire pour qu'il examine le fond de la question.

M. Mouysset. L'Assemblée ne connaît pas les motifs qui ont déterminé l'Assemblée constituante à ordonner le licenciement dont on se plaint. Il faut bien se garder d'en ordonner la suspension, sans avoir consulté le ministre. Je propose de renvoyer la lettre au Pouvoir exécutif et de mander le ministre de la guerre pour expliquer, dans la séance même, le décret et l'ordre relatif au licenciement.

Un membre: Avant de prendre une décision, il est prudent de consulter la loi qui a ordonné le licenciement.

(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire pour en faire son rapport lundi.)

Une pétition de plusieurs citoyens et soldats d'artillerie de Besançon est renvoyée au comité militaire.

M. Inizan obtient la parole et, dans les termes suivants, propose à l'Assemblée de traduire en idiome breton l'Acte de la Constitution, le Code rural et les principales lois qui s'appliquent au régime des compagnes de sa province.

M. Inizan. Messieurs, si je vous faisais le tableau des événements qui ont plus d'une fois désolé nos habitants, je ne ferais que vous retracer des maux et des événements qui ont plus d'une fois fixé l'attention de l'Assemblée constituante et arrêté ses opérations. Si vous connaissiez, Messieurs, aussi particulièrement que moi la source de ces calamités, comme moi vous seriez empressés d'y mettre des bornes, et de prévenir les erreurs du peuple, que l'on ne peut qu'attribuer au peu de connaissance des lois, et à l'ignorance où sont les citoyens de la langue française dans plusieurs contrées de l'Empire, surtout de nos campagnes.

Pour prévenir de nouveaux abus et mettre fin peut-être à de nouveaux maux aussi dangereux que ceux dont on nous fait journellement le récit, il est instant que les habitants des campagnes connaissent les fois constitutives de l'Etat, la majeure partie de la ci-devant province de Bretagne les ignore et est, par conséquent, hors d'état de les suivre, encore moins de les faire connaitre à leurs enfants. Je me propose donc, Messieurs, de traduire en breton pour l'utilité de mes concitoyens des campagnes, l'acte de la Constitution, décrété par l'Assemblée constituante, et acceptée par le roi. (Applaudissements.)

Cette tâche que je m'impose sera pour moi bien agréable si je puis compter sur vos suffrages. Je soumettrai mon travail à l'inspection de mes collègues bretons, avant de le livrer à l'impression; j'ose croire d'avance que vous ne dédaignerez pas de le faire imprimer aux frais de la nation, et de récompenser ceux qui me seconderont dans mon travail. Pour moi, je ne demande qu'à être utile à mes commettants et à tous les Fran

|çais. Si l'Assemblée juge utile ma proposition quand elle aura éprouvé la traduction que je lui propose; je m'offre de traduire pareillement le code rural et les principales lois qui s'appliquent au régime des campagnes. Vous n'ignorez pas que mettre les hommes en état de connaître est un des plus grands bienfaits pour la postérité la plus reculée; car la vraie connaissance des lois garantit de tout trouble involontaire. (Applaudissements.)

Un membre: Je demande que cette impression soit faite aux frais des départements bretons; ceux de la ci-devant province d'Alsace ont fait traduire la Constitution en allemand, et ils n'ont rien demandé pour cela.

M. Cambon. Il y a une loi de l'Assemblée constituante qu'ordonne au ministre de la justice de faire traduire la Constitution dans tous les idiomes connus en France. Je demande qu'il soit tenu d'exécuter ce décret.

Un membre: Je puis vous assurer que le ministre donne pleine exécution à ce décret de l'Assemblée constituante, car un des traducteurs de la Constitution en idiome de la province de Languedoc, m'a déjà prié de lui fournir les notes qui peuvent établir la différence qu'il y a entre l'idiome du Languedoc et celui du département du Lot-et-Garonne. Par conséquent, son travail est en pleine activité.

M. Malassis. Il parait, Messieurs, qu'il y a quelque difficulté pour l'impression en langue bretonne. J'ai l'honneur de m'offrir pour imprimer la Constitution à mes frais. (Applaudissements).

Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !

(L'Asssemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal des offres de MM. Inizan et Malassis, et, sur le surplus, passe à l'ordre du jour.)

M. Deperet, au nom du comité des secours publics. J'ai eu l'honneur de vous faire, au nom du comité des secours publics, un rapport concernant les secours à accorder aux Acadiens et aux Canadiens (1). D'après ce rapport, vous avez décrété que le ministre de l'intérieur vous rendrait compte des motifs qui ont retardé le payement des pensions accordées à ces familles et M. Delessart est venu lundi dernier vous dire que ces pensionnaires n'avaient jamais réclamé; il n'est question, vous a-t-il dit, Messieurs, que de ceux qui n'ont qu'une solde de six sols par jour; il a même ajouté qu'il remettrait un mémoire sur les causes du retard de leur payement. Vous avez rendu sur ce peu de mots un décret de renvoi, et cependant il n'est point encore parvenu au comité, ni pièces, ni mémoire. Votre comité, Messieurs, vous demande que vous veuilliez bien décréter que le ministre de l'intérieur remettra au comité les pièces pour pouvoir statuer sur le sort de ces malheureux Acadiens.

ly

M. Gossuin. Il y en a 61 dans ma ville; il est dû plus de 90,000 livres à ces malheureux, et nous sommes obligés de les secourir. Les fonds sont faits depuis longtemps et l'on ne conçoit pas les raisons de l'insouciance dans laquelle le gouvernement est sur leur sort.

Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!

(1) Voy. ci-dessus, séance du 17 novembre 1791, page 106 et séance du 21 novembre 1791, page 106.

(L'Assemblée, consultée, adopte la motion de M. Deperet).

En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapporteur du comité des secours publics, sur l'exécution du décret du 21 février dernier concernant les secours à donner aux Acadiens et aux Canadiens, décrète que le ministre de l'intérieur fera parvenir dans le plus court délai au comité des secours publics, les pièces et le mémoire relatifs à la suspension de l'exécution de la loi du 21 février dernier sur les secours accordés aux Acadiens et Canadiens. >

M. Daverhoult. Hier, quand on a lu la liste des membres nommés pour former le comité de surveillance, M. Lacretelle a donné sa démission. Comme premier suppléant, je devais le remplacer; mais je prie l'Assemblée de recevoir aussi ma démission. Je ne me sens pas des talents propres pour remplir cette commission.

M. Maribon-Montaut, second suppléant, est, par suite de la démission de M. Daverhoult, membre de ce comité. (Voir ci-dessus, page 370.)

M. Bigot de Préameneu, au nom du comité de législation. Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous faire, il y a quelques jours (1), le rapport sur l'établissement d'un tribunal destiné à l'instruction des crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon. Vous en avez ordonné l'impression et l'ajournement. Je vais, Messieurs, vous en faire une seconde lecture. (L'orateur fait une seconde lecture du projet de décret.)

Un membre: Lorsque vous avez chargé votre comité de législation de vous présenter un projet de décret concernant la formation d'un tribunal chargé de punir les crimes commis depuis une certaine époque, dans la ville d'Avignon, vous avez pensé sans doute que la justice et le bon ordre exigeaient la punition de ces crimes.

Cependant, Messieurs, il faut que votre comité de législation ne l'ait pas vu de même; car le projet qu'il vous présente n'est exactement qu'un brevet d'impunité qu'il vous propose d'accorder à tous les assassins qui vous ont été dénoncés. En effet, Messieurs, tous ceux qui connaissent un peu l'administration de la justice criminelle, vous diront que les seuls moyens de constater un crime c'est d'en saisir les premières traces, de les suivre avec exactitude, et surtout de corriger jusqu'aux moindres indices qu'ils présentent; ils vous diront aussi que, si vous voulez convaincre les coupables, if est indispensable d'ouïr les témoins dans les moments qui suivent les crimes, parce que dans ce moment la corrup tion n'ayant pas eu le temps d'étouffer la voix de la vérité, les fausses interprétations, les mensonges, les intrigues n'ayant pas égaré les esprits, chacun dit franchement ce que sa conscience lui dicte; au lieu que si vous ne venez à la recherche des crimes qu'après que le temps en aura fait disparaître les traces, vous ne constaterez que difficilement les causes des délits; si vous n'entendez les témoins qu'après que l'horreur que leur avait inspirée le crime sera effacée, ils ne vous raconteront plus que ce que leur dicteront leurs inclinations particulières, leur affections ou leurs intérêts; ils vous répéteront ce qu'ils auront ouï dire, et non ce qu'ils auront vu, surtout lorsque le crime que l'on se propose de punir, est celui d'un parti'contre un

(1) Voir ci-dessus séance du 21 novembre 1791, page

263.

autre; car alors tous les moyens sont, indistinctement et sans ménagement, employés pour séduire ou pour égarer les témoins.

Rapprochez, maintenant, ces vérités des dispositions contenues dans le projet de décret qu'on vous propose et voyez si je n'ai pas eu raison de dire que le projet était un véritable brevet d'impunité. Votre comité vous propose d'anéantir tous les actes d'instruction dressés par les citoyens élus par les sections de la ville d'Avignon, pour former un tribunal, composé de juges fort éloignés les uns des autres et de l'endroit qu'ils doivent surveiller; de les faire installer avant qu'ils ouvrent leurs séances; en un mot de renvoyer à une époque très éloignée l'instruction de la procédure qui leur est attribuée, de les priver même des renseignements que pourraient leur fournir les actes dressés par les citoyens élus par les sections. N'est-ce donc pas les mettre dans l'impossibilité de découvrir ni les crimes ni les coupables?

Mais, nous dit-on, les juges choisis par les sections de la ville d'Avignon sont absolument sans caractère parce que ce n'est pas le peuple, mais les élus du peuple qui doivent les nommer. Ici, Messieurs, votre comité de législation et moi ne sommes pas d'accord sur les principes. Je conviens avec lui que les juges doivent être nommés par les électeurs des districts; mais lorsque les électeurs n'ont pas encore été nommés eux-mêmes et que néanmoins il est indispensable de nommer des juges, je soutiens que c'est au peuple et non à l'Assemblée nationale à nommer ces derniers. En effet, lorsque les pouvoirs sont arrêtés par quelques obstacles, il est de la justice et surtout de la bonne politique de les faire remonter vers leur source, au lieu de les éloigner. Or, la source du pouvoir d'élire est dans le peuple; faites donc remonter à lui ce pouvoir-là, dès qu'il sera suspendu par quelque circonstance.

Ce n'est pas le peuple, nous dit-on, qui doit nommer immédiatement ses juges, mais l'Assemblée nationale; et, dans l'alternative de les nommer vous-mêmes ou de les faire nommer par les sections du peuple, ne vaudrait-il pas inieux que les sections les nommassent? L'acte constitutionnel défend au Corps législatif de faire aucune attribution, de nommer aucune commission extraordinaire, ou d'exercer la justice. Or, ne regardera-t-on pas comme une commission extraordinaire l'élection du tribunal qu'on vous propose de former? ne l'a-t-on pas déjà qualifié de même dans une lettre écrite par le sieur Rovère?

La nomination, au contraire, faite par le peuple, ne peut être regardée comme une commission ou une attribution, puisque c'est le peuple qui se donne à lui-même les juges qu'il croit convenir; mais dans une ville divisée par deux partis, n'est-il pas à craindre qu'ils soient pris dans l'un plutôt que dans l'autre, et n'est-il pas prudent de les prendre au dehors? Ces raisonnements, Messieurs, s'ils étaient adoptés, vous conduiraient à une conséquence bien funeste; car, ce qu'on dit des juges, on pourrait le dire des témoins; on pourrait objecter que les personnes entendues en témoignage seraient d'un parti plutôt que de l'autre; et la conclusion serait que jamais la justice ne pourrait réprimer les désordres, lorsqu'il existerait deux partis dans un endroit.

Pour moi, je juge bien différemment que le comité des élections populaires. Je crois que les

sections du peuple étaient composées de citoyens des deux partis et de ceux encore qui blåmaient l'un et l'autre. Le résultat de leurs opérations doit toujours être bon et ne tomber que sur des honnêtes gens; comme aussi je pense que les témoins qui, sentant bien l'importance de leurs dépositions, sacrifient plutôt l'esprit de parti à la justice que la justice à l'esprit de parti. Je veux avoir cette bonne idée de mes semblables.

Je viens de vous exposer quelques-uns des inconvénients que présente le projet du comité. Eh! combien d'autres ne présentent-ils pas encore, lorsqu'on veut l'examiner de près! Il allume d'abord une rivalité peut-être dangereuse entre le tribunal établi à Beaucaire, et cette seconde haute cour nationale qu'on vous propose d'établir dans le même endroit, il vous expose à des dépenses considérables soit à raison du nouveau tribunal, soit parce qu'il faudra que les témoins se transportent à Beaucaire pour rendre témoignage.

Il est inconséquent surtout que le décret porte que le ministre de la justice rendra compte à l'Assemblée nationale de l'état de la procédure aussitôt que les informations seront faites. En effet, n'est-ce donc que pour faire évader les coupables que vous voulez instruire leur procès ? Vous me répondez tous que ce n'est pas là l'intention qui vous dirige; et cependant, Messieurs, il est évident que si ces informations sont rendues publiques immédiatement après qu'elles seront finies, et avant qu'elles soient décrétées, les prévenus et les coupables ne manqueront pas de se soustraire à la loi. Je le répète donc, c'est un brevet d'impunité que le décret que le comité de législation vous présente.

Je conclus donc, Messieurs, à ce que le projet de décret soit rejeté par la question préalable et à ce que vous adoptiez le suivant :

« L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 10 octobre dernier a supprimé tous les corps civils, judiciaires et administratifs, formés dans la ville d'Avignon depuis le mois de septembre 1789, et que le tribunal qu'on doit y établir conformément au décret, ne peut l'être aussi promptement qu'exige la poursuite des crimes qui ont été commis, décrète qu'il y a urgence.

"L'Assemblée nationale, voulant pourvoir à ce que les procédures relatives aux crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon depuis le 23 soient commencées et poursuivies sans aucun délai, décrète ce qui suit:

« L'Assemblée nationale autorise les juges élus par les sections de la ville d'Avignon, à nommer un accusateur public et un greffier, conformément aux lois rendues en cette matière; 2o elle les autorise aussi à instruire les juges et les procédures sur les crimes qui ont été commis dans la ville et le territoire d'Avignon, depuis le 23 septembre dernier; sauf l'appel à l'un des sept tribunaux les plus voisins, conformément aux mêmes lois; 3° le ministre de la justice rendra compte de l'état de la procédure aussitôt que les informations seront faites, et ce sans préjudice de l'exécution des décret à intervenir. »

M. Saladin. Sans doute, comme vous l'a très bien observé le préopinant, l'article du projet du comité qui casse la procédure, est un brevet d'impunité pour les coupables; je conviens que les juges qui ont été nommés par les sections n'étaient point légalement élus; mais ces juges

étaient les seuls qui pussent, dans les moments de crise, faire les premiers actes de la procédure. Ils les ont faits régulièrement; vous devez les consacrer, parce que ce sont les seuls qui constatent le crime. Ces juges ont procédé à la confrontation des témoins avec les accusés, et cette confrontation achève de donner à la procédure toute la force qu'elle doit avoir aux yeux de la loi. Je demande donc que vous consacriez des actes qui constatent les crimes dont le récit vous a fait verser des larmes, et qu'il soit décrété que ces premiers actes resteront au procès comme mémoires; que néanmoins les témoins qui ont été entendus, pourront l'être de nouveau, s'il y a lieu, et sauf les distinctions de droit.

Un membre: Je demande la priorité pour le projet du comité.

:

Un membre: Je regarde comme très important que l'Assemblée veuille bien entendre les observations qui lui seront présentées, avant d'accorder la priorité. Je ne suis point d'accord avec M. Saladin; je suis loin de penser que l'on puisse composer avec la loi il est clair, d'après l'expression de l'Acte constitutionnel, que le roi n'a pas le droit de nommer une commission, ni de créer un mode nouveau d'organisation judiciaire; or, si le roi n'a pas ce droit, il est certain que ses agents ne peuvent l'avoir. Il en résulte que les nominations faites dans les sections sont nulles, que les actes faits par les juges élus sont des actes nuls or, est-il possible que ce qui a été frappé de nullité au moment de sa naissance, puisse acquérir jamais un caractère légal? Quant à l'amendement de M. Saladin, je crois que vous pouvez accorder au tribunal le droit d'entendre de nouveau les témoins dont les dépositions pourraient être nécessaires. Je conclus à ce que cet amendemeut soit adopté.

M. Espariat. De grands crimes ont été commis à Avignon et dans le comtat Venaissin; il s'agit de convaincre les coupables: il importe, avant de les juger, de connaître la source, la cause, et même le prétexte des délits. Un article de la loi constitutionnelle porte que les citoyens ne peuvent être distraits des juges que la loi leur assigne par aucune commission, etc. Le comité vous propose un projet qui fait recourir à des juges extraordinaires, et qui prive les accusés du bénéfice de la loi constitutionnelle. Le motif sur lequel il s'appuie, est que les tribunaux ne sont pas encore établis, et ne peuvent l'être encore à Avignon et dans le comtat; mais dès le moment que cet obstacle momentané vient à cesser, le citoyen accusé ne peut plus être privé du droit d'être jugé par ses juges naturels.

Le tribunal que vous propose le comité est donc une véritable commission : vous n'avez nul motif d'autoriser cette commission à juger les procédures, puisque les droits consacrés par la Constitution en faveur de tous les citoyens, se réunissent aux règles de la prudence, pour ne pas hâter un jugement qui soustrairait les accusés à leurs juges naturels. Le même vice règne dans la manière dont le comité détermine les tribunaux d'appels. De quel droit veut-on priver ces accusés? du droit de porter leur appel par devant l'un des sept tribunaux dont la liste sera formée, suivant la loi sur l'ordre judiciaire ? Une autre observation, c'est qu'en établissant à Beaucaire le tribunal provisoire, le comité n'a pas calculé les frais immenses qu'occasionnerait le déplacement des juges et de 5 ou 600 témoins. Je propose le décret suivant :

« Art. 1r. Il sera établi à Avignon un tribunal provisoire composé de 5 juges, un accusateur public, un commissaire du roi, et un greffier pour instruire les procédures sur les crimes qui ont pu être commis dans la ville et le territoire d'Avignon, et dans les villes, bourgs, villages et territoire du ci-devant comtat Venaissin, de puis le 23 septembre dernier.

« Art. 2. Pour former ce tribunal, les tribunaux des districts de Nîmes, Beaucaire, SaintRémis, Orange, Montélimar et Salon choisiront chacun un juge pris dans leur sein, qu'ils nommeront au scrutin, lesquels se rendront à Avignon. Ces 6 juges choisíront entre eux celui qui fera fonction d'accusateur public.

« Art. 3. Le roi sera invité à nommer un commissaire pour servir auprès de ce tribunal.

« Art. 4. Les 5 juges nommeront entre eux celui qui fera fonction de président, et ils choisiront leurs greffiers.

« Art. 5. Ce tribunal entrera en fonction au plus tard le 10 décembre prochain, et il sera installé par le conseil général de la commune d'Avignon.

Art. 6. Les actes d'instruction, dressés par les citoyens qui auraient été élus comme juges dans les sections de la ville d'Avignon, ne feront point partie de la procédure; mais les témoins pourront être entendus de nouveau.

«Art. 7. Aussitôt que les informations seront prises, elles seront adressées au ministre de la justice, qui en rendra compte à l'Assemblée, pour être par elle ordonné sur le rapport qui lui en sera fait. »>

M. Bigot de Préameneu, rapporteur. Il n'y a eu diversité d'opinions que sur les trois questions suivantes :

1° Peut-on valider les nominations des juges faites par les citoyens d'Avignon dans les sections de cette ville?

2o Les procédures commencées par ces citoyens peuvent-elles être maintenues.?

3o Le tribunal doit-il être établi à Beaucaire ? Sur la première question, il est certain que l'Assemblée nationale peut établir des formes différentes de celles qui l'ont été par les lois antérieures; il est encore vrai que la Constitution, qui attribue au peuple la nomination des juges, ne porte point que la délégation en sera nécessairement faite aux corps électoraux; mais on a omis l'observation décisive. Les nouvelles formes que l'Assemblée a le droit d'établir ne peuvent avoir leur effet que pour l'avenir. Cet effet ne peut être rétroactif. Les accusés seraient fondés à soutenir que les citoyens, dont la nomination n'a pas été conforme aux lois alors existantes, étaient sans caractère et qu'ils n'ont pu remplir aucune fonction de juges. Ce droit acquis aux accusés ne peut leur être enlevé par une loi postérieure; si cette difficulté n'était pas prévenue en créant un tribunal, les accusés auraient un moyen qui pourrait leur procurer l'impunité.

Je passe à la seconde question; elle dépend de la première; si vous ne pouvez pas maintenir la nomination des citoyens irrégulièrement élus comme juges, à plus forte raison l'instruction qu'ils ont faite doit-elle être déclarée nulle. La légalité de cette procedure dépend d'un caractère qu'ils n'ont point. L'accusateur public s'en servirà pour diriger ses poursuites.

Reste la troisième question : quel sera le lieu

de l'établissement du tribunal? Les raisons qui ont été opposées au comité sont précisément celles qui l'ont déterminé. Comme la ville d'Avignon n'est point encore unie à un département, et qu'il y existe différents partis, votre comité a cru devoir établir le tribunal hors de ses murs. Il faut toujours avoir sous les yeux le sort des accusés. La loi doit veiller à ce qu'ils n'aient aucun doute sur l'impartialité de leurs juges. J'ajoute encore que Beaucaire n'est qu'à quatre lieues d'Avignon; ainsi, je ne vois pas de difficulté à accorder la priorité au projet du comité.

Plusieurs membres: La priorité pour le projet du comité!

(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité au projet du comité.)

M. Bigot de Préameneu, rapporteur. Voici le décret d'urgence:

« L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 2 octobre dernier a supprimé tous les corps civils, judiciaires et administratifs formés dans la ville d'Avignon depuis le mois de septembre 1789, et que le tribunal que l'on doit y établir conformément aux décrets, ne peut l'être aussi promptement que l'exige la poursuite des crimes qui y ont été commis, décrète qu'il y a urgence. Après quelques observations et amendements l'Assemblée prononce le décret d'urgence dans les termes suivants :

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L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 2 octobre dernier a supprimé tous les corps administratifs et judiciaires formés dans la ville et le territoire d'Avignon, et dans le comtat Venaissin, depuis le mois de septembre 1789, et que le tribunal que l'on doit y établir conformément aux décrets, ne peut l'être aussi promptement que l'exige la poursuite des crimes qui y ont été commis, décrète qu'il y a urgence. »

M. Bigot de Préameneu, rapporteur, donne lecture du préambule et de l'article 1er du projet de décret qui sont ainsi conçus :

« L'Assemblée nationale, voulant pourvoir à ce que les procédures sur les crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon, depuis le 23 septembre dernier, soient commencées et poursuivies sans aucun délai, décrète ce qui suit :

« Art. 1er.

« Il sera établi à Beaucaire un tribunal composé de 5 juges, un accusateur public, un commissaire du roi et un greffier pour instruire et juger les procédures sur les crimes qui ont pu être commis dans la ville et le territoire d'Avignon depuis le 23 septembre dernier. »

M. Latané. J'observe que ce tribunal étant établi pour connaitre et juger les crimes commis dans Avignon, il convient qu'il soit fixé dans le lieu principal où les délits ont été commis. Là seulement on trouvera tous les renseignements nécessaires; partout ailleurs, outre qu'on ne se procurera que difficilement les preuves, le déplacement des témoins et le transport des accusés causeront des frais considérables et retarderont le cours de la justice. Par ces considérations je fais la motion de décréter que le tribunal sera fixé à Avignon et non à Beaucaire.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé !

M. Bigot de Préameneu, rapporteur. Je repousse l'amendement. Le comité a pensé que le tribunal étant destiné à connaître des troubles de la ville et du comtat, il fallait qu'il fût fixé dans une ville qui soit également à portée des

divers lieux. Beaucaire a paru réunir cet avantage, et c'est cette considération qui a déterminé le comité.

Plusieurs membres: La question préalable sur l'amendement !

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement et l'adopte.)

Un membre: Je demande que, quand il s'agira d'informer des désordres concernant la ville de Carpentras, attendu l'inimitié qui règne entre les citoyens de cette ville et ceux d'Avignon, le tribunal se transporte à Carpentras pour infor

mer.

Plusieurs membres: La question préalable!

M. Mulot. Messieurs, je viens d'apprendre que vous avez prononcé que le tribunal serait établi à Avignon. Le préopinant vons a fait remarquer qu'il y a entre Avignon et Carpentras une grande jalousie, et cela est vrai; mais il est constant que l'objet pour lequel le tribunal va être établi ne regarde aucunement Carpentras. Dans la loi du 14 septembre, il y a une amnistie prononcée pour tout ce qui regarde les effets de la révolution d'Avignon, jusqu'au moment de l'amnistie. Les faits particuliers se sont passés dans l'intérieur de la ville d'Avignon, et on n'aura point de renseignements à prendre pour ces faits à Carpentras. Ainsi je crois que la demande du préopinant ne peut pas empêcher ce que l'Assemblée a prononcé.

Plusieurs membres: La question préalable! (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)

Un membre: Je demande, par amendement, qu'il soit dit : « pour instruire seulement la procédure, et non pas pour juger.

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Plusieurs membres : La question préalable! (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)

L'Assemblée adopte ensuite l'article 1er.

Suit la teneur du préambule et de l'article 1er, tels qu'ils ont été adoptés lors de la lecture du procès-verbal :

« L'Assemblée nationale voulant pourvoir à ce que les procédures sur les crimes commis dans la ville et le territoire d'Avignon et dans le comtat Venaissin, depuis le 23 septembre dernier, soient commencées et poursuivies sans aucun délai, après avoir décrété qu'il y a urgence, décrète ce qui suit :

Art. 1er.

« Il sera établi dans la ville d'Avignon un tribunal composé de 5 juges, un accusateur public, un commissaire du roi et un greffier pour instruire et juger les procédures sur les crimes qui ont pu être commis dans la ville et le territoire d'Avignon et dans le comtat Venaissin depuis le 23 septembre dernier. »

M. Bigot de Préameneu, rapporteur. Voici l'article 2:

« Pour former ce tribunal, les tribunaux des districts de Montpellier, Sommières, Saint-Hippolyte, Montélimar, Valence et Romans, enverront chacun un juge, lesquels se rendront à Avignon. Ces 6 juges choisíront entre eux celui qui fera fonctions d'accusateur public.

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« Ce tribunal entrera en fonctions au plus tard le 10 décembre prochain, et il sera installé par le conseil général de la commune d'Avignon.

M. Bigot de Préameneu, rapporteur, donne lecture de l'article 6, qui est ainsi conçu :

« Les actes d'instruction dressés par les citoyens qui auraient été élus comme juges dans les sections de la ville d'Avignon, ne feront point partie de la procédure. »

M. Saladin. Je propose un amendement à cet article; c'est d'y ajouter à la fin ces mots :

«Lesdits actes seront joints à la procédure comme mémoires et, néanmoins, les témoins qui ont été entendus pourront l'être de nouveau, s'il y a lieu, et sauf les récusations de droit. »

Un membre: Je demande la question préalable sur l'article et sur l'amendement. L'amendement est directement contraire à l'ordonnance de 1670; et je vous observe que, si vous prononcez sur cet article et sur l'amendement, vous vous mêlez des fonctions judiciaires, ce qui ne vous est pas permis. Il faut laisser aux juges que vous venez d'établir le soin de prononcer sur cette procédure, parce que l'ordonnance les y autorise. Elle porte que, lorsqu'il s'agira de juger la procédure, on commencera par examiner les différents actes qui la composent.

M. Lagrévol. Je demande que tous les procès-verbaux qui ont été faits servent par forme d'instruction.

M. Bigot de Préamenen, rapporteur. Il suffit que la nouvelle audition des témoins éprouve la moindre difficulté, pour que je consente à adopter l'amendement de M. Saladin.

(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Saladin sauf rédaction, puis décrète l'article 6.) Suit la teneur de T'article 6, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :

Art. 6.

« Les actes d'instruction dressés par les citoyens qui auraient été élus comme juges dans les sections de la ville d'Avignon, ne feront point partie de la procédure; ils seront joints au procès comme mémoires; les témoins qui ont été

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